Ash Princess, de Laura Sebastian
Un premier tome captivant, avec une héroïne captive et bafouée depuis dix ans par un monarque despote et sanguinaire. Mais un souffle de rébellion gronde dans les coulisses du château. La jeune femme n'est plus seule. Elle a des alliés prêts à soutenir sa fuite. Et surtout il y a le prince dont la bienveillance brouille ses repères et son plan de vengeance.
Mon cœur a palpité fort fort fort jusqu'aux dernières pages du livre. Tout n'était qu'action lente jusqu'à présent (et ce n'est pas un reproche). En fait tout est question de faux-semblants, de séduction et de manipulation dans cette histoire. La jeune femme doit reprendre confiance en elle et retrouver son identité, résorber les cicatrices du passé et assumer son héritage.
Bref. Elle se pose beaucoup de questions tout au long de la lecture et parfois ça laisse supposer que c'est lent. Mais pas du tout. J'ai trouvé la construction du roman pertinente et très engageante car j'avais hâte de m'y replonger et surtout de connaître la suite !
Tellement hâte de prolonger l'aventure avec Lady Smoke. ♥
Albin Michel Jeunesse / coll. Wiz (2018)
Traduit par Anne-Sylvie Homassel
Theodosia avait six ans quand son pays a été attaqué, et quand sa mère a été assassinée sous ses yeux. Dix ans ont passé. Dix ans à vivre sous le joug du Kaiser, ses tortures incessantes, son régime de terreur. Dix ans qu’elle n’a pas prononcé son véritable nom. Theodosia s’appelle maintenant Thora, princesse de Cendres. Le jour où le Kaiser la force à exécuter son dernier allié, celui qu’elle voit comme son unique chance de survie, Theodosia ne peut plus ignorer sa rage vengeresse. Elle se lance dans une intrigue où la séduction cache des crimes de sang, où les amitiés ne servent plus qu’à une chose : regagner son pouvoir.
REPRISE EN FORMAT POCHE & PARUTION DÉBUT OCTOBRE
⭐⭐⭐⭐.5
Mila Hunt, par Eli Anderson
Mila Hunt, c'est d'abord :
Une héroïne avec un don qui peut faire tout basculer.
Une ambiance captivante dans laquelle on pénètre à pas feutrés.
Un monde au bord du chaos et divisé entre les plus puissants et les rejetés du système.
On comprend que la rébellion est certes pertinente car plus démocratique... Ce qui est à proscrire est finalement plus tentant, moins tendancieux.
Résultat, la mission qui incombe à notre héroïne comprend de multiples enjeux et des alliances compromettantes. Mila Hunt ne doit pas simplement obéir à des ordres pour sauver sa peau (et celle de ses proches) - elle doit choisir de quel côté de la barrière elle veut se situer, quel avenir elle entend mener etc.
Ses réflexions sur le pouvoir et le libre-arbitre sont passionnantes... enveloppées dans un cadre qui fait froid dans le dos, qui se découvre, qui surprend et qui n'est jamais tout blanc tout noir. En plus, on ne s'ennuie pas du tout au cours de la lecture ! Les intrigues & rebondissements sont nombreux. Parfois étourdissants.
On se retrouve à avaler les pages du bouquin en une bouchée tant le rythme est vif & mené tambour battant. On flirte avec les codes de la dystopie mais aussi du thriller. C'est happant. Une certaine aura entoure l'atmosphère de cette histoire - son véritable point fort - et place le public dans une posture inconfortable. Mais on aime ça !!!
Albin Michel Jeunesse (2019)
Mila, 17 ans, vit dans le confort du Centre, loin de la misère et des dangers de la Périphérie. Pourtant, elle porte un lourd secret : elle possède un pouvoir qui lui permet d’imposer sa volonté à ceux qui l’entourent. Ce terrible don lui vaut d’être enlevée par les services secrets du Centre qui veulent exploiter ses capacités hors du commun. Le prix qu’ils exigent en échange de sa libération est colossal : elle doit infiltrer la Périphérie et en éliminer les chefs. Mila, contrainte, accepte, mais rapidement les doutes l’assaillent. Loin du sinistre ghetto qu’on lui a décrit, la Périphérie dissimule un monde fantastique et surprenant, où les adolescents ont pris le pouvoir. Qui sont ces chefs qui font si peur au gouvernement du Centre ? Pourquoi lui a-t-on menti ? Mila se lance dans une quête éperdue où elle va découvrir que sa réalité en renferme bien d’autres.
