Le Condamné de Noël, d'Anne Perry
Claudine Burroughs, déjà croisée dans la série William Monk, où elle travaille avec Hester dans sa clinique pour prostituées, assiste avec son époux Wallace à une soirée peu avant les fêtes de Noël. Elle y croise un poète excentrique, porté sur l'alcool, Dai Tregarron, qui lui fait tourner la tête avant de revenir vivement sur terre en assistant à l'altercade entre trois jeunes gens de la bonne société, une demoiselle de petite vertu et notre énergumène éméché. La fille perd connaissance et Dai Tregarron est accusé d'être le trublion de la fête. Seule Claudine s'interroge sur la légitimité de la condamnation hâtive. Tous les indices sont contre lui, et pourtant, Claudine devient complice de sa fuite et fait appel à Squeaky Robinson, le méprisable comptable de la clinique, pour lui venir en aide.
La lecture, décrite comme étant une bouchée de mystère à déguster après son repas de Noël, est aussi le traditionnel rendez-vous de fin d'année pour tous les amateurs d'Anne Perry et de son univers feutré et raffiné. Cette histoire, dont l'intrigue policière est sans prétention, sert à nous présenter le personnage de Charlotte Burroughs dans son intimité et de découvrir que son couple est éreinté par des années d'un mariage sans amour. En prenant fait et cause pour Dai Tregarron, contre toutes les bienséances sociales, Claudine brise ainsi le joug et s'affranchit d'une existence qui ne lui convient plus. On passe un agréable moment à lire cette histoire précieuse et délicate, qui sent bon le pudding et le brandy.
10/18 Grands Détectives ♦Novembre 2015 ♦ Traduit par Pascale Haas (A Christmas Candle) @ credit photo : Page FB
Le Retour du capitaine Emmett, d'Elizabeth Speller
Au lendemain de la guerre 14-18, l'ancien officier Laurence Bartram sombre dans une profonde mélancolie et tente de s'en extirper en acceptant d'enquêter pour une vieille connaissance, Mary Emmett, qui souhaite éclaircir les raisons douteuses de la mort de son frère. Après son retour du front, John avait été frappé de dépression, puis interné dans un institut privé et huppé, d'où il avait réussi à s'enfuir avant de se suicider. Il incombe désormais à Bartram de fouiller dans les archives d'un conflit aux plaies mal pansées, aux blessures encore suppurantes d'angoisse, de haine, de terreur, aux traumatismes mésestimés et aux actes de condamnation hâtive, sans procès, par simple lâcheté, ou simplement pour couvrir des faits plus graves. Elizabeth Speller dresse un contexte historique authentique et une peinture de l'Angleterre de novembre 1920 très convaincante. On y découvre aussi des personnages éreintés, égarés dans un pays qui se veut vainqueur sans mesurer les conséquences sur les pauvres âmes errantes. C'est assez poignant. L'intrigue est également conduite avec subtilité, bien écrite, agréable à parcourir et maintenant un suspense efficace de bout en bout. Une nouvelle série prometteuse.
10/18 Grands Détectives / Octobre 2014 ♦ Traduit par Nora Bellac (The Return of Captain John Emmett) pour les éditions Belfond
La Pyramide de glace, de Jean-François Parot
Première rencontre avec Nicolas Le Floch, premières impressions enthousiasmantes.
Quel raffinement ! Dès le début, le tableau est planté. Nous sommes dans un salon parisien, en plein hiver 1874. Il gèle à pierre fendre. Paris a froid, Paris a faim. On surprend alors quatre personnages en train de faire ripaille au coin du feu, tout en devisant de politique. La discussion s'éternise, en de passionnants et interminables bavardages. On en oublierait presque nos objectifs ! Puis, retour à la réalité : le corps dénudé d'une femme est retrouvé dans une pyramide de glace. Celle-ci ressemble étrangement à la reine Marie-Antoinette. Notre commissaire au Châtelet est aux cent coups, dopé par une enquête qui le conduira sur des terrains boueux (sorcellerie, vampirisme, vol et escroquerie) et lui fera côtoyer des figures illustres, comme le roi en personne, son cousin le duc de Chartres, le ministre Sartine, et même le jeune Louis-Philippe !
