Si toi aussi tu aimes les albums, c'est par ici !
Une histoire de loup, par Caroline Pellissier & Mathias Friman
On commence notre tournée en jetant notre dévolu sur cet album à la couverture magnifique. Le contenu aussi ne manquera pas de vous enchanter : grande sobriété dans les dessins, du noir et blanc très élégant, avec parfois une touche de couleur pour illustrer le propos... et cette note sibylline qui nous accompagne tout du long.
« Viens, nous dit une voix. Viens avec moi dans ma forêt. Dans ma forêt profonde, belle et sauvage. N’aie pas peur ! Ouvre tes yeux, tes oreilles, tous tes sens. Mais surtout, ouvre ton cœur. »
Qui nous parle ? Quel est ce mystérieux narrateur qui nous emmène dans les bois pour une promenade interdite mais fascinante, nous faisant emprunter des sentiers cachés, nous guidant vers des animaux sauvages, nous conseillant le silence, l'écoute, l'observation ? Qui donc est capable d'une telle prouesse ?
« Viens, nous dit le narrateur, continue de me suivre. »
Qui se revendique derrière cette voix envoûtante ? Jusqu'où nous entraînera cette lecture charmante et néanmoins inquiétante ?
Je vous invite à découvrir le pot-aux-roses, sans détour.
****************************
L'Affaire Méchant Loup, par Marie-Sabine Roger & Marjolaine Leray
Au sommet d'une montagne, vit un très vieux loup, myope et bancal, attaché à sa solitude, aux échecs et à la poésie. Il ne recherche nulle compagnie, n'a pas beaucoup d'appétit et se contente de repas frugaux (quelques souris ou autres rats des champs). Ne lui parlez pas des troupeaux de chèvres de Monsieur Seguin... il n'en a cure. Parfois il en croise certaines qui se font la malle pour voir du pays. Il a d'ailleurs pris l'habitude de guider leur chemin pour profiter des plages dorées.
Voilà, voilà.
Mais un jour, une certaine Blanchette traîne ses pattes sur son terrain et part aussitôt en vrille. Car elle a horreur du loup. C'est même une vraie bagarreuse, avec un sale caractère qui fonce dans le tas avant de réfléchir. Dès qu'elle aperçoit le Loup, en train de roupiller dans l'herbe, son sang ne fait qu'un tour. Et elle rue dans les brancarts. Le Loup, démuni, tente de se défendre.
Et là... c'est le drame.
Il aurait mieux valu que ces deux-là ne se croisent jamais ! Malheureusement... « Nul ne choisit sa place en arrivant au monde, personne n'a vraiment le choix, c'est comme ça. C'est déjà bien assez d'injustice, je trouve, sans y ajouter en plus le poids des préjugés. On condamne souvent avant d'avoir jugé, vous allez voir ! »
Cette version revisitée de “La chèvre de monsieur Seguin” est surprenante (et féroce) mais invite à la réflexion, en plus d'offrir un texte écrit tout en rimes et assez philosophe.
****************************
Denise et moi, par Barroux
Un peu d'humour et de légèreté... pour souffler entre deux lectures riches en émotion ?
Voici un bambin fort chanceux, car pour son anniversaire, il a reçu en cadeau une belle plante verte, qu'il promet d'arroser, de chouchouter, de soigner. Jour après jour, il s'occupe d'elle avec amour.
Consciencieux, le garçon recommande également à ses proches mille précautions dès qu'il doit s'absenter.
Mais voilà... son chat disparaît, puis sa sœur, son grand-père, sa mère etc. Tous ont des excuses, des activités à honorer par exemple.
Et cette Denise, cette belle plante, ne cesse de s'embellir. Il y a un mystère dans le salon de cette maison... attention à la page suivante !
Le pop-up final vient en effet répondre à vos questions et susciter de grands, grands sourires sur les visages.
Bravo à cette lecture extra, débordante de peps et rédigée comme une comptine. À lire et relire à l'envi.
****************************
Le Coq solitaire, par Alain Mabanckou & Yuna Troël
Place maintenant à une histoire passionnante, inspirée des contes traditionnels africains.
Grand-père Moulika est le chef du village. C'est un grand sage, qui raconte beaucoup d'histoires. Il ne cesse de rappeler combien il est important de respecter les animaux car ils sont liés aux hommes. Il prétend même que chacun a son double animal et qu'il faut du temps, dans la vie, pour le découvrir et le connaître.
