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Chez Clarabel
25 août 2008

Corniche Kennedy - Maylis de Kerangal

C'est l'histoire d'une bande de jeunes, "les petits cons de la corniche". Ils ont entre treize et seize ans, ils viennent tous les jours braver l'interdit, se réunissent sur la Plate (une portion de territoire, un amalgame de grosses pierres concassées au bulldozer, un territoire ingrat et nu). C'est leur quartier général, ils viennent frimer et se lancer des défis, notamment des plongées vertigineuses auxquelles ils donnent des noms torrides, comme le Just Do It ou le Face-to-Face.

Eddy se pose en chef de bande, d'un accord tacite et muet. C'est lui qui déclare la sentence, lorsqu'une fille pas très jolie et effrontée se fait surprendre la main dans le sac, en train de voler un portable. Aussitôt, le couperet tombe : elle doit sauter, qu'importe son vertige, sa trouille, sa morgue. Arrogante avec ses lunettes noires, Suzanne n'est pas une fille comme les autres. Avec son physique hors du commun, son allure qui dénote qu'elle appartient à la haute, elle montre aussi qu'elle va leur apporter des soucis. Eddy s'en doute, voilà pourquoi il n'ose pas la regarder droit dans les yeux.

Et puis un déclic se passe, il ne comprend pas. Mario, son pote, le chambre et toute la bande fait chorus. Or, d'autres ennuis vont se présenter aux jeunes de la corniche Kennedy. Sylvestre Opéra, le chef de la Sécurité du littoral, a la bande dans sa ligne de mire. De son bureau, il scrute ces têtes brûlées avec sa paire de jumelles et attend son heure pour leur tomber dessus. Le Jockey, son supérieur, a décrété une tolérance zéro et un nettoyage de la Corniche.

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Avec son écriture nerveuse, Maylis de Kerangal ajoute un peps étonnant à cette chronique d'un été, où des jeunes expriment leur art de vivre avec une insolence propre à leur âge - et leurs situations personnelles. On se cherche, on se teste, on veut être accepté et on fait tout son possible pour s'affirmer. "Puisque frimer précisément, tchatcher, sauter, plonger, parader, c'est ce qu'ils font quand ils sont là, c'est ce qu'ils viennent faire." La Plate est une scène où ils s'exhibent, avec son rituel et sa hiérarchie. C'est un théâtre et il ne peut se séparer de la vie. 

Le face-à-face avec les forces de l'ordre donne du piment à l'histoire, on tressaute, on flaire l'embrouille et la fin tragique. Qui sait ? On n'en perd pas une miette. Dans ce livre, on trouve - en vrac - un paquet de drogues, des Russes, une fille paumée qui se prénomme Tania, un affrontement par presse interposée, un hymne à la liberté et un affront aux règles établies. Ce roman se lit d'une traite, il est vif et enlevé, écrit d'une plume sensuelle et qui aime tremper dans une encre acide. Pour conclure, c'est bluffant.

Corniche Kennedy

Verticales / Phase Deux, août 2008 - 177 pages - 15,50€

Maylis de Kerangal est l'auteur de deux romans aux éditions Verticales : Je marche sous un ciel de traîne (2000) et La vie voyageuse (2003) et d'un recueil de nouvelles, Ni fleurs ni couronnes (2006). Aux éditions Naïve, elle a conçu une fiction en hommage à Blondie et Kate Bush, Dans les rapides (2007) et participé avec d'autres membres de la revue Inculte au livre collectif Une chic fille (2008).

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24 août 2008

Laver les ombres - Jeanne Benameur

Au lecteur à venir, je lui souhaite la même sensation de gouffre qui s'ouvre sous les pieds et qui donne l'impression de vertige. C'est un roman qui parle de deux femmes. Il y a Lea, danseuse de trente-sept ans au corps rouillé, qui panique et ne comprend pas pourquoi toutes ses relations amoureuses se soldent par un échec. La dernière en date, celle avec Bruno, un peintre, est vouée à la même déconfiture. Lors d'une séance de pose, Lea s'est sentie oppressée et a pris la fuite au volant de sa voiture pour retrouver sa mère, Romilda. Par une nuit de tempête, seules dans cette maison pas loin de la falaise, les deux femmes vont beaucoup pleurer en mettant à jour des secrets enfouis depuis l'année 1940, dans une chambre, à Naples.

