Coule la Seine, de Fred Vargas
L'écoute de ce livre audio ne dure que 2 h 55, et pour cause, ce sont seulement 3 courtes nouvelles rassemblées dans un seul ouvrage : Salut et liberté ; La Nuit des brutes ; Cinq francs pièce. Chacune ont en commun de mettre en scène notre cher Adamsberg dans des affaires plutôt secondaires et sordides, mais où le personnage du clochard tient un rôle primordial. C'est peu, pas très croustillant, mais c'est toujours un vrai régal de lire la plume de Fred Vargas et d'être en compagnie du commissaire et de Danglard. Ce duo improbable et attachant. L'un fait le bruit des vagues, l'autre le bruit du vent. L'un se fie à l’instinct et croit aux forces de l’humanité, l'autre se fie à la réflexion et croit aux forces du vin blanc. Ne cherchez pas, on atteint des sphères cosmiques inexplicables. Et cette étincelle, Jacques Frantz l'a bien cernée en interprétant une lecture enflammée et virevoltante pour Audiolib (3ème collaboration, après Thierry Janssen et François Berland). Vivement le mois de juin, pour la sortie de Temps glaciaires !
Audiolib ♦ mai 2015 ♦ texte lu par Jacques Frantz (durée : 2h 55) ♦ éditions Viviane Hamy, novembre 2002
« Ton collègue blond est assez emmerdant mais je l'aime bien, et puis il est généreux. Il se pose des questions sans fond, il s'inquiète et ça fait le bruit des vagues. Toi en revanche, tu fais le bruit du vent. Ça se voit à ta manière de marcher, tu suis ton souffle. Ton ami blond voit une flaque. Il s'arrête, examine la chose et il la contourne, il prépare bien son affaire. Toi, tu ne vois même pas cette flaque mais tu passes à côté sans le savoir, au flair. Tu piges ? T'es comme un magicien... »
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« Danglard connaissait assez le commissaire pour comprendre, à la variation d’intensité de son visage, que quelque chose d’intéressant s’était produit ce matin. Mais il se méfiait. Adamsberg et lui avaient des conceptions très éloignées de ce qu’on appelle un “truc intéressant”. Ainsi, le commissaire trouvait assez intéressant de ne rien faire, alors que Danglard trouvait cela mortellement paniquant. Le lieutenant jeta un coup d’oeil soupçonneux à la feuille de papier blanc qui voletait entre les mains d’Adamsberg. À vrai dire, il s’était accoutumé à cet homme, tout en s’irritant d’un comportement inconciliable avec sa propre manière d’exister. Adamsberg se fiait à l’instinct et croyait aux forces de l’humanité, Danglard se fiait à la réflexion et croyait aux forces du vin blanc. »
Fakirs, d'Antonin Varenne
Une relecture, en version audio ! (top)
Un fakir se donne la mort sur scène, en pleine représentation. Pour John, son compatriote et seul ami, la nouvelle résonne comme une onde de choc. Il se rend immédiatement à Paris et rencontre le lieutenant Guérin et son adjoint Lambert, deux répudiés de la brigade du 36, mis au placard au département des suicidés. Alan était un type désabusé et camé, mais sa disparition a le goût amer d'une mise à mort. Fait troublant, à peine un pied dans la capitale française, John est pris en chasse par deux types, qui lui réclament une dette laissée par Alan. Ce passage à tabac sonne pour lui le démarrage d'une enquête, en compagnie d'un ancien taulard qui vit reclus dans une cabane dans les bois, avec son chien.
Forcément, notre affaire se révèle plus pernicieuse, glauque et désolante. C'est noir de chez noir. Sans une once d'espoir à l'horizon. Les personnages sont des ombres errantes, des êtres désabusés, voués à finir brisés. Les derniers chapitres sont d'ailleurs éloquents, mais quel fichu bon roman ! Il vous colle une claque, vous cloue sur place. De toute manière, c'est tout un ensemble qui se dévoile, pas seulement l'intrigue en elle-même (pourtant sans pitié), c'est aussi la forme : l'écriture incisive, le rythme narratif, l'atmosphère étouffante, le ton juste, sans concession. Et Jean-Michel Vovk, le lecteur pour Audiolib, adopte un accent grave, qui colle admirablement au caractère du récit. Un succès fort mérité pour ce roman réussi, récompensé par le prix Michel Lebrun en 2009.