Alex McCoy, de Rachel Hawkins
Relecture d'un roman préalablement paru en 2014 sous le titre Rebelle Belle. Mais la couverture piquait tellement les yeux que la suite n'a jamais vu le jour. Cette fois on croise fort les doigts pour que les aventures d'Alexandra continuent.
C'est soir de bal au lycée Grove Academy. Alors qu'elle se tartine de gloss dans les WC, dans l'attente de son sacre, Alex voit soudain le concierge de l'école jaillir, plaie béante au ventre. Le type agonise mais saisit la jeune fille pour l'embrasser - ce n'est pas n'importe quel baiser, bien sûr. L'instant d'après, son prof d'histoire déboule lui aussi. Sauf qu'il est armé d'un cimeterre et veut lui faire la peau. Alex ne frémit pas et lutte à mort sans déranger son brushing.
Voilà qui est étonnant ! Mais c'est aussi parce que ce roman est étonnant ! Tellement drôle et étonnant. C'est un savant mélange de peps, de dérision et d'aventure. Hop. J'avais à peine lu quelques pages que j'étais déjà aspirée dans son univers - franchement exaltant.
L'héroïne incarne la lycéenne superficielle par excellence mais là encore, ce décalage n'est pas anodin. Notre belle du Sud est désormais investie d'une mission délirante (protéger le garçon qu'elle déteste depuis le bac à sable), mission contre laquelle elle ne peut résister et qui va également chambouler son existence.
Ce roman se situe un peu à la croisée des chemins. On lit à la fois un roman d'ado qui ne se prend pas au sérieux et qui réserve aussi une histoire palpitante. Autant dire que c'est 100% distrayant et que je dis banco.
Et surtout : VIVEMENT LA SUITE. Pardi.
Albin Michel Wiz, 2019 pour la présente édition - Traduction de Nathalie Serval
Titre VO : Rebel Belle
Aru Shah et la lampe du chaos, de Roshani Chokshi
Mais qu'est-ce que c'est drôle !
En voulant épater des élèves de son école qui la traitent de menteuse, Aru les entraîne au musée de sa mère face à une lampe magique. À manipuler pourtant avec précaution. Car l'instant d'après, plouf, ses camarades sont pétrifiés et Aru est projetée dans un univers parallèle.
Elle y fait la rencontre d'une autre fille de son âge et d'un pigeon acariâtre. Celui-ci vient en effet de comprendre que les dieux sont contre lui car ces donzelles de 11 ans sont des Pandava qui doivent sauver le monde de sa destruction en moins de neuf jours !
Sa mission consiste à les chaperonner et surtout à mener à bien leurs objectifs. Or, Aru et Mini sont des quiches. Elles ignorent tout du folklore et de la mythologie indienne. Aru a certes grandi dans un musée, mais sa mère a toujours été secrète sur ses origines. Et là, tout lui tombe sur la tête. Mini aussi est morte de trouille - elle jacasse, elle jacasse - autant dire que leur tandem fonce droit dans le mur.
C'est justement leur maladresse et leur spontanéité qui font de cette lecture une découverte désaltérante. Ici, nul ne se prend au sérieux. Les échanges sont vifs et les taquineries fusent. Les propos sont sans filtre - Aru et Mini disent tout haut ce qu'elles pensent. On s'amuse follement, alors que l'aventure est parfois ardue dans ce vaste espace qu'est la mythologie indienne. Les mythes et légendes pullulent. C'est copieux et néanmoins fascinant.
En gros, on a de l'humour, de l'extraordinaire, des rebondissements et de l'exotisme. Premier tome d'une série. C'est tout bon. Suite annoncée en 2020.