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Ce roman, au charme étrange, ne livre ses mystères qu'au compte-goutte. On suit de près l'héroïne, Lea, qui est une femme en perte d'équilibre, qui refuse de chavirer, d'accepter le faux-pas. Pro de la danse, elle livre son corps à une discipline de fer. La simple idée de se mettre à nu - dans tous les sens du terme - l'empêche d'avancer. Cette conversation qu'elle va avoir avec sa mère est ainsi un moyen d'expurger les démons qui rongent leurs âmes. C'est bénéfique pour l'une et l'autre, désespérant pour le lecteur extérieur à cette histoire. On se prend tout dans la figure, c'est violent, de cette rage impuissante et frustrante. L'émotion de la mère est palpable, elle touche et laisse bras ballants. Que faire de tout ceci, sinon rien ? Tout ranger, proprement, et refermer ce court récit, poignant.

C'est de l'amour dont il est question, aimer conjugué à tous les temps, dans plusieurs langues mais dans une symbolique qui dépasse l'entendement... "Apprendre la marche imparfaite de tous ceux qui ont dans le corps un poids qui se déplace et les entraîne. Sans qu'ils y puissent rien. Et danser avec ça. (...) Elle fait partie maintenant de ceux qui articulent leurs pas comme on parle après être resté trop longtemps silencieux. Avec peine. La seul grâce possible. Partageable."

Laver les ombres

Actes Sud, août 2008 - 160 pages - 15€

Le coup de coeur de Vanessa (Eliabar)

 

23 août 2008

Paridaiza - Luis de Miranda

Paridaiza est un monde virtuel créé par un génie de l'internet, Angelot Malaner. C'est notre société reproduite à l'identique, où se berce l'illusion du bonheur, de l'euphorie, de la béatitude, avec ses règles tenues par un Parlement, qui veille, notamment, à sévir contre les Hasardeux Intraterrestres, des révolutionnaires prêts à semer le trouble et empêcher le lancement du nouveau programme - le Jour de l'amour, au sein du Plaisirium.

Inquiet de voir son histoire d'amour naissante avec Clara foncer droit dans le mur, Nuno décide de se connecter à Paridaiza et crée son double, plus un avatar du nom d'Orante Magellan. Dans ce cyber-espace, il retrouve sa Clara et la redécouvre sous une autre identité, dans les bras d'un autre... son ancien ami d'enfance, Malaner.

Un peu malgré eux, Nuno et Clara vont être entraînés dans de drôles d'aventures, aux côtés des HI! qui mettent en oeuvre le kidnapping du double du Nobel, Ludmila Gagarina, et participent à la prolifération de homards bleus dans les eaux de la Seine. Manipulation des codes génétiques, introduction de virus informatiques, le tout sous couvert d'une menace : la Grande Nuit qui tombe et enveloppe votre univers, quitte à vous faire disparaître. Ce sont les éléments essentiels de cette histoire, où se déroulent - en filigrane - les fils d'une histoire d'amour qui se bat contre la morosité, le train-train et les doutes.

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Luis de Miranda est parti de cette idée : pour redynamiser le couple aux élans en berne, il propose d'avoir recours à un monde parallèle, qui offre de faire semblant, à condition d'en accepter les limites et de ne surtout pas les dépasser. Mais à ce petit jeu, on se brûle les ailes. La liberté et la magie perdent soudain droit de cité, et c'est difficile à accepter. C'est le credo des révolutionnaires, des briseurs de rêves.