Son petit-fils Michel hésite à le croire. Les villageois également commencent à se lasser de ses vieilles histoires. De plus, tous ont en horreur un vieux coq malodorant qui va et vient dans le poulailler, mais le chef a formellement interdit de le toucher. La famille va finalement décider de ruser et de tromper leur aïeul sans scrupule...
« Malheureux ! Je pensais que vous m'aimiez, mais je me suis trompé toute ma vie. »
Ces paroles hanteront son petit-fils et les villageois des années durant puisqu'elles auront éclairé trop tard leur volonté de comprendre et la nécessité de transmettre, dans cette Afrique traditionnelle, les liens sacrés entre les vivants et les morts.
Très beau conte raconté par Alain Mabanckou et mis en scène dans de grandes pages colorées qui invitent au voyage.
****************************
Hector et les bêtes sauvages, par Cécile Roumiguière & Clémence Monnet
L'aventure se poursuit avec cette merveilleuse histoire de transmission, encore et toujours. Même que celle-ci risque d'éveiller de multiples émotions, souvent indescriptibles, car il y a de la tendresse et de la poésie au programme ! Les illustrations aussi se contemplent avec admiration.
C'est l'histoire d'un doudou qui s'imagine abandonné.
C'est l'histoire d'une fillette qui a peur d'être oubliée.
C'est l'histoire d'une naissance qui vient tout chambouler.
C'est l'histoire d'une place à prendre, à quitter, à retrouver.
C'est l'histoire d'une colère, qui s'apaise.
C'est l'histoire d'un voyage, qui fait comprendre le tumulte des émotions.
C'est l'histoire d'une perte qui se change en retrouvaille...
Après tout,
« on ne perd jamais le souvenir de son enfance, celui de la douceur des jours parfaits et des chagrins qui font grandir ».
C’est enfin l’histoire un peu folle d'un doudou qui s'effiloche mais qui tient solidement la main d'une fillette partie dompter les bêtes sauvages. Tout simplement.
Gros cœur rouge pour cet album qui donne envie de soupirer de bonheur, parce que c'est ravissant et plein de douceur ! Merci pour ce joli duo - Cécile Roumiguière & Clémence Monnet - qui offre les mots justes et les illustrations parfaites pour rassurer le jeune lecteur dans ce parcours chaotique qu'est le fait de grandir !
****************************
L'étrange ronflement, par André Bouchard
Vous aviez aimé Le Mystère de la basquette bleue ? Retrouvez donc nos jeunes enquêteurs dans une nouvelle affaire : l'étrange ronflement. Penchez-vous également sur ce dossier épineux, élaborez vos propres théories, n'hésitez pas... et surtout rencontrez cet étrange Club de Ronflistes un brin inquiétants. Je dis ça, je dis rien.
****************************
Chez les voisins, par Hélène Lasserre & Gilles Bonotaux
Ça bouge également chez nos Merveilleux Voisins ! La pieuvre déménage, les pingouins débarquent, d'autres cousins s'invitent, un grand-oncle d'Amérique du Sud prend froid et éternue... semant une sacrée pagaille, les crocos ont aménagé une boîte de nuit dans leur cave... et Vlad le vampire offre une petite visite sympathique. Bref, il y a du remue-ménage dans cet immeuble dont les familles se croisent et partagent des bouts de chemin de manière originale & très festive.
C'est là une lecture riche et fantastique, dans ses détails et ses propositions qu'on scrute de long en large. Une vraie vie de quartier, conviviale et inventive, qu'on suit saison après saison...
****************************
Seuil Jeunesse, 2019
Dans la gueule du loup, de Michael Morpurgo & Barroux
Ce roman de Michael Morpurgo n'est pas un énième roman sur la guerre, mais plutôt un bel hommage rendu à ses oncles. Francis et Pieter Cammaerts appartiennent désormais à l'Histoire. Et c'est une belle histoire que nous offre l'écrivain entre ces pages.
Derniers nés d'une famille comptant déjà quatre filles, Francis et Pieter ont grandi en creusant leurs différences. Très tôt, l'un a préféré les études et l'enseignement, tandis que l'autre rêvait de devenir comédien. L'un était d'un tempérament discret, l'autre passionné. Dès la déclaration de la guerre, leurs opinions étaient également tranchées. Pieter s'engage pour combattre la tyrannie, Francis prône un discours plus pacifique. Il devient objecteur de conscience et est envoyé dans une ferme dans le nord du pays.
