grAAl nOIr
C'est en cherchant un autre livre sur le roi Arthur que mon regard s'est posé sur Graal Noir de Christian de Montella. Un livre vraiment tout noir, par son apparence (allez juger en librairie), de quoi vous faire fondre d'envie et de curiosité. Le contenu, lui aussi, vaut le détour. C'est l'histoire de Merlin. Oui, Merlin l'enchanteur. Mais il s'agit en fait de la jeunesse de Merlin, il aurait ici approximativement dix-huit ans. Il est accompagné de maître Blaise lorsqu'il arrive à Caer Lûdd, le château du roi Uther. C'est jour de fête. Maelgwyn le Gallois rouge, également le meilleur ami du roi, rentre de sa mission avec le fils du Diable enchaîné, prêt à servir de sacrifice. Car le roi a des soucis avec sa tour du Val Vert qui ne cesse de s'écrouler. Dans le grimoire, qui a déjà permis à Uther d'accéder au trône en assassinant son père, il est écrit que l'épandage du sang du fils du Diable permettrait de conjurer la malédiction. Bouche en coeur et sûr de lui, Merlin se présente et fait son show. Il connaît le passé, peut prédire l'avenir et avertit le roi Uther que l'être le plus proche de son coeur le poignardera dans le dos. La vieille reine Gwenhwyar incite son fils à ne pas croire les balivernes de Merlin, qui serait, selon elle, un instrument des druides.
Un vrai nid à complots, trahisons et autres manipulations que tout cela ! J'ai halluciné, et savouré. A ceci, s'ajoute la touche sensuelle, belle et dangereuse de Pamina, délicieuse créature diabolique qui s'est jouée de Merlin et ne compte pas en rester là. C'est vraiment captivant. Et ensorcelant. Merlin ne ressemble pas à l'image qu'on connaît de lui : c'est un jeune homme arrogant, séducteur et insolent, il plaît et il déchaîne les passions. Il possède déjà beaucoup de pouvoirs, mais n'a pas encore rencontré Myrghèle, pour atteindre le paroxysme de ses capacités. Il ne s'agit que du premier tome d'une trilogie qui promet de bien belles heures de lecture. L'histoire se termine sur la rencontre avec Morgane, la belle et redoutable magicienne... brrr j'en ai des frissons. Vivement la suite.
Graal Noir (Le fils du Diable) - Christian de Montella
Flammarion (2010) - 324 pages - 13€
dès 14-15 ans.
Souvent femme varie.
Livre relu en français (merci Anne !) et j'ai absolument adoré.
J'avais envie de redonner une chance à ce roman, parce que la couverture me fascinait et parce qu'il n'y avait pas de raison que je reste insensible au charme des anges et des déchus. J'ai toujours pensé qu'entre un livre et le lecteur, c'était une affaire de rencontre. Et quand ce n'est pas le bon moment, c'est fatal. En bien ou en mal. Puisque l'occasion m'a donc été donnée de le lire en français, j'ai dit banco et ... hmmm !!!!!!
Bon sang de bon sang. J'ai failli passer à côté d'un vrai phénomène. Sueur froide. Frissons sur tout le corps. Ohlala. Quelle buse, mais quelle buse ! J'ai relu ce livre en état de transe, mais complètement ! Je me maudissais d'avoir tilté avec un train de retard, même si j'ai de bonnes excuses. Le principal, maintenant, c'est d'être complètement accro et de reconnaître que ce roman est le champion des papillons dans le ventre. Yes.
Qu'est-ce que cela cache ? ... Patch. (Vapeurs)
- Grand, ténébreux et énervant.
Et désagréablement insondable. Les yeux de Patch étaient deux sphères opaques. Ils absorbaient tout, sans rien trahir. D'ailleurs, je ne voulais pas vraiment en savoir davantage sur son compte, ce que j'avais pu voir me suffisait largement.
Ou plutôt... si. A vrai dire, ce que j'avais vu me plaisait beaucoup. Ses bras sveltes, longs et musclés, les épaules larges, mais décontractées, et ce sourire... amusé et enjôleur. J'essayais sans succès de me convaincre, d'ignorer ce qui devenait peu à peu irrésistible.