Nous n'avons pas ici un énième roman de science-fiction vulgarisée, mais une fable onirique et poétique. L'histoire résumée peut laisser songeur mais pique franchement la curiosité, dès les premières pages. La tension n'est certes pas palpable mais se laisse gentiment conter. Parfois on perd pied et on y comprend goutte, mais on parvient au bout de cette lecture, assez séduit et décontenancé par ce qu'on vient de croiser.

Le site de Paridaiza : www.paridaiza.net 

Paridaiza

Editions Plon, 2008 - 198 pages - 18,90€

 

22 août 2008

Vacance au pays perdu - Philippe Ségur

Victime d'un malaise cardiaque, le narrateur - un graphiste hypocondriaque, végétarien et las de son job vendu au capitalisme - décide de faire un break et part en Albanie. Une semaine pour se ressourcer, en compagnie de son meilleur ami cricri,  notre homme a opté pour un ailleurs vierge des lois d'un système qui l'étrangle.

Foin de tourisme, de confort et du rang d'oignon ! Nos deux compagnons s'en vont au pays du raki et du byrek et ne sont pas au bout de leurs surprises. Agacés d'être entubés et de passer pour des touristes nigauds, cricri et notre narrateur s'enfoncent toujours plus loin vers des interdits qu'ils sont seuls à s'imposer. Pour pimenter ce périple atypique, l'envoi de SMS à la proche famille leur donne le sentiment de vêtir - pour un temps - l'habit du routard sans foi ni loi. La vérité sur le terrain est à mille lieux des propos alarmistes et pseudo aventuriers.

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Premier verdict : c'est très drôle ! Cette épopée dans un pays qu'on connaît mal, ou par ouï-dire, promet d'être un marasme qui vilipende tourisme de masse et société de consommation. Notre homme cherche à guérir son sentiment d'être un étranger dans la vie qu'il mène, il n'en sortira peut-être pas guidé ou mieux dirigé, mais il conservera la honte d'être lui-même - un nanti.

Dans la tradition picaresque, Ségur nous offre un roman désopilant, sous couvert de mettre à nu nos petites contradictions. On ricane beaucoup, on ne s'apitoie jamais et on apprend à mieux découvrir l'Albanie. Riche programme !

Vacance au pays perdu

Buchet Chastel, août 2008 - 240 pages - 18€

Feuilleter les premières pages

 

20 août 2008

Les accommodements raisonnables - Jean Paul Dubois


Découvrez Andrew Bird's Bowl of Fire!

 

L'histoire s'ouvre sur un enterrement : Charles Stern, l'oncle voyou et riche comme Crésus, vient de rendre l'âme au volant d'une voiture de sports qu'il s'apprêtait à acheter. Son frère, Alexandre, n'est pas du tout affligé par cette perte, fâché depuis toujours avec ce personnage qui ne lui ressemblait en rien et qui avait eu l'outrecuidance de l'envoyer paître alors que les affaires familiales étaient au plus mal.

Bref, ça commence sur une cérémonie burlesque de crémation qui tombe en panne, un cercueil bloqué entre les flammes de l'enfer et les derniers paradis terrestres. Paul, le narrateur, raconte cette anecdote avec une pointe d'ironie et de constat navrant. Mais ce n'est pas un chapitre sur lequel on peut discuter avec le père, Alexandre a déjà repris le cours de sa petite vie toulousaine... Cependant, quelque chose cloche chez lui car les mois passant font de ce frère endeuillé un homme neuf et différent. Lui qui pestait contre les millions amassés sans vergogne par Charles ne fait pas la fine bouche en empochant l'héritage. Veuf, livré à lui-même, il tombe dans les bras de l'ancienne petite copine du mort, une dénommée John-Johnny, qu'il compte épouser au cours de l'été.

Paul tombe des nues. Exilé à Hollywood pour son job de scénariste, il suit de loin les péripéties paternelles avec un oeil circonspect. De même, il se fait du souci pour sa femme, Anna. Tombée en grave dépression, elle n'a plus goût à rien et a choisi d'entrer dans une maison de repos. Cette séparation ébranle son entourage, d'autant plus que le médecin préconise une coupure nette avec l'extérieur.

