Pêle-mêle : Il va pleuvoir - Vive la galette ! - Kong Kong - Qui fait peur au grand méchant loup ?
Magnifique, cet album ! Anne Herbauts nous transporte dans son monde teinté de lyrisme et de supposition. On frissonne à la lecture de son histoire où une famille de hérissons appréhende l'arrive de la pluie. Les nuages noirs s'amoncellent dans le ciel, le ruisseau scintille et chante. Les grands lèvent les yeux, les plus jeunes scrutent l'horizon. On se sert des chocolats chauds, on lit des contes, et on attend. On entend presque le tic tac des horloges, des secondes qui passent et qui font monter la pression. C'est un vrai talent de mise en scène : on sent l'angoisse venir à petites doses. C'est saisissant.
On pourrait aussi y lire d'autres interprétations, ou se contenter de contempler page après page cette évasion sur les flots, cette aventure dans les bois, cette forêt de châtaigniers où il fait bon se réfugier, et savourer les messages qui glissent sur les flots, le même ruisseau court entre nous. C'est tellement beau ! Une lecture forte et pleine de sous-entendus qui fait divaguer esprit et imagination. Bravo.
Il va pleuvoir, d'Anne Herbauts
les albums casterman, 2018
=============================
Adaptée du grand classique Roule Galette, cette histoire est tout aussi savoureuse et croquante ! Une galette s'échappe par la fenêtre, refusant d'être mangée. Elle préfère de loin sa liberté. En chemin, elle rallie à sa cause perdue un bonbon, un morceau de chocolat et un biscuit riquiqui. Tous ensemble gambadent joyeusement... et avec insouciance. Ils ne voient pas qu'ils arrivent droit dans la gueule du loup : une cour de récréation avec des dizaines de marmots en quête de goûters !
Haut les cœurs. Hélène Chetaud apporte fraîcheur et tendresse à cette version drôlissime du mythe de la galette ! Régalez-vous.
Vive la galette ! de Hélène Chetaud
casterman, 2018
=============================
L'imagination d'Abélard est débordante. Lorsque son père lui annonce qu'ils vont désormais vivre dans une tour, le garçon s'imagine déjà locataire d'un château... au lieu d'un modeste appartement au 82ème étage d'un immeuble quelconque. L'ascenseur est tout le temps en panne. La corvée du pain devient une torture quotidienne. Jusqu'au jour où il croise sa voisine, la délicieuse Héloïse. Elle est curieuse et intrépide. Elle adore les super héros, les dragons et les chevaliers. Et elle a un meilleur ami qui vit sur le toit. Il s'appelle Kong et c'est un très, très grand singe.
Une lecture décalée et totalement inattendue, qui puise aussi ses inspirations culturelles ci et là. Rien que d'y réfléchir, ça fait pas mal sourire... Le résultat est improbable, et néanmoins cocasse. En bref, voilà une parfaite petite curiosité qui ne demande qu'à déployer ses ailes.
Kong Kong : Le Singe sur le toit, de Yann Autret & Vincent Villeminot
casterman, 2018
=============================
Après Les Bisous du grand méchant loup, retrouvons notre sémillant héros dans une nouvelle aventure ... hoquetante ! En effet, le loup s'est réveillé avec le hoquet. Impossible d'y échapper. Il doit avoir la peur de sa vie : une souris ? des chasseurs ? Rien n'y fait. Il doit affronter la terrible sorcière, avaler sa potion, l'embrasser. Ohlàlà.
Ce qui est drôle, dans cette collection, c'est la marionnette (tête du loup) qui permet de mimer du bout des doigts cette lecture complètement loufoque ! Le jeune public est conquis. Très, très sympa !
Qui fait peur au grand méchant loup ? de Jean Leroy & Laurent Simon
casterman, 2018
=============================
Ici Londres
sur une idée originale de Vincent Cuvellier
illustrée par Anne Herbauts
texte historique : Aurélie Luneau
musique : Olivier Mellano
Caché dans la remise à bois, un jeune garçon écoute clandestinement le poste à galène de son père d'où s'égrènent des messages, drôles ou oniriques. C'est une époque de guerre et d'interdits. Il faut se cacher pour écouter les programmes diffusés depuis Londres et tendre l'oreille pour deviner les voix, assourdies par le brouillage. Mais, à cette époque-là, la radio diffuse de la poésie et les mots sont des armes.
