Les Disparus du phare, de Peter May
Un homme reprend connaissance sur une plage mais ne sait plus qui il est, d'où il vient et ce qu'il fait sur l'île de Harris où il séjourne dans un cottage isolé. Il apprend finalement par ses voisins qu'il se nomme Neal Maclean et qu'il écrit un livre sur la disparition des gardiens de phare.
Mais la police s'en mêle car le corps d'un individu a été retrouvé. Assassiné. Neal doit alors s'expliquer sur ses étranges va-et-vient. Pour se disculper, il devient urgent de retrouver la mémoire et entreprend de se rendre à Édimbourg pour affiner ses recherches.
Ce roman, on l'adore, pour son ambiance et son décor. « Dans ce paysage tourmenté, façonné par les grands glaciers d'une ère lointaine, des endroits comme Valley of Drizzle ou Raven Rock évoquaient l'univers de Tolkien. Au milieu d'immenses lochs paisibles, des îles couvertes d'arbres projetaient leurs reflets sombres sur des eaux plus sombres encore et d'immenses montagnes au profil déchiqueté s'élevaient au-dessus de la canopée pour se perdre dans les nuages bas et menaçants. »
Soupirs extatiques.
Cette atmosphère m'a conquise. L'histoire est un peu longue mais prenante. On suit le périple d'un homme en quête de son identité - c'est erratique et curieux avec néanmoins d'autres intrigues qui viennent se greffer à cette locomotive. Cette lecture invite au voyage ou à l'évasion. C'est splendide. J'ai ainsi pris mon temps pour parcourir chaque recoin. C'était vraiment bien.
Traduit par Jean-René Dastugue pour les éditions du Rouergue
Repris en poche chez Babel Noir (2019)
La Dernière Nuit à Tremore Beach, de Mikel Santiago
J'ai adoré l'ambiance de ce roman carte-postale : une maison isolée sur une plage irlandaise. Clenhburran, comté de Donegal. La pluie, le vent, l'orage... c'est somptueux.
Un homme vit seul, en retraite forcée après un divorce douloureux et une carrière en souffrance - il est pianiste de renommée internationale. Peter n'est plus capable de composer et boit trop. Un soir de tempête, en se rendant chez ses voisins, il est victime d'un accident et est frappé par la foudre. Hospitalisé en urgence, il ressort quasi indemne mais souffre de migraines atroces.
Les jours passant, la douleur peine à s'effacer et Peter constate qu'il fait de de plus en plus de rêves étranges, paranoïaques ou prémonitoires, en fait notre homme est convaincu que ses amis vont mourir. Impossible pour lui d'expliquer ce phénomène. La médecine aussi est impuissante. Et ça tourne en boucle comme de la paranoïa aiguë ou une grosse crise hallucinatoire. On nage en plein délire.
Résultat, on trépigne d'envie de savoir ce qui se trame car la narration est lente et longue. Certes, elle fait traîner le suspense et entretient savamment un flou artistique sur les rêves de Peter. Mais c'est parfois un peu trop disparate - heureusement que le décor est magnifique, ça fait passer le temps - aussi on pardonne tous les petits défauts de ce roman chaotique à ses heures perdues. Le dénouement est d'ailleurs explosif - d'un seul coup, sans prévenir. On a un enchaînement intense et vibrant... mais est-ce un rêve ou la réalité ?
En tout cas, le dépaysement a été appréciable. Je me sentais ailleurs durant ma lecture. Complètement transportée.
Roman traduit de l'espagnol par Delphine Valentin (Actes Sud, 2016 pour la traduction)
Repris en poche BABEL NOIR (2018)
En poche ! # 46
Encore une pleine récolte de nouveautés, ça sent bon les vacances !