Mais la mort de son frère va bouleverser son destin. Malgré ses convictions et ses idéaux, Francis va s'enrôler pour rejoindre la résistance et partir en France.
Son parcours nous est alors rapporté dans les grandes lignes. L'homme vient de fêter son 90ème anniversaire, entouré de toute sa famille. Il se sent fatigué mais conserve une excellente mémoire au moment de convoquer les héros de ses jeunes années. Il raconte ainsi leur courage et leur peur, les routes de France, les planques, les missions, les arrestations et les fusillades.
C'est un récit pudique et néanmoins admirable, qui fait vibrer la corde sensible quand on songe que tous les personnages ont bien existé. C'est sans doute le roman le plus personnel, pour Michael Morpurgo, et c'est ce qui le rend encore plus attachant. Barroux y met son grain de sel, avec ses illustrations dont la force évocatrice n'est plus à démontrer.
Très beau roman, vraiment.
Gallimard jeunesse (2018) - illustrations de Barroux
traduction de Diane Ménard
Pêle-Mêle : C'est louche ! - Combien d'arbres ? - La Déclaration - Le récital de piano
Chouchouté dans sa famille, un chat s'étonne des brusques changements qui surviennent dans son quotidien : des jouets étranges, un nouveau panier en osier, des toilettes étonnantes, une chambre entièrement repeinte... Par contre, plus de poisson ! Sa charmante famille n'est décidément plus la même. Le chat soupire, résigné. Et voilà le couple en train de claquer la porte pour partir en quatrième vitesse... à la maternité.
De l'humour et l'espièglerie pour évoquer l'arrivée de bébé, parfois susceptible d'attiser la jalousie dans un foyer. Polly Dunbar dédramatise la crise avec un grand éclat de rire. Son album est joyeux et coloré de bout en bout. C'est adorable !
C'est louche ! de Polly Dunbar
kaléidoscope, 2018
=========================
Combien d'arbres faut-il pour faire une forêt ? Chacun leur tour, le cerf, l'ours, le renard et la souris prétendent connaître la réponse. Sûrs d'eux, ce sont les rois de la forêt. Et blablabla. C'est finalement la petite fourmi qui va souffler tout le monde avec son histoire de petite graine.
On a là une fable écologique cocasse et intelligente car elle rappelle également au lecteur qu'il faut prendre soin de la planète car ses ressources ne sont pas éternelles. Du Barroux craquant et pertinent. On aime.
Combien d'arbres ? par Barroux
kaléidoscope, 2018
=========================
Les animaux en ont assez. Des siècles qu' ils sont chassés, enfermés, maltraités... Cette fois, c'est décidé. Ils passent à l'offensive. Après une longue mission d'infiltration, ils tapent un grand coup et se faufilent dans la société. Hop, à eux les postes habituellement brigués par les humains ! Tout est sens dessus dessous. Une trêve s'impose.
Et la Déclaration universelle des droits de l'animal est signée. « Il est désormais interdit de détenir des animaux en captivité ou de les considérer comme des objets. » Satisfaits, les animaux peuvent retouner vivre en paix dans leur milieu naturel.
Une lecture un brin déjantée, avec une chute tout aussi désopilante ! Une excellente surprise.
La Déclaration, de Michaël Escoffier & Stéphane Sénégas
kaléidoscope, 2018
=========================
Pour son premier récital, Momoko est tétanisée par la peur. Attendant son tour en coulisses, elle est prête à s'évanouir quand une petite souris l'invite à voir son spectacle. Derrière une porte minuscule, se déroule en effet le show le plus incroyable, avec des saltimbanques, des magiciens, des danseurs, une cantatrice et une ballerine. Momoko est enchantée... tant et si bien qu'elle oublie son trac et se sent prête à se produire sur scène en prenant un plaisir fou !
Un album d'une grande finesse et au charme japonisant irrésistible !
Le récital de piano, par Akiko Miyakoshi
kaléidoscope, 2018
=========================
Pêle-Mêle : Où êtes-vous ? - Le Roy qui voyageait avec son royaume - Le trop petit poucet - Le voyage
Un jeune roi, à qui tout souriait, était en pleine déprime car il s'ennuyait profondément. C'était avant d'avoir l'idée génialissime de lancer une partie de cache-cache géante ! Tous ses loyaux sujets sont donc conviés à participer, en se planquant ci et là, tandis que le roi va compter jusqu'à 100 dans son coin.