Cette lecture a été tout bonnement passionnante, écrite avec un souci du détail lexical et inspirée d'une grande recherche historique (parfois l'auteur en oublie d'ailleurs de rester simple romancier). Mais c'est tout à son honneur, du fait de l'évasion promise par ce livre, on s'imagine concrètement au XVIIIe siècle au milieu des intrigues qui tentent de souiller l'image du couple royal. Certains indices laissent présager du mécontentement ambiant et des idées révolutionnaires à la Voltaire qui fleurissent dans les esprits et les beaux discours, mais ceci est une autre histoire... Pour l'heure, j'ai été pleinement conquise ! J'en lirai d'autres. :)
10/18 Grands Détectives / Octobre 2015 ♦ Disponible en Audiolib (Mars 2015) / Texte lu par François d'Aubigny
En poche : Cadavre 19, de Belinda Bauer
Patrick, étudiant en anatomie, a choisi cette spécialité pour mieux comprendre la mort. Selon son professeur, les cadavres ne parlent pas mais ont tout à délivrer. En salle d'autopsie, face à un corps anonyme, estampillé Cadavre 19, Patrick et ses camarades épluchent, décortiquent, classent, cataloguent, analysent bout par bout. Leur but étant de découvrir la cause du décès. Et non l'identité du mort. Mais Patrick fait tout de travers. Il a besoin de savoir et d'éclaircir tout ce qu'il voit, entreprend, entend, découvre. Il est atteint du syndrome d'Asperger, mais est également hanté par la mort de son père, fauché par un chauffard en fuite, sous ses yeux de môme ahuri. Il s'entête donc autour du Cadavre 19 et d'une maudite cacahuète, allant jusqu'à braver les interdictions et emprunter des sentiers périlleux. L'histoire nous réserve bien d'autres surprises, comme de suivre le quotidien d'un service de réanimation de l'hôpital de Cardiff, où infirmières et corps végétatifs nous livrent des confidences faussement anecdotiques, car de fil en aiguille on devine qu'elles vont compléter un tableau ombrageux.
J'ai beaucoup aimé ce principe de constructions par petites briques, on vivote, on stocke chaque information avant le tomber du rideau. C'est très réussi. Le scénario est, de plus, particulièrement ahurissant, tordu, incroyable et prenant jusqu'à la dernière ligne. Il vient vous cueillir là où vous ne vous y attendez pas et nous sert une intrigue diabolique, à la structure alambiquée, mais parfaitement efficace, avec son «gentil héros» au comportement singulier.
Belinda Bauer a reçu le prix du meilleur polar de l'année au festival de Harrogate pour Cadavre 19.
♥ Cadavre 19, de Belinda Bauer ♥ 10/18, septembre 2015 ♦ traduit par Christine Rimoldy (Rubbernecker)
Le Cabinet chinois, de Patricia Wentworth
En devenant l'héritière d'un mystérieux cousin, Chloé ignore que celui-ci a bâti sa fortune grâce au chantage. Toutes les lettres compromettantes se trouvent désormais dans un cabinet chinois fermé à clef, avec une combinaison. Lorsque la jeune femme pousse la curiosité à fouiller dans les affaires du vieil homme, elle tombe des nues et cherche à fuir le domaine de Danesborough. C'est sans compter sur le couple d'intendants, les Wroughton, qui ne la lâche pas d'une semelle et espionne ses moindres faits et gestes. C'est dans cette atmosphère charmante et désuète que Patricia Wentworth tisse une intrigue gentillette, avec une tension dramatique palpable, qui n'est pas sans rappeler les films d'A. Hitchcock ou les romans de Daphné du Maurier. Par contre, l'héroïne est confondante de naïveté et devient vite un brin agaçante à accorder sa confiance aux mauvaises personnes ou à agir sur un coup de tête avant de s'en mordre les doigts. La deuxième partie en devient quasi poussive, avec un dénouement faiblard, qui ternit quelque peu la très bonne appréciation du début.
10/18 Grands Détectives ♦ Juillet 2015 ♦ Traduit par Pascale Haas (The Black Cabinet)
Du sang sur Abbey Road, de William Shaw
Brimé par ses collègues, qui lui reprochent son caractère solitaire et taciturne, Paddy Breen accepte de chaperonner Helen Tozer, une jeune inspectrice particulièrement bavarde, sur la scène d'un crime ignoble. Une fille a été assassinée dans le quartier d'Abbey Road, pas loin du studio d'enregistrement des Fab Four. Son corps nu a été jeté sur un matelas. Les voisins n'ont rien vu, rien entendu. Et on ignore tout de l'identité de la victime. Notre duo d'enquêteurs dépareillés mais bougrement attachants va aussitôt s'embarquer dans une course entraînante, à travers les rues de Londres ou sur les routes du Devon, traquant le moindre indice pour remonter un début de piste, même si la tâche s'annonce ardue. Mais c'est franchement grisant, planté dans l'ambiance électrique du Swinging London, en pleine Beatles mania (nous sommes en 1968) et avec des personnages truculents.
