Comment maximiser (enfin) ses vacances, d'Anne Percin
Je pensais être guérie de mon béguin pour Maxime Mainard, lorsque j'ai découvert la sortie de ce nouveau roman, soit une 4ème saison inopinée, sachant la trilogie bouclée depuis 2012. J'étais partagée entre la surprise et la panique, bonne ou mauvaise nouvelle, dans les premières pages, j'ai douté, trouvant que le garçon exagérait bêtement le ton de l'éternel insoumis, opposé au système par principe - allait-on nous réchauffer une vieille recette sans la même saveur ?
Foin de tout ça. En vrai, j'ai totalement succombé. C'est toujours aussi bon, toujours aussi drôle, toujours aussi dérisoire et toujours aussi déjanté. On retrouve nos fidèles camarades dans des aventures improbables - une série de concerts sur la route des vacances - et c'est du bonheur en barre. Je n'ai pas pu m'empêcher de glousser au fil des pages.
Le bac en poche, Maxime plane sur son petit nuage mais rechute lourdement après son admission loupée à Sciences Po. Totale remise en question et perspective d'avenir dans le flou. Notre jeune ami fonde ses derniers espoirs dans son groupe de rock, Kremlin, et décroche un contrat inespéré pour jouer dans un festival sur la côte Atlantique. Quinze jours à se doper de rock et d'océan, ambiance camping où l'on répète dans les sanitaires, une licorne gonflée sous hélium flottant sur la tente !
Ah, sûr qu'il faut le voir pour le croire. Maxime a réuni sa bande au complet - Stéphane à la batterie, Christian à la guitare, Julius à la basse - sans oublier sa Kévinerie, mascotte attitrée, son amoureuse Natacha, sa pote d'enfance Alexandra et sa groupie de frangine Alice. La suite de l'aventure promet monts et merveilles, mais est surtout désopilante et vous communique une vraie fraîcheur de vivre.
C'est le remède radical pour une cure de bonne humeur ! Prenez-en à fortes doses !!!
éditions du Rouergue, 2017
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Vendus à plus de 100 000 exemplaires, les trois premiers tomes ressortent sous de nouvelles couvertures pour brasser toujours plus large un public qui n'aurait pas encore eu la chance de connaître le personnage. ♥
Bonheur fantôme, d'Anne Percin
Pierre n'a pas trente ans et a tout quitté. Paris, son job, son amour. Il s'est enterré dans la Sarthe, a acheté une petite maison et s'est improvisé brocanteur. Il a créé autour de lui « un rempart fait de ruines, avec fortifications littéraires, fondations enfantines, tour de guet philosophique, meurtrières ironiques ». Il écrit également une biographie sur Rosa Bonheur, une peintre française excentrique et scandaleuse. En vrai, Pierre fuit un passé lancinant - un frère disparu, un amant perdu... même si cette idylle n'est pas complètement terminée, elle vient occuper tout l'espace et devient obsédante, telle une rengaine évoquant la rencontre, l'euphorie, l'insouciance, puis la déconfiture et la rupture. « Aimer, c'est sentir vivre en soi quelqu'un qui n'est pas soi. Et si je n'étais parti que pour savoir cela ? (...) La certitude que j'ai d'aimer est le seul bien qui me semble immortel. »
Par son caractère “enfermé dans le dix-neuvième siècle”, Pierre est un personnage fascinant. Il parle des objets anciens, partage son goût du passé, l'odeur des vieux livres, les photographies, les mélodies oubliées (Fantôme de bonheur de Mouloudji). À côté, la figure de R. n'est pas en reste et hante les pages du livre en apparaissant par petites doses, mais quelle présence ! On en oublie la morosité de la Sarthe, les petites campagnes tristes à pleurer, la vie recluse de Pierre, son ascétisme. Aux oubliettes, ses cauchemars, ses trouilles... Ce roman finalement nous parle d'une grande et belle histoire d'amour et laisse filer entre ses pages une déclaration sublime et bouleversante.
Babel, 2017
A noter aussi que la vie littéraire du narrateur de Bonheur fantôme a commencé en 2006 avec le roman Point de côté (éditions Thierry Magnier).