Albin Michel Jeunesse, coll. Wiz (2019)
Traduit par Marie Cambolieu - Titre VO : Aru Shah and the End of Time
L'Internat de l'Île aux Cigales, de Julie Bonnie
Sur une île près de Cherbourg, une riche mécène ouvre les portes de son manoir à de jeunes élèves surdoués. Cultivant savamment son mystère, celle qu'on surnomme la Cigale, reconnaissable à la broche en or qu'elle ne quitte jamais, accueille chacun des enfants en leur rappelant les règles strictes et le travail acharné de l'école. Nos cinq novices viennent à peine de débarquer qu'ils mesurent déjà les enjeux. Face à leur détresse, un certain Eli les prend sous son aile. Le garçon, plus âgé et volubile, va également leur confier son secret : un dortoir abandonné où il aime se planquer pour écouter de la musique tout son saoul et loin des regards indiscrets.
En vrai, ce lieu servait aussi à cacher des réfugiés durant la guerre, comme la petite Alma, juive de onze ans en 1942. En découvrant son destin tragique, les enfants envisagent de retrouver sa famille mais réalisent qu'ils risquent de trahir la confiance de leur ami. Le piège se referme quand une peste manipulatrice leur met aussi des bâtons dans les roues. Face à ce nouveau dilemme, nos cinq agneaux apeurés vont infliger à leur pote une blessure profonde. La solidité du groupe est remise en question : Agostino, Caleb, Cerise, Marguerite et Nordine mettent sur pause leurs projets et ne se parlent quasiment plus.
Au programme, donc : des rivalités des cours d'école, de la jalousie et du harcèlement, des enfants laissés-pour-compte, des familles absentes, des rêves brisés et des élans d'espoir. L'histoire est assez banale et baigne dans une ambiance feutrée où on aurait pu espérer un grain de folie. Au lieu de ça, la lecture coule sans vague. Phrases courtes, style direct et simple, présent de l'indicatif tout du long. Les fantômes des souvenirs enfouis se font aussi désirer. Bon point pour l'emballage charmant, le reste est un peu lisse et moins convaincant. Conviendrait davantage aux plus jeunes, dès 8-10 ans.
Albin Michel jeunesse, 2019 - couverture illustrée par Xavier Collette
Les Amours d'un fantôme en temps de guerre, de Nicolas de Crécy
Un jeune fantôme nous raconte son enfance, après la disparition brutale de ses parents, partis en vacances en Écosse, lui dit-on. Son éducation est confiée à la jeune Lilli, à peine plus âgée que lui, qui vit dans une ferme où son rôle consiste à hanter les habitants sans susciter de gros frissons non plus.
La vie est alors douce et légère. Notre ami s'attache rapidement au chien de la maisonnée, Boulette, une boule de poils espiègle et adorable. Et tombe amoureux de Lilli, même si celle-ci se moque un peu quand il lui ouvre son cœur. Certes, nos deux compères s'ennuient mais ne réalisent pas encore qu'ils vivent ensemble leurs derniers instants de tranquillité.
Car la guerre gronde : des Fantômes Acides sèment la terreur. Ce sont des spectres malfaisants, idéologues et criminels. Notre jeune candide va alors découvrir trop tôt, trop vite des vérités pas jolies et qui vont le faire basculer dans une réalité sans concession : combats acharnés, résistance, espionnage, trahison, vengeance... La lutte est longue, la vigilance toujours en éveil.
Cette lecture offre ainsi une parabole intéressante sur le devoir de mémoire à travers son histoire de fantômes. Oui, des fantômes... qui ne sont pas de simples spectres errant sur une lande déserte, mais bel et bien des personnages intuitifs mis en scène pour évoquer la condition humaine avec une certaine distance.
Un parti pris peu anodin pour l'auteur qui souhaitait un roman lisible par tous (adultes et adolescents). Et c'est vrai que c'est assez tentant et curieux de découvrir les pensées d'un jeune fantôme, de pénétrer dans son monde à la fois lyrique et inquiétant. On plonge ensuite dans une histoire sombre et poignante, au cœur de splendides illustrations, mais dans une ambiance particulièrement mélancolique.
Cela fait froid dans le dos. C'est sépulcral et cryptique, ça reste néanmoins un texte intelligent et nécessaire dans notre monde actuel (où les délires dictatoriaux fleurissent à outrance en séduisant dangereusement les foules). En vrai, la lecture est remarquable, même si elle demande du temps, de la patience, de la sagesse... mais c'est à lire, absolument.
Pour les jeunes lecteurs comme pour les adultes (à partir de 13 ans)
Albin Michel (2018) - lauréat de la seconde édition du Prix Vendredi
Deux mentions spéciales ont été attribuées à Nastasia Rugani pour Milly Vodović (Editions MeMo), et Vincent Mondiot pour Nightwork (Editions Actes Sud Junior).