Mais le roi est imbattable. Il débusque aussi sec la salamandre, l'oursin, le bigorneau, le panda ou le cochon d'Inde. Il fouille à travers les fourrés, il parcourt le fond des mers ou s'envole vers les cimes des montagnes. Ses sens sont en éveil et il trouve tout le monde (aigle royal, ibis rouge, puce de Mozambique...).
Tout le monde ? Euh, pas vraiment… Ses conseillers n'osent lui signaler qu'ils sont sans nouvelles du dodo, du tigre de Tasmanie, du grizzli de Californie, du crapaud doré, de la tortue géante de l'ile de Pinta... Car cette lecture n'est pas sans rappeler la disparition de certaines espèces animales, menacées par la folie des hommes.
En quelques mots, par le biais d'une histoire douce et rigolote, le message est passé pour sensibiliser les plus jeunes à la protection animale. C'EST IMPORTANT !
Où êtes-vous ? de Barroux
seuil jeunesse, 2018
****************************
Connaissez-vous l'histoire passionnante du roy de Gallicie, qui aimait collectionner les objets insolites et écouter les récits épiques des grands explorateurs ?
Alors, approchez et tendez l'oreille...
Car cet album va vous transporter dans un univers baroque et burlesque, où un petit homme rêve de vivre à son tour de folles épopées en parcourant le monde... non sans veiller à son confort, sans perdre de temps ou d'énergie inutile, en s'assurant également d'avoir ses poires confites, ses chaussons, sa cour, sa bibliothèque, en bref la moitié de son château auprès de lui !
Humour cocasse et esthétisme déjanté pour fable absurbe qui raconte la folie des grandeurs (et des voyageurs du dimanche). C'est piquant, c'est drôle. On aime, forcément.
Le Roy qui voyageait avec son royaume, de Dedieu
seuil jeunesse, 2018
****************************
La facétie de Martine Camillieri est de retour ! Elle recycle cette fois le conte du petit Poucet, né dans une famille pauvre, que les parents cherchent à abandonner, ses six frères et lui, en pleine forêt.
Mais le dernier de la fratrie est rusé, d'abord il piste son chemin avec des petits cailloux, puis se fait rouler en prenant des bonbons aussi étincelants que des perles. Résultat, la chouette voleuse chipe le butin et nos bambins sont carrément paumés. Impossible de trouver le chemin de la maison !
En pleine déroute, ils débarquent chez un couple d'ogres et manquent de passer à la casserole. Notre petit poucet, toujours malin, trompe le patriarche avant de filer nez au vent (en gagnant une paire de Crocs magiques). Hihi... C'est franchement très, très drôle.
L'auteur propose une version hyper souple du conte traditionnel en glissant des traits d'humour, des trucs glauques et un peu gore (après tout, Charles Perrault & les frères Grimm ont ouvert la voie). Et cela donne un texte joyeux, totalement décomplexé et d'une affolante dérision.
On retrouve également un univers atypique, fait de petites babioles souvent récupérées dans les coffres à jouets, et là je pense à ma fille qui était également capable de bidouiller tout un monde à partir de trois fois rien (ah, les précieuses surprises Kinder !). Feuilleter les albums de Martine Camillieri réveille chez nous une tendre nostalgie... en gloussant de plaisir. C'est TOP !
Le trop petit poucet, de Martine Camillieri
seuil jeunesse, 2018
****************************
Place à une lecture étonnante, par son univers onirique et sa vision philosophique... de l'enfance ! Un rendez-vous épatant, pour un voyage extraordinaire. ☺
Léon le lion, Hippolyte l'hippopotame et Sergent Poivre la girafe ont décidé de partir en expédition pour rencontrer des enfants (et ainsi apprendre à mieux les connaître). Ils débarquent donc dans un zoo, non sans s'être préalablement dévêtis, et en s'interdisant de parler pour juste observer leurs sujets d'études.
Ainsi donc, les enfants sont une source inépuisable de découvertes et d'étonnements - ils s'amusent de tout, ils vivent leurs émotions à fond, ils gesticulent sans cesse, ils jacassent à longueur de journée, ils veulent tout comprendre, tout essayer. Mais les enfants sont aussi des rêveurs, des créatures parées d'une imagination débordante. Pour nos trois scientifiques, la découverte s'avère très enrichissante et peu banale !
