J'ai épousé une végane, de Fausto Brizzi
C'est l'histoire de Fausto qui rencontre une femme superbe mais avec un gros handicap : c'est une végane ! Lui qui a toujours porté aux nues la pizza à la mortadelle, le cheeseburger, le tiramisu, les aubergines à la parmesane, les lasagnes, les calamars frits, la purée de pommes de terre, les profiteroles, les croquettes de riz... sans oublier les boulettes de sa grand-mère - vous imaginez son désarroi. Ô douce ironie de tomber amoureux d'une habitante de la planète Véga !
Franchement, qu'est-ce que c'est drôle !!!
La lecture est pleine de second degré mais déploie aussi un sincère plaidoyer à retrouver le goût de l'essentiel, de purifier son corps et son esprit, d'adapter son régime alimentaire et de veiller sur sa petite santé. Cette dernière démarche s'entend... après il faut juste prendre beaucoup de recul avec le récit de Fausto qui taille un sérieux costard à son épouse chérie. 😄
L'auteur prévient : « Au cas où le futur avocat de ma femme lirait ce livre, je tiens à préciser que c'est dans un esprit bon enfant que je me moque d'elle au cours des chapitres suivants, avec son accord et sa bénédiction ; mais je tiens surtout à l'informer que les épisodes dramatiques que je m'apprête à narrer ne sont pas le fruit de mon imagination. »
Tentez l'expérience, c'est vraiment décalé et instructif !
Fleuve éditions, 2017 - Traduit par Jean-Luc Defromont
⭐⭐⭐
Divine vengeance, de Francesco Muzzopappa
Fou amoureux de la belle André, Leo plane sur son petit nuage depuis deux mois. Pour elle, il a tout accepté : ses convictions religieuses (ne pas coucher avant le mariage) et sa famille snobinarde (en encaissant son lot de flèches empoisonnées à chaque repas).
Leo n'est qu'un petit gardien de musée, au physique quelconque, passionné par les voitures de collection. Sans doute pas le profil du gendre idéal. Mais sûr de lui, il décide de faire une surprise à sa douce, avec en poche une bague de fiançailles.
Et là, cruelle désillusion : il découvre sa promise dans les bras d'un autre ! La rage, la frustration, la honte le submergent. Leo claque la porte et part en vrille.
Après sept jours d'une profonde dépression, il met au point un Plan Viril et Vengeur avec la complicité de son meilleur pote Ivan (un communiste borné). Sans le moindre scrupule, il va piocher dans les précieux dix commandements pour assouvir sa soif de vengeance.
Sa stratégie est simple - improbable - mais racontée avec beaucoup de dérision. Les personnages aussi sont de vraies caricatures ambulantes. Cela croque sous la dent, c'est léger et rigolo. Tout simplement.
Autrement (2018) - traduit par Marianne Faurobert
Les huit montagnes, de Paolo Cognetti
Pietro et Bruno ont onze ans quand ils se rencontrent à Grana, dans la vallée d'Aoste. Bruno est berger, Pietro en vacances avec ses parents. Tout les sépare mais les garçons ont beaucoup à partager : l'un la lecture, l'autre la nature. Entre eux aussi, viennent s'immiscer les longues randonnées dans les montagnes animées par le père de Pietro. Mais les années passant, le garçon va se lasser des virées alpines, s'éloigner de Grana et rompre le lien filial. Après la mort du père, Pietro a 31 ans et retourne sur les terres de son enfance pour la première fois depuis longtemps. Héritier d'un lopin de terre, il retrouve Bruno, devenu maçon, pour construire ensemble une petite maison. Leur amitié est sans faille, entretenue par ses parents en toute discrétion. Pietro se rend compte également du chemin parcouru, du père qu'il connaissait à peine, de la complicité établie entre Bruno et lui. La réalité est douce-amère et pourtant vivifiante, car à aucun moment on ne ressent d'animosité au sein de cette histoire. Elle s'écoule paisiblement, décrit la vie avec ses hauts et ses bas, révèle ce qu'on chuchote et met à plat les relations de famille, d'amitié et d'amour. C'est pur. Simple et poétique. J'ai découvert un roman, savouré une ambiance, apprécié chaque intonation d'Emmanuel Dekoninck, voyagé et rêvé. La fin est poignante, mais inéluctable. Une belle rencontre, vraiment.