Patch est un personnage irrésistible. Comme Nora, la lectrice succombera à son charme de bad boy peu fréquentable. Avec son aura ténébreuse, son mystère combiné à un vent de panique, ce garçon transpire l'interdit et le danger mais qu'est-ce qu'il est attirant !
Depuis un an, depuis l'annonce brutale de l'assassinat de son père, Nora est particulièrement vulnérable, méfiante et craintive avec tout ce qui sort du cadre ordinaire de son existence. En rencontrant Patch, son nouveau partenaire de bio, elle sent qu'elle doit rester sur ses gardes. Patch est arrogant, séducteur et dégage une part sombre qui fait peur. Et comme par un fait étrange, la vie de Nora est en train de basculer dans un précipice : elle se sent suivie, menacée, elle a des hallucinations, croise régulièrement un individu masqué.
Ce sont beaucoup de coincidences fâcheuses et Nora doute de plus en plus. Attirée par Patch, elle se sent aussi mal à l'aise en sa présence. Chercherait-il à la rendre folle pour mieux la perdre ? !
J'ai été littéralement transportée, j'ai adoré chaque passage où Nora et Patch sont ensemble, les échanges sont brillants, il y a de l'humour, beaucoup d'humour, et puis de la sensualité, c'est très TRES sexy, mais chaste. L'histoire n'est pas originale, par contre l'ambiance est sombre et angoissante, ce qui rend le récit captivant. Cette deuxième fois, j'ai été ensorcelée ! Tentez l'aventure.
Hush, Hush ~ Becca Fitzpatrick
Le Masque, coll. MsK (2010) - 350 pages - 17€
traduit de l'anglais (USA) par (l'excellente) Marie Cambolieu
J'avais été agacée par la multiplication des *grin* dans le texte original. C'est typique de Patch, ce garçon *grin* constamment. En français, la traductrice a heureusement cherché à varier ce mode d'expression, tout en restant fidèle au personnage. Bravo, et merci.
La suite !
Crescendo
Release Dates: US - November 16, UK - October 14
...and me holding this moment that was as fragile as a bird in my hands.
Frisson de Maggie Stiefvater (Hachette - 1 avril 2010)
Grace est obsédée par les loups qui vivent dans la forêt près de sa maison. Plus jeune, elle a été mordue et sauvée par un loup aux yeux jaunes. Il est souvent là, à l'observer. Ce n'est pas un loup comme un autre... puisqu'il s'agit de Sam. A l'approche des beaux jours, il devient le garçon qu'il était. Le garçon amoureux de Grace. Un jour où une bande de chasseurs tente de se débarrasser des loups, Sam est blessé. C'est au tour de Grace de le sauver.
Suivront quelques mois d'une passion amoureuse très romantique, un peu monotone à mon goût, j'attendais plus de passion mais l'histoire privilégie l'émotion. Avis aux fleurs bleues, ce roman va vous bouleverser. D'ailleurs, ça n'a pas loupé avec moi. Les 100 dernières pages m'ont totalement captivée, avec un final qui vous laissera particulièrement à cran.
Une suite paraîtra en juillet 2010 aux USA, avec pour titre Linger.
PIQÛRE DE RAPPEL : le roman est enfin disponible en français - j'en parlais ICI.
“You two are too cute,” the counter girl said, setting two cups piled with whipped cream on the counter. She had a sort of lopsided, open smile that made me think she laughed a lot. “Seriously. How long have you been going out?”
Sam let go of my hands to get his wallet and took out some bills. “Six years.”
I wrinkled my nose to cover a laugh. Of course he would count the time that we’d been two entirely different species.
“Whoa.” Counter girl nodded appreciatively. “That’s pretty amazing for a couple your age.
Sam handed me my hot chocolate and didn’t answer. But his yellow eyes gazed at me possessively—I wondered if he realized that the way he looked at me was far more intimate than copping a feel could ever be.
I crouched to look at the almond bark on the bottom shelf in the counter. I wasn’t quite bold enough to look at either of them when I admitted, “Well, it was love at first sight.”
The girl sighed. “That is just so romantic. Do me a favor, and don’t you two ever change. The world needs more love at first sight.”