À votre tour de plonger dans ce monde à part, ce voyage magnifique et fascinant ! Un album d'une rare élégance, très beau, très pointilleux et follement lyrique.
Le Voyage, de Caroline Pellissier & Mathias Friman
seuil jeunesse, 2018
****************************
Des chauves-souris, des singes et des hommes, de Paule Constant & Barroux
Cette adaptation en bande dessinée du roman de Paule Constant est étonnante ! Étonnante par ses couleurs, son graphisme, sa mise en page, son histoire aussi... qui est toujours étrange et fascinante, poétique et tragique. J'avais lu et écouté le roman en format audio (lu par Marie-Christine Barrault). J'avais été séduite, scotchée, envoûtée. Cette nouvelle déclinaison n'a fait que confirmer tout le bien que je pensais de cette œuvre !
Pour rappel, l'histoire commence dans un village africain, où une petite fille désœuvrée se console avec une chauve-souris qu'elle a trouvée en se promenant. Pendant ce temps, les garçons de son âge ramènent crânement le cadavre d'un gorille silverback. La dépouille est immédiatement dépecée, mijotée en ragoût et servie à tour de bras pour célébrer l'abondance et la rareté d'un mets aussi raffiné. À côté de ça, on croise aussi une jeune française, dans une mission humanitaire, un sociologue-ethnologue fraîchement débarqué, et un Docteur Désir qui vogue sur le fleuve pour vendre sa camelote. Tous ignorent encore qu'un mal pernicieux est en train de se propager silencieusement, qu'il trace sa route funèbre jusqu'au point final, où alors « le nom d'ebola se répand en lettres rouges dans la presse du monde entier » !
L'histoire est terriblement glaçante, mais elle est racontée avec beaucoup de lyrisme, d'où le décalage et la sensation d'une sentence implacable et abrutissante. Ajoutez la touche de Barroux, avec son univers brut et faussement naïf qui nous transporte au cœur de cette Afrique folklorique, avec ses couleurs, ses exubérances, ses légendes, ses cris et ses larmes. La plongée est stupéfiante. On en prend plein les yeux et on ressent un vrai choc au fil des pages. C'est une belle réussite. Je recommande ! ☺
Gallimard Bande Dessinée, 2018 Feuilleter
Pêle-mêle : Tout est magie - Bienvenus - Le Chat blanc et le Moine - Ma sœur, je la déteste !
Monsieur Lapin est un célèbre magicien, qui a toutefois bien du mal à trouver l'assistant idéal. Sa chance tourne le jour où il auditionne Houdini Bouquin. Un petit lapin au poil. Efficace, appliqué, sommant les troupes, veillant au grain, vraiment irréprochable. Mais un soir de représentation, une peau de banane oubliée sur scène, tout dérape. Monsieur Lapin perd le contrôle de la situation, Houdini aussi. Et les rôles sont inversés. Houdini va briller sous les feux de la rampe, devenir la nouvelle coqueluche en tant que magicien et faire salle comble en enchaînant une tournée à guichets fermés. Plus Houdini s'épanouit, plus Monsieur Lapin s'étiole en coulisses. La magie lui manque terriblement, il est temps de renverser le sablier. Quelle belle et étonnante histoire, franchement adorable ! Et quel fabuleux tour de passe-passe ! L'histoire et les illustrations offrent un très joli numéro de prestidigitation, assez cocasse et stupéfiant. Elle montre aussi que les lapins et les humains sont capables de choses “incroyablement surprenantes”, de quoi donner des étoiles dans les yeux aux enfants, enchantés à la lecture de cet album, coloré, fantasque, tout simplement magique ! ♥
Tout est magie, de Meg McLaren
Kaléidoscope, 2017 - Trad. Elisabeth Duval
©Tout est magie, de Meg McLaren
Trois ours polaires se prélassent sur la banquise, quand soudain la glace cède et les emporte au beau milieu de l'océan, sur leur fragile embarcation. Affrontant les intempéries, ils pensent crier victoire à la vue d'une terre à l'horizon, mais l'accueil réservé par les habitants est froid, inhospitalier. Ils doivent donc repartir, chercher une autre terre d'asile, loin, toujours plus loin. Chassés, ignorés, snobés, conspués, nos ours errent comme des âmes en peine. Désespérés, à bout de force, ils s'imaginent périr en mer, dans l'indifférence générale. Ce magnifique album, au sujet tristement d'actualité, présente aux enfants une vision des mouvements migratoires sous une apparente légèreté et beaucoup de poésie, sans écarter l'injustice et la complexité que peut provoquer cette transhumance. On nous présente aussi des pays planqués derrière leurs barricades, fermés aux autres, rejetant fermement toute nouvelle intrusion. Barroux illustre le thème des réfugiés en toute sobriété en racontant une histoire d'ours polaires, en train de dériver sans but, sans avoir recours à des propos moralisateurs. Chaque lecteur jugera selon son ressenti, sa sensibilité, en tenant compte du chemin parcouru pour nos trois ours aux abois. J'ai beaucoup apprécié la démarche, surtout que l'histoire baigne dans un beau cadre lumineux et pointe du doigt l'absurdité des uns et des autres. À découvrir ! Un album très pertinent.