Dans sa maison qui empeste la volaille, Paul renâcle sur son scénario bidon et participe à des soirées mondaines où il croise la jet-set décatie (Nick Nolte ou Nicholson). L'homme est las de son boulot, il sent qu'il piétine et que le film ne se fera peut-être pas. Dans les studios de la Paramount, une rencontre inattendue va - l'espère-t-il - lui redonner le zeste de légèreté qui lui manque de plus en plus. Une certaine Selma Chantz lui apparaît comme le double de son épouse Anna, avant ses trente ans. Perdu dans l'illusion de cette rencontre, Paul ne sait pas ce qu'il veut mais il sent que cette fille l'attire et peut lui donner ce qu'il cherche.

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Dans la famille Stern, on parle des accommodements raisonnables comme on parle des compromis, des faux-semblants, du cache-misère pour petites et grandes désolations. Une année s'écoule, assez singulière et harassante, durant laquelle les uns après les autres vont fuir, "pareils à des animaux qui détalent devant un incendie".

"Mon père avait basculé le premier, Anna ensuite, et moi enfin. Nous étions partis chacun dans des directions lointaines ou opposées, aveuglés par diverses formes de nos vies. L'origine de cette étrange épidémie rôdait quelque part en nous-mêmes. Les accommodements raisonnables que nous avions tacitement conclus nous mettaient pour un temps à l'abri d'un nouveau séisme, mais le mal était toujours là, tapi en chacun de nous, derrière chaque porte, prêt à resurgir."

Dubois s'entoure de ses ingrédients familiers pour nous servir un plat goûteux, légèrement pimenté et relevé en sauce. En gros, c'est un roman plein d'humour grinçant, qui dénonce les travers de nos sociétés (française et américaine), la grosse machine hollywoodienne qui n'éblouit plus personne et ne nourrit pas forcément son homme. C'est aussi une saga familiale désopilante, des anti-héros par excellence qui se torturent et se tapent la tête contre le mur, presque par plaisir. On y trouve aussi les flèches cassantes et les piques qui visent la politique actuelle. Et surtout, l'amateur des écrits de Dubois savouera de cocher les thèmes récurrents, évoqués en clin d'oeil (les tondeuses, les voitures de collection, la pêche, le vélo, l'avion...).

C'est du bon Dubois, celui des jours placides, qui remplit les grandes lignes de son contrat. Cela se lit avec aisance, c'est dérisoire et pathétique à souhait, ce sont 260 pages d'un souffle romanesque qu'on n'aime lire que chez lui, et pas chez un autre ! (Parce que, dans le fond, c'est un tantinet déprimant...)   

 

Les accommodements raisonnables

Editions de l'Olivier, août 2008 - 260 pages - 21€

Ce que j'ai aimé (et pas aimé) chez Jean-Paul Dubois

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19 août 2008

Les moustaches de Staline - François Cérésa

Tout a commencé à Cabourg, un 6 juin. Jean, le narrateur, croise Garance sur la promenade Marcel-Proust. C'est alors un bond de trente-cinq ans en arrière qu'il effectue, le ramenant du temps de son adolescence, lorsqu'il passait ses vacances au Home avec ses parents. Sur la plage, il s'était lié d'amitié avec Garance, aussi jolie qu'intrépide, la fille d'un couple glamour, Yvonne et Paul, propriétaires de la Colline, une splendide demeure où aimait se retrouver une faune excentrique.

Jean, qu'on surnomme le petit campeur, est fasciné par ce monde clinquant, où paradent la beauté, l'exubérance, l'intelligence et l'audace. Yvonne, en tête, est la figure stellaire de ce petit groupe. Elle a trente-trois ans lorsqu'il en a treize ans. Elle est blonde, façon Candice Bergen, porte un petit short rose sur la plage, bronze en tenue d'Eve et elle est amoureuse de deux hommes, son mari Paul et Tom l'aviateur. Jean aussi est amoureux mais il est trop pudique, trop intimidé par tant d'aisance.