What is the use of a book, without pictures or conversations ?
c'est L'EVENEMENT cinéma :
Alice au Pays des Merveilles, façonTim Burton
*
J'en profite pour vous (re)présenter la série de Frank Beddor : Les Guerres du Miroir, Alice en exil (T.1)
(en fait, j'ai lu ce premier tome en 2006 et j'avais beaucoup aimé ! hélas, la suite s'était faite longuement attendre pour finalement paraître en 2008 ... le livre m'attend, maintenant je me demande si je dois d'abord relire le tome 1 ou si je tente la lecture du t. 2 sans crainte d'être déboussolée par l'ambiance, laquelle est absolument surprenante !)
Au cours du 7ème anniversaire de la princesse Alyss, un soulèvement conduit par Redd, la soeur de la reine Geneviève, voit le massacre du couple royal et force la fillette à fuir en traversant le miroir. Elle débarque dans l'Angleterre du 19ème siècle dans un orphelinat misérable où la famille Liddell l'adopte et l'emmène à Oxford. L'enfant grandira dans son nouveau foyer en se détachant de son passé, persuadée d'avoir été abandonnée, trahie et incomprise, surtout depuis la récente parution d'un livre sordide inspiré de ses confidences au Révérend Dodgson.
A près de vingt ans, Alyss a décidé de se marier avec le Prince Leopold d'Angleterre... mais c'est sans savoir le profond gouffre dans lequel est plongé son royaume, où un groupe de résistants, les Alyssiens, tentent de combattre l'Imagination Noire de la reine Redd, espérant toujours le retour de leur princesse. C'est le Chapelier Madigan qui est chargé de retrouver Alyss pour la ramener chez elle afin de sauver le Pays des Merveilles.
Nous sommes très, très loin de l'oeuvre de Lewis Carrol, qui sert néanmoins de source d'inspiration et aussi de référence en matière d'hommage. La trilogie de Beddor est sombre, elle nous raconte une histoire de guerre et de vengeance. Les allusions à l'oeuvre originale ne sont pas pour autant négligées, notamment dans le portrait des personnages, le Chapelier Madigan, le précepteur Bibwit Harte, le général Doppelgänger, la Tour Blanche et le farouche Dodge Anders. En décor, on croise la Chenille Bleue, les Figures, un Gouinouk, des Jabberwocks, le Chat assassin à la botte de Redd et des soldats-cartes. Même la démoniaque Redd y va de son redoutable "Coupez-leur la tête".
Ce premier tome vous plonge dans un récit obscur, assez sanguinolent et malgré tout romanesque (Alyss sera quelque peu *émue* par ses retrouvailles avec Dodge Anders). J'ai aimé cette lecture, j'ai aimé ce qui ressemble à un hymne à l'imagination, j'ai aimé le personnage d'Alyss, fin, délicat, très sensible, bref j'ai aimé en entier. La suite promet monts et merveilles !
Les guerres du miroir, Tome 1 : Alice en exil de Frank Beddor
Bayard, 2006 - 352 pages - 15,90€
traduit de l'anglais par Sidonie Van den Dries
déjà disponible : Les guerres du miroir, Tome 2 : Le spectre de la reine
à paraître : Les guerres du miroir, Tome 3 : Conspiration des oracles
le forum Whoopsy daisy en parle ici
le site original : http://www.lookingglasswars.com/home.html
Ce Monde rejette ses enfants.
Ne te fais pas d'illusions : la seule voie de la survie est l'obéissance envers ceux qui détiennent du pouvoir.
C'est un Monde à part que je quitte en tournant la dernière page du tome 3 de la série Méto. Un Monde absolument fascinant, oppressant, mystérieux, flippant et affolant... mais un Monde qui fait réfléchir, qui donne les clefs aux lecteurs pour les mettre en garde sur la manipulation et la maîtrise sous la peur d'une société. L'auteur fait bien comprendre qu'il faut désobéir, agir avec intelligence en employant les mêmes méthodes que l'oppresseur, et tenir tête. J'essaie d'en dire le moins possible, c'est dur. Sachez toutefois que le principe est brillant et Méto, le narrateur, est un garçon ingénieux, qui force l'admiration.
Je passerai donc sous silence l'histoire de Méto car elle s'apprécie dans la surprise et l'étonnement qu'elle suscite. Des questions, vous vous en poserez en tournant les pages et en enchaînant les volumes. Et vous apprécierez ce souci de ne jamais se répéter, d'appréhender trois univers très distincts, comme la possibilité de tester toutes les éventualités de l'Île et les maigres choix qui s'offrent aux enfants. Chaque livre a été pour moi une découverte et un bonheur de lecture.