Bienvenus, par Barroux
Kaléidoscope, 2017
Un moine et un chat blanc partagent la douceur de vivre ensemble, dans le calme d'une cellule ascétique, chacun vaquant à ses occupations, dans un silence respectueux. L'un s'abîme les yeux à étudier des manuscrits, pesant chaque mot, ne négligeant aucun détail. L'autre scrute le trou dans le mur et attend son heure pour sauter sur la souris qui se cache. Cette cohabitation respire la sérénité, la plénitude et la sagesse. À première vue, l'esthétisme peut sembler austère, les couleurs sont ternes et les illustrations plutôt sobres, mais cette ornementation épurée colle aussi avec l'ambiance du récit, d'où l'impression d'une harmonie parfaite. Cette lecture hyper apaisante fait également écho à un poème (Pangur Bán) inspiré d'après un moine bénédictin du 9e siècle et de sa relation complice avec son animal de compagnie. Il se dégage de cet album une vraie sensation de pureté et de bien-être.
Le Chat Blanc et le Moine, par Jo Ellen Bogard & ill. par Sydney Smith
Kaléidoscope, 2017 - Trad. Elisabeth Duval
Place maintenant à un grand classique : la sacro-sainte rivalité au cœur de la fratrie ! Christine Davenier nous raconte l'histoire de ce joli duo de frangines, qui ne se supportent plus. L'une est forcément plus douée, intelligente et préférée des grands, a contrario de l'autre qui se sent dans l'ombre et cherche à tirer la couverture à elle. Que de bisbilles pour presque rien. Quand l'une reçoit un chien en cadeau, l'autre choisit une belle palette de crayons... pour exprimer son talent artistique et susciter l'émerveillement de tous ! Et hop rebelote. La crise de jalousie alterne selon les jours, les humeurs, les circonstances. C'est une ronde sans fin. Et c'est ce qui rend l'album aussi attachant, amusant et authentique. On se retrouve implicitement dans cette guerre d'usure, chère en souvenirs ou autres anecdotes qui sentent le vécu, d'où le fil invisible qui relie le lecteur aux personnages et inspire une charmante connivence.
Ma sœur, je la déteste ! de Christine Davenier
Kaléidoscope, 2017
Halb l'autre moitié, de Sigrid Baffert & Barroux
raconté par Elsa Zylberstein ♦ musique d'Alexis Ciesla
Baka a la mémoire qui flanche et décide d'offrir pour les dix ans de sa petite-fille Tallinn sa précieuse clarinette. Ainsi, la fillette pourra perpétuer la tradition familiale, en jouant la mélodie transmise de génération en génération. Or, Baka ne sait jouer que la première moitié. Elle a oublié le reste ! Avec le petit chien jaune Frageh (qui n'aura de cesse de grossir), elles décident de partir en voyage, jusqu'au village natal de la grand-mère, pour peut-être trouver la suite de la mélodie.
Au fil de leurs rencontres, Tallinn et Baka enrichissent leur répertoire musical, entendent des ritournelles et autres chansonnettes venues d'ici et là, communiquées avec amour et passion, bref la musique se parle dans toutes les langues, mais essentiellement avec le cœur. C'est une transmission universelle ! En bout de course, Tallinn comprendra aussi qu'elle seule délivrera sa grand-mère du poids de la frustration en imaginant elle-même la composition manquante.
