Poppy Pym et la pièce maudite, de Laura Wood
Retrouvons avec grand plaisir la jeune Poppy Pym dans une nouvelle aventure, pimentée de drôlerie, de suspense et de rebondissements ! Poppy Pym, rappelez-vous, c'est cette jeune orpheline qui a grandi dans un cirque avant de rejoindre le collège Saint Smithen pour y apprendre quelques règles rudimentaires, à commencer par la vie en communauté ! La fillette, par son tempérament feu-follet, a su rapidement se mettre dans la poche l'amitié d'Ingrid et Letty, ses camarades de chambre, ainsi que Kit Kapur, un garçon de petite taille mais à l'appétit féroce. Se découvrant également une passion pour les énigmes, nos détectives amateurs ont trempé dans un mystère crapuleux en démasquant les vils escrocs (cf. La malédiction du pharaon).
On retrouve la joyeuse équipe en pleine effervescence, entre les préparatifs pour la fête de Halloween, la prochaine visite des familles et la production en ville de Macbeth. La pièce de Shakespeare souffre aussi d'une réputation malheureuse, ce serait la pièce maudite par excellence. Il est d'ailleurs interdit de prononcer son nom en public, à la place les comédiens évoquent la pièce écossaise pour conjurer le mauvais sort (demandez à Kit ce qu'il advient en cas d'étourderie). Et justement, le drame arrive ! En pleine répétition, dans une salle de la mairie, un incendie se déclare et réduit en cendres le théâtre de la ville. Un bâtiment vieux de 200 ans, cadeau d'un certain Phinéas Scrimshaw, un riche mécène qui aurait préféré enterrer son or pour enquiquiner ses héritiers.
Les journées ne sont pas assez longues pour concilier autant d'événements ! Poppy et ses amis ne font que courir, bouquiner et conjecturer sur la chasse au trésor, les préparatifs de la pièce et l'incendie criminel. Que d'énergie positive et fabuleuse au programme ! Cette série combine le sens du rythme à une intrigue enlevée et pétillante. C'est captivant, encadré par de chouettes personnages, ingénieux, sympathiques et attachants. La famille du cirque n'est jamais loin non plus pour agrémenter de séquences loufoques ce roman à suspense bien troussé. Très bonne série, dès 9 ans.
Seuil Jeunesse - Trad. Cécile Nelson [Poppy Pym and Double Jinx] - 2017
Poppy Pym et la malédiction du pharaon, de Laura Wood
Abandonnée dans un cirque, Poppy Pym a grandi pendant douze ans au sein d'une troupe de joyeux lurons, désormais sa nouvelle famille, composée d'acrobates, de clowns et de dresseurs de lion. Mais Poppy doit les quitter pour suivre sa scolarité à Saint Smithen, un pensionnat privé, avec uniforme et règlement assez strict, où la fillette fait rapidement sensation avec ses numéros de voltige et son enfance bohème. Cela atténue un tant soit peu sa mélancolie d'être loin des siens, même si son amitié avec Ingrid et Kip lui donne aussi du baume au cœur. Et puis la vie à l'école est riche de promesses excitantes, quand débarque une exposition d'antiquités égyptiennes, dont le rubis scarabée du pharaon et une vieille histoire de malédiction. Sitôt après, survient une série de faits étranges qui mettent les sens de Poppy en alerte. La jeune fille étant une lectrice assidue de romans policiers, elle s'improvise immédiatement détective et se lance dans l'enquête avec beaucoup de vigueur, non sans maladresse. La suite se déroule dans un esprit bon enfant, assez rafraîchissant à parcourir, d'autant plus que Poppy Pym est une héroïne adorable et attachante. La lecture manque probablement d'un soupçon d'espièglerie pour la distinguer de la masse, si ce n'est qu'elle baigne dans un univers sensationnel (le cirque) qui constitue une toile de fond originale, avec des personnages déjantés et atypiques. Les dialogues avec Suzy l'élastique, Fanella, Luigi ou Marvin distillent ce grain de folie qui fait défaut au reste de l'histoire trop enfermée dans le cercle de Saint Smithen et sa routine ronronnante (ou trop enfantine). Ceci dit, les plus jeunes y trouveront sans problème la matière nécessaire pour extrapoler, rêver et imaginer vivre des vies différentes, en supposant aussi être de bons lecteurs pour se lancer dans une aventure de 340 pages !
Seuil jeunesse / Mars 2016 ♦ Traduction de Cécile Nelson (Poppy Pym and the Pharaoh's Curse)
Beatrice Bencivenni pour les illustrations
Les Nouvelles Aventures extraordinaires de Monsieur Cochon, par Emer Stamp
Après un premier tome fabuleusement cocasse et à l'humour désopilant, Cochon est de retour pour de nouvelles aventures encore plus dérisoires et hilarantes !
On se rappelle, non sans émotion, la trahison ressentie au moment où Cochon avait compris que le fermier le dorlotait dans un but bien précis, et malgré les mises en garde de son copain Canard, notre gros cochon ne voyait pas le danger venir... avant de tilter qu'il lui fallait décoller pour Pluton le plus vite possible. Bref. C'était chaud, mais rigolo. Cette fois, Cochon pense avoir trouvé le calme auprès d'un couple de végétariens, qui ne cultive que des légumes bio et goinfre les animaux pour récolter leurs déjections à recycler en fumier. La vie est belle. Cochon roucoule de bonheur dans son cabanon tout neuf, entouré de ses amis (Canard, Vache et tous les moutons) et tombe sous le charme de Kitty, l'adorable minette des nouveaux fermiers.