Le tome 3 apporte enfin toutes les réponses, en quelques 380 pages. C'est le livre le plus épais de la trilogie, il faut dire que toute la première partie est dense, palpitante, du genre roman d'espionnage et d'aventure, c'est à se demander encore une fois où l'histoire va nous entraîner. La fin survient beaucoup trop vite, là c'est la lectrice frustrée qui fait des siennes, celle qui ne voulait pas lâcher la main de Méto et qui se voyait bien s'installer encore quelques chapitres dans ce Monde étrange, qui fait aussi la part belle à la solidarité et la fraternité.
Ahlala, c'était bon. C'était bien.
Méto, tome 3 : Le Monde ~ Yves Grevet
Syros, 2010 - 380 pages - 15,90€
1 badge Méto est offert ave ce livre !
l'avis de Tiphanya
Crac !... Le bruit est à peine audible, mais il réveille tout le monde.
J'ai très souvent croisé la série d'Yves Grevet sans jamais oser lui accorder une minute de mon précieux temps, j'avais très envie de m'y plonger, la couverture illustrée par Thomas Ehretsmann ne me laissait pas indifférente, je ne la trouve pas particulièrement belle mais elle m'incite à m'interroger sur ce que cela cache, et quoi de mieux pour entraîner le lecteur vers un sentier qu'on n'ose pas souvent emprunter, si ce n'est le sens de l'aventure et un zest de curiosité.
Mine de rien, Méto est une série qui a fait son petit bout de chemin. Le premier tome a été honoré du prix Tam-Tam Je Bouquine en 2008, et les lecteurs émettent tous des avis très positifs. J'avais envie, plus qu'envie. Et comme toujours, dans pareil cas, je traîne les pieds. Allez comprendre.
Trêve de blabla. Je me suis donc jetée dans le grand bassin et je remonte tout doucement à la surface, en scrutant l'horizon car j'attends la sortie imminente du tome 3. Voilà ce qui est bien avec cette série, c'est une trilogie et les trois tomes sont déjà disponibles (soit, le troisième sera là dans quelques jours). Pas la peine de s'arracher les cheveux de la tête, vous pouvez enchaîner la lecture tome après tome en vous pourléchant.
De toute façon, c'est préférable : une fois lancés dans le premier livre, vous n'avez qu'un désir en souhaitant lire la suite aussitôt (prévoyez donc vos achats, ne vous faites pas avoir sous peine de grosse frustration !).
Mais de quoi ça parle, dis-moi Clarabel ? Han han. En fait, je n'ai PAS DU TOUT envie de vous raconter l'histoire. Moins vous en savez, et mieux c'est.
OK. Parce que je suis une gentille fille, je vous glisserai ces quelques mots : Une Maison sur une île, une soixantaine d'enfants, tous distincts selon des rubans de couleur, avec la trouille du crac (le lit ou le ruban), parce que qu'est-ce qu'il se passe après ? Dans cette Maison, les règles sont strictes, les repas pris à heure fixe selon un rituel établi, les corvées ne manquent pas, les enfants doivent se dépenser physiquement en pratiquant du sport et suivent des cours sur la culture de la pomme de terre ou la chaudière (tout un programme !).
Le reste, c'est suspense. Mystère et boules de gomme.
Allez, allez... je vous garantis que vous allez être scotchés et que vous lirez les trois tomes sous moufter. Prenez le temps de respirer, fermez un peu cette bouche béante, vous risquez de baver.
Bonne lecture !
Méto, une série écrite par Yves Grevet
Syros, 246 pages.
Tome 1 : La Maison (2008)
Tome 2 : L'île (2009)
Tome 3 : Le Monde (2010)
Et un petit extrait :
- Tu dois compter jusqu'à 120 avant de toucher tes couverts et laisser un espace de cinquante secondes entre deux bouchées. A part cela, tu peux manger autant que tu veux dans la limite du temps imparti pour le repas.
J'entends Crassus qui respire fort près de moi. Il a les yeux dans le vague et semble perdu.
- Ecoute les petits qui comptent à voix basse...
