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Chez Clarabel
10 novembre 2007

Badenheim 1939 - Aharon Appelfeld

badenheim_1939C'est le printemps et la saison des vacances redonne un nouvel élan dans la petite ville de Badenheim, une station thermale fréquentée par la bourgeoisie juive, et qui accueille comme chaque année un festival de musique orchestré par le docteur Papenheim.
On s'y presse, on s'y gave de pâtisseries, on y barbote dans la piscine, on flâne le soir en écoutant le bruissement des arbres de la forêt, on y danse et on y chante.
Et puis arrivent deux inspecteurs du service sanitaire, pour un recensement, puis pour une convocation à un futur voyage en Pologne (pour rassembler les Juifs de l'Est, dit-on). Les saisonniers appliquent les consignes à la lettre et attendent à l'hôtel, en toute confiance.
Mais nous sommes en 1939. Les moyens de communication sont coupés, et Badenheim vit dans une bulle hors du temps. Ce sursis implacable est vécu dans l'inconscience, raconté par Aharon Appelfeld de manière assez singulière.
Si le roman est d'abord lu comme s'il s'agissait d'une farce, une comédie assez cinglante et dérisoire, cela tourne vite au cauchemar. Mais le prodige de ce livre est d'étouffer le pire et l'horreur à venir dans un semblant de jolie parenthèse estivale. Une chronique légère et sans fard d'une déportation annoncée...
Cela se lit très vite, et même la chute révèle l'ineptie de toute cette mascarade, qui fait froid dans le dos !

Editions de l'Olivier - 165 pages - Traduit de l'hébreu par Arlette Pierrot.  17,50 €

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3 septembre 2007

On s'y fera - Zoyâ Pirzâd

On_s_y_feraL'histoire se passe en Iran. Nous suivons Arezou Sarem, 41 ans, divorcée et mère d'une fille de 19 ans, Ayeh. Elle est responsable d'une agence immobilière, qu'elle dirige avec son amie Shirine, laquelle va jouer l'entremetteuse en lui faisant rencontrer un client, lors d'une banale visite d'une maison. Zardjou est un homme sûr de lui, qui va réussir à décrocher une signature et un rendez-vous, au grand dam d'Arezou. Elle ne se sent pas prête pour vivre une histoire sentimentale, elle n'a pas follement envie de se changer les idées. Elle a déjà fort à faire entre sa fille, têtue et soupe au lait, et sa mère, qu'on surnomme la Princesse, bref elle se sent prise en sandwich par ces deux ogresses. Où pourrait-elle trouver de la place pour un homme ?

"On s'y fera" est un roman entier, au nom des femmes. On y découvre des destins croisés, des désirs d'émancipation et ce, malgré les liens de la famille qui étranglent et vous lient pieds et poings. La pression est tapie dans l'ombre, on admet une femme indépendante, qui travaille, divorcée, élevant seule sa fille, et finalement c'est au coeur du foyer qu'on ne pardonne pas cet anti-conformisme. On comprend alors combien il sera difficile pour Arezou de faire accepter l'intrusion de Zardjou dans ce schéma complexe.
A elle, donc, d'invoquer le génie de la lampe pour s'offrir une chance de prendre son avenir à bras le corps, et de réussir à braver celles qui font de sa vie une prison dorée. Car après tout, les rencontres aidant, Arezou s'aperçoit qu'elle n'est pas si mal lotie et que d'autres femmes sont dix fois plus infortunées qu'elle.
Le roman est moins doux et poétique que son recueil de nouvelles, Comme tous les après-midi, toutefois cela reste une lecture grisante, tendre et désespérante. Un léger souffle de révolution fait battre le coeur des femmes iraniennes et ce n'est que plaisir à entendre !

Editions Zulma, 325 pages. Traduit du persan par Christophe Balaÿ -  En librairie le 23 Août 2007.

** Rentrée Littéraire 2007 **

Mon avis sur " Comme tous les après-midi " .