« C'est une moitié étrange, faite de bric et de notes, de blanches, de noires et de vertes... Une mélodie frottée aux cahots de la route, sucrée comme une tarte d'anniversaire et amère comme une nuit d'attente, une mélodie qui vous berce l'âme comme un voilier, pleine de rires et de cris à la fois, tantôt frêle comme un brin d'herbe, tantôt charpentée comme un chêne millénaire, une mélodie chargée de terre rouge, qui sent le sel et la pluie noire de Ruzice, une mélodie aux yeux d'orage et aux chevilles de vent d'Amia, une mélodie qui marche au pas cadencé avant de s'envoler... »
Et c'est magnifique ! Quelle jolie balade, pleine de tendresse, de partage, de poésie et de symphonie. La relation entre la petite-fille et sa grand-mère est teintée de complicité et de douceur, d'une franche volonté d'aider l'autre pour sortir de l'impasse, sur fond de mémoire volatile et de l'importance d'entretenir cette souvenance. C'est très, très touchant mais jamais triste, car la musique est constamment pimpante, gaie, entraînante. C'est une joyeuse cacophonie, qui fait du bien à nos oreilles.
On déguste aussi par petites bouchées gourmandes le texte au charme lyrique très appréciable... « Une mélodie qui vient de loin d'entre les mères. Une mélodie pour entrer dans la vie, une mélodie qui aide à comprendre le dedans, le dehors, l'avant et l'après, le pourquoi et le comment. Une mélodie qui explique le sens de la vie. Une mélodie qui fait pousser les branches des arbres généalogiques... »
Cela vous parle de l'amour des mots, des sons, du pouvoir de la musique, bref autant de petits fragments à assembler pour former un tout enchanteur. Musique par Alexis Ciesla, lecture par Elsa Zylberstein (parfaite), illustrations de Barroux sont l'apanage de cet album discret, mais ô combien précieux et bouleversant de mille émotions. Très, très beau. J'ai beaucoup aimé !
Les éditions des Braques, avril 2014
Pour information :
Halb est un projet à 4 mains : Alexis Ciesla, clarinettiste virtuose, pour la musique et Sigrid Baffert pour l'histoire et les chansons...Une collaboration sans fausse note, complétée par 2 autres mains, celles de Barroux, aux pinceaux et une voix envoûtante, celle d'Elsa Zylberstein.
Elsa Zylberstein prête sa voix douce et profonde à cette histoire intemporelle. Des chansons émaillent ce voyage initiatique sur des airs de trombone, sax, contrebasse, violon, percussions, accordéon, et clarinette bien sûr !
Alexis Ciesla, touche-à-tout virtuose à prédominance clarinettiste, a composé la musique sur le texte et les chansons de la talentueuse Sigrid Baffert. Ensemble, avec le soutien du conservatoire municipal de St Priest (69) ils ont orchestré les multiples vies de ce projet protéiforme et fédérateur. Le livre a également reçu le soutien de la Fondation du Judaïsme Français.
Mon voyage en gâteau, par Alice Brière-Haquet et Barroux
Lecture gourmande et instructive par excellence, voici ce que nous propose l'auteur via une histoire assez originale : pour faire un gâteau, il faut un peu de farine, des oeufs, du sucre, du beurre, une gousse de vanille, de la levure et une pincée de sel.
Oui mais voilà, tous ses ingrédients ne se trouvent pas par miracle au coin de la rue ou n'ont pas atterri dans les rayons d'un supermarché par magie, il a fallu des poules et un fermier pour ramasser les oeufs, du blé et un meunier pour la farine, une vache dans un pré pour que son lait soit riche en crème et en faire du beurre en secouant très fort, et ainsi de suite...
Cette lecture ouvrira la conscience des enfants quant aux secrets de la nature, des paysages, des hommes et des femmes qui font des métiers difficiles. Après quoi, ils pourront se régaler en avalant des quartiers de gâteau (la lecture ouvre l'appétit !) et auront aussi comblé leur curiosité en ayant appris que tous les ingrédients du gâteau sont issus d'un voyage fabuleux.
Les illustrations de Barroux se fondent à merveille dans le décor, claires et colorées, elles confirment que c'est une lecture qui se destine à tous : pleine de magie, elle donne envie de s'évader et rêver.