- 115... 116... 117... 118... 119... 120...
Crassus est surpris par le bruit que font... d'un coup soixante-quatre mains qui empoignent une fourchette. Quelques secondes plus tard, il me regarde en mâchant. On n'entend presque plus rien. Bientôt, on perçoit de nouveau la voix de petits qui égrènent 46... 47... 48... 49... 50... Moi, il y a longtemps que je ne compte plus. Je sens, à chaque fois, le moment exact où je peux piquer ma fourchette. Crassus mange jusqu'à la dernière seconde. Il a planté soixante-douze fois : le maximum. Je le sens fatigué soudain, sans doute le stress que génère, au début, ce rituel du repas. J'ai oublié de lui dire que c'est dangereux de manger trop, surtout après avoir connu la faim comme lui, mais à quoi bon ? M'aurait-il entendu ?
Nous nous levons. Je le soutiens un peu. Marcus me frôle.
- Surveille-le, il ne dois pas vomir.
- Je sais.
- Qu'est-ce qu'il a dit ? demande Cassus.
- Rien. Je te propose de faire une petite promenade pour t'aider à digérer. Tu es trop lourd pour aller jouer.
- On va où ?
- Au phare. De là-haut, on peut voir toute l'île. Il y a beaucoup d'escaliers, mais on va y grimper doucement.
- J'ai un peu mal au ventre.
- Si ça ne va pas, parle-moi. Evitons les catastrophes.
Merci beaucoup Anne !
"Je suis désolée." Tels sont ces mots.
Et chaque fois que j'entendrai quelqu'un dire qu'il est désolé, je ne pourrai m'empêcher de penser à elle.
Voilà un très, très bon roman que je vous conseille vivement de découvrir. Il vous donnera le sentiment de plonger en apnée, de lire jusqu'à n'en plus pouvoir pour arriver aux dernières pages et connaître tous les secrets d'Hannah Baker.
Avant de se donner la mort, cette demoiselle a enregistré son histoire sur 7 cassettes, destinées à 13 personnes. Toutes sont liées au drame d'Hannah, "elle est morte pour 13 raisons, tu es l'une d'elles" dit la couverture. Et c'est parfaitement bien résumé. Clay Jensen, le narrateur, figure sur la liste. Il ne sait pas encore pourquoi, il était fou amoureux d'Hannah, et puis...
La lecture vous absorbe immédiatement, vous place au début dans la délicate position du voyeur, avec ce méchant sentiment de ne pas comprendre, de trouver le principe tordu et dérangeant. Qu'importe les motivations... celles-ci nous apparaissent évidentes au fil des pages. Ce n'est plus du malaise qu'on éprouve, mais de l'empathie, du chagrin, de la révolte, de l'impuissance aussi. Fatalement. C'est ce qui est admirablement exprimé, à travers la lecture croisée de Clay en train d'écouter via un walk-man la confession de celle qu'il aimait secrètement. Un sentiment, donc, de date dépassée, d'arrivée tardive et, en sus, un gros et pesant poids qui vous tombe dans le ventre.
Du gâchis aussi.
C'est ce que je me disais, en ne quittant pas des yeux ce livre, en tournant les pages avec fébrilité et en pestant contre ce qu'on nomme banalement l'effet boule de neige.
Hannah Baker a emménagé dans une nouvelle ville, a fait son entrée dans un nouveau lycée et a été la cible des rumeurs les plus folles. On n'imagine pas à quel point un petit bout de ceci ajouté à un morceau de cela peut prendre une proportion infernale, jusqu'à ce que la machine se mette en branle et actionne un processus de démolition. Ce n'est jamais la faute de personne, mais l'histoire d'Hannah prouve qu'on porte tous une petite responsabilité quelque part.
Ce livre est vraiment poignant et déclenche mille émotions. Ce n'est pas une façon détournée d'accuser, après tout Hannah assume aussi ses propres erreurs, c'est un constat juste et sans appel qui renvoie chacun dans ses petits papiers. Après cela, vous ne vous sentirez plus de la même façon.
Bon pour un coeur gros et la tête sonnée.
Vous n'imaginez pas à quel point...
« Treize Raisons est un mystère, une apologie, une cérémonie. Je sais que, dans les années à venir, je reviendrai souvent à ce livre. »
Sherman Alexie, auteur du Premier qui pleure a perdu.