L'histoire promet donc de partir dans tous les sens, pour des péripéties complètement loufoques et narrées de cette façon unique et maladroite, dont seul Cochon a le secret. Notre éminent chroniqueur baragouine sa vie de tous les jours en inventant des mots (trompeljour, babilijour etc.) ou en comblant le vide par du vide. Cela donne parfois un gloubi-boulga aberrant, qui sent bon l'innocence et la naïveté, mais annonce aussi la supercherie, la désillusion, la tromperie, la trahison. Tout ça est copieusement agrémenté de petites illustrations rigolotes, qui soulagent considérablement le récit (190 pages à gloutonner en deux temps trois mouvements). On s'y moque un peu des prouts, des tourtes, des vieux gâteux, des sandales et des navets. On y trouve des inventions géniales, comme une pétocyclette, un escadron de coquelets volants ou un matou turbo-dynamique qui plane comme une chauve-souris. On hallucine tout le temps, car c'est débile et insensé. Et puis zut, ça fait tellement du bien de rire pour des bêtises !
Cette délicieuse série se croque donc comme une friandise interdite mais au parfum trop alléchant. Et je me réjouis de savoir qu'un troisième tome vient déjà de paraître ! Pour découvrir cet univers, clic : http://www.diaryofpig.com/
Seuil Jeunesse ♦ Février 2016
Traduit par Cécile Nelson (The Super Amazing Adventures of Me, Pig)
L'Incroyable journal (top secret) de monsieur Cochon, d'Emer Stamp
Ha, ha ! quelle histoire incroyable et tellement drôle ! C'est une petite merveille d'humour anglais, racontant les aventures désopilantes d'un cochon qui veut s'échapper de sa ferme pour ne pas terminer en gigot.
Cochon est un animal gras, niais et placide. Il n'aime pas les Poulets qu'il trouve trop méchants et a pour meilleur ami Canard qui ne cesse de lui conseiller de prendre soin de sa ligne. Cochon reçoit des portions généreuses de pâtée de la part du fermier, qui lui gratouille le dos et lui chuchote des mots doux. Si ce n'est pas une preuve d'amour, il n'y comprend plus rien !
Dans l'esprit de Cochon, « Fermier m'aime gros. Alors je vais grossir le plus possible pour que Fermier m'aime encore plus. »
Et vrai, plus il mange, plus il grossit. Le fermier vient désormais avec son épouse pour câliner Cochon. Le couple est comblé et babille de bonheur en évoquant leur prochain festin de rôti et saucisses ! L'ampoule s'allume au plafond. Canard avait raison, ce n'était pas de l'amour sincère mais une trahison en bonne et due forme.
Aussitôt, il rallie le clan des Poulets pour devenir le cobaye de leur expérience (ils construisent une fusée pour Pluton) et fuir le plus loin possible de la ferme où l'attend un sort funeste.
La suite est une série de péripéties intrépides et complètement folles. Cela dure une petite centaine de pages, largement parsemées d'illustrations rigolotes, où l'ensemble n'est qu'exaltation et étourdissement. Le ton du récit est exagérément grotesque, car c'est Cochon lui-même le narrateur. L'éditeur nous prévient : l'animal n'est jamais allé à l'école et fait plein de fautes très bizarres. Il faut lui pardonner.
Oui, on lui pardonne car son histoire est très, très drôle, dans le genre loufoque et grand-guignolesque. C'est à lire dans la joie et la bonne humeur, ou l'histoire vous forcera à rire de bon cœur parce que c'est impensable de résister à cette lecture délicieusement extravagante ! ;-)
Seuil jeunesse, février 2015 ♦ traduit par Cécile Nelson (The Unbelievable Top Secret Diary of Pig)
Les mots bleus de Félicie, par Natalie Lloyd
« Tu vois des mots qui valent la peine d'être gardés ?
- Je vois tout un ciel de mots. »
On raconte qu'à Midnight Gulch, autrefois, les gens vivaient heureux. C'était un endroit magique, “pour être chez soi”. La légende dit que deux frères possédaient cette magie, qu'ils partageaient à travers la musique, la danse, le spectacle. Et puis ils se sont fâchés et ont quitté la ville. Depuis, la magie a également déserté les habitants, qui veulent à leur tour s'en aller. C'est aussi la maladie du “cœur errant”. Félicie la connaît bien, puisque sa maman en est atteinte. Depuis toujours, sa sœur et elle traversent les états, sans jamais se poser nulle part. Cette fois, elles ont trouvé refuge chez leur tante Cléo et entendent profiter un maximum de leur séjour à Midnight Gulch. Il y a dans l'air quelque chose qui fait battre le cœur de la fillette un peu plus fort. Elle y voit des mots partout, flotter, danser, chalouper. Ils lui racontent une histoire qu'elle seule peut saisir et rapporter lors d'une compétition organisée par l'école. Mais parler en public n'est pas le point fort de Félicie. Autant elle capte les mots, s'en