Le Libraire de Wigtown, de Shaun Bythell
Cette lecture me laisse beaucoup d'amertume en bouche.
Shaun Bythell tient une bouquinerie dans une petite ville écossaise (noyée sous la pluie) et rapporte dans son journal la triste réalité de son activité. Spoiler alert : c'est la misère.
Il nous invite donc à découvrir les tribulations de sa vie de libraire : clients excentriques, franchement désagréables, employée fantasque ou qui n’en fait qu’à sa tête, lecteurs chéris, fidèles du bout du monde, vide-maisons, pépites et merdouilles, partenariat avec le diable Amazon, pas le choix non plus, contraintes et désillusions.
Hé, hé ! Clairement son quotidien ne fait pas rêver.
Le type est désabusé comme c'est pas permis. Après ça, vous pouvez renoncer à votre propre projet car son expérience n'incite pas du tout à tenter l'aventure. À le lire, il n'y a que des points négatifs et dérisoires. Bref. C'est déprimant.
Je suis également un peu déçue du style. Contrairement à son compte instagram @bookshopwigtown le ton est beaucoup moins piquant, mais plus cynique méchant. Je n'ai pas retrouvé ce fameux humour britannique vanté par l'éditeur (lisez son compte instagram, pour le coup).
Féroce, pas tendre, hargneux et lassant : le tableau est en demi-teinte. La lectrice, elle, est déçue.
Autrement, 2018 - Traduit par Séverine Weiss
Entre 84, Charing Cross Road d’Helene Hanff et Quand j’étais libraire de George Orwell, Le Libraire de Wigtown invite le lecteur à découvrir l’envers du décor.
Si l’amour de la littérature est primordial pour exercer le métier de libraire, on y apprend qu’il faut aussi un dos en béton et une patience de saint.
Les Filles de Roanoke, par Amy Engel
Totalement séduite par l'atmosphère gothique de la maison Roanoke ! Le roman montre aussi combien le charme vénéneux est puissant. Fascinant. J'ai beaucoup aimé. ♥
Lane est de retour chez ses grands-parents en apprenant que sa cousine Allegra a mystérieusement disparu. Un drame pèse depuis toujours sur les filles de la famille. Elles sont belles et radieuses. Mais elles connaissent toutes des destins tragiques. Lane a cru y échapper en fuyant en pleine nuit mais n'a récolté que désillusion et échec.
Elle retourne donc à Osage Flats, dans le Kansas, pour tirer un trait sur ses démons. C'est aussi pour elle un plongeon dans ses souvenirs et l'été de ses seize ans (chaleur, baignades, soirées alcoolisées, langueur et insouciance). Et forcément, elle retombe sur son ex qui a la rancune tenace car il n'a jamais digéré son départ inexpliqué. Sauf que lui a su guérir de ses vieilles blessures et lui propose un deal. Ou elle saisit cette seconde chance ou elle passe son chemin car lui ne signera pas deux fois.
Mais Lane est une jeune femme fragile et qui culpabilise énormément à cause de son passé. J'avais plus ou moins deviné les secrets de Roanoke mais tout de même j'ai coulé à pic en découvrant l'ampleur du mal (manipulation, détresse affective, amour narcissique et monstre en puissance). C'est franchement glauque et écœurant.
Malgré tout, j'étais captivée par l'histoire et par son ambiance si particulière. J'ai aimé suivre le parcours de Lane, ses comportement borderline qui masquent sa sensibilité. On parle aussi de briser les tabous et de pardon. Et là, franchement... certaines scènes sont WOAH !!! En bref, au-delà du contexte douloureux et poignant, j'ai dévoré ce roman hors norme.
éditions Autrement, 2017 - Traduit par Mireille Vignol
⭐⭐⭐⭐
Divine vengeance, de Francesco Muzzopappa
Fou amoureux de la belle André, Leo plane sur son petit nuage depuis deux mois. Pour elle, il a tout accepté : ses convictions religieuses (ne pas coucher avant le mariage) et sa famille snobinarde (en encaissant son lot de flèches empoisonnées à chaque repas).
Leo n'est qu'un petit gardien de musée, au physique quelconque, passionné par les voitures de collection. Sans doute pas le profil du gendre idéal. Mais sûr de lui, il décide de faire une surprise à sa douce, avec en poche une bague de fiançailles.
Et là, cruelle désillusion : il découvre sa promise dans les bras d'un autre ! La rage, la frustration, la honte le submergent. Leo claque la porte et part en vrille.
