Le mystère Vandam Pishar, de Anne-Gaëlle Balpe
Lorsque Vandam Pishar apparaît pour la première fois dans la classe de Milo, tous les élèves scrutent avec intérêt ce garçon à la peau foncée, aux cheveux sombres, lisses et brillants, aux yeux si noirs qu'on voit à peine ses pupilles.
C'est surtout son attitude qui les surprend - le garçon campe farouchement sur ses jambes raides, les bras le long du corps, les doigts écartés. De plus, il refuse de retirer ses gants, il ne lance aucune boule de neige pendant la récré et il mange à la cantine un plat différent des autres. Il n'en faut pas davantage pour que leur imagination s'emballe. Et lorsqu'ils surprennent la maîtresse et le nouveau échanger d'étranges signes et parler d'une mission à mener jusqu'au bout, les enfants sont convaincus d'avoir affaire à une invasion d'extraterrestres !
En matière d'événements étranges, c'est vrai qu'ils en connaissent un rayon. Du jour au lendemain, leur ancien instituteur a disparu sans crier gare... ce qui a donné lieu aux plus folles spéculations. Échappée amoureuse, kidnapping ou espionnage, tout est passé en revue. Milo et ses copains se lancent aussitôt dans une enquête trépidante, entre filature sur le Chemin des étoiles et intrusion nocturne dans une maison grouillante de gelée verte, ils ne reculent devient rien pour percer le Mystère Vandam Pishar !
La lecture est délicieuse et fait la part belle à la fantaisie et aux fables qui naissent dans les jeunes esprits, souvent sous l'influence du cinéma ou de la télévision. La présente histoire est fantasque et fabuleuse juste ce qu'il faut pour titiller la curiosité des lecteurs. La fin, d'ailleurs, vaut le coup d'œil pour ses étonnants rebondissements. Histoire d'alien ou pas, voilà un petit roman réjouissant !
Neuf de l'Ecole des Loisirs, 2017
ill. de couverture : Maurèen Poignonec
Le Bureau des poids et des mesures, par Anne-Gaëlle Balpe & Vincent Mahé
Marcel Gramme est ingénieur au Bureau des poids et des mesures. Chaque jour, il met sa blouse blanche et mesure sans relâche tout ce qui peut l'être. C'est sa façon de donner des repères au monde.
Le jour où son fiston rentre avec le sourire à l'envers, Marcel Gramme se sent frustré. Tout ne peut pas se mesurer (les émotions, les sentiments). Et il se met à travailler en équipe avec son garçon pour y remédier.
Ensemble, ils vont créer de nouveaux instruments de mesure, comme le pleuromesureur, le jtèmoscope, le compas gradué en youpis, le brrrmètre, la jauge à jenveux et le spectromiamomètre !
Sauf qu'à la fin, une vraie pagaille règne en ville ! Les couples sont en crise, les familles au bord de l'implosion... À force de tout mesurer, les gens ne se parlent plus, ne se comprennent plus et se chamaillent.
Hop, le père et le fils déclarent leurs inventions obsolètes et lancent un appel général pour rapporter tous les instruments mis sur le marché. Ils finiront au musée, c'est mieux ! Et cela n'empêchera pas notre duo ingénieux de créer des inventions juste pour rire.
Un super album à l'esthétisme original, un brin vintage, et qui raconte une histoire désopilante sur ce besoin irrépressible de vouloir tout contrôler, sans prendre en compte la complexité des sentiments. Une lecture qui invite à une réflexion intéressante !
Milan, mai 2016
L'histoire du soir #23 : De vrais amis, par Anne-Gaëlle Balpe & Nathalie Choux
Sur le chemin de l'école, le jour de la rentrée, un petit garçon croise un drôle de personnage tout jaune. Il se lie aussitôt d'amitié avec lui et le présente à sa maîtresse en tant que Lucien. Le soir, il fait le même cinéma à ses parents, il se met à table à côté de lui et dort blotti contre son nouvel ami.
Au bout de quelques jours, les copains le chahutent pendant la récréation. La maîtresse lui demande de faire des efforts avec les autres, un élève prend la place de Lucien, les parents ne veulent plus mettre de couverts pour lui. Le garçon voit rouge et se sent seul contre tous.
Alors Lucien lui montre le ciel nuageux, derrière lequel se cache la lune. Le lendemain matin, il a disparu. L'enfant est chagriné et cherche son ami. A l'école, il se force à jouer avec les autres, il se surprend à aimer ça et passe finalement une bonne journée. Cette nuit-là, il retrouve son cher Lucien, sous les traits de la lune.