Teaser Tuesday #63
« Elle a retiré ses lunettes pour les essuyer et j'ai regardé ses yeux. Ils étaient plissés comme sous l'effet d'un rayon de soleil trop fort. Au coin de l'œil droit, une petite larme traçait son chemin dans un réseau de minuscules rides, comme un filet d'eau dans le désert. Soudain, j'ai eu l'impression qu'une main invisible m'étranglait. Tout ce que j'ai trouvé à dire, c'est ce truc complètement nul :
- Mais pourquoi ?
Dans ma tête, ça voulait dire : « Comment t'as chopé ça ? » Mais aussi : « Pourquoi toi et pas une autre ? » La maman d'Élodie qui fume comme un pompier, par exemple. La nouvelle femme de papa qui est pleine de silicone dans les seins, tiens. Mais, dans ma bouche, ça sonnait comme une question de bébé : « Pourquoi le ciel est bleu, pourquoi il pleut, pourquoi on a des cheveux, pourquoi la neige est froide, et pourquoi les gens meurent ? » Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?
- Je ne sais pas. Ils n'ont pas pu me dire. Ils disent que c'est un ensemble de facteurs. Je crois surtout que c'est la faute à pas-de-chance...
Elle a remis ses lunettes et m'a pris la main entre les deux siennes avant de m'annoncer d'un ton presque enjoué :
- Enfin, voilà, je suis malade. Mais j'ai bien l'intention de guérir, tu sais ! »
Ma mère, le crabe et moi - Anne Percin (Rouergue, 2015)
Tania, 14 ans, apprend que sa mère est atteinte d'un cancer du sein. Je vois d'ici votre mine apeurée à l'évocation de la maladie, mais inutile de craindre les violons et les pleureuses en coulisses car l'histoire se révèle étonnante d'humour et d'optimisme. Comme un pied-de-nez au destin. Et c'est tant mieux (y'en a marre de ces bouquins qui nous font pleurnicher exprès). Anne Percin a choisi pour narratrice une ado crâneuse et caustique, qui aime tourner le monde en dérision et se blinde derrière les sarcasmes pour encaisser l'onde de choc et soutenir du mieux qu'elle peut sa maman dans son combat (la chimio, les nausées, les gros coups de pompe, la perte des cheveux, le désespoir et l'isolement). On ne va pas se mentir - Tania est naturellement morte de trouille mais refuse de baisser les bras. Elle se lance alors pour défi de rejoindre l'équipe de cross du collège - elle qui a longtemps considérait que l'EPS signifiait « ensemble de pratiques sadiques » - et va exorciser sa frustration et sa colère sur la piste de course.
Le roman est court (127 pages), mais livre avec justesse, sensibilité, tendresse et fantaisie deux parcours de combattantes, en clin d'œil aux mythiques amazones, et dessine une relation mère / fille attachante et riche en complicité. L'histoire fait fi des clichés et du pathos, grâce au choix de dédramatiser la maladie, sans en négliger l'aspect barbare et médical. Un parfait équilibre entre prévention et émotion. ♥
♫♪ Western girl ♥♫♪
Elise, qui adore les chevaux et la culture Western, va enfin vivre son rêve en partant trois semaines dans un ranch du Dakota du Sud. Or, elle doit supporter la compagnie d'une bande d'adolescents snobinards, qui se paient le luxe de se moquer d'elle à tour d'horizon, ce qui a le don d'émoustiller la nature colérique de notre héroïne. On suit toute son aventure à travers son journal de bord, dans lequel elle déverse ses accès de rage, de désespoir et d'émerveillement.
Ce roman saura admirablement vous dépayser, soudainement vous vous voyez dans le corral, à dos de cheval, vous chaussez vos bottes et revêtez vos chemises à carreaux, vous dansez de bon cœur sur de la country, vous avalez vos pancakes ou vos saucisses grillées, vous visualisez le décor, des étendues de plaines, des routes immenses qui traversent le pays, vous vous croyez presque dans La Petite Maison dans la Prairie, avec en fond sonore du Johnny Cash.