Après sept jours d'une profonde dépression, il met au point un Plan Viril et Vengeur avec la complicité de son meilleur pote Ivan (un communiste borné). Sans le moindre scrupule, il va piocher dans les précieux dix commandements pour assouvir sa soif de vengeance.
Sa stratégie est simple - improbable - mais racontée avec beaucoup de dérision. Les personnages aussi sont de vraies caricatures ambulantes. Cela croque sous la dent, c'est léger et rigolo. Tout simplement.
Autrement (2018) - traduit par Marianne Faurobert
#Challenge Il était trois fois Noël 2015 : Nuit d'hiver, d'Anne Cortey & Anaïs Massini
Il fait nuit et froid sur la ville. Une petite fille se dépêche de rentrer ses courses pour se blottir au chaud près du poêle de la maison. Mais la petite fille est rêveuse, devant la baie vitrée, elle n'a nulle envie de tricoter ou de lire, à la place elle a envie de suivre un oiseau migrateur.
Ni vu, ni connu, elle enfile des vêtements chauds, prend ses patins à glace et s'enfonce dans l'obscurité. Elle a rendez-vous près du lac gelé, avec les minuscules, des créatures scintillantes. Ensemble ils patinent sans se soucier du reste et offrent la vision d'un ballet féérique.
Ce joli conte d'hiver va vous éblouir, par sa justesse, sa poésie, son sens de l'imagination, ses illustrations, ses couleurs, ses mots, sa musique, son invitation au rêve. C'est un petit moment de magie, pur et remarquable. Une lecture sous laquelle je suis complètement tombée sous le charme.
Autrement / Octobre 2012
#Challenge Il était trois fois Noël 2015 : Jour de neige, de Delphine Chedru
Il était une fois une forêt lointaine, au-delà des plaines du Nord. Un matin d'hiver, l'aube se levait à peine quand un profond silence s'abattit sur les arbres. Alors, dans un souffle léger, un premier flocon de neige descendit lentement du ciel...
Album magnifique, sans texte, qui fait appel à l'imagination du lecteur, Jour de neige nous convie à une promenade poétique et enchanteresse, au cours de laquelle on aime se perdre dans ce décor d'hiver, qui illustre à merveille le froid, le silence et la quiétude aussi (surtout à la fin, qui illustre à merveille l'idée du cocon douillet où il fait bon se vautrer).
Tout commence par un simple paysage d'hiver, au cœur d'une forêt, quand soudain apparaît un petit flocon. Peu de temps après un tapis de neige a recouvert la campagne, au milieu duquel pointe le museau d'un sanglier, suivi d'une première empreinte, puis de dizaines d'autres, et au milieu de tout ça, tant de silence, tant de mystère ...
Vient enfin une petite silhouette féminine, emmitouflée dans son grand manteau et son écharpe. Sans un mot, elle regagne une maison. Elle s'installe dans son fauteuil, près de la fenêtre. Se plonge dans un grand livre de contes. Elle ne le sait pas encore, mais elle n'est pas seule !
Autrement / Octobre 2013
Le Prix de l'innocence, de Willa Marsh
Ah, les années 60, époque enjouée et fabuleuse, illustrée par les virées en décapotable, les pique-niques et le flonflon des robes, des danses et d'une chanson entonnée entre amis... Fiona est alors jeune vendeuse, naïve et mal embouchée, employée dans un grand magasin. Elle y rencontre Vanessa, tombe amoureuse d'un beau parleur et rêve éveillée. Trente ans plus tard, Fiona recolle petit bout par petit bout les souvenirs de cette jeunesse insouciante. Elle vient de recevoir une lettre de son amie qui lui annonce la visite de son fils Alex. Cette rencontre va bouleverser l'inertie de son quotidien, englué dans une tristesse sans nom. Fiona a perdu tragiquement un enfant et s'est recroquevillée dans la douleur. Depuis, un silence palpable s'est creusé au sein de son couple, qui tend à les éloigner.
Il y a un certain charme à partager cette évocation douce-amère de l'amitié et des premières amours. L'atmosphère est nostalgique, le rythme lent, mais le tout manque de verve pour nous embarquer franchement dans cette histoire qui reste très mélancolique. Aurait pu mieux faire.