Ses retrouvailles inopinées avec Garance sont l'occasion d'évoquer la crème des souvenirs, de faire revivre les soirées folles de la Colline, de suivre la silhouette élégante et sensuelle d'Yvonne, de ne pas comprendre ses épanchements sentimentaux. Car Yvonne Lannes-Perrodeau reste la reine de ce roman, de même qu'elle était la coqueluche de ce petit cercle fermé qui gravitait autour du manoir familial. Elle savait attiser les passions, faire tourner les têtes, rendre fou amoureux, elle séduisait et aimait être séduite, être le centre d'intérêt, c'était une mante religieuse. Jean et Garance ne tracent pas le même portrait d'Yvonne, quand l'un est subjugué, l'autre est jalouse et pleine de reproches. Le temps passant, Garance a décidé de régler ses comptes avec cette mère qui la vampirisait.

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Les moustaches de Staline est un roman plein de charme, qui baigne dans une ambiance que n'aurait pas boudé Fitzgerald, faisant aussi écho aux amours de Jules et Jim. C'est tour à tour la photographie d'une ville - Cabourg - vue et revisitée à travers les yeux d'un homme qui a gardé le souvenir ému de vacances mémorables, et c'est également la résurrection d'une époque, avec ses fantômes. Ce séduisant voyage dans le temps réveille des passions, il met aussi en exergue la frustration et la douleur. L'heure de la vengeance a peut-être sonné, en tout cas ce court roman dégaine une langueur et une sensualité indéniables. Et puis plane un petit vent de mystère, sur les motivations de Garance, son étrange jeu de séduction, et la portée de toutes ses réminiscences. Au final, le lecteur est ému, troublé, ébloui et déboussolé. La rencontre avec Yvonne, femme fatale devant l'Eternel, n'est pas sans risque...

Les moustaches de Staline

Fayard, 2008 - 258 pages - 16€

mise en vente : le 20 août 2008

 

18 août 2008

J'aime pas l'amour... ou trop, peut-être - Vanessa Caffin

Ce roman met en scène sept amis aux trajectoires amoureuses accidentées et qui ont pris coutume de trouver refuge chez Alice, une romancière à succès, célibataire proche de la trentaine.

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Petite présentation des personnages...

Clara nourrit une véritable obsession pour Lucas, qui est marié et n'a jamais eu la prétention de quitter sa femme. Rose et Alice veulent lui ôter ses oeillères pour revenir dans le royaume de la réalité, mais la demoiselle se révèle belliqueuse et cherche à torpiller les illusions de Lucas et Fred. Ce dernier, conseiller politique, est l'objet d'un chantage qui pourrait compromettre sa carrière (le jeune homme cherche à camoufler sa bisexualité). Lucas, ancien amant d'Alice qu'il a quittée car elle approchait la date butoire de "consommation" (vingt-huit ans), découvre avec stupeur que ses relations ont reposé, et reposent toujours, sur du faux-semblant.  Romain, grand collectionneur de conquêtes, fait de plus en plus la fine bouche quant à aimer une nouvelle femme, jusqu'à sa rencontre avec Rose, pétillante et spirituelle. Elle aime séduire et être séduite mais ne tolère pas qu'on ne la rappelle jamais ! Sam, avocat à la réputation assise, se désespère de ne pouvoir charmer le beau sexe, sous prétexte de son embonpoint. Arthur a aimé pendant vingt ans la même femme, qui vient pourtant de le quitter pour son ex.

Les portraits des personnages sont croqués au fur et à mesure, cela donne - à mon humble avis - une version papier du film de Marc Esposito, Le coeur des hommes (et des femmes !). Autant dire que je n'étais pas totalement emballée, au commencement de ma lecture ; je n'ai pas du tout aimé ce film, trop prétentieux et/ou faussement simple, ici cela me donnait la même impression de verbiage et discours un peu creux. Et puis, je ne sais pas comment ni pourquoi, j'ai fini par m'accrocher à tout ce petit monde, à suivre leurs histoires. Bien m'en a pris car la fin s'est révélée joliment surprenante !