Océan jeunesse, juin 2012
“Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir.” (Henri Matisse)
C'est l'été. Damienne et sa maman sont au bord de la mer, dans une grande villa qui appartient au couple qui les emploie pour la cuisine, le nettoyage et le baby-sitting. Mais Damienne souhaite une autre vie et l'imagine en grand, aussi raconte-t-elle une toute autre réalité aux jeunes de la plage en commençant par se rebaptiser Isild.
A partir du moment où Damienne a mis un pied dans l'engrenage (du mensonge), les jeux sont faits et les ennuis vont commencer. Pas facile de jongler entre les non-dits, les personnalités multiples et les choses concrètes. Car la jeune fille veut plaire à tous, surtout à Nathan, mais pense qu'il ne s'intéresserait jamais à une adolescente aussi quelconque qu'elle, alors elle préfère saupoudrer son existence de poussière de fée.
On sourit beaucoup face aux enchaînements calamiteux auxquels se confronte notre héroïne, car même si elle raconte des bobards, c'est difficile de lui en vouloir, surtout lorsqu'il est question de rabaisser le claquet de certaines péronnelles un brin prétentieuses. L'histoire ne s'embarrasse d'aucun détail superflu, on va à l'essentiel, sur un rythme joyeux, attelé au principe du bon vieux quiproquo. Cela se lit vite et bien, telle une comédie pétillante et allègre qui plaira aux jeunes lectrices (dès 11-12 ans).
Meilleur jeune espoir féminin, par Marie-Sophie Vermot
éditions Thierry Magnier, mars 2013 - illustration de couverture : Barroux
L'histoire du soir #10 : Ogre, cacatoès et chocolat, par Cécile Roumiguière & Barroux
Manon est une collectionneuse de mots. Elle en choisit un dans le dictionnaire, elle l'apprend, le tourne, le retourne dans sa tête. Puis elle le recopie sur un bout de papier. Elle écrit des mots porte-bonheur pour se protéger, et d'autres mots très longs, des mots pour rêver.
Manon est une petite fille qui aime collectionner les mots. Elle les recopie sur des bouts de papier et les range dans son sac. C'est son arme secrète. D'ailleurs, ça lui sera précieux lorsqu'elle tombera nez à nez avec l'ogre de la forêt. Ce dernier est énorme, redoutable, grognon et impatient. Il s'ennuie, donc il a faim. Il avalerait bien la petite demoiselle, mais celle-ci rouspète. A sa façon, elle lui dégaine sa science et utilise ses mots si précieux pour lui clouer le bec.
Euh ... un cacatoès ? la mer ? du chocolat ? Mais ce gros monstre est un ignorant ! Comme ce serait méchant de se moquer, aussi Manon préfère le prendre par la main. Un mot en amenant un autre, c'est tout un chemin auréolé de mystère et sujet à la fascination qui se présente à lui. D'ailleurs l'ogre n'a plus envie de tout croquer sans réfléchir. Il est rassasié de nourritures spirituelles !
Toutefois, quand la fillette est coincée dans les rochers, c'est sa force physique qui sera bien utile. On peut dire que ces deux-là ont su se trouver. Elle avec son intelligence et son amour des mots, lui avec son charme rustique et son envie d'apprendre, la connivence est parfaite.
C'est une très jolie histoire, qui se récite à voix haute. Vous en apprécierez les tournures et la petite mélodie. Cécile Roumiguière est une poétesse, une magicienne, vous le savez. Son histoire est un vibrant hommage à toute cette poésie qui se balade autour de nous, parce que les mots sont beaux, les mots sont précieux, les mots sont une arme dont il faut se servir dans un but particulier (pour le bien, quoi). Très belle leçon de tolérance, empreinte de délicatesse et de facétie.
Ogre, cacatoès et chocolat, par Cécile Roumiguière et Barroux (Belin jeunesse, 2012)
et puis les mots, tout aussi magiques, poétiques et envoûtants, de Juliette,
Je pourrais dire ton enfance
Elle est dans l'essence des choses
Je sais le parfum des vacances
Dans les jardins couverts de roses
Une grand-mère aux confitures
Un bon goûter dans la besace
Piquantes ronces, douces mûres
L'enfance est un parfum tenace
Tout ce sucre c'est vous
Tout ce sucre et ce miel
Le doux du roudoudou
L'amande au caramel
Les filles à la vanille
Les garçons au citron
L'été sous la charmille
Et l'hiver aux marrons
Je reprendrais bien volontiers
Des mignardises que tu recèles
Et retrouverais dans mon soulier
Ma mandarine de Noël