©2016 / 2017 Paolo Cognetti / Éditions Giulio Einaudi, Turin / Éditions Stock, tous droits réservés. Traduit par Anita Rochdy (P)2018 Audiolib
- Lu par : Emmanuel Dekoninck
- Durée : 6 h 50
Poupée volée, d'Elena Ferrante
Une femme, en vacances au bord de la mer, s'amuse à observer la routine d'une famille napolitaine, parmi laquelle se détache le duo d'une jeune mère Nina et sa fille Elena, en train de jouer à la poupée.
Quand le précieux baigneur disparaît mystérieusement, c'est la panique générale. Toute la tribu se mobilise pour retrouver la poupée, avec force gesticulations et clameurs. Leda est aspirée par cette frénésie et se mêle volontairement à la battue.
Sauf que c'est elle qui a pris la poupée et qu'elle se garde bien d'en piper mot.
Ma foi, je suis perplexe. Comme tant d'autres lecteurs, c'est pour avoir aimé L'amie prodigieuse que j'ai tenté celui-ci, par curiosité. Un roman publié en 2006, dont la verdeur ressort un tant soi peu, mais qui aborde déjà la question de la femme en tant que mère, avec une héroïne ayant privilégié sa carrière au détriment de ses enfants.
Leda approche des cinquante ans, elle a deux filles, aujourd'hui installées au Canada près de leur père. Ce départ n'a jamais été vécu comme un échec, mais c'est en épiant chaque jour Nina et Elena qu'elle entreprend un bilan sur sa propre expérience.
Le constat est rapidement doux-amer. On sent une femme pleine de contradictions, assez lucide, ne ressentant aucune culpabilité et néanmoins éprouvant le besoin de justifier pourquoi. Et puis les souvenirs remontent à la pelle, certains assez sombres, lourds, déchirants.
Mis bout à bout, ils donnent à l'histoire une tonalité confuse et acerbe. Oubliez l'ambiance estivale, l'insouciance d'une lecture à la couverture alléchante, la composition se drape dans un voile opaque et noir. C'est sournois, peu rassurant.
La lecture vous laisse, sans surprise, un arrière-goût de folie douce très dérangeante. Je n'ai pas du tout accroché. Et la déception est proche.
Collection Écoutez lire, Gallimard (2018)
Lu par Ivana Coppola. Durée : env. 4h 30
Trad. de l'italien par Elsa Damien [La figlia oscura]
Ivana Coppola restitue avec talent et justesse l’intensité de ce récit introspectif, portrait sans fard d’une femme qui oscille entre raison et folie.
EXISTE en Collection Folio (n° 6351)
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L'enfant perdue (L'amie prodigieuse #4), d'Elena Ferrante
Dernier tome de la saga d'Elena Ferrante, après L'amie prodigieuse, Le nouveau nom & Celle qui fuit et celle qui reste !
Bien que menant une confortable vie bourgeoise à Milan, auprès de son mari et ses filles, Lena plaque tout au nom de sa liaison tumultueuse et passionnelle avec Nino Sarratore. Elle rentre à Naples, revoit son amie Lila. Et miracle, leur relation est au beau fixe. Stable et authentique. Il faut dire que Lila a également su rebondir et occupe désormais une position respectable dans le quartier ; elle partage la vie d'un homme sincère et généreux et a monté sa propre entreprise florissante.
La carrière littéraire d'Elena Greco ne faiblit pas, de plus son retour aux sources apporte une âpreté jamais égalée dans son écriture et les sujets qu'elle ose aborder. Or, son intrusion dérange les mafias locales, en voulant dénoncer les trafics douteux, l'insécurité galopante, la pauvreté et l'abandon du secteur, tandis que d'autres murmurent qu'elle est l'instrument de vengeance de Lila.