On découvre, en gros, qu'Alice devient la chef d'orchestre d'une soirée mémorable où tous les secrets et mensonges vont être déballés. Un combat de citations s'engage, où il ressort qu'il est vraiment difficile de dire aux gens qu'on les aime quand on les aime vraiment (Tristan Bernard).

Je vous laisse découvrir ce premier roman, qui pêche par un style trop emprunté et alourdi de clichés, dommage. Toutefois, j'ai trouvé cette lecture agréable et assez scotchante, les ficelles de l'intrigue sont bien tenues, les personnalités se révélant peu à peu en un clash final assez jouissif.

J'aime pas l'amour... ou trop peut-être

Anne Carrière, 2008 - 239 pages - 18€

A également été lu et apprécié par Tamara

 

 

Mise en vente : 20 août 2008

12 août 2008

La mécanique du monde - Bernard Foglino

Nicolas Angstrom est le King de la photocopieuse. Pas une machine ne lui résiste, son coup de molette est implacable : les bêtes courbent l'échine et redressent la barre. Et un dimanche, appelé d'urgence pour dépanner un client dans la panade, Nicolas cale. La photocopieuse Xenon fait sa forte tête et c'est au tour de l'homme d'abdiquer et reconnaître sa défaite. Pourquoi, comment ? A partir de cet instant, il s'enfonce dans un monde parallèle fait de rencontres atypiques, d'apparitions étranges et d'hallucinations flippantes. Acculé par son chef, Nicolas doit prendre un congé forcé de quinze jours. Tous ses repères se brouillent, notre roi de la frime entre... dans la Quatrième dimension !

Voui... je sais, c'est facile. En ce moment je suis totalement influencée par le programme de Rod Serling et j'ai tendance à flairer partout ce goût du fantastique, du bizarre et de l'imprévisible. Je veux trembler, m'étonner et être bouche bée. Bon, ce deuxième roman de Bernard Foglino n'a pas suffi pour remplir le contrat (je suis compliquée!) et je suis quelque peu fâchée : j'avais tellement aimé son premier titre, Le théâtre des rêves.

Déjà c'était une histoire qui annonçait la plongée dans le monde imaginaire, le délirium tremens associé à une bonne rasade de rire. C'était court, échevelé et vigoureux. J'en voulais encore ! Mais La mécanique du monde est plus complexe, d'abord ce roman veut s'inscrire dans la tendance : insurgeons-nous contre la déshumanisation de notre société, la mondialisation, l'individualisme etc. La cité de verre que traverse notre Tout-Puissant de la photocopieuse rappelle le quartier de la Défense, avec une pincée de bouche en coeur qui me déplaît.

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Ceci étant dit, mettons-le aussitôt de côté... Parce que, en fait, l'histoire de Nicolas Angstrom frôle l'absurde, vraiment le grand-guignolesque. C'est éreintant. Et puis soudain, on découvre que tout ceci cache autre chose : un lourd passé, un secret de famille que le personnage veut occulter. La vie d'Angstrom est jonchée de morts, d'où sa passion pour la mécanique qui est fortement liée à ce désir de faire renaître et réveiller une mémoire trouée. 

Derrière le n'importe quoi, se trouve ainsi une histoire qui traite avec sensibilité de la mémoire, de la mort et de l'identité. C'est assez tordu comme procédé, il faut s'accrocher mais une fois que les choses sont claires et établies, on se laisse surprendre... Etonnant !

Buchet Chastel, février 2008 - 250 pages - 18,90€

 

Feuilleter les premières pages du livre 

11 août 2008

Les déferlantes - Claudie Gallay

C'est l'histoire d'une femme venue se réfugier à La Hague, après la perte de son amant. On ne sait pas grand-chose d'elle, elle a quarante ans, son travail consiste à compter les oiseaux migrateurs et elle occupe une maison avec un frère et une soeur à la Griffue, un lieu-dit à la pointe du port.