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Nuit de noces à Ikonos, de Sophie Kinsella
De si jolies ruines, de Jess Walter
En cas de forte chaleur, de Maggie O'Farrell
Passé imparfait, de Julian Fellowes
Ces lieux sont morts, de Patrick Graham
Des enfants trop parfaits, de Peter James [LU]
La Ballade d'Hester Day, de Mercedes Helnwein
C'est elle, de Danny Wallace [LU]
Des vies en mieux, d'Anna Gavalda
Le bonheur côté pile, de Seré Prince Halverson
Les Arbres voyagent la nuit, d'Aude Le Corff
L'éveil de Mademoiselle Prim, de Natalia Sanmartin Fenollera
Le testament des abeilles, de Natacha Calestreme
Les Lumineuses, de Lauren Beukes
La Faute, de Paula Daly
Portrait d'une femme sous influence, de Louise Doughty
L'invité du soir, de Fiona McFarlane
Une lettre de vous, de Jessica Brockmole
Les brumes de l'apparence, de Frédérique Deghelt
Défense de tuer (Une enquête de l'inspecteur-chef Armand Gamache) de Louise Penny
La blouse roumaine, de Catherine Cusset
Expo 58, de Jonathan Coe [LU]
Amis et rien de plus, de Kristan Higgins
Le Pacte, de Lars Kepler
J'avais été déçue par L'Hypnotiseur, qui introduisait l'inspecteur Joona Linna en le confrontant à une enquête rude et implacable, sous l'assistance d'un psychiatre, Eric Maria Bark. Ce dernier ne figure plus au casting, ouf, contrairement à notre cher inspecteur, qu'on soupçonne d'entretenir des petites cachotteries, mais pour l'heure il va faire équipe avec la ravissante Saga Bauer, une employée de la cellule antiterroriste, pour les besoins d'une nouvelle affaire qui va nous tenir en haleine !
Penelope, une militante pacifiste, s'offre un weekend en mer avec son amoureux et sa jeune soeur, mais l'expédition vire au cauchemar et la jeune femme a un tueur à ses trousses. S'engage alors une course-poursuite infernale, sans pitié, menée à bout de souffle et parfois semée de rencontres effarantes (je pense à l'ancien animateur tv). Joona Lina, lui, piétine sur les lieux d'un suicide, sans grande conviction, avant de vouloir fouiller plus loin lorsqu'il sera en possession d'éléments plus concrets, mais plus troublants.
Car l'histoire est multiple, surfant sur de nombreuses pistes. On passe d'un chapitre à l'autre, très court dans l'ensemble, au rythme d'un tempo soutenu et nerveux. L'histoire ne dévoile pas tout de suite les liens qui pourraient exister entre les différents personnages, on les devine, mais on n'envisage encore aucune hypothèse. De toute façon, c'est proprement inconcevable : la toile tissée est tentaculaire, toutes les chutes sont vertigineuses, et puis les coups sont rudes, violents, implacables.
Il règne donc dans ce 2ème livre de Lars Kepler un climat stressant, mais vraiment palpitant. J'ai complètement adhéré à la nouvelle formule, qui s'inscrit dans le registre du polar noir à la façon d'un feuilleton haché menu, qui cultive action et suspense à larges doses. Tension palpable, personnages irritables, agissements troubles et révoltants, vraiment on pousse loin le sujet des accords politiques véreux et du commerce des armes à des fins peu honorables, en scellant des pactes jusqu'au-boutistes. C'est un univers cauchemardesque, dans lequel on baigne sans dégoût non plus, car la lecture est épatante.
Excellente interprétation de Thierry Janssen, qui donne sa pleine mesure à ce thriller où “le terrifiant envahit le quotidien, dans une Suède bien éloignée des clichés traditionnels”.
Audiolib, avril 2012 - texte intégral lu par Thierry Janssen (durée d'écoute : 15h 54)
Traduit par Hege Roel-Rousson pour les éditions Actes Sud - disponible en format poche (Babel noir, janvier 2014)
“Three Pines wasn’t on any tourist map, being too far off any main or even secondary road. Like Narnia.”
J'avais dans l'idée de lire un policier de la vieille école, dans un cadre bucolique et charmant, à Three Pines, un village québécois où tout le monde connaît tout le monde. Aussi, l'assassinat de l'ancienne institutrice, Mlle Jane Neal, dont le corps a été retrouvé dans les bois, près de chez elle, met la communauté en émoi. L'inspecteur-chef Armand Gamache, de la Sûreté du Québec, est dépêché sur les lieux.
A la façon d'un Hercule Poirot ou d'une Miss Marple, Gamache observe, interroge, écoute les uns et les autres blablater. Il remonte aussi les bretelles de sa nouvelle collaboratrice, l'agente Yvette Nichol, jugée impatiente, brouillonne et guindée. Il faut qu'elle apprenne que, dans ce métier, l'empathie est une qualité indispensable. Sans quoi, on ne se démène pas follement à Three Pines, on y vit pépère, on fait connaissance, on se perd dans l'étude des arcs et des flèches (*ennui*), on déguste l'ambiance prout-prout si chère à mon cœur.