Voilà un album doux et subtil, où il est question d'ami imaginaire, de solitude, de peur de l'inconnu et de confiance en soi. C'est un souci que rencontrent souvent les enfants, sans parvenir à exprimer clairement ce qu'ils ressentent. J'admire la souplesse et la tendresse manifestées dans cette histoire, la délicatesse d'Anne-Gaëlle Balpe combinée à la fausse naïveté des dessins de Nathalie Choux. On a envie de se pelotonner dans sa couette en feuilletant cet album, il fait un bien fou et c'est réconfortant.
De vrais amis, par Anne-Gaëlle Balpe et Nathalie Choux (Gallimard jeunesse, 2012)
Faut croire qu'on aime ça, les mystères.
Un an a passé depuis les tumultueux évènements survenus au 180 rue des Innocents, Youri, Tomaso et Emma ont regagné un semblant de quiétude, et paf ! leur clodo Félix, qui fait partie des murs, est retrouvé baignant dans une flaque de sang, sauvagement battu, entre la vie et la mort. Aussitôt Flora accourt pour l'accompagner aux urgences, et puis plus rien ! Tomaso et Youri n'ont plus de nouvelles, mais refusent de rester inactifs. Ils décident alors de retrouver la fille de Félix, une certaine Sophie, pour que le pauvre vieux n'imagine pas qu'il est seul au monde en ayant raté sa vie.
De son côté, Emma, amoureuse, a pris ses distances avec les garçons avant de réaliser la couleur amère de sa jolie romance. Hop, il est temps de rentrer au bercail et d'apporter son aide aux copains. Mais leur enquête ne s'arrête pas à retrouver une enfant perdue, c'est surtout flirter avec le danger, encore une fois. Près du corps de Félix, figuraient des inscriptions à connotation fasciste. Les suspects sont désignés, ne manquent plus que les preuves... Et là, attention, DANGER !
Une nouvelle fois, l'histoire trempe ses doigts de pied dans une réalité sordide et qui met mal à l'aise. Il y a l'agression de Félix, la découverte de son passé mais aussi la confrontation avec les milieux extrémistes, racistes. Décidément, le fond de l'histoire ne fait pas dans la dentelle, c'est un roman noir, au goût âpre et qui colle au palais. Mais c'est aussi un roman sensible, alors que les paroles de Félix nous prennent à la gorge, surgissant de nulle part, mettant à nu le désespoir de l'homme. Et c'est enfin et surtout l'occasion de retrouver notre trio composé de Tomaso, Youri et Emma, ils sont drôles, ironiques, réceptifs à la détresse de leurs proches et on les aime pour ça. A ce propos, bonne nouvelle : le triangle amoureux a trouvé sa solution, plus de perte de temps et d'énergie, et c'est tant mieux. Non, parce que ces trois-là s'aiment, mais ils sont indissociables et n'ont pas besoin de se conter fleurette pendant des pages et des pages, ce serait du gâchis.
De toute façon, la vie au 180 (marque déposée) ressemble à un tourbillon de petits et grands drames de la vie : Olga, la soeur de Youri, a besoin d'un jus de raisin qui fait office de remontant, les parents sont dépités, Flora a disparu, Ben le musicos fait son Johnny, madame Robert peut aussi être une aide très précieuse, et le Capone toujours... l'habituel QG de notre petite bande, au décor kitsch réconfortant, avec ses bonnes odeurs et Irina qui devine tout. La bonne adresse, à l'image de la série, aux charmes et aux atouts fort sympathiques.
Rouge Bitume (Roulette Russe #2), par Anne-Gaëlle Balpe, Sandrine Beau & Séverine Vidal
Oskar éditeur, 2012
Roulette Russe : Noël en Juillet, par Anne Gaëlle Balpe, Sandrine Beau & Séverine Vidal
Les éditions Oskar jeunesse ont décidément pris le parti d'offrir à leurs lecteurs un été qui donne des frissons. En voici encore la preuve avec ce Noël en Juillet. L'histoire vous glace les sangs, croyez-moi !
Dans la cour d'un immeuble, trois adolescents s'improvisent enquêteurs pour démasquer le tordu qui zigouille les chats après avoir suspendu leurs cadavres en une sinistre mise en scène. Et pour mieux pimenter l'intrigue, le timbré en question nous livre ses apartés à vous dresser les cheveux sur la tête.
A côté de ça, il y a aussi le triangle amoureux qui se joue entre Youri, Tomaso et Emma. Il y a l'amitié, certes, mais aussi la trahison, les mensonges, les déclarations sur le bout des lèvres et la confusion des sentiments. C'est doux, c'est beau mais ça n'évite pas le drame.
Ahlala, quelle tension ! Et ce dénouement qui n'empêche nullement l'amertume de pointer son nez... C'est un roman sans pitié mais réussi. Un polar noir où l'écriture de trois drôles de dames coule et roule sur un fil, révélant toute la subtilité du pouvoir des mots et de la portée des événements. Troublant, mais fort.
Oskar jeunesse, 2011