ACTUELLEMENT : Exposition à la Galerie Barbier Mathon du 8 novembre au 5 janvier
Pour l'occasion, la galerie édite le tirage limité du roman écrit et illustré par Nicolas de Crécy : Les amours d’un fantôme en temps de guerre (Albin Michel, 2018) en grand format avec couverture originale, pages de croquis et un ex-libris inédit en digigraphie numéroté et signé.
Pêle-Mêle : La dispute de Tito et Pépita - La nuit de l'étoile filante - Mon toi - L'heure des carottes - Crottes de libellule
Tito et Pépita sont voisins mais ne s'aiment pas du tout. Une rivière sépare leur habitation, et heureusement car ce ne sont que regards haineux et insultes cinglantes qui volent d'une berge à l'autre !
Les hostilités redoublent après l'envoi d'un vilain poème... Horrible Pépita, ton sourire est une grimace, tu ressembles à une limace, avec ton corps tout gluant qui se tortille en marchant. Trop, c'est trop. La guerre est déclarée. Pépita, en retour, le traite de gros cafard. À ceci, Tito trouve qu'elle pue du bec. Pépita est infecte, Tito est dégoûtant. Les noms d'oiseaux pleuvent - les poèmes deviennent des boulets de canon.
Un matin, pourtant, Tito ne reçoit plus de courrier. Les jours passent et Pépita ne donne aucune nouvelle. En fait, celle-ci est malade, couchée dans son lit. Tito compatit et prend soin d'elle nuit après nuit. Au final, il la trouve très jolie dans son sommeil. Et inversement, lui aussi est très mignon quand il dort. La hache de guerre est enterrée. Nos deux voisins deviennent des amis inséparables et s'envoient désormais des petits mots doux.
De la haine à l'amour, il n'y a souvent qu'un pas que nos deux hamsters vont franchir sans sourciller ! Mais avant cette grande révélation, leur duel épistolaire est hilarant. Les jeunes lecteurs se bidonnent et suivent la bagarre, riche en grossièretés fleuries. Très drôle & illustrations charmantes.
La dispute de Tito et Pépita, d'Amalia Low
albin michel jeunesse, 2018
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Cobalt et Vermillon sont également voisins : l'un vit dans une maison bleue, l'autre dans une maison rouge. Une simple barrière les sépare. Cette fois, aucune animosité entre eux... mais une grande timidité !
Car Cobalt et Vermillon s'observent discrètement et n'osent pas s'aborder. Et finalement, par une nuit d'étoile filante, bim ! le déclic... Les deux voisins vont enfin briser la glace et devenir des amis pour la vie !
Une histoire classique et pleine de tendresse, avec des illustrations adorables ! On aime beaucoup.
La nuit de l'étoile filante, de Amy Hest & Jenni Desmond
mango jeunesse, 2018
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Au-delà de cette magnifique couverture, s'ouvre une histoire de toute beauté et qui fait rêver...
Une histoire d'amitié amoureuse qui se construit comme une maison, distraite et imparfaite, fragile et difficile à raccommoder, mais libre et entière, toujours en voyage, glissant sur les alizés, avec des cacatoès et des colibris pour les guider, où on lâche des bulles et mange des caresses, sans verrou et sans clôture, et en touche finale : « nos rêves au gré du vent esquissent une toiture d'étoiles et de diamants ».
Beaucoup de poésie et de douceur dans cette lecture riche en émotion. Adorable.
Mon toi, de Stéphane Girel
HongFei (2018)
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Les illustrations joyeuses et colorées d'Estelle Billon-Spagnol nous racontent une histoire franchement cocasse.
Carlos est un lapin paresseux. Le matin, il préfère traîner dans son lit, bien au chaud sous le couette. Malheureusement pour lui, il a oublié ses carottes au jardin. Il tente de héler quelques copains pour les récupérer à sa place, et puis... et puis..
La suite est très drôle ! Bonus pour la chute qui est à mourir de rire. J'adore l'espièglerie d'Estelle Billon-Spagnol.
L'heure des carottes, d'Estelle Billon-Spagnol
Frimousse, 2017
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Et on en parle des crottes de libellule ?!!!