Cette dernière, pathologiquement acerbe, ne se défend pas et a fait jurer à Elena de ne jamais parler d'elle dans ses livres... une promesse que l'écrivaine va considérer à la légère.
On retrouve dans ce bouquet final tous les ingrédients de la saga - amitié toxique, obsession maladive, brouilles, famille, chaos et bouleversements sociétaux. C'est tout un quartier qui reprend forme, avec les copains d'enfance, les clans, les mariages, les divorces, les naissances, les décès, les accidents, les maladies... et même le tremblement de terre du 23 novembre 1980.
Les héroïnes ont 36 ans et voient défiler trente ans d'une existence sous tension. Car rien n'est limpide dans leur tête, où l'on devine que se jouent des drames et des crises en puissance. Les deux amies se jalousent depuis toujours et ont usé l'une sur l'autre d'une influence pernicieuse et envahissante. L'une des filles de Lena lui reproche d'ailleurs que seule Lila a jamais compté dans sa vie, à part ses romans peut-être. Une sentence impitoyable et si juste.
Au cours des quatre épisodes de la série, on a ainsi participé aux montagnes russes de cette amitié, qui aime s'infiltrer dans les failles, s'y nourrit goulûment et s'épanouit de la sorte. Lena étant la seule narratrice de l'histoire, impossible de déterminer les véritables roueries de Lila ou de la détacher du regard imposé. Acrimonieuse, dissimulatrice, rancunière ? Plus on avance dans les entrailles de leur histoire, plus on abandonne l'espoir de la comprendre.
De fait, Lena et Lila ne sont vraiment pas attachantes et n'inspirent aucune réelle compassion. Pourtant, leurs mots nous accrochent. Nous emportent. Leurs imperfections nous parlent. Nous renvoient à nos propres approximations. Parce qu'elles sont impudiques, égoïstes et intransigeantes, ce sont symboliquement des héroïnes - elles nous donnent du fil à retordre, mais nous avons appris à composer avec. J'ai franchement aimé les accompagner, quitte souvent à les détester, car je ne m'attendais pas à éprouver cette sensation de manque après le point final...
Une série découverte en livre audio - du premier au quatrième volume - à l'écoute de Marina Moncade, parfaitement indissociable à mon plaisir de lecture ! Une formidable conclusion.
Trad. de l'italien par Elsa Damien [Storia della bambina perduta]
Lu par Marina Moncade pour la Collection Écoutez lire, Gallimard
Durée d'écoute : env. 16 h
Parution : Janvier 2018
Celle qui fuit et celle qui reste (L'amie prodigieuse 3) de Elena Ferrante
J'ai accueilli avec joie la parution du troisième tome, après L'amie prodigieuse & Le nouveau nom, en format audio, puisque je n'envisage plus de connaître la suite de l'histoire autrement qu'en écoutant Marina Moncade. C'est un plaisir que je n'explique plus, mais j'aime cette plongée directe dans les chroniques napolitaines racontées avec tendresse et authenticité.
Nous retrouvons ainsi les deux amies dont les choix de vie ont pris des directions opposées - Lena se glorifie du succès inattendu de son premier roman, elle part s'installer à Florence avec son fiancé et s'enorgueillit du milieu intellectuel dans lequel elle gravite. De son côté, Lila trime dans une usine de salaisons et bousille sa santé, elle se sensibilise à la cause syndicale et se lance dans des revendications pour défendre les droits de la femme. Comme toujours, les deux amies vont reprendre contact et se tirer la bourre, par jalousie ou simple incompréhension. Leur relation n'en finit plus d'être “le reflet de leurs insuffisances” et se couvre d'amertume. Lila est devenue une personne sèche et aigrie, tandis que Lena demeure obstinément obsédée par son béguin de toujours, Nino Sarratore, avec lequel son amie a eu une brève liaison. À jamais insatisfaite, Lena ne parvient plus à se contenter de son bonheur conjugal et part en vrille.