*
Traduction française de Nathalie Peronny
Treize Raisons / Jay Asher
Albin Michel, coll. Wiz, Mars 2010
Did you know you get one happy day for every one you catch ?
One happy day for every falling leaf you catch.
Plus jeune, Grace a été attaquée par les loups qui vivent dans la forêt, près de sa maison. Elle a été sauvée par l'un d'eux, celui aux yeux jaunes. Depuis, Grace a développé une véritable obsession pour les loups, et notamment pour celui qu'elle nomme son loup. Ils vivent tout près d'elle, ils chantent leur complainte la nuit, ils guettent les humains et elle les attend. Durant l'été, elle perd toute trace d'eux, comme s'ils disparaissaient vers des contrées plus froides, toujours plus glaciales.
Un jour, un camarade de son lycée est porté disparu avant d'être retrouvé assassiné par la faute des loups. Les esprits s'échauffent et une battue est organisée. Grace tente d'intervenir pour que cesse le massacre, à la place elle découvre sur le perron de sa maison un garçon à peine plus âgé qu'elle. Il est nu, dans les vapes car grièvement blessé. N'écoutant que son courage, Grace décide de l'emmener à l'hôpital car cet inconnu lui rappelle étrangement quelqu'un.
Il s'agit de Sam, bien entendu. Son loup aux yeux jaunes sous son apparence humaine.
C'était tellement facile d'aimer ce roman, qui parle d'une histoire d'amour quasi vouée à l'échec, l'histoire d'une passion éphémère, donc forte dans l'instant car appelée à disparaître d'un jour à l'autre, sans que les concernés puissent l'empêcher. Sam et Grace auront beau se battre pour imposer leur amour, prouver qu'à deux ils sont plus forts, ils ne peuvent rien contre l'appel du sang ou du clan. Sam est un loup, il se métamorphose dès l'annonce du froid, sa meute veille au loin pour lui rappeler sa place, et notamment une jeune louve dévorée par la jalousie et l'ambition. Grace, de son côté, a toujours su que son destin était lié à celui de Sam, parce qu'il lui a sauvé la vie et parce qu'il a recollé les morceaux épars de son existence solitaire, de ce fait elle a longtemps espéré pouvoir le rejoindre et être l'une des leurs. C'est l'une des grandes questions qui se pose dans l'histoire : pourquoi Grace, malgré ses morsures, ne s'est jamais transformée ? Cela va servir à alimenter des théories un peu folles, un jeune loup en colère va croire en l'existence d'un remède et tourmenter ses proches pour atteindre Grace.
Tout ceci surgit bien tardivement dans le récit, car au début j'avoue m'être un peu ennuyée. On a droit à des mamours, toujours des mamours. Ce n'est même pas l'émotion d'un jeune couple qui se découvre et qui tombe amoureux. Non, l'histoire commence à peine que déjà Grace et Sam s'aiment. Cette évidence m'a terriblement frustrée. J'étais en effet privée des regards effarouchés, des premiers pas, de l'éclosion des sentiments. Ces trucs en toc qui sont pourtant nécessaires pour rendre la romance belle et enviable. A la place, tout était déjà servi sur un plateau et j'ai trouvé que c'était sans saveur. De plus, Sam est un garçon gentil, charmant mais très romantique. Je ne suis pas fan, je l'ai déjà dit, j'aime l'éclat et les étincelles. L'histoire de Grace et Sam se résume d'ailleurs à une phrase, déclarée par la vendeuse d'une boutique de chocolaterie : "You two are too cute."
Mignon. Ce n'est pas ... transcendant, je m'excuse.
Donc, au départ j'ai trouvé la lecture agréable mais pas franchement excitante.