27 février 2007

Ornela Vorpsi

Ornela Vorpsi, née à Tirana, vit désormais à Paris. Elle a déjà publié Le Pays où l'on ne meurt jamais (Actes Sud, 2004) & Buvez du cacao Van Houten ! (Actes Sud, 2005). En 2007, elle publie simultanément Vert Venin et Tessons roses.

tessons_rosesLa narratrice est "morte par hasard. Je dis par hasard parce que j'étais encore jeune et je n'étais pas malade". Ce sont les premières phrases qui ouvrent ce livre, particulièrement étonnant, et qui vont nous entraîner vers des confidences d'une petite fille confrontée à des expériences intimes et étranges avec des hommes, plus vieux, tous les mêmes, ou des meilleures amies, qui s'amusent à jouer au docteur, et qui s'extasient sur des tessons roses découverts dans le jardin de sa tante...

Jeux interdits ou jeux dangereux, actes coquins, innocents ou marqués par la mort... Ornela Vorpsi nous raconte là des petites histoires troublantes, entrecoupées de photographies d'auteur (des fragments de visages et de corps, en noir et blanc, pour conduire vers une silhouette fluide et délicate). Ce livre est esthétiquement réussi, même s'il éveille chez le lecteur quelques interrogations. Personnellement j'ai trouvé les textes très bien écrits, qui s'attachent aussi à des détails de l'enfance sur "la couleur bleue" (l'encre de l'école) ou "le drap blanc" (pour enterrer la grand-mère).
Ce petit livre est un bon compromis pour faire la connaissance d'Ornela Vorpsi.

extrait : " A cette époque, j'étais très amoureuse des tessons roses. J'avais trouvé les bouts de verre dans le jardin de ma tante. Quelque chose avait dû se casser, un cendrier peut-être, je n'arrivais pas à identifier cet objet en verre rose. Je rassemblai les fragments. Ils me plaisaient beaucoup. Ils étaient précieux. Bianca se tenait à quelques pas, perdue dans sa vie. Je ne lui racontai pas que j'avais trouvé ces tessons si beaux et mystérieux parce que je les voulais tous pour moi. Qui sait, c'étaient peut-être des diamants. Je cachai les morceaux roses dans mon mouchoir et décidai d'en garder un tout petit dans ma main. Je l'observai en le faisant rouler entre les doigts et l'éclat, pour me rendre heureuse, prit les couleurs de l'arc-en-ciel. "

Textes écrits en italien. 45 pages.

Album Photo d'Ornela Vorpsi

vert_venin

La narratrice n'aime pas les voyages en avion et c'est vraiment en gage d'amitié si elle effectue ce trajet qui la mène à Sarajevo. Elle a été alertée par la soeur de son ami qui demeure reclus, qui ne vit plus, ne sort plus, ne met plus un pied à l'extérieur. Qui lui est-il arrivé ? qu'est-ce qui se trame dans sa tête ?...

Ce voyage est un point d'honneur. La narratrice semble faire un chemin en arrière dans ce pays voisin de son Albanie natale. Un jour, elle est partie en Italie avant de s'établir à Paris où elle vit. Forcément, les Balkans posent sur elle un regard de fascination, la sollicitent, lui trouvent un teint "vert" (Tiens, dit-il soudain en haussant le ton afin de paraître plus convaincant, tu as viré au vert. Attention !  - Au vert ? Quel vert ?  - Le vert de la migration, ma pauvre. Le vert de la dénutrition auquel on reconnaît ceux dont les racines sont à l'air. Fais attention, c'est ainsi que commence la maladie dont je te parle. ). Le vert rappelle le capitalisme, la richesse des pays occidentaux, la couleur du dollar... et le capitalisme brouille le teint. On devine le fossé creusé entre les gens restés au pays et ceux qui sont partis, ce sont eux aussi des étrangers désormais.