Certes, ce troisième tome évoque les engagements politiques soulevés après Mai 68, les ouvriers revendiquent de meilleures conditions de travail, les femmes dénoncent les abus de pouvoir et le harcèlement... Mais il est aussi question de sexualité, de maternité, d'épanouissement personnel, d'équilibre et d'accomplissement. Lena et Lila ne sont pas des mères exemplaires, elles recherchent un autre sens à leur vie mais sont enfermées dans des rôles et des carcans établis de longue date dans leur quartier napolitain. Lila n'a pas renoncé à son désir de diriger sa propre entreprise, alors que Lena peine à écrire un autre roman et à perdurer sur la scène littéraire. Les deux jeunes femmes se perdent dans leur course à l'intelligence, à la beauté, à la richesse, l'une est lâche, l'autre méchante, les deux sont égoïstes, et la cruauté de leur relation est flagrante.
Quelle conclusion apporter à cette histoire ? Pour le savoir, il faudra patienter jusqu'en janvier 2018 avec la parution de L'enfant perdue en simultané avec le format audio - chic !
©2013 Titre original : "Storia di chi fugge e di chi resta" ("L'amica geniale", volume terzo), Traduit par Elsa Damien
(P)2017 Éditions Gallimard - coll. Écoutez lire, texte lu par Marina Moncade (durée : 13h 45)
**** Promo d'automne sur Audible ! ****
30 TITRES ISSUS DES MEILLEURES VENTES À MOITIÉ PRIX !
Parmi lesquels, on trouve : L'amie prodigieuse (L'amie prodigieuse 1) à 8.99€
Offre valable jusqu'au 3 décembre
Le nouveau nom, d'Elena Ferrante
J'ai donc, sans plus tarder, écouté la suite des aventures de Lena et Lila, après une première rencontre dans L'amie prodigieuse, pour les retrouver face à leur destin - un mariage, une trahison, des désillusions à la pelle.
Les napolitaines ont le réveil lourd des lendemains difficiles et l'amertume en bouche, mais elles n'ont guère le temps de s'apitoyer. La vie les entraîne dans une tourbillon de futilités, d'études, de doutes et de lassitudes. L'été venant, et sur les conseils du médecin, toutes deux partent en vacances au soleil, sur l'île d'Ischia, où Lena croise son béguin de toujours, son amoureux secret, Nino Sarratore, qui n'aura d'yeux que pour son amie Lila, laquelle s'enorgueillira d'exercer cette fascination sur un jeune homme aussi cultivé. Ah, cette éternelle soif de reconnaissance qui constitue la quête absolue des deux jeunes femmes ! Marquées par leurs origines modestes, elles veulent s'en extirper mais retombent souvent dans leurs filets par manque de chance, par fatalité ou par dépit. Cette ambition affichée a aussi un impact sur leur relation, car les deux amies sont souvent à couteaux tirés, sans s'affronter ouvertement. Ce sont surtout des coups bas ou des non-dits qu'elles appliquent sournoisement, chacune cherchant à doubler l'autre, à la dépasser, à prouver sa supériorité. C'est assez déconcertant, et cela ne nous les rend guère sympathiques, car malgré leur histoire fascinante, Lila et Lena sont toutes deux très agaçantes.
Pourtant, la “magie” a encore opéré et j'ai parcouru cette lecture avec avidité. D'abord, pour l'ambiance du quartier populaire qui s'anime sous nos yeux, avec les camorristes, les alliances et les affaires louches, mais aussi pour les hasards de la vie, les fiançailles, les ruptures, les scandales et les ragots. C'est toujours aussi coloré et braillard, étouffant et doucereux. De l'autre côté, on goûte aussi à l'univers plus ouaté de l'université, son milieu intellectuel, les discours politiques, l'utopie d'une société en train de réviser le monde... Le décalage est énorme, le fossé lui aussi se creuse, Lila et Lena en ont conscience mais ne se donnent plus la peine d'élaborer des ponts pour maintenir un semblant de lien.