C'est le premier livre de la série mettant en scène Armand Gamache, je pense qu'il fallait en passer par là pour cerner personnages et localité avant de prendre ses aises. Du moins, je l'espère. J'avais très envie de m'enthousiasmer pour cette découverte, je n'y suis pas parvenue totalement, le livre m'est certes apparu un peu long et ennuyeux, mais avec de bonnes choses aussi, à l'intérieur, qu'il faut exploiter sereinement.
Nature morte, par Louise Penny
Babel noir, septembre 2012 - traduit par Michel Saint-Germain
“Three Pines wasn’t on any tourist map, being too far off any main or even secondary road. Like Narnia, it was generally found unexpectedly and with a degree of surprise that such an elderly village should have been hiding in this valley all along. Anyone fortunate enough to find it once usually found their way back.”
☠ L'Hypnotiseur, de Lars Kepler ☠
Après le massacre d'une famille, dont seul le fils est sorti grièvement blessé, la police fait appel aux services du psychiatre Eric Maria Bark qui avait pourtant juré de ne plus jamais pratiqué l'hypnose. Mais c'est une question de vie ou de mort, car la sœur aînée est portée disparue. L'enquête ne peut plus attendre. En rencontrant son patient, Bark n'ignore pas qu'il vient de remettre les pieds en enfer, et effectivement, peu de temps après, les événements vont se précipiter, la tragédie enfler et le passé lui revenir en pleine face.
J'ai mis un temps fou pour entrer dans l'histoire, jusqu'au chapitre 11 (soit la piste 15) car je n'arrivais pas à me situer, à m'attacher aux personnages, à comprendre leurs gesticulations, à saisir ce qu'il se passait, j'avais aussi l'impression qu'on ressassait toujours la même chose, que ça n'avançait pas. Finalement, j'ai réussi à me faire une place, non sans difficulté, car l'histoire m'inspirait souvent du dégoût (à plusieurs reprises, je l'ai trouvée vulgaire, glauque et passablement déprimante).
Je sors donc un peu mitigée de cette découverte, à cause des longueurs, à cause des fausses pistes, à cause de la violence gratuite, à cause de la maladresse qui fait cohabiter les deux affaires avec une logique parfaitement alambiquée, à cause du flashback qui dure des plombes, à cause du malaise ressenti également. Enfin bref je suis plus que mitigée, dépitée, perplexe. Je pense, néanmoins, que je donnerai une deuxième chance à l'auteur, Lars Kepler, histoire de retrouver le sympathique inspecteur Joona Linna. Mais pitié, que le traitement des enquêtes soit moins sordide !
L'écoute aura été longue, un peu plus de 17 heures, pour une interprétation glaçante, troublante, bien en phase avec ce qu'on nous raconte. De quoi se ronger les sangs.
L'hypnotiseur, par Lars Kepler
Audiolib, 2011 / Actes Sud noir, 2010 - traduit par Hege Roel-Rousson et Pascale Rosier
Texte intégral lu par Thierry Janssen
Un tueur à Munich ~ Andrea Maria Schenkel
Nous sommes en Allemagne, dans les années 30. Josef Kalteis est jugé, condamné coupable et exécuté par guillotine pour avoir violé, torturé et assassiné des jeunes filles, sans jamais reconnaître la gravité de ses actes. Le roman raconte avec quelle froideur et quelle folie l'homme a plongé dans cette spirale infernale, celle de la violence et de l'acharnement.
Le roman commence gentiment, lorsque la jeune et naïve Kathie arrive à Munich pour trouver une place de bonne. Au lieu de ça, elle se laissera séduire par la proposition d'une amie qui lui suggère de vivre de ses charmes pour obtenir un bel appartement, de ravissantes toilettes et un cadre de vie comme jamais sa mère n'aurait pu lui offrir. On suit longuement son parcours, avant de comprendre où l'auteur nous conduit, brouillant même les pistes en jalonnant l'histoire avec d'autres jeunes filles, qui seront enlevées, violées et massacrées, ou portées disparues. La plongée est lente, insupportable, pourtant le suspense est là, terriblement accrocheur, pas du tout pervers.