Voilà le tableau. Pour le reste, c'est une histoire purement adolescente : Elise est la marginale du groupe, la souffre-douleur de Georgia, une petite peste jalouse de n'avoir pas l'attention du beau gosse, Louis, que l'héroïne juge bêtement de petit bourge prétentieux, et blablabla. L'auteur n'a pas menti en prétendant s'être inspirée de Jane Austen ! C'est en petites doses, délicates et joyeuses.
Le roman est frais, spontané et rigolo, mais aussi moderne, volcanique et adolescent dans l'âme. Il faut peut-être apprécier la culture Western, dont l'histoire s'imprègne en nous proposant une certaine conquête de l'Ouest, dans la douleur et à force d'acharnement. Mais c'est surtout le rêve d'une vie, celui d'Elise, une héroïne enflammée, qui a du mordant et de l'humour à revendre, qu'on nous propose de partager et c'est particulièrement exaltant. On referme les pages du livre sur une note de bonheur et de plénitude. A conseiller à toutes les jeunes filles !
Western girl, par Anne Percin
Rouergue jeunesse, coll. doAdo, 2013
"On ne fait pas du rock avec de la technique, on fait du rock avec des tripes."
Suite à son rendez-vous loupé à Londres, Max s'est donc replié en banlieue parisienne, chez son tonton, avec qui le projet complètement fou de monter un groupe de rock va voir le jour. A partir de là, Max ne peut plus reculer et doit rassembler les troupes - l'occasion de susciter des vocations, de permettre des rencontres et de tester ses limites !
Le résultat est jubilatoire, la prose de Max est toujours aussi ironique, le jeune homme se gausse de ses talents et de ses connaissances en matière artistique, croyez-le ou non, mais son attitude de snob lui va comme un gant et n'est pas du tout usurpée. Ce serait même un crime de lui contester son titre. Et puis ses goûts sont sûrs, que voulez-vous, un garçon de dix-sept, dix-huit ans qui ne se retrouve pas dans sa génération et qui flingue (verbalement) tout ce qui bouge, moi je dis qu'il en faut du culot, ou de l'inconscience, allez choisir.
J'aime la verve de Max, j'aime quand il évoque son amour de la musique, j'aime quand il s'embrase, j'aime quand il se prend la tête, j'aime aussi ses délires entre potes (le coup des pernos, je lui tends mon pouce levé !), j'aime moins sa passion amoureuse, parce qu'elle n'est plus nouvelle et souvent je me lasse, d'ailleurs je trouve aussi que le roman est victime de quelques longueurs, mais c'était le risque, trois saisons plus tard.
J'aime les aventures de Max, ses délires, son sens de la dérision et de la formule, son excentricité, sa frénésie créative et musicale, ses révélations, ses déconfitures aussi (hiii... Natacha, que fais-tu là ?!), j'aime ses potes, en tête Sa Kévinerie et aussi Stéphane, le p'tit nouveau qui n'est pas si nouveau non plus, j'aime la grand-mère de Max qui fait si bien les crêpes, et j'aime quand les romans d'aujourd'hui savent proposer des choses simples, rigolotes et actuelles sans forcément céder aux appels des sirènes ni nous plomber le moral.
Comment devenir une rock star (ou pas), par Anne Percin
Rouergue jeunesse, 2012
"- Dites-moi juste un truc : Ma Dalton, qui m'a ouvert... Elle joue avec vous ?
- Non, elle fait des crêpes.
- Ah, c'est bien aussi. C'est important, les crêpes, quand on répète."
« Parfois j’ai l’impression d’être Shrek qui a épousé la princesse Fiona. »
Je ne remercie pas Anne Percin d'avoir sorti de son imagination un personnage comme Maxime Mainard, cela me fait prendre conscience que j'ai envie d'avoir de nouveau 18 ans pour rencontrer un énergumène de la même trempe. Terrible désillusion.