Un jour de tempête, elle rencontre Lambert. Cet étranger n'en est pas un, il est de retour au pays pour vendre sa maison et régler des comptes. Il y a quarante ans, toute sa famille a péri noyée. Il en veut à Théo, l'ancien gardien du phare, qui vit aujourd'hui seul avec ses chats. Son épouse et sa fille s'occupent du bistrot, et elles aussi refusent de parler du passé. On laisse les morts en paix et seule la mer a le droit de prendre et rendre ce qu'elle souhaite.

La narratrice ressent chez Lambert cette même solitude, un chagrin immense et le vide qu'il laisse. Petit à petit, ils se parlent. Inconsciemment elle cherche à lui venir en aide et percer les mystères qui encerclent toutes ses familles. Car derrière tous ces mensonges, ou ces silences, il y a immensément de douleur et de frustration, des espoirs déçus et des amours perdues. Et pourtant, ce n'est jamais sinistre ni morose ! 

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Car ce roman est tout bonnement magnifique ! L'écriture elliptique de Claudie Gallay y est déjà pour quelque chose, l'ambiance est ensuite envoûtante. Nous sommes dans le Cotentin, au coeur des éléments, il y la mer, le vent, la pluie. Une force incroyable se déchaîne, pas seulement les jours d'intempéries. On se balade sur la berge, dans les landes ou au bord des falaises. Et puis c'est une région hantée par les légendes, les fantômes et les revenants, les créatures aussi étranges que les goubelins.

La population, pas très nombreuse, s'avère aussi très attachante : Raphaël le sculpteur, sa soeur Morgane, terriblement belle et insolente, Théo, la Vieille et Lilli, enfermés dans leurs secrets, Nan, qu'on dit folle et sorcière, Max, le benêt amoureux fou de Morgane, Monsieur Anselme, toujours dans son habit du dimanche, passionné par Prévert...

C'est difficile de mettre des mots sur le sentiment ressenti avec une telle lecture, mais ne passez pas à côté de ce livre ! Claudie Gallay confirme son énorme talent de romancière, à créer des ambiances serrées, mais pas étouffantes, et des personnages à vif, non pas déprimants. C'est une histoire qui nous absorbe et nous recrache, quelques 500 pages plus loin... Même pas mal, par contre j'ai été profondément sonnée. Sincèrement émue et fébrile après un tel roman - c'est vous dire son enchantement. Les déferlantes, ce sont le nom des vagues par jour de tempête. C'est aussi un titre qui porte le roman, annonçant bien fort la couleur !

Editions du Rouergue, mars 2008 - 530 pages - 21,50€

A été aimé par Gawou , Marie , Gambadou , Cathulu ...

 

31 juillet 2008

Le coeur cousu - Carole Martinez

Aux confins de toute civilisation, Santavela est un village du Sud de l'Espagne où la population, qui aime les habits noirs et les processions religieuses, foule ce terrain poussiéreux en cancanant à gorge déployée. Les histoires de bonnes femmes sont légion dans cette contrée, les mêmes que cultivent Frasquita et sa mère (le premier sang, le Carême de l'initiation, la boîte aux secrets qu'il faut enterrer pour découvrir son trésor...), que de lubies douces et tendres, moqueuses mais attachantes !  Très vite, la jeune fille se découvre un don dès que ses doigts touchent une aiguille et du fil : Frasquita coud et communique son talent de magicienne. Ou de sorcière. Dans ces contrées reculées, on ne sait jamais...