Autrement / Février 2013 ♦ Traduit de l'anglais par Eric McComber (Facing The Music) ♦
Disponible en poche chez J'ai Lu / Avril 2015
1, 2, 3, soleil ! de Gaëtan Dorémus
Trois animaux vont se retrouver autour d'un vieux rafiot pour partir à l'aventure et vivre enfin leurs rêves les plus fous ! Le crocodile avait soif d'action inattendue, l'ours souhaitait sortir de sa vie rangée et le cochon ne touchait plus terre à force d'espérer autre chose... Quelle histoire exquise, à lire les étoiles dans les yeux !
On y apprécie tout le talent de G. Dorémus dans cette histoire exemplaire, aux illustrations nerveuses, simplement marquées de trois couleurs, comme les trois personnages, avec un changement de rythme au fil des pages qui se tournent. Les traits de crayon se mélangent, cafouillent... signe que nos trois compères se lâchent et font symbiose.
Il y a de la poésie dans le texte, de la rêverie, des mots sincères, et qui sonnent vrais. On trouve aussi de l'humour, un ingrédient toujours essentiel pour apprécier l'éternelle rengaine du « lâcher prise ». Bref, c'est un petit album extra - hélas, l'une des dernières nouveautés des éditions Autrement Jeunesse. À savourer encore davantage !
Autrement jeunesse / Février 2015
Sauvage, d'Emily Hughes
« Sauvage » raconte l'histoire d'une fillette qui a grandi dans la nature entourée d'animaux. Les oiseaux lui ont appris à parler, les ours où trouver à manger, les renards à s'amuser... « Elle était à sa place et la vie était belle. »
Un jour, la fillette croise des humains qui la ramènent à la civilisation et tentent de lui inculquer de drôles de manières. Ils vont ainsi vouloir dompter sa crinière rebelle, couvrir son corps de vêtements pas commodes, lui donner des cours de lecture, la faire manger à table, avec des couverts et une assiette, lui proposer de nouveaux jeux.... Mais rien ne va. « Elle n'était pas à sa place et la vie était triste. »
L'esthétisme de l'album est par lui-même un festival de couleurs et d'illustrations fantaisistes : c'est un régal pour les yeux. On craque immédiatement pour la frimousse de l'enfant en couverture et on devine l'éclatante lecture qui s'annonce. Peu de texte, mais des dessins tellement expressifs valent tous les grands discours ! Avec une jolie morale à la fin,
« Pourquoi mettre en cage une petite fille si joliment sauvage ? »
Cette lecture veut saluer la vie arrachée de toutes contraintes, la communion avec la nature et tous les bienfaits qu'elle apporte, le droit à l'enfance et à l'épanouissement en décalage avec les codes, les modes, les normes. C'est une histoire à lire avec un sourire jusqu'aux oreilles et qui renvoie de bonnes ondes positives. La nature y est plus belle que jamais, chaleureuse et luxuriante. Notre petite Sauvage a bien de la chance d'y avoir trouvé son nid !
Précisons aussi que cet album figure parmi les derniers titres édités par la maison Autrement, après avoir annoncé cet hiver que le département jeunesse cessait ses activités. :-(
Autrement, janvier 2015
“Autrement Jeunesse s’arrête...”
C'est toujours triste d'apprendre la fin d'une maison d'édition dont le catalogue était riche d'audaces et de pépites. Gaëlle expliquera mieux les grandes lignes, dans son billet en un CLIC.
Nous aussi, nous avons fait le tour de nos bibliothèques pour se rappeler toutes ces belles rencontres, avec un pincement au cœur...
Carton tout plein #9 : Jour de neige de Delphine Chedru
Et maintenant on coupe le son ! On se contente d'admirer le paysage, là une forêt, ici un petit flocon, peu de temps après un tapis de neige a recouvert la campagne, puis le museau d'un sanglier, suivi d'une première empreinte, puis de dizaines d'autres, tant de silence, tant de mystère ...
Vient enfin une petite silhouette féminine, emmitouflée dans son grand manteau et son écharpe. Sans un mot, elle regagne une maison. Elle s'installe dans son fauteuil, près de la fenêtre. Se plonge dans un grand livre de contes. Elle ne le sait pas encore, mais elle n'est pas seule !
C'est un album magnifique, sans texte. Et c'est l'imagination du lecteur qui fait le reste. Pour moi, ce n'est nullement un problème car j'ai aimé me perdre dans ce décor d'hiver, qui illustre à merveille le froid, le silence, la quiétude aussi ... surtout à la fin, c'est comme un cocon douillet où il fait bon se vautrer.
En bonus, on peut aussi jouer à reconnaître les empreintes de pas.
@ éditions Autrement, octobre 2013