Ceci étant dit, les retrouvailles avec Maxime ont été placées sous le signe de la réjouissance. Notre enfant du rock veut user les cordes de sa Fender mais désespère de trouver un endroit adéquat pour répéter. Ses parents demeurent sourds à ses protestations, qu'importe. Le chapitre des vacances insouciantes est déjà remisé au placard, même si Maxime a grappillé un Smartphone en bonus.
Sa vie sentimentale est également au beau fixe, sa douce et tendre Pikachu est une rebelle à sa façon, douée en psychologie, elle gratine son chéri de répliques mordantes, mais le bougre a de la répartie. Et il peut s'attendre à des joutes corsées, puisque la belle est obstinée, jalouse et fonce tête baissée. Voilà un couple qui crée des étincelles ! Au moins, leur love story n'est pas fleur bleue, mais décapante.
Et quel humour ! Maxime en use dans toutes les situations, régalant le lecteur de vannes parfois débiles, parfaitement efficaces. J'étais bidonnée dans mon coin en lisant tout ça. Ça et le fait que Maxime est drôlement calé en musique. Sa culture est étendue, pointue. Monsieur se défend d'être snob, il a pourtant des raisons de l'être. En tout cas, je suis en totale admiration. Complètement fan.
Et je veux, s'il vous plaît, une nouvelle saison aux aventures de Max. C'est qu'on s'attache à ces bêtes-là...
Comment (bien) gérer sa love story, par Anne Percin
Rouergue, 2011. Photographie de couverture : Dorothy-Shoes.
Comment (bien) rater ses vacances, par Anne Percin
Ah, ces ados... ! S'ils n'existaient pas, il faudrait les inventer parce que la vie serait tellement triste et banale sans eux. Imaginez un lascar de 17 ans, suffisamment brillant et intelligent pour décréter qu'il en a soupé des vacances en famille, qui décide de s'isoler chez sa grand-mère dans sa petite maison coquette du Kremlin-Bicêtre. Mais une série d'imprévus vont accompagner cette mise au vert, à commencer par la crise cardiaque de la mamie, d'une arrestation par les flics, d'une petite cuite avec des cerises à l'eau-de-vie, d'une légère indigestion avec des oignons (de tulipe), et j'en passe.
Comme tout ado qui se respecte, notre Maxime est un geek dans la peau, accro au net et à ses faux-semblants. Il fait ainsi la connaissance d'une Pikachu sur SpaceBook, qui dégaine plus vite que son ombre et qui pousse notre loustic dans ses retranchements. SEUL. Le mot est jeté. En l'absence de ses parents injoignables, Maxime va gérer seul l'hospitalisation de sa grand-mère, le stress d'un chauffe-eau en rade, le quiproquo avec les flics... TOUT. SEUL. On a beau trouver ce récit drôle et cynique, il n'empêche qu'il révèle aussi le mal du siècle qu'est la solitude, qu'on bazarde en surfant sur des réseaux sociaux pour créer l'illusion.
Rassurez-vous, ce n'est pas une lecture à but philosophique ! Ce roman a pour simple vocation de divertir, il s'y emploie même très bien, nous offrant une lecture savoureuse des aventures mouvementées d'un adolescent en vacances et qui va apprendre, par la force des choses, à se prendre en charge comme un grand et sans faiblir. Toute ressemblance avec des personnes existantes serait purement fortuite. ;)
Comment (bien) rater ses vacances - Anne Percin
Rouergue, coll. doAdo, 2010 - 185 pages - 11,50€
** MAXIME WILL BE BACK IN NOVEMBER 2011 ! **
Kalimba de Luna
Kalimba de luna Envoûte-moi Fais claquer tes doigts Sur des bouts de bois Hé, oh, hoo, ah
C'est la chanson qui me trotte dans la tête, après la lecture de ce petit roman d'Anne Percin (à réserver pour la tranche d'âge des 9 / 12 ans !).