On appelle ça des « messages personnels ». Écouter la radio n'est pas un acte anodin. Derrière ces phrases codées qui dessinent un voyage imaginaire jusqu'à l'annonce du débarquement en Normandie et le rêve plus concret d'une paix prochaine, se trament des largages d'armes, des transports clandestins, des appels à la résistance. Par-delà les années, les voix de Londres font une musique étrangement actuelle à nos oreilles.
(quatrième de couverture)
Le père La Cerise est verni. Poussière tu te soulèves. Raymonde cueille des olives. La chicorée est améliorée. La laitue est romaine. Le cheval bleu se promène sur l'horizon. Marie est sage. La vie est rose. Le traversin est en duvet. Les sillons sont en courbe. Grand-mère mange nos bonbons.
Qu'entendez-vous ? Des phrases inattendues ? Des messages sans queue ni tête ? Au début c'est vrai, ça fait rigoler. Et puis il faut se rendre compte qu'écouter la radio, en ce temps-là, n'était pas anodin. Il fallait se cacher. Se méfier. Et c'était pas pour rire non plus. Le moulin à paroles pouvait causer, ça signifiait bien quelque chose. Pour qui ? pourquoi ? A qui ? A-t-on imaginé ce qui se passait dans la tête d'un môme qui entendait à la radio une voix inconnue répéter trois fois la même phrase ? Et même maintenant... on sait toute l'histoire, on connaît la fin du film mais on ignore l'émotion de l'instant présent, pris entre la peur, l'excitation, la surprise et l'interrogation. Le 18 juin 1940 De Gaulle lance son appel, depuis la radio de Londres, à la France libre et aux français qui refusent l'occupation par l'ennemi. Ce message a été peu entendu sur le moment, mais la presse a publié cet appel dès le lendemain. Dès lors, la résistance s'organise et la BBC va servir de boîte aux lettres.
Sur son blog, Vincent Cuvellier explique la genèse de ce beau projet. Tout est parti de la poésie et de la bizarrerie, dans la tête d'un môme. Ensuite, avec des rencontres, des idées, des pinceaux et des crayons, de la musique et du talent, quatre auteurs et quatre voix se mettent au service d'Ici Londres.
Le prologue est signé Vincent Cuvellier, puis se succèdent 17 étranges phrases illustrées par Anne Herbauts comme autant de scènes sorties de son imagination. Se glisse au milieu un livret historique, comme un journal, signé par Aurélie Luneau, historienne, qui explique plus en détails le contexte et l'importance des messages radio, l'émission les Français parlent aux Français, la guerre des ondes, l'appel du 18 juin, etc. Et vient enfin la musique d'Olivier Mellano (sur un cd d'une durée de 20 minutes) qui permet au lecteur de porter l'oreille à ces messages radio et à se glisser dans ce moment d'Histoire si particulier.
Ce n'est pas un album facile, pas donné à tout le monde, du genre qui ne délivre pas ses secrets tout de suite... Il faut le découvrir petit à petit, l'effeuiller, le cajoler, l'enjôler, ou bien c'est l'inverse. C'est à lui d'embobiner le lecteur, de lui raconter son histoire, de l'émouvoir. Chacun y trouvera son compte. Ce livre existe pour interroger, pour se questionner. Pour ne pas oublier. Pour comprendre ou non. Pour admirer aussi. Car c'est un album d'utilité publique. Pas moins ! C'est à sa façon une trace, une continuation, un oeil par-dessus l'épaule. Un objet curieux, de prime abord. Un album intelligent et subtil, pour le fond.
Par contre j'ignore pour quelle tranche d'âge il se destine. Pour tous, j'ai envie de penser...
Rouergue, coll. Varia, 2009 - 32 pages - 22€