Audiolib, septembre 2014 ♦ texte intégral lu par Jean-Michel Vovk (durée : 8h 27) suivi d'un entretien avec l'auteur
Passage du désir, de Dominique Sylvain (Audiolib) lu par Frédéric Souterelle

Ce titre signe la rencontre entre Ingrid Diesel et Lola Jost, lequel duo reviendra en force dans quatre autres romans. La première est une Américaine installée à Paris, dans une impasse (Passage du Désir) où elle a ouvert un petit salon de massage. Elle est secrètement mordue de Maxime Duchamp, propriétaire et cuisinier aux Belles du Jour, mais celui-ci a une liaison avec une de ses serveuses, Khadidja Younis. L'histoire s'ouvre donc sur le braquage d'un bureau de change, puis sur l'assassinat de la collègue et colocataire de Khadidja.
Lola Jost, commissaire de police fraîchement retraitée, passe désormais son temps, chez elle, à faire des puzzles et à s'offrir un petit gueuleton aux Belles du Jour. Le meurtre de Vanessa Ringer risque de bouleverser ses habitudes, aussi accepte-t-elle de s'associer avec Ingrid, dont les intérêts dans la résolution de l'enquête sont tout aussi personnels (sauver son Maxime chéri, désigné suspect idéal). Ensemble, Ingrid et Lola font des étincelles, tout les oppose, si ce n'est une ténacité remarquable et rompue à toutes épreuves. Les suivre dans leur quête de la vérité offre au lecteur un vrai moment de rigolade !
Admettons, tout de même, que l'intrigue policière n'est pas le point fort du roman. C'est une affaire classique, un peu tirée par les cheveux, qui ne bouleverse pas nos sens et ne nous tient pas particulièrement en haleine non plus. En fait, ce que j'ai follement apprécié, dans ce livre, c'est son style, l'écriture de Dominique Sylvain, sa manière de nous présenter son univers, ses personnages tous brinquebalants mais ô combien attachants, et puis l'humour aussi, très fin, saupoudré par petites touches délicates et estimables. C'est ce qui a fini de me convaincre, maintenant je veux tout lire, retrouver Lola et Ingrid dans de nouvelles péripéties, continuer de m'amouracher, sourire, espérer ... et tout ça, quoi.
La version Audiolib est un poil frustrante, du fait de la voix grave du narrateur, qui colle moyennement avec les personnages féminins du roman (on a l'impression que Lola Jost vient de s'avaler dix paquets de cigarettes, trente litres de whisky et sort à peine de son lit). Je n'ai pas trop adhéré à cette interprétation, même si l'ensemble offre une orchestration prenante et efficace.
Audiolib, mars 2012 - lu par Frédéric Souterelle, durée : 8 h 52
Editions Viviane Hamy, février 2004. Disponible en format poche, chez Points.
Grand Prix des lectrices ELLE Policier
“ ... Lola tenait à démontrer qu'elle respectait la Loi. Sa seule maîtresse après son libre arbitre. Ah c'était beau. C'était si beau qu'on avait envie de grimper aux rideaux, de sortir les cotillons et les langues de belle-mère, de souffler dans des flûtiaux, de lancer des pétales de roses en dansant, de faire pipi dans des képis. ”
Dans les bois éternels, de Fred Vargas
Quel rapport entre deux morts égorgés porte de la Chapelle, un cerf éventré en Normandie, un vol de reliques, une infirmière évadée de prison et le fantôme d'une nonne ? Inutile de trop en dévoiler, car cette lecture se déguste et vaut bien une plongée en apnée ! Ah, retrouver Fred Vargas et son commissaire Adamsberg aura été pour moi purement jubilatoire. Il serait d'ailleurs temps que je m'y remette, je m'en rends compte, cela m'avait manqué. Donc, cette nouvelle enquête est captivante, du début à la fin, on se demande bien où l'auteur nous balade, on croit avoir deviné le dénouement et on tombe avec grandeur dans le panneau. Oui, c'est du bon, du très bon !!!
Thierry Janssen, en lecteur virtuose, nous guide dans ce dédale infernal et nous visse sur notre siège. J'ai franchement beaucoup apprécié mes retrouvailles avec cette série à l'humour froid, mais salvateur. J'ai repris des nouvelles de Camille et de la situation amoureuse de notre commissaire, qui ne s'arrange pas, je n'étais pas surprise un seul instant de la tournure des événements. Fred Vargas, ce n'est pas seulement l'assurance de lire un roman policier intelligent, complexe et bluffant, c'est aussi un style impeccable, un ton qui fait mouche, et la perspective de croiser des figures lunaires, mystérieuses et fascinantes.
Je recommande chaleureusement ! N'hésitez pas à tester la version Audiolib, d'une qualité sans égale, cela vous prendra 12 heures et des pépettes de votre temps ... Pendant les vacances, c'est une paille ! ☺
Dans les bois éternels, par Fred Vargas
Audiolib (2013) - Texte intégral lu par Thierry Janssen / durée d'écoute : 12 h 26