Très, très drôle. Un album qui parle de caca et où les animaux s'échangent leurs derrières... comment dire... on ne peut que sourire et glousser de bonheur !
Les illustrations aussi sont savoureuses. Les plus jeunes y trouveront peut-être des indices pour apprendre la propreté. Après tout, faire caca est un acte banal qui concerne tout le monde. Hihi ! ☺
Crottes de libellule, de Sandrine Beau & Nicolas Gouny
Les P'tits Bérets, 2016
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Élisabeth Princesse à Versailles 1. Le Secret de l'automate - 2. Le Cadeau de la reine, d'Annie Jay
Cette charmante série, découverte depuis 2015, connaît un joli succès en librairie, avec ses 10 titres en rayon et ses emballages délicieusement poudrés. Audiolib s'empare à son tour du phénomène en éditant les deux premiers tomes réunis sous le même format, à écouter en moins de 3 heures, grâce à l'interprétation élégante et enjouée de Charline Paul.
Dans le courant des années 1770, l'éducation des princesses, Élisabeth et Clotilde, est confiée à Madame de Mackau, une sous-gouvernante chargée de canaliser le tempérament capricieux et indiscipliné de la cadette. Vexée de passer pour une idiote, Élisabeth accepte de rentrer dans le rang mais refuse de se séparer de sa nouvelle camarade, Angélique. En plus d'avoir tissé une amitié sincère, toutes deux se passionnent pour les énigmes. Elles viennent en effet de trouver un billet caché dans un automate, avec un message codé qu'elles doivent déchiffrer pour poursuivre leur enquête. De Versailles à Choisy, les copines parcourent les jardins, les salons et autres recoins secrets du château, sans jamais sacrifier leurs leçons et autres devoirs d'usage liés au rang de la princesse et sa demoiselle de compagnie. Au fil de leurs aventures, elles vont s'attacher l'aide non moins précieuse du jeune page, Théophile de Villebois, et du fringant apprenti valet, Colin.
En somme, cette lecture déborde de grâce et de fraîcheur. Annie Jay excelle dans le registre des séries historiques, avec une écriture intelligente et soucieuse du détail, elle nous fait voyager dans le temps et entrouve avec discrétion des portes habituellement fermées. On croise ainsi la famille royale dans son quotidien, on découvre les us et coutumes de la Cour de Versailles, avec son étiquette corsetée mais enjolivée exprès pour un auditoire (dès 8 ans) fasciné par le faste et le tralala. Ici, les princesses sont exubérantes et bousculent les traditions, toujours partantes pour vivre des intrigues pleines de mystère et d'audace. C'est adorable et pimpant ! J'ai vraiment passé 3 heures d'écoute agréable, avec juste une pointe de naïveté qui compose savamment le récit. C'est à déguster sans réserve !
©2015 Albin Michel Jeunesse (P)2018 Audiolib
Texte lu par Charline Paul. Durée: 2h 50 env.
La série est illustrée par Ariane Delrieu.
13 reasons why ►, de Jay Asher - lu par Florine Orphelin & Gauthier Battoue
« J'espère que vous êtes prêts, parce que je vais vous raconter l'histoire de ma vie. Ou plus exactement, la raison pour laquelle elle s'est arrêtée. Et si vous êtes en train d'écouter ces cassettes, c'est que vous êtes l'une de ces raisons. »
Hannah Baker a mis fin à ses jours, mais avant de commettre son suicide, elle a tenu à raconter son histoire en s'enregistrant sur des cassettes qu'elle adresse aux différents maillons d'une même chaîne - ils sont donc treize - treize désignés coupables, lesquels par un mot de trop, un geste déplacé, une parole malheureuse, un jugement, un mensonge ou un colportage, ont entraîné le drame que l'on sait. Clay Jensen figure sur cette liste, sauf qu'il ne comprend pas pourquoi. Élève discret, sans histoire, il était fou amoureux de Hannah mais se sentait trop timide pour lui avouer. Peur du regard des autres ou de la déception ? Aujourd'hui, le garçon n'est plus qu'un paquet de larmes et de regrets. C'est donc armé de son walk-man, le casque vissé aux oreilles, qu'il chemine dans la ville, tout en sombrant dans l'amertume, à l'écoute de la confession de la jeune fille. Confession émouvante, injuste et révoltante... mais qui soulève aussi des questions. Et c'est toute la force du roman qui réussit à nous fasciner en nous entraînant dans les dédales de son histoire - cela se lit comme un roman à suspense. La construction est judicieuse, l'intrigue est alimentée sans cesse pour lancer de nouvelles pistes ou créer du mystère. Et pourtant, le malaise aussi nous ronge et prend de l'ampleur à mesure qu'on découvre la spirale infernale, le point de non-retour, la détresse incurable. On se vautre dans la saveur amère du gâchis, et on ressent un profond malaise. La boucle est bouclée. Hannah Baker a gagné son pari de nous hanter.