L'histoire est d'autant plus percutante car on vit les tragédies en se glissant tour à tour dans la peau des proches, de la victime puis de l'assassin. Je ne sais pas quelle place est la plus terrifiante, parce que c'est systématique : l'angoisse monte, la peur s'associe à la panique, et la douleur se ressent très vite... C'est un livre abominable, très charnel malgré les apparences ! On sent des frissons sur tout le corps. Lorsque Joseph Kalteis, le tueur, intervient avec ses dépositions faites au juge - pas besoin de préciser l'incohérence de ses propos - ses discours nous prennent à la gorge, ils nous scotchent par leur teneur insensée. C'est tout simplement révoltant, mais cela dessine la mesquinerie de sa réflexion, ce type est un malade, certes, mais c'est aussi et surtout un traqueur.
Comme avec La Ferme du crime, Andrea Maria Schenkel s'est inspirée d'un fait divers, et nous livre un roman oppressant, accablant et déroutant. Le portrait du tueur de Munich nous pousse dans nos retranchements, c'est à la fois flippant et réussi, mais cela crée un profond malaise.
Actes Sud, coll. Actes Noirs, 2009 - 168 pages - 16€
traduit de l'allemand par Stéphanie Lux
Du même auteur, je vous rappelle la sortie en format poche de La ferme du crime ICI !
En poche ! #23 : La ferme du crime
En 1950, en Bavière, dans le village de Tannöd, Barbara, son père, sa mère et ses deux enfants sont retrouvés assassinés dans la ferme familiale. Que s'est-il passé ?
Dans un climat froid, une mise en scène implacable et avec un suspense redoutable, le livre se présente comme une succession de témoignages - instituteur, curé, voisin... - jusqu'au dénouement final. Impossible d'échapper à l'engrenage, qui emprisonne le lecteur au coeur de cette tragédie en huis-clos, où sommeillent histoires de famille et secrets inavouables.
Un vrai roman noir. A ne pas louper !
La ferme du crime, d'Andrea Maria Schenkel
Babel Noir, 2009 - 128 pages - 6,50€
traduit de l'allemand par Stéphanie Lux
La ferme du crime ~ Andrea Maria Schenkel
Une ferme située dans un village de Bavière devient le théâtre de crimes abominables commis sur les membres d'une même famille : le patriarche, sa femme, leur fille et ses deux jeunes enfants. Les Danner n'étaient pas aimés, ils vivaient reclus et avaient leurs petits secrets qui provoquaient jalousie et convoitise dans le voisinage, mais est-ce que ça peut expliquer une telle férocité ? Et puis, les enfants ? On murmure partout que ce ne peut être que le geste d'un maniaque, ou d'un monstre qui passait par là, mais ce n'est pas possible que ce soit l'un d'eux. Il règne alors dans le village une ambiance glaciale, où la suspicion et la peur ont trouvé leurs marques.
Quelques années se sont écoulées, l'affaire avait fait grand bruit dans les journaux, pour autant le coupable n'a jamais été mis derrière les barreaux. Mais impossible d'oublier pareille histoire. Dans la réalité, un fait divers semblable a secoué l'opinion publique dans les années 20, et l'auteur Andrea-Maria Schenkel s'en inspire pour raconter son histoire, mais en la plaçant dans les années 50.
Et c'est un livre qu'on avale en une lampée, il est construit comme celui de Truman Capote (De sang-froid), car ce sont les témoins qui racontent toute l'histoire, lentement, progressivement. Il y a un vrai suspense, on tourne chaque page avec avidité, les chapitres sont courts, chaque témoignage apporte sa petite pièce au puzzle, et on en voit de toutes les couleurs ! C'est un excellent roman, noir de chez noir, et qui tient en haleine. On VEUT savoir, on est pris dans l'engrenage, et on ne lève pas le nez avant d'avoir tourné la dernière page.
La Ferme du crime a été classé meilleur roman criminel du printemps 2006 par les libraires allemands. C'est tout à fait mérité !
Actes Sud, coll. Actes Noirs, 2008 - 157 pages - 15€
traduit de l'allemand par Stéphanie Lux
Disponible en édition poche, collection Babel noir, dès le 1er Avril 2009 !