J'ai franchement adoré ! Paddy est guindé au possible et traîne son vague à l'âme depuis la mort de son père, tandis que Helen est pétillante, enjouée et décidée. Elle ne s'embarrasse pas des procédures (une femme n'avait pas le droit de conduire une voiture de police) et roule sa bosse pour oublier un drame familial. Tous deux étaient faits pour se rencontrer et vont probablement nous réserver d'autres aventures pleines de réjouissances ! J'ai hâte. ☺ ♥
10/18 ♦ Janvier 2015 ♦ Traduit par Paul Benita (A Song From Dead Lips)
En poche ! # 48
Voici quelques-unes des dernières nouveautés en format poche = l'autre rentrée littéraire ! ;-)
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Tony Hogan m'a payé un icre-cream soda avant de me piquer maman, de Kerry Hudson
La Famille Middlestein, de Jami Attenberg
Les héritières de Rome, de Kate Quinn
300 Mots, de Richard Montanari
Une main encombrante, de Henning Mankell [LU]
Un été avec Kim Novak, de Hakan Nesser [LU]
Le couloir des ténèbres, d'Anne Perry
L'automne du commissaire Ricciardi, de Maurizio De Giovanni
Jamais deux sans toi, de Jojo Moyes
Le Cirque des rêves, d'Erin Morgenstern
Déchirés, de Peter Stenson
Et rien d'autre, de James Salter [LU]
Le Détroit du Loup, d'Olivier Truc [LU]
Le Village, de Dan Smith
Saratoga Woods, d'Elizabeth George
Le café de luxe pour beaux messieurs, d'Alexander McCall Smith
Retour à Little Wing, de Nickolas Butler
Nos mensonges, de Louise Douglas [LU]
Les Indomptées, de Nathalie Bauer
Sarah Thornhill, de Kate Grenville
Dernier Jugement, de Jane Casey
Oh my dear ! de TJ Middleton [LU]
Le bruit des autres, d'Amy Grace Loyd
Le Retour, de Robert Goddard
Un fragile espoir, de Hannah Richell
Cadavre 19, de Belinda Bauer [LU]
L'homme de la montagne, de Joyce Maynard [LU]
Trouble, de Helene Uri
Scène de crime virtuelle, de Peter May
Le sang versé, d'Asa Larsson
La couleur du lait, de Nell Leyshon [LU]
Ne meurs pas sans moi, de Suzanne Stock
Une héroïne américaine, de Bénédicte Jourgeaud
Pas pleurer, de Lydie Salvayre [LU]
Constellation, d'Adrien Bosc
Muchachas Tome 1, de Katherine Pancol [LU]
Mauvaise compagnie, de Linwood Barclay
Meurtres en majuscules, de Sophie Hannah
Ames Sœurs (Humaine tome 2), de Rebecca Maizel [LU]
Animale : La malédiction de Boucle d'Or, de Victor Dixen [LU]
L'Agence n°1 des dames détectives, d'Alexander McCall Smith
Cette édition comprend : Mma Ramotswe détective - Les Larmes de la girafe - Vague à l'âme au Bostwana.
Les enquêtes de Mma Ramotswe sont un plaisir des sens ! On s'imagine très bien à l'ombre d'un robinier, en train de savourer un thé rouge, tout en dégustant du potiron, à écouter les sons de l'Afrique, dans une brise chaude et poussiéreuse. C'est tout un décor que nous vend l'auteur, tout un folklore original et chaleureux, qu'on parcourt avec félicité.
Mma Ramotswe a profité de l'héritage de son père pour ouvrir la première agence de détectives du Botswana. Elle a 35 ans, divorcée d'un mari trompettiste volage et violent, sans enfant. Cette femme indépendante et au caractère bien trempé n'est pas née de la dernière pluie et résout rapidement ses premières affaires grâce à son instinct féminin.
Les enquêtes ne sont pas de grande envergure, mais plutôt des balades intrépides dans la savane, au volant d'une petite fourgonnette blanche, que son ami mécanicien, Mr. JLB Matekoni, entretient avec zèle. Ce ne sont pas non plus que des “histoires de bonnes femmes” (démasquer les maris en fuite, les infidèles et les escrocs) car certaines histoires puisent aussi dans la sorcellerie et ses dangers.
En somme, la lecture procure bonheur, chaleur et dépaysement. C'est simple, sans prétention, mais hyper efficace. Et cela sent bon le soleil !