A quoi servent les clowns ? est une histoire sympathique, attachante, un peu plombante pour commencer car une mère et ses deux filles perdent le peu qu'elles possédaient dans l'incendie de leur appartement. En attendant un relogement, elles trouvent refuge dans leur vieille caravane qui ne roule plus, installée sur un terrain vague, à côté de leur baraque à frites. Ambiance très misérable, de prime abord, mais l'impression est vite chassée par la narration de la petite Mélinda, qui nous raconte cette sordide aventure en y mettant tout son coeur, et ceci implique l'innocence, la jovialité, les désirs, les rêves et aussi les petites questions qu'elle se pose du haut de ses 5-6 ans (elle est élève en CP, elle apprend à lire). D'ailleurs, cela fait quinze ans jours qu'elle ne va plus à l'école. Sa maman est débordée, elle pense qu'elles rattraperont le retard plus tard.
Et puis, arrive le cirque avec sa longue procession de caravanes flamboyantes, et ses cages de tigres. Un bébé tigre va d'ailleurs se faire la malle et c'est la petite Mélinda qui va le retrouver. A partir de là, l'histoire prend un tour enchanteur et magique, plus doux, plus chaleureux. L'espoir est également en train de scintiller. Des indices nous le prouvent, et on devine que l'histoire va s'embellir (sans tomber dans le niais), apporter des solutions et des réponses qui vont rassurer la petite Mélinda.
C'est un texte parfaitement accessible pour les lecteurs qui ne veulent plus lire des livres "de bébés" (ça sent le vécu !) et qui ne se sentent pas toujours à l'aise avec des romans de 200-300 pages. Le thème du cirque est également très motivant, il donne aussitôt des couleurs débordantes d'optimisme dans l'histoire. J'avais craint un décorum plutôt sombre et déprimant, ce qui n'enchante pas forcément les plus jeunes, encore dans l'attente de rêver grâce à la lecture, finalement les clichés sont dépassés et cela sert de toile de fond pour raconter une belle histoire qui se finit bien !
C'est un roman jaune ! Parfaitement jaune ! C'est moi qui vous le dis.
A quoi servent les clowns ? ~ Anne Percin
Rouergue, coll. DacOdac, 2010 - 160 pages - 8,50€
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Dans la foulée, j'ai lu le roman de Cécile Chartre, Poil au Nez, également publié au Rouergue dans la collection DoAdo. (Gaelle, cache ce sourire ! Je t'ai vue.) Cela a été une très bonne surprise, une lecture très touchante aussi. L'histoire se passe le soir du réveillon du 31 décembre 2009. Angel a rendez-vous avec son père, qui est décédé. A minuit pile, il a l'autorisation d'ouvrir la boîte à trésor qui lui a été confiée dix ans auparavant, alors que son père était malade. C'est une soirée particulière, qu'il passe avec ses meilleurs amis, dans une ambiance bouffonne et extravertie. En même temps, reviennent par vagues les souvenirs d'autrefois, et c'est là que l'émotion est très forte. Mais heureusement, le roman n'est pas que serrement de coeur et trémolo dans la voix, puisqu'il y a surtout et avant tout beaucoup d'humour. Pour preuve, cet extrait qui m'a beaucoup fait rire :
Séverine a passé la porte ensuite, affublée de deux drôles de trucs perchés très haut sur le sommet de sa tête. Elle nous a précisé au passage, bande d'ignares que nous sommes, que ça s'appelle des macarons, et que c'est très mode, les macarons. Ceci étant clarifié, elle a annoncé qu'elle se payait un mal de crâne à décorner un boeuf, alors qu'il fallait pas trop la titiller. Elle s'est mise alors à trifouiller dans son sac comme une sauvage en marmonnant " Un Doliprane, il me faut un Doliprane, t'as pas un Doliprane ? ". Thomas lui a suggéré de lâcher un peu ses cheveux, parce qu'à son avis, ça doit pas vraiment faire du bien d'avoir deux gros machins aussi emberlificotés au-dessus du ciboulot. Mais Thomas ne sait pas que lorsqu'on a passé trois heures et demie à se faire une coiffure d'enfer, on ne va pas tout saccager pour un simple mal de tête. C'est pénible à la fin, faut tout nous expliquer, à nous, les mecs. Et puis de toute façon, demain, macarons ou pas, tout le monde aura la tête comme une pastèque. Séverine prend juste un peu d'avance sur nous, c'est tout.