J'avais déjà lu le roman à sa sortie, en 2010, pour découvrir aujourd'hui qu'il a inspiré une série netflix. Très bonne appréciation, et blablabla. En optant cette fois pour le format audio, je ne pouvais qu'être au plus près de Clay Jensen, en train d'écouter une voix d'outre-tombe, vaincue et dégoûtée par l'emballement frénétique de l'ostracisme adolescent. C'est franchement moche, très dérangeant. Même l'initiative de Hannah Baker me pose un problème de conscience, ce qui est sans doute voulu par l'auteur. Au final, on ressort de cette expérience audio en ressentant un vrai soulagement. On salue la performance des deux lecteurs - Florine Orphelin et Gauthier Battoue - également les voix françaises dans la série. Et on réfléchit à la vie, si précieuse et si fragile...
©2007 "Thirteen Reasons Why", première publication. Traduction française : Éditions Albin Michel (P)2017 Audiolib, texte lu par Florine Orphelin & Gauthier Battoue (durée : 6h 25)
Magnetic Island, de Fabrice Colin
Se sentant broyé par une histoire familiale trop lourde pour lui, Cyan noie son désespoir dans l'alcool et est sujet à des crises d'angoisse qui l'ont déjà conduit à l'hôpital. Il faut dire que ça ne manque pas de secrets ni de mystères autour de lui - quatre ans plus tôt, sa sœur jumelle a disparu lors d'une sortie scolaire sur Magnetic Island, pas loin du lieu de tournage du film de leur père. Artus Fisher, célèbre réalisateur, est englué dans cette super production et n'a guère de temps à consacrer à son fils. Son épouse, France, a quitté le foyer pour son avocat et harcèle son ex pour signer les papiers du divorce. L'ambiance à la maison tourne donc en eau de boudin. Rien ne va plus, chacun est replié sur soi, ça gronde à chaque coin de page, et voilà qu'arrive une autre disparition - Divine, l'aînée de la fratrie, n'a plus donné signe de vie depuis cinq jours. La folie obsessionnelle de Cyan reprend de plus belle, son père le pousse à se rendre chez une addictologue, sa mère menace d'alerter la police et le fantôme de Holly refait surface. Ouhlàlà, quelle sombre histoire ! Mais le roman n'en demeure pas moins captivant. J'ai plongé tout de go dans les arcanes de cette intrigue aux nombreux revers familiaux, où les silences pèsent dans la balance et viennent noyer le poisson. On a, de plus, une perception biaisée des enjeux puisque tout est rapporté d'après Cyan, définitivement paumé et carrément désaxé. Le môme est en pleine déroute, il se cherche et cherche aussi la part de vérité parmi les mensonges qui gravitent autour de lui. Certaines révélations auront tout lieu de le désarçonner, par leur violence et leurs conséquences, même si la guérison exige de passer par là. L'atmosphère générale baigne dans le flou, ce qui est parfois déroutant et, malgré tout, enivrant. Car la petite musique du roman est ensorcelante et fait tourner les pages avec avidité pour connaître le dénouement. C'est cependant moins léger que dans Le pays qui te ressemble où l'auteur s'éclatait à dresser le portrait d'une autre famille dysfonctionnelle. Ici, c'est un roman qui vous happe dans sa bulle, où l'on pressent que tout n'est pas rose ni innocent.
Ce titre figurait parmi les 10 sélectionnés pour le Prix Vendredi, premier prix national de littérature ado, qui a finalement récompensé L'Aube sera grandiose d'Anne-Laure Bondoux.
Albin Michel coll. Litt' - 2017