10/18 Grands Détectives ♦ Juillet 2015 pour la présente édition ♦ Traduit par Elisabeth Kern (The No. 1 Ladies' Detective Agency)
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« Vous pouviez réfléchir et réfléchir encore sans parvenir nulle part, mais il vous fallait toujours manger votre potiron. Cela vous ramenait sur terre. Cela vous donnait une raison de continuer à vivre. Le potiron. »
Un tour de passe-passe, de Marco Malvaldi
Après La briscola à cinq...
Cette fois, l'enquête criminelle se révèle nettement moins passionnante, car trop bavarde sur les maths et l'informatique. Alors que se tient en ville un séminaire réunissant des chercheurs venus de par le monde, un professeur japonais fait une mauvaise chute dans sa chambre d'hôtel et décède peu de temps après. Massimo va de nouveau prêter main forte au commissaire Fusco et tenir son rapport auprès de son public avide de spéculations criminelles pour de nouvelles séquences mémorables ! Sans quoi, le Bar Lune a tenté son entrée dans le monde 2.0 mais se heurte à nos joyeux retraités qui refusent de céder leur table fétiche (merci le Wifi franchement capricieux), tandis que Tiziana cherche à redonner du cachet au bistro en bousculant les habitudes de son patron. Se relèvera-t-il d'un tel choc ? Qu'importe la légèreté de l'intrigue policière, ce que j'apprécie tant dans cette série c'est sa galerie de personnages, son humour et l'ambiance toujours extra. Le rendez-vous invite aussi à l'évasion et à la détente. J'ai déjà hâte de lire le prochain épisode !
10/18 ♦ Grands Détectives ♦ Christian Bourgois éditeur ♦ Juin 2015 ♦ Traduit de l'italien par Nathalie Bauer (Il gioco delle tre carte)
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« Massimo s'assit confortablement, but une goutte de thé et ouvrit le journal avec un soin renouvelé. Au même moment, la porte s'ouvrit, et un être bizarre d'environ un mètre soixante-dix, de couleur verte et piriforme, pourvu de deux bras mais dépourvu de jambes et ruisselant de pluie, apparut.
“ Bordel, quelle pluie ! T'as vu ça ? ”
Au son de sa voix, Massimo comprit que son rêve enfantin de faire la connaissance d'un Barbapapa en chair et en os n'était pas en train de se réaliser et que l'entité qui avait franchi le seuil n'était autre que Tiziana, engoncée dans un énorme ciré à capuche qui dissimulait son visage et lui descendait jusqu'aux pieds. »
La Briscola à cinq, de Marco Malvaldi
Le corps d'une jeune fille étranglée est retrouvée dans une benne à ordures et c'est le barman du coin qui vient en aide au témoin éméché pour appeler d'urgence la police. Sauf que le commissaire Fusco n'a pas la réputation d'émoustiller ses petites cellules grises... C'est donc pour éviter qu'un innocent soit inculpé à tort du meurtre d'Alina Costa que Massimo, notre éminent propriétaire du Bar Lune, décide d'épier et d'interroger les acteurs du drame. Jusque-là, rien de neuf sous le soleil d'Italie, pensez-vous...
Et effectivement l'intrigue criminelle sert juste de contrefort à la mise en scène qui est carrément fabuleuse ! Cocasse et chaleureuse, elle offre un spectacle désopilant grâce aux quatre papys bien guillerets, les habitués du bistro, qui jouent aux cartes et rechignent de ne pouvoir boire du café selon leurs convenances. “Pas de café. Il fait trop chaud.” bougonne Massimo. Lui aussi tient son rôle à la perfection, en tant que vigile grincheux et cynique, il fait tourner sa boutique entre dérision et tendresse.
Tous ensemble vont donc discutailler de l'enquête en cours, non pour alimenter les commérages, mais pour pimenter leur quotidien morne et ronronnant. Le résultat est frais, rigolo et désaltérant ! On rêverait de déguster ce petit bouquin comme on avalerait un Cappuccino bien crémeux, avant de se raviser pour ne pas voir Massimo sortir de ses gonds. Oups, il fait trop chaud... pas de café ! On glisse donc sa chaise près de la tablée de nos joyeux septuagénaires et on fond de bonheur à les écouter. Le ton est volubile et convivial, dans une éclatante ambiance italienne. J'ai adoré.
10-18 Grands Détectives / Christian Bourgois éditeur ♦ Juin 2014 ♦ Traduit de l'italien par Nathalie Bauer (La briscola in cinque)