La course au bonheur, de Maggie Lehrman
Traumatisée par la mort tragique de ses parents, dans l'incendie de leur maison, la jeune Ari Madrigal a recours à un sort d'oubli, prodigué par une hékamiste. Dix ans plus tard, c'est son petit ami, Win, qu'elle perd dans un accident de voiture. Anéantie par la douleur, elle fait encore appel aux sorts de l'hékamiste sans avertir ses proches. Le charme opère, mais Ari ne veut pas paraître insensible et donne le change en faisant semblant d'être meurtrie dans sa chair, donc muette et désirant vivre dans sa bulle, loin de tous. Toutefois, pratiquer un sort d'hékamiste engage aussi des effets secondaires. Pour Ari, c'est son corps qui ne répond plus. Quand on est une grande danseuse, admise à une académie prestigieuse de New York, c'est le ciel qui s'effondre sur la tête. À Cape Cod, tous se connaissent depuis l'enfance mais se drapent dans des secrets qui distillent un poison invisible et propagent un mal sournois, hélas à l'origine d'une série de conséquences dramatiques. Avant de mourir, Win avait un urgent besoin d'argent liquide, son meilleur ami Markos a surpris le commerce douteux de sa mère, Kay a fait appel à un sort d'ancrage pour s'attacher ses copines, Diana et Ari ne peuvent plus quitter l'île sans courir un danger, Echo fait du chantage par désespoir, Cal Waters est fidèle à sa réputation de don juan... Tous sont donc enrôlés dans un feuilleton tragique, au charme hypnotisant et vénéneux. Dès les premières pages, j'ai été envoûtée par l'ambiance pleine de mystères et de suspense. On sent le poids des larmes, des événements graves, des non-dits, des remords et des regrets. Cela peut paraître lourd et étouffant, alors qu'en fait c'est captivant. L'auteur a réussi à orchestrer son histoire en faisant planer le doute mais en alimentant constamment la donne par des détails infimes et néanmoins percutants. J'ai plongé mon nez dans les 420 pages du roman, intriguée par les révélations qui allaient en découdre. D'ailleurs, la surprise est totale jusqu'à la toute dernière page ! Un premier roman très habile, passionnant et bouleversant.
Casterman, 2018 - traduit par Antoine Pinchot {The cost of all things}
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Cherub/01 : 100 jours en enfer, de Robert Muchamore
Gros succès en librairie, la série CHERUB trace sa route depuis presque dix ans et enthousiasme ses lecteurs avec son univers d'organisation secrète, où des enfants sont entraînés pour infiltrer des missions spéciales... Espionnage, action, suspense, aventure et baston, on ne s'ennuie pas une seconde.
J'ai profité de la sortie en livre audio pour découvrir LE phénomène et ai été pleinement séduite par l'excellente interprétation de Julien Frison qui incarne un adolescent brouillon en passe de devenir un môme doué et consciencieux en vivant une aventure fracassante et néanmoins palpitante !
James Adams est un collégien turbulent, élève médiocre, éternel souffre-douleur, habitué d'être exclu. Il vit avec une mère devenue obèse et un beau-père alcoolique. Mais le destin s'acharne, le gamin perd sa mère et est expédié dans un orphelinat où il bascule dans la délinquance. Dès lors, il a le choix entre toucher le fond ou accepter de suivre une formation spéciale pour Cherub. Il a 100 jours pour assimiler des techniques de combat, de survie et de ruse enseignées par une agence des renseignements britanniques. 100 jours pour changer le cours des choses ou retourner à la case départ.
Le scénario est basique et rythmé. On en prend plein les yeux, plein les oreilles. Et l'immersion est totale. On partage ainsi les galères de James, son arrivée à Cherub, ses rencontres avec ses nouveaux camarades, son apprentissage et ses premières missions. Toute l'histoire s'inscrit dans une logique imparable, et je comprends tout à fait ce qui enthousiasme les jeunes lecteurs. Ce que vit James est à la fois proche d'eux mais incarne aussi un fantasme - devenir espion, vivre de passionnantes aventures, voyager etc. La lecture est à la hauteur des attentes. On a une très bonne réalisation audio - agréable à écouter - pour une série vraiment engageante et débordante de dynamisme.
Gallimard Jeunesse, Collection: Écoutez lire
Traduit par Antoine Pinchot
Julien Frison nous emporte dans l'univers palpitant de CHERUB, et met en voix le franc-parler et l'humour adolescent, sans niaiserie. Durée : 7h 30 env.
Un truc truc comme un biscuit craquant, d'E. Lockhart
Cette petite brique de 500 pages comprend en fait deux romans préalablement publiés sous les titres L'amour avec un grand Z (ou Journal d'une allumeuse) et L'art de perdre les pédales (Le grand livre des garçons). Casterman croit au potentiel de cette série - moi aussi - car elle est à la fois pétillante, pleine de charme et de lucidité, beaucoup moins girly et frivole qu'en apparence.
Présentation de notre héroïne : Ruby Oliver, 15 ans, 5 crises d'angoisse en 10 jours, 11 rendez-vous chez le psy et 4 grenouilles en céramique. En se confiant à l'impassible Docteur Z., l'adolescente prend conscience de son problème - elle est obsédée par les garçons mais ne récolte que de fâcheuses expériences. Dans le cadre de sa thérapie, Ruby doit dresser une liste de ses prétendants, pas forcément ses amoureux, juste les garçons qui ont compté dans sa vie. Et ils sont au nombre de 15, allant des rumeurs, des erreurs de parcours, des illusions, des quantités négligeables et le reste... C'est un casse-tête à décortiquer. Pas de bol pour elle, la liste est chapardée, reproduite et glissée dans le casier de tous les élèves de son lycée. Sa réputation est scellée - Ruby Oliver n'est qu'une allumeuse ! Ses meilleures copines la traitent en lépreuse. Notre héroïne est seule, plus désemparée que jamais, mais se débat pour laver son honneur.
Si l'intrigue traite vulgairement de batifolages, de baisers baveux et de pelotages en douce, elle ne reste pas non plus au ras des pâquerettes et révèle la détresse profonde et sincère de Ruby, à ne pas traiter à la légère. On y décèle, à travers les lignes, une grande sensibilité, des bouffées d'angoisse et des passages à vide, lesquels s'accompagnent de perte de confiance en soi, de trop-plein émotionnel et de tourbillon affectif. Ruby a néanmoins des réserves d'intelligence et de mauvaise foi pour sauver la face, beaucoup de répartie et un sens aigu du sarcasme, d'où un récit caustique, croustillant et jubilatoire à lire. Son parcours, jalonné de hauts et de bas, illustre à sa façon décomplexée la difficulté de jongler entre relations amicales et amoureuses chez les ados sans pitié et prompts à condamner. Après tout, la vie « c'est finalement un truc truc comme un biscuit craquant » !
Une série à ne pas sous-estimer. Elle renferme un ton subtil et touchant, en plus d'être drôle, et fait le portrait d'une jeune fille qui se vautre dans l'ironie pour masquer sa vulnérabilité. Une lecture distrayante et pleine de pep's, avec une héroïne hyper attachante.
Casterman, 2017 pour la présente édition
Trad. Antoine Pinchot (The Boyfriend List / The Boy Book)