J'évoquais ma déception avec Mélanie, qui est en train de le lire. J'avais encore 100 pages sur le feu mais je n'étais pas pressée de les avaler, je trouvais que l'ensemble était plat, très lent et trop romantique, Sam ne me faisait pas battre le coeur (trop torturé comme garçon), et puis ça manquait de passion. On nous raconte une histoire qui ne tient qu'à un fil, ils ont très peu de temps à passer ensemble, donc à s'aimer follement, à la place on suit notre petit couple dans leur quotidien très routinier, on les voit même partager le même lit... en toute chasteté. Rhooo, je rugissais de mécontentement. L'auteur pourtant tente de créer une tension sexuelle entre Grace et Sam, mais c'est à peine de la suggestion, j'avoue que je n'étais pas très convaincue. Ceci dit, les 100 dernières pages ont tout bouleversé et la fin m'a définitivement scotchée !!! Oh oui ! J'ai même relu le dernier chapitre plusieurs fois, j'essayais de tout décortiquer, et maintenant j'ai envie de lire la suite ! Je n'aurais pas parié un kopek sur ce fait, je suis encore plus étonnée de cette découverte, et pas mécontente.
Verdict : c'est long, c'est lent, c'est romantique, c'est dénué de véritable action, et pourtant ça se laisse lire sans déplaisir. A noter que le couple Sam et Grace a remporté la récompense du BEST OVERALL KISS lors de la cérémonie des Smoochies de Heidi R. Kling (j'en parlais ici et vous pouvez regarder la vidéo ici).
Traduction française de Camille Croqueloup
Frisson / Maggie Stiefvater
Hachette, coll Black Moon, Avril 2010
NB : Je ferai une piqûre de rappel en temps voulu, pour ceux qui ne lisent pas en anglais.
Escape lane
Voilà un petit roman qui a su parler à mon coeur de maman, un roman que j'ai même eu beaucoup de mal à ouvrir, à lire, à finir, tant il me mettait sens dessus dessous. D'ailleurs cela fait une semaine que je le picore, mais j'étais agacée, j'avais la tête à l'envers, je ne supportais pas l'adolescente de seize ans, Luce, et puis je me posais beaucoup de questions, j'étais glacée, comble de tout, j'ai été pétrifiée en lisant ces quelques mots :
Luce n'arrivait plus à concevoir qu'elles aient pu partager, un jour, la douceur d'être ensemble, la complicité des sourires, la rondeur plumeuse d'un câlin. Elles avaient oublié l'époque où la fillette admirait sa maman par-dessus tout, quand celle-ci opposait le rempart de ses bras en berceau à la dureté du monde, aux chagrins, à la mort...
Bref, j'avais peur. Ce livre me renvoyait une image qui me touchait trop intimement, j'avais le sentiment de voir dans ce duo mère-fille le futur conflit m'opposant à ma miss de dix ans (bientôt). J'anticipe, j'extrapole, mais il y a tant de petites étoiles perdues dans ce livre, qui me semblaient avoir été lâchées exprès pour moi. Tant de coincidences, trop de coincidences, au début j'avais mal. Je n'avais pas envie de plonger dans un avenir hypothétique, je n'en avais pas le coeur non plus, heureusement j'ai repris du poil de la bête, ma tête a retrouvé sa place, merci, et j'ai avalé ce roman en une goulée. C'était drôlement bon !
Luce et sa maman étaient tout l'une pour l'autre, depuis le décès du papa, alors que la fillette n'avait que cinq ans. A l'adolescence, ça ne manque pas, la demoiselle nous fait une crise, adopte un look de gothique, fréquente une bande du même goût, elle ne s'entend plus du tout avec sa mère, la communication est coupée, c'est la guerre froide. Un jour, Luce rentre chez elle et découvre un appartement vide et le petit mot abandonné par sa mère : Inès est partie en Australie, pour son boulot, elle sera absente de longs mois, elle ne veut pas que sa fille la rejoigne ni ne cherche à la contacter, cette séparation a du bon, l'espère-t-elle, car elle leur offre la possibilité de souffler, de penser, de s'émanciper, de couper les ponts.
Sur le moment, j'ai trouvé que c'était dingue ! Aberrant. Comment et pourquoi arriver à de telles extrêmités ?
La suite de l'histoire nous en raconte plus, de mon côté je lâche l'affaire. En clair, je me tais. Je vous laisse entre les mots de Maryvonne Rippert, une vraie magicienne, la même qui avait su m'ensorceler avec son Amour en cage. Je sais qu'elle va lire ces mots, donc je me sens intimidée et muette, mais j'ai envie qu'elle sache que son roman a su me toucher, qu'il m'en a fait voir de toutes les couleurs, mais que j'ai aimé ce chemin escarpé. Et puis Luce, qui cristallisait tous mes démons, a fini par m'émouvoir. C'est une vraie tête à claques, pour commencer. Et des claques, d'ailleurs, elle s'en prend de plus en plus, c'est bon, lâchez-la, la pauvre minette.
Vous l'avez compris, ce roman s'adresse aux adolescents et à leurs mères. C'est comprendre le pont qui nous lie, c'est se rappeler que nous sommes passés par là, que nous avons parfois des petites filles vampires élevées dans du cocon... Soupirs. C'est un roman magnifique, qui parle d'amour et qui donne des ailes. Aux filles et aux mamans.
Metal Mélodie ~ Maryvonne Rippert
Milan, coll. Macadam, 2010 - 210 pages - 9,50€
La douane volante ~ François Place
Gallimard jeunesse, 2010 - 334 pages - 13,50€
La Bretagne, c'est ce grand bout de granit qui termine la France, à l'extrême pointe du continent : Finis Terrae, disent les savants. L'océan vient s'y fracasser. Les gens qui vivent là ont toujours eu de l'eau salée dans les veines.
Gwen, quatorze ans, a failli mourir après une partie de pêche qui a mal tourné. Il doit la vie à la patience du vieux rebouteux, qui accepte de prendre le garçon comme assistant chez lui. Nous sommes en 1914, la guerre approche et le vieux Braz s'éteint. Gwen hérite de ses biens, mais aussitôt la jalousie s'allume dans le coeur des voisins. On murmure que le vieux rebouteux cachait un trésor, Gwen le Tousseux est pris pour cible, la nuit son jardin est visité, jusqu'au jour où le garçon tombe dans une embuscade, il sera tabassé, laissé pour mort et alors qu'il est dans les vapes, Gwen aperçoit l'Ankou qui l'emporte dans sa charrette noire.
Est-un un mauvais rêve ? Est-ce que le garçon est mort ? Lorsque Gwen revient à lui, il se trouve sur une plage, il y fait la connaissance d'un garde de la côte, Jorn, et il échappe à la douane volante en taisant les circonstances de son arrivée et de l'Ankou. C'est avec chaleur et grandeur d'âme que le garde l'accueille chez lui, à Waarn. La douce Silde, qui chante et danse du matin au soir, lui caresse les cheveux tendrement. Gwen se prend à rêver d'une vie meilleure... Mais l'illusion s'éteint lorsque le garçon découvre les coutumes de cette contrée (la célébration de la mort de Mère-Grand, une vieille tortue échouée qui agonise devant toute l'assistance avant de finir en viande grillée ... beurk !), puis les véritables intentions de Jorn sont enfin dévoilées.
J'admire la beauté du verbe, l'élégance et le classicisme de l'écriture, l'invention d'un monde perdu entre ici et ailleurs, la richesse des références, l'appui des légendes, l'inspiration qu'ont fait naître les tableaux de Van Goyen, peintre hollandais du XVII° siècle. Et pourtant, je suis restée en retrait. Je n'ai pas été transportée par ce roman, je l'ai bien aimé mais j'ai aussi éprouvé beaucoup de réticence. L'histoire m'est apparue froide, hermétique, très classique et rigoureuse, à l'image de cette peinture qui a été la petite étincelle pour titiller la muse de l'auteur. Je n'y ai pas été sensible, non. J'ai été bercée par les mots de l'auteur, mais ils n'ont pas su me faire rêver ou me transporter. Je suis restée de l'autre côté de la porte de bois, plantée entre deux talus sablonneux, je n'ai pas réussi à franchir le cap. Oui, je suis restée sur le seuil.
C'est un roman admirable, une oeuvre remarquable dans le domaine de la littérature jeunesse, et je suis reconnaissante à ce livre d'exister pour toutes les possibilités d'ouverture et de richesse qu'il va offrir aux lecteurs. On croirait un roman d'un autre temps, paré de ses plus beaux atours, servi à l'ancienne donc et saupoudré d'un zest de fantastique. François Place n'est pas ici qu'un nouveau romancier, il assoit sa réputation de conteur. C'est mérité, à chacun ensuite d'être sensible ou pas à la petite musique.
-> l'avis très enthousiaste d'emmyne et celui plus nuancé d'esmeraldae.