Mais ce rêve des migrants a un coût et ils ne sont pas rares ceux qui décident de rentrer au pays, comme ce chauffeur de taxi. "Ces Albanais et d'autres encore nourrissent un désir ardent. Ils veulent modifier l'image de leur pays, mais, comme l'histoire l'enseigne, c'est un projet difficile qui requiert parfois beaucoup de temps. "  Malgré le constat d'amertume, l'histoire inculque donc un amour de la mère patrie qui est truffé de paradoxes : les mirages de l'eldorado, le goût de l'ailleurs, le coeur des Balkans... La narratrice effectue une odyssée qui n'est pas sans réveiller des sentiments, des observations. Tout l'attache et pourtant elle sait qu'elle n'appartient plus à ce peuple. "Le sang, ce n'est pas de l'eau ! Impossible de jouer l'indifférente, impossible de tourner la tête sans écouter."

Dans ses précédents livres, Ornela Vorpsi nous intéressait davantage à sa jeunesse à Tirana, à ses proches et cette envie commune de traverser les frontières. Dans "Vert Venin" il est finalement question de cet après, de ce que ressentent les migrants, les frustrés, les rejetés et ceux qui y croient encore... Le portrait est sensible et mélancolique, écrit dans une langue poétique, mais avec beaucoup moins d'humour (cf. "Le pays où l'on ne meurt jamais").

Quelques extraits

Dans cette région, la tragédie est fille de la générosité. Parce qu'elle s'offre en overdose. Quand elle franchit les limites, la générosité se change en un monstre qu'il est difficile d'accueillir.

L'odeur des Balkans réveille le passé qui tourmente. De nostalgie, d'amour, de rancoeur, de désolation, d'impuissance, d'éloignement, de proximité.

"Désormais, je suis une parfaite étrangère. Quand on est à ce point étranger, on regarde les choses d'une autre façon que lorsqu'on est à l'intérieur. Etre condamné à regarder du dehord entraîne parfois une grande mélancolie. Un peu comme si vous alliez à un dîner de famille sans pouvoir y participer : une vitre glaciale d'un verre bien épais, à l'épreuve des balles, à l'épreuve des rencontres, vous sépare. Les membres de votre famille vous observent, vous reconnaissent, vous invitent à entrer et à les rejoindre, vous les voyez vous aussi et répondez par les mêmes gestes, mais le dîner se consomme ici, il se consomme comme ça. Bientôt, ils cessent de vous inviter, ils se lassent, le poulet rôti leur sourit, le poulet rôti tiré du four au bon moment est une véritable consolation. Leurs paroles sont inaudibles. Leur chaleur lointaine. Vous restez spectateur."

Actes Sud - 116 pages

  • A propos des 2 précédents livres de l'auteur :

Buvez du cacao Van Houten est un ensemble de 13 nouvelles qui méritent bien son titre car l'amertume coule à flots ! L'humour sauve la mise de cet univers où la tension est latente, les Albanais semblent être un peuple doué pour le fatalisme, l'accablement et les mystères de disparition, les envies d'ailleurs et d'exil... A noter : "Le prix vorpsi_ornela_2du thé" où la narratrice, convaincue de savourer un produit rare, d'une exceptionnelle qualité et comble du raffinement, a l'estomac noué par l'excitation. Au risque de constater, avec dépit, que son corps n'est finalement pas habitué aux choses merveilleuses !..

Le pays où l'on ne meurt jamais revient sur l'enfance et l'adolescence de la narratrice. Et il lui en arrive à cette petite, dont le regard, innocent et éclairé, met en scène des situations cocasses et risibles, au détriment de ses acteurs. Au total, 15 tableaux dessinent le paysage d'un pays et de ses habitants - les Albanais paraissent un peuple fier, amoureux et souvent contrit, également viril, adorateur de la sensualité et de la beauté. Les souvenirs sont souvent désenchantés, mais quel humour !  A noter que ce titre est paru en format poche, chez Babel.

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