J'ai déjà hâte de lire la suite - de préférence, en audio. L'interprétation de Marina Moncade est inaliénable à mon plaisir de lecture. Elle imprime force et justesse à une saga qui ne manque ni de souffle ni de passion et qui nous séduit par son caractère romanesque d'une fluidité remarquable.
Texte intégral lu par Marina Moncade (durée : env. 16h) pour Gallimard, coll. Ecoutez Lire / Janvier 2017
- Collection Folio (n° 6232) - Trad. de l'italien par Elsa Damien
L'amie prodigieuse, Le nouveau nom & Celle qui fuit et celle qui reste
sont les trois premiers tomes de la saga d'Elena Ferrante.
L'amie prodigieuse, d'Elena Ferrante
À force de voir cette série encensée à tout bout de champ, j'ai fini par céder aux appels des sirènes, non sans une pointe d'appréhension, car le résumé ne m'emballait pas des masses (ainsi que le bouche-à-oreille unanime, toujours effrayant). D'ailleurs, j'ai eu un peu de mal à accrocher au début du roman, deux gamines grandissent dans un quartier populaire de Naples, fin des années 50, avec en toile de fond la violence, la misère, les légendes urbaines (l'ogre des contes) et les cancans. Mon intérêt est finalement devenu grandissant au fil des chapitres, plus je découvrais l'évolution de l'amitié des deux héroïnes, Lena et Lila, plus je m'imprégnais de l'ambiance. Pauvreté, destin, famille, ambition, infortune, amour et jalousie. Les filles rêvent d'y échapper en souhaitant un avenir meilleur, décrocher des diplômes, écrire des livres, comme Louisa May Alcott, leur idole. Et pourtant, seule Lena aura la chance de poursuivre ses études, aidée par leur institutrice, qui snobera Lila, fille de cordonnier, malgré ses résultats brillants. Blessée dans son orgueil, celle-ci va s'enfermer dans l'échoppe de son père et envisager le projet fou de lancer sa propre ligne de chaussures. Pendant ce temps, Lena rejoint le collège, puis le lycée, part à la mer pendant les vacances, nourrit une passion aveugle pour le fils du poète et s'agace du silence de son amie, de ses sautes d'humeur et de son éternelle inconstance. Entre Lila et Elena, l'amitié s'est toujours nourrie de cette rivalité inavouée, chacune cherchant à surpasser l'autre, à monopoliser l'attention, à enjoliver la vérité, et ce en dépit de leur attachement profond et sincère. Adolescentes et vaniteuses, nos deux héroïnes souffrent des erreurs qui façonnent leurs parcours, lesquels les entraînent malgré elles sur des chemins parallèles.
J'avais beau lire partout que c'était une lecture envoûtante, je trouvais cet engouement exagéré. Au final j'ai eu tort. C'est un vrai bon roman, qui dégage de l'authenticité et qui nous chante les charmes d'un conte populaire, avec tout le flonflon traditionnel (les mamas qui hurlent, la racaille qui roule des mécaniques, les voitures rutilantes qui frôlent les jolies filles...). Le dépaysement est assuré, les personnages semblent plus vrais que nature, l'ambiance est colorée et bruyante, la chaleur du sud nous colle à la peau. La vie se raconte, sous nos yeux ou nos oreilles, elle roule sur un fil, sans tricher, sans sensiblerie. Et c'est ce qui plaît. J'ai absorbé tout ça, pas mécontente, en écoutant Marina Moncade qui interprète avec beaucoup de talent, de maîtrise et de pudeur ce premier chapitre d'une saga flamboyante. Une agréable surprise, à la hauteur des promesses, à écouter sans réserve !
Texte intégral lu par Marina Moncade (durée : 11h 24) pour Gallimard, coll. Ecoutez Lire / Janvier 2016
L'amie prodigieuse, Livre 1 - Collection Folio (n° 6052) - Trad. de l'italien par Elsa Damien
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Les Humeurs insolubles, de Paolo Giordano
Cette lecture m'aura finalement apporté des sensations multiples, entre émotion, agacement et empathie. C'est l'histoire d'un couple qui embauche Madame A. pour aider au confort domestique et soutenir l'arrivée du bébé. Nora et le narrateur se soumettent à ses directives avec soulagement, le quotidien les embrouille, la maternité aussi. Ils ne savent clairement pas assumer leurs responsabilités. Madame A. est une femme autoritaire, qui prend en charge le ménage, la cuisine, l'enfant et le couple sous son aile. Sa simple présence constitue un pilier solide pour le foyer.
Et puis, Madame A. les quitte car elle est atteinte d'un cancer et veut affronter seule la maladie. Elle laisse ainsi le narrateur et son épouse dans le plus grand désarroi. Leur équilibre est rompu, faisant apparaître les failles de leur famille : une intimité qui s'étiole, un fils qui n'est pas meilleur que les autres, juste dans la moyenne, un travail prenant, une carrière qui tâtonne... Le désistement de leur “Babette” laisse insidieusement éclater une déroute à venir. Et c'est à travers ce roman de 130 pages qui ressemble à une lettre d'excuse pour cette femme échappée mais jamais oubliée que le narrateur exprime sa gratitude et ses regrets, tout en cherchant une solution pour retrouver le souffle et l'élan qui manque à leur vie.
La démarche est assez égoïste, et en même temps d'une grande sensibilité, en plus de la douleur de Madame A. confrontée à ses traitements, ses sautes d'humeur et son besoin de retrait, tout ça forcément m'interpelle et me fait mal à lire. L'histoire est poignante, lourde et désarmante. Et l'interprétation donnée par Lazare Herson-Macarel l'enferme aussi dans un immense voile de tristesse. C'est heureusement court à lire, moins de trois heures, car je pense qu'au-delà l'ennui aurait gagné du terrain. Pour évoquer le deuil et la détresse, mieux vaut l'étaler avec parcimonie. Un roman bouleversant par ses révélations et sa photographie de la famille, dont l'extrême complexité est mise à nu sans adoucisseur.
Texte lu par Lazare Herson-Macarel pour Sixtrid (durée : 2h 56) - mai 2016
Traduit par Nathalie Bauer pour les éditions du Seuil
Dix minutes par jour, de Chiara Gamberale
Chiara vient de se faire plaquer par téléphone, son mari parti en Irlande a fait la rencontre d'une jolie rousse pour laquelle il n'hésite pas à mettre fin à dix-huit années de bonheur conjugal. Dans la même foulée, Chiara se voit retirer sa chronique hebdomadaire pour un grand journal, qui lui préfère la dernière gagnante du jeu de téléréalité. Coincée dans une maison qu'elle a choisie par dépit, toujours pour satisfaire aux exigences de son époux, mais où elle a beaucoup de mal à se familiariser, chagrinée d'avoir tiré un trait sur son royaume de l'enfance, loin de sa famille et de ses amis, Chiara est seule chez elle, persuadée de n'être plus capable d'écrire, elle sombre alors en pleine déprime. En consultant son docteur, celui-ci lui suggère une nouvelle thérapie originale : consacrer dix minutes chaque jour à faire quelque chose qu'elle n'a encore jamais fait. Son histoire commence le 3 décembre, elle a un mois pour se sortir la tête de l'eau. J'avais naïvement imaginé une lecture proche de la comédie enlevée, rigolote et légère. Taratata. Au lieu de ça, l'histoire est beaucoup plus introspective et intellectualise le deuil amoureux, la rupture sentimentale et la vie de couple. Chiara Gamberale évoque aussi l'estime de soi et remet en question son existence et ses choix de vie après son tsunami émotionnel. Et donc, propose un petit bouquin plus proche du développement personnel avec des idées pertinentes sur l'art et la manière de se sentir mieux dans sa peau. C'est sans prise de tête, sans prétention. Un joli portrait de femme qui assume ses erreurs et qui tente de trouver un nouveau sens à sa vie, au-delà de sa relation (dysfonctionnelle) avec son compagnon qu'on rêve de tarter toutes les cinq minutes...
Traduit de l'italien par Elise Gruau pour les éditions Michel Lafon (2015)
Repris en poche chez Pocket, avril 2016