Une fille parfaite, de Mary Kubica
Mia a disparu. Un soir, dans un bar, la jeune femme a suivi un inconnu. Depuis, elle n'a plus donné de nouvelles. Sa mère, Eve, voit soudain son univers doré s'effriter de toutes parts. Son époux, aguerri par les frasques de leur cadette, tente de minimiser la situation et embauche un détective pour la retrouver. Gabe pénètre ainsi dans l'intimité de la famille Dennett pour y découvrir les dessous d'une image trop lisse, trop parfaite.
Mais l'histoire se révèle plus tortueuse et offre une mise en scène complexe, en alternant l'avant et l'après, qui ne gâche rien au suspense. Mia est de retour au bercail. Elle est silencieuse, sous le choc et amnésique. Le travail de l'enquêteur consiste alors à débusquer les indices pour retracer la piste de la jeune femme et démêler l'écheveau de cette intrigue haletante. Un méli-mélo qui n'est pas sans rappeler l'impact du livre de Lucy Christopher (Lettre à mon ravisseur).
Et l'auteur de jouer habilement avec nos nerfs en entretenant un suspense psychologique redoutable et poignant. On se sent aussi plus proche des personnages grâce au récit à trois voix, qui nous fait avancer dans le récit comme sur des œufs. Simple, mais envoûtant. On reconstitue minutieusement le puzzle, on flaire la manipulation, jusqu'au dénouement bouleversant, même si quelque peu attendu.
Un très bon roman, prenant et effrayant, naturellement riche en émotions.
Mosaïc ♦ Avril 2015 ♦ Traduit par Carole Benton (The Good Girl)
La Merveilleuse boutique de crèmes glacées de Viviane, d'Abby Clements
En voyant ce roman, je pensais détenir la lecture idéale pour l'été. Une boutique de crèmes glacées, la tradition familiale, un héritage, et hop... feu d'artifices dans le ciel ! Et puis non, lorsque les deux sœurs Anna et Imogène apprennent que leur grand-mère Viviane leur a légué son affaire, elles plaquent tout pour débarquer à Brighton et relever le défi. À première vue, la mission s'annonce périlleuse. Ni l'une ni l'autre ne possède l'expérience requise. Pourtant, aucune des deux n'envisage de faire faux bond et elles acceptent de se lancer dans l'aventure.
Commence alors un ménage de fond (le lieu était livré à l'abandon, leur grand-mère vieillissante avait confié la boutique à une bonne amie qui n'en fichait pas une). Elles récurent tout et lancent une nouvelle décoration, au charme vintage. Anna part ensuite en Italie pour suivre un stage de cuisine et apprendre la technique des glaces goûteuses et authentiques. Mais toutes ces belles initiatives n'empêchent pas les imprévus et autres épreuves qui ne cessent de pleuvoir (intoxication alimentaire, météo catastrophique, commentaires sur le net désobligeants, vie sentimentale mouvementée...).
Anna et Imogène vont jouer de malchance et de maladresse, mais jamais ne baisseront les bras pour retourner à leur tranquillité d'avant. Car elles sont toutes deux tombées amoureuses de cette boutique et tiennent à faire honneur à leur grand-mère. Même leur famille, en pleine tourmente, va s'appuyer sur leur exemple pour tirer au clair des conflits en souffrance. Résultat, on a un roman lisse et gentillet, pas franchement surprenant... et selon moi, trop classique et sans humour. Une petite touche de fantaisie aurait été appréciable pour casser cette monotonie ! Et puis c'est tout sucre, tout miel... beaucoup trop. Cela ne m'a pas du tout séduite, alors que la couverture était riche de mille promesses.
éditions Prisma, juin 2014 ♦ (traduit par ?) ... Vivien's Heavenly Ice Cream Shop
La Décision, d'Isabelle Pandazopoulos
Une émotion brute, douloureuse et si lourde.
Louise est une excellente élève en Terminale S, entourée de nombreux amis et d'une famille aimante. Un jour, en classe de maths, elle sort précipitamment et se réfugie dans les toilettes où un camarade la retrouve, inconsciente, dans une mare de sang, avec un bébé sur le ventre.
Déni de grossesse. Le mot est lâché. A tour de rôle, les acteurs et spectateurs de cette histoire vont prendre la parole, expliquer, raconter, tenter de comprendre. Louise prétend n'avoir jamais couché avec un garçon. Ses parents sont effondrés. La jeune fille ne veut rien entendre de cet enfant qu'elle a porté neuf mois, sans jamais se douter de son existence. Tout, mais vraiment tout, est inexplicable, insensé, incroyable.
C'est tellement ahurissant qu'on est pris dans l'engrenage et qu'il devient difficile de lâcher le livre. Alors on tourne les pages de plus en plus vite, on a la boule au ventre car ce que vit Louise est purement, simplement et admirablement bien décrit. C'est de l'émotion brute, douloureuse et si lourde. On ne naît pas femme, ni mère, on le devient. Et encore, c'est un précepte qui trouve ici une autre interprétation.
J'ai été happée par cette lecture qui a su éveiller des sentiments forts et troublants, parce qu'à côté du parcours de Louise, on part aussi dans une enquête pour savoir ce qui lui est arrivé, notamment grâce à Samuel, un copain de classe, qui scrute son entourage en se doutant que quelqu'un est complice mais préfère se taire. C'est ... flippant, atterrant, mais ça vous fige le cœur et la tête bien sur vos épaules, vous revoyez toutes vos convictions ébranlées et vous ressortez de cette lecture un peu sonnée, mais tremblante d'une belle émotion.
Extrait :
Louise avait caché tant de choses. Elle avait la volonté farouche d'entretenir avec chacun d'entre nous une relation à part, singulière et secrète. Comme si elle était faite d'une multitude de mondes étanches, refusant de faire des liens, préservant sa part d'ombre.
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(...) On leur avait toujours dit avec Mathilde qu'ils étaient des enfants-accidents, le plus beau des hasards, mais des hasards quand même... Était-ce ça qui nous rattrapait aujourd'hui ? Quelques mots malheureux et toute une vie qui s'écroule ?
Gallimard jeunesse, coll. Scripto, 2013
^ mon artiste du moment ^
Ariane Moffatt
Arianne Moffatt est « La bonne étoile » de M, un duo qui a lui a permis de gagner la France en 2007. Mais cette jeune artiste née en 79 au Québec n'est pas une débutante puisqu'elle est déjà auteur-compositeur et interprète de deux albums, Aquanaute et Le coeur dans la tête. Le petit dernier vient de sortir, il s'appelle Tous les sens, et c'est un album que je chéris.
Elle revient irradiée d’une lumière de l’été indien. Un soleil couleur d’orange brille sur ses sillons. Ariane Moffatt a tourné le dos à l’introspection vitale de ses deux premiers disques. La voici physique, prenant toutes ses chansons à bras-le-corps, avec le besoin de créer dans une sorte de frénésie mentale. Elle réalise que sa vie n’est pas seulement un paquet de tourments nécessaires à la création. L’aquanaute est sortie de l’eau, le coeur dans la tête est revenu à sa juste place. L’album a été créé dans un shoot d’oxygène. Et à l’écoute le plaisir est jubilatoire.
source : http://www.arianemoffatt.fr/