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Mariée à seize ans, Frasquita va pénétrer un foyer gentil mais pas folichon, avec un mari qui perd la boule après la naissance du premier enfant, Anita. José devient coq, il s'enferme dans le poulailler et n'en bouge plus. Lui, le forgeron, n'a plus toute sa tête dès que sa femme accouche... et que des filles ! Frasquita implore les sagesses, Blanca et Maria, autrement dit les femmes qui aident, pour lui trouver des décoctions miraculeuses qui lui donneront un fils. Et un soir de lune rousse, Frasquita avale et fait ses prières, neuf mois plus tard Pedro el Rojo pousse ses cris de braillard... c'est un rouquin ! (Les villageois se défoulent...)

Ce sont des cocasseries de la sorte qui sévissent dans cette saga familiale. Du pas banal, du poilant, des racontars, les splendeurs et décadences chevillés au corps de Frasquita Carasco. L'histoire est racontée par la dernière de la famille, Soledad. Elle possède une grâce qui fait tournebouler la tête des garçons, mais la belle ne peut choisir de prétendant et en fait état à son aînée. A sa naissance, sa mère a lu sa solitude à venir. Ni donner, ni recevoir, jamais elle ne saura. Soledad. Le soir venu, forte de sa constation, la jeune femme prend un cahier et une plume pour écrire l'histoire de sa mère : "Il me faut t'écrire pour que tu disparaisses, pour que tout puisse se fondre au désert, pour que nous dormions enfin, immobiles et sereins, sans craindre de perdre de vue ta silhouette déchirée par le vent, le soleil et les pierres du chemin. (...) Il me faut te tuer pour parvenir à mourir... enfin."

Revenons à nos moutons. Frasquita a été jouée et perdue par son mari lors d'un combat de coqs. Elle craque pour l'inconnu et choisit de tout quitter, la voilà condamnée à l'errance à travers l'Andalousie que les révoltes paysannes mettent à feu et à sang, suivie de ses marmots eux aussi pourvus - ou accablés - de dons surnaturels... Et l'histoire continue de rouler sur le sol rocailleux, de s'ébrouer tel un troupeau de chevaux sauvages. Farouche et indomptable, ce roman l'est totalement. D'ailleurs, son contenu va au-delà du romanesque, c'est plus flamboyant, grandiloquent. Une fresque familiale avec ses joies et ses peines, des chapitres courts mais magiques, car on ne m'enlevera pas l'idée qu'un petit génie a mis sa touche dans ce livre-là... Chaque personnage aurait mérité un livre à lui tout seul, tant leur destinée est à chaque fois époustouflante.

Il y a aussi du conte, de la fable, des légendes... On y croise un ogre, un homme qui sent l'olive, un bébé lumineux (ou solaire), des femmes qui aident, une prostituée au grand coeur, un chien jaune et un coq rouge (j'en oublie). C'est aussi un livre qui parle des mères (et des filles), de la transmission, du sang, des prières. C'est fou, sensuel, pittoresque, paré de mille couleurs, éclatant de poésie, violent. C'est long, mais bon.

Le Coeur Cousu - Carole Martinez (premier roman)

Gallimard, février 2007 - 430 pages - 23€

Couronné d'une floppée de récompenses et de prix (Ouest France Etonnants Voyageurs, Emmanuel Roblès, Renaudot des lycéens...)

Le livre est tellement bardé de titres qu'un ENORME bandeau rouge - de la taille du livre, en fait - le recouvre, comme suit (je trouve ça un peu laid, par contre) :

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Mais chapeau l'auteur !

 

 

Extrait :  Il arrive qu'on interrompe une promenade, oubliant même ce vers quoi l'on marchait, pour s'arrêter sur le bord de la route et se laisser absorber totalement par un détail. Un grain du paysage. Une tache sur la page. Un rien accroche notre regard et nous disperse soudain aux quatre vents, nous brise avant de nous reconstruire peu à peu. Alors la promenade se poursuit, le temps reprend son cours. Mais quelque chose est arrivé. Un papillon nous ébranle, nous fait chanceler, puis il repart. Peut-être emporte-t-il dans son vol une infime partie de nous, notre long regard posé sur ses ailes déployées. Alors, à la fois lourds et plus légers, nous reprenons notre chemin.

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