Poil au Nez ~ Cécile Chartre
Rouergue, coll. doAdo, 2010 - 96 pages - 6,50€
=) Gaelle : La vie peut être bousculée en 1 jour, c'est ce qui se passe ici.
=) Mel, de la Soupe de l'Espace : Ce roman nous montre qu’un évènement tragique peut bouleverser une vie… mais également qu’un objet, un mot peut apaiser et accomplir cette même vie en une fraction de seconde…
=) Marie : nous saisirons alors d'autant plus la portée du message contenu dans cette fameuse boîte et comprendrons en même temps le choix adéquat du titre plein d'humour pour ce roman sur le deuil finalement pas si triste que ça !
Bonheur fantôme ~ Anne Percin
Rouergue, coll. La brune, 2009 - 220 pages - 16,50€
C'est une phrase empruntée à Thoreau, dans Walden, qui dit ceci : Si un homme ne s'accorde pas avec ses semblables, c'est peut-être qu'il entend le son d'un autre tambour. Pierre, le narrateur, n'a pas trente ans et a tout quitté. Paris, son job, son amour. Il s'est enterré dans la Sarthe, a acheté une petite maison et s'est improvisé brocanteur. Il a créé autour de lui « un rempart fait de ruines, avec fortifications littéraires, fondations enfantines, tour de guet philosophique, meurtrières ironiques ». Il écrit également une biographie sur Rosa Bonheur, une peintre française, dont la vie a été éclaboussée de frasques amoureuses et de conduites excentriques.
Tout cela sent la planque à plein nez, et ça ne manque pas, on comprend très vite que l'homme fuit un passé obsédant. On saisit quelques bribes, le frère disparu, alors qu'il n'était qu'un enfant, et aussi l'amant perdu, échappé, égaré... Cette histoire avec R. n'est d'ailleurs pas finie. Elle prend même l'aspect d'une chanson répétitive, une rengaine qui va et qui vient, qui raconte l'histoire d'un amour, avec la rencontre, les bons moments, les passages euphoriques et les instants dégrisants, les coups bas, la lâcheté et la cassure.
Ce n'est pas non plus un hasard si la sérénade de Mouloudji, Fantôme de bonheur, est martelée pour faire comprendre la détresse de Pierre, son chagrin, en plus du reste.
Car c'est lui qui est parti, de son plein gré. Et R. n'est pas facile à oublier, c'est un personnage admirable, très beau, avec beaucoup de charme et de mystère. Si ce n'est pas de l'amour dans ce tas de cendres, dites-moi, ça y ressemble très fort !
« Aimer, c'est sentir vivre en soi quelqu'un qui n'est pas soi. Et si je n'étais parti que pour savoir cela ? (...) La certitude que j'ai d'aimer est le seul bien qui me semble immortel. »
En fait, le roman parle d'une reconstruction, pure et simple : Pierre est un jeune homme brisé, traumatisé par la mort de son frère à l'âge de dix ans, trop inquiet sur son avenir et sur ses sentiments, sa peur de s'attacher et d'afficher ses sentiments. Du moins, c'est l'impression qu'il me donne. J'ai trouvé son parcours long et compliqué, son introspection douloureuse. On y trouve, pêle-mêle, « une imagination délirante, un sentimentalisme exacerbé, une sensibilité maladive, le pressentiment d'une destinée d'exception et, à l'égard du frère disparu, un mélange oppressant de culpabilité et de rancune ». Pas étonnant qu'il se sente si proche d'Adèle, la fille de Victor Hugo.
J'ai aimé le roman d'une façon toute particulière et très égoïste, en fait. J'ai notamment apprécié le côté enfermé dans le dix-neuvième siècle du narrateur, comme il se décrit lui-même. Comment il parle des objets anciens, le goût du passé, l'odeur des vieux livres, les photographies, la musique, tout ça et j'en passe. J'ai été moins sensible au monsieur qui fuit ses racines et devient ermite, même si cela se révèle nécessaire pour fouiller son passé d'écorché.
