Le Cottage aux oiseaux, par Eva Meijer
Très beau roman qui retrace la vie méconnue de Len Howard (naturaliste anglaise née à la fin du XIXe siècle) dont Eva Meijer a découvert les ouvrages pendant ses années d'études. Miss Howard est depuis tombée dans l'oubli. Son travail n'a jamais été pris au sérieux, n'étant nullement une scientifique de renom. Et pourtant... que de richesse dans son parcours. Eva Meijer s'en inspire sans tomber dans la biographie mais romance son propos en enjolivant aussi ce qu'on ignore. Voilà qui confère au destin de Len mystère et fascination !
Gwendolen Howard a nourri dès l'enfance une passion pour la nature et les oiseaux. Mais c'est la musique qui a d'abord eu sa préférence, en devenant violoniste dans un orchestre à Londres pendant vingt ans. Comme elle se languissait des oiseaux, elle a choisi de tout plaquer pour s'installer dans un cottage à la campagne. Au plus proche de ses mésanges, observatrice attentive et soucieuse du bien-être de ses petits pensionnaires, Len s'est ainsi épanouie dans cette vie en totale communion avec ses aspirations.
Petite parenthèse. Je suis malheureusement très triste de savoir que son héritage n'a pas été honoré comme convenu. Sa maison, pourtant léguée au Sussex Naturalist Trust pour fonder un refuge pour les oiseaux, a été vendue au prix fort à un particulier qui s'est empressé de couper tous les arbres au fond du jardin. Triste et choquant.
Sans quoi, je suis tombée sous le charme de cette lecture pleine de poésie et de simplicité, dont l'histoire raconte la quête du bonheur et la force de caractère d'une femme remarquable. Une héroïne qui me rappelle évidemment Miss Charity et Calpurnia. Prochaine cible : Nature morte aux miettes de pain pour rester dans l'esprit nature & découvertes... 😝
Presses de la Cité (2020) - Traduit par Emmanuelle Tardif
⭐⭐⭐⭐
Le Voyage vers l'enfant ~ Vonne van der Meer
Editions Héloïse d'Ormesson, 2009 - 172 pages - 17€
Traduit du néerlandais par Daniel Cunin
"Jamais encore depuis le début de cette longue période de réflexion, de papiers à remplir et d'entretiens, Julia n'avait été aussi convaincue que ça allait réussir. De même qu'elle avait été convaincue de vouloir un enfant après avoir vu une bicyclette au guidon de laquelle était fixé un petit siège, de même la réponse sans équivoque de Ronald fit naître en elle des séries d'images. Elle se vit à toutes sortes de moments différents - elle et son enfant. Chaque image renforçait sa conviction. Comme si elle avait eu devant elle des clichés restituant des instants déjà vécus et que plus rien ni personne ne pouvait les lui retirer."
Voici toute l'histoire d'un roman qui aura été pour moi une déception. Vonne van der Meer avait su m'enthousiasmer avec ses deux premiers romans (pour rappel : La maison dans les dunes, devenu : Les invités de l'île ; et Le bateau du soir). Les couvertures françaises sont toujours d'une élégance précieuse et raffinée. Et l'auteur n'a pas manqué de faire un clin d'oeil à la maison de Vlieland, puisque l'histoire s'ouvre sur cette partie isolée du monde.
Un couple, Julia et Max, désire un enfant plus que tout. La machine est en panne, le couple se tourne vers la procédure de l'adoption, longue et laborieuse. Julia est désespérée. Elle rencontre un type qui lui offre un voyage vers l'enfant, au Pérou, avec l'assurance pour elle de repartir avec un bébé rien qu'à elle. Le sien. Max n'est pas d'accord, mais suit son épouse.
Sur place, les démarches ne sont plus si simples et la déconvenue sera encore une fois au rendez-vous. Imaginez cette femme, prête à tout, rendue folle d'envie et de désespoir... C'est alors qu'elle va rencontrer Pablo.
Je n'en dis pas davantage, mais la tournure du roman ne m'a pas plu du tout. De même, j'ai trouvé l'histoire sordide et plate. Je n'ai pas su retrouver ce qui avait su me plaire et me toucher dans ses précédents livres. Et je suis déçue d'être déçue. Très triste, aussi.
A noter que Heddy Honigmann, réalisatrice née au Pérou, a acquis les droits cinématographiques de ce roman et vient d'en commencer l'adaptation.
en librairie le 20 août.
cf. le billet de cathulu qui a beaucoup aimé (naturellement) ! ;o)
Les porteurs de glace ~ Anna Enquist
La chape de plomb ne tarde pas à s'abattre sur la lecture de "Les porteurs de glace" ! Anna Enquist, grande prêtresse dans l'art de distiller une analyse psychologique de l'angoisse, du manque, de l'attente !.. J'ai ouvert ce roman en me sentant complètement démunie : le couple de Lou et Nico est aux antipodes, l'une tente de poursuivre ses cours et de dompter son jardin sablonneux, l'autre part en vrille dans une nouvelle orientation de sa carrière professionnelle. Un silence s'abat dans le couple, qui est perceptible dès le début. Une maison en bord de mer, dont on ne perçoit jamais les échos de la mer ou des mouettes. Juste des battements de coeur d'une femme qui souffre en silence. Car dans ce couple, il y a le poids énorme et envahissant de l'absence d'un enfant - Maj. Partie, disparue, égarée... Tous deux ont refusé d'en parler mais la chambre de l'enfant est toujours là, intacte, avec les livres scolaires, l'équipement de hockey, les chaussons de danse, etc. Le couple s'éloigne et se rapproche dangereusement du précipice. L'issue, fatale, parviendra-t-elle à les réconcilier, à exorciser les chagrins étouffés ou à balayer ce silence trop pesant ? "Les porteurs de glace" est un roman qui glace le coeur (et le sang) tant l'écriture et l'ambiance sont solennelles. Ecrit d'une main de maître, ce livre se lit à un rythme qui s'emballe progressivement. Il s'inscrit dans la lignée des romans psychologiques, dont Renate Dorrestein est également douée, des histoires implacables mais profondes et touchantes.
lu en novembre 2004
Le champ de fraises - Renate Dorrestein
"Le champ de fraises" est une histoire très cruelle, dure et qui glace d'effroi. Dans une petite communauté, où parents et enfants ont poussé en même temps que leurs murs, la jolie Loes, intrépide et fantasque, avec ses petites couettes rousses, devient subitement le bouc-émissaire de ses anciens camarades de jeux. Pourquoi ? Sa mère est accusée d'avoir tué un homme. L'enfant se braque, porte un lourd secret (autour duquel flotte l'idée d'abus sexuel), mais elle est fermée comme une huître, elle ne parle plus. Ses copains décident de la "brusquer", un peu dans le but de se confier, de livrer les détails sur cette affaire. Mais plus l'enfant se braque, plus les autres se déchaînent.
C'est assez dur à lire, à imaginer, tous ces enfants de six ans, en bande organisée, mijotant des traquenards pour piéger l'une d'entre eux. Ancien bout-en-train du groupe, elle est désormais conspuée, méprisée et lynchée. Comment est-ce possible, à seulement six ans ? J'ai eu un peu de mal à me faire à cette idée... Ce ne sont que des enfants, mais ils semblent déjà bien machiavéliques, un peu trop réfléchis et attentifs aux événements de leur village. Tout devient facilement prétexte à mettre à part, passer à tabac. C'est cruel, très honnêtement. Mais le plus incroyable est que l'histoire semble se répéter, éternellement et inlassablement. L'horreur !
Le roman est composé en trois parties, qui suivent la petite Loes à des âges clés (six, douze et dix-huit ans). Et au fil des pages, l'énigme commence à s'éclaircir, comme le rôle des Luqueduc, deux hommes qui partagent la vie de Loes et sa maman. J'ai beaucoup aimé ces derniers, à travers leur présence, leur importance et leur place dans le rouage de toute l'intrigue. Je n'ai pu éviter un pincement au coeur vers la fin du roman ! (mais chut).
"Le champ de fraises" est un livre que je conseillerai davantage aux lecteurs qui connaissent déjà Renate Dorrestein, auteur de l'excellent et poignant "Un coeur de pierre". Ce nouveau roman est également très délicat pour les âmes sensibles, car il se plonge dans l'univers de l'enfance (terriblement cruel) et de drames et secrets familiaux. Avis aux amateurs !
Belfond