Par-dessus tout, j'ai été absolument séduite par la figure de R. Limite intouchable et irréelle. C'est sans doute le principal fantôme qui hante les pages du livre. R. nous apparaît par petites doses, mais quelle présence ! On en oublie la morosité de la Sarthe, les petites campagnes tristes à pleurer, la vie recluse de Pierre, son ascétisme. Ses cauchemars, ses trouilles, aux oubliettes. Car finalement ce roman nous parle, et ce depuis le début, d'une grande et très belle histoire d'amour, avec une déclaration sublime pour solde de tout compte.
Anne Percin commet avec Bonheur fantôme son premier roman hors de son champ habituel qu'est l'écriture pour la jeunesse, cf. L'âge d'ange, que j'avais beaucoup aimé.
A noter aussi que la vie littéraire du narrateur de Bonheur fantôme a commencé en 2006 avec le roman Point de côté (éditions Thierry Magnier).
lire le 1er chapitre sur le site de L'Humanité
pour écouter la chanson de Mouloudji :
* La citation de H.D. Thoreau, en version originale : If a man does not keep pace with his companions, perhaps it is because he hears the beat of a different drummer. (Walden)
L'âge d'ange - Anne Percin
On ne sait pas qui nous raconte cette histoire, fille ou garçon, enfant ou vieillard... quelle importance. « Longtemps, je n'ai pas su. J'étais un ange, peut-être. Un ange qui attend la chute. » C'est plus tard, en avançant dans le roman, qu'on apprend plus exactement qui tient la plume. Afin d'être totalement neutre, j'opte bien volontiers pour le masculin, sans y voir là quelconque indice.
Cette histoire est en fait racontée des années plus tard, par rapport aux événements rapportés. Le narrateur était au lycée, timide, influençable, quasi transparent. C'était un élève appliqué, qui aimait le grec, et s'enfermait à la bibliothèque pour feuilleter un album sur les amours des dieux et des héros. Un jour, ce manuel est emprunté par un autre. Aussitôt c'est le brouillard, un mélange de frustration, de colère, d'incompréhension, de curiosité. Notre ange doit savoir qui - à part lui - nourrit cette même passion pour les mythes grecs. Est-ce possible ? Le sentiment naissant d'être moins exclusif commence à fleurir.
Et notre camarade rencontre alors Tadeusz, un étudiant d'origine polonaise, au physique d'apollon. On ne parle plus de coup de foudre, mais de choc... violent, qui fait trembler. Une forte connivence va se créer, tous deux deviennent inséparables. Mais en même temps leur relation cultive avec finesse l'androgynie. De quoi déroûter le lecteur.
Ce roman veut faire état de l'esprit de confusion qui traverse l'adolescence, l'identité flottante dans laquelle parfois on se berce, par pêché d'attention, d'ennui, de solitude, « cette période indéterminée où je ne savais pas qui j'étais ». Les deux héros du livre vivent une belle histoire d'amour et d'amitié, et seront malgré eux les pantins d'un drame orchestré par la bêtise humaine. Car les oppositions sont constantes, par les origines sociales notamment. L'ange a des parents très riches, habite un quartier calme et en sécurité, tandis que Tadeusz fréquente la banlieue, la pauvreté, l'immigration. La violence urbaine gronde, explose, « il n'y a pas de justice possible, dès lors qu'on accepte la misère. Et que les forts ne sont forts que parce qu'ils laissent les faibles s'entre-tuer. »
Ce roman n'est pas léger, contrairement à ce que j'ai pu lire dernièrement sur le thème de l'adolescence, mais ce n'est pas une lecture moribonde non plus. Le ton grave qu'adopte le narrateur reflète aussi cette sensation de perte, d'errance et d'impuissance. De la tristesse, non il n'en est pas question. On ne saute pas au plafond, après avoir tourné la dernière page, mais on sent une richesse nous gagner. On se fait la réflexion que la société est hypocrite, mesquine et bien mal-pensante. Et l'injustice règne de part en part...
Je ne sais pas comment dire, mais j'ai été touchée par ce roman. Ce n'est pas simple, mais c'est fort.
Ecole des Loisirs, coll. Medium - 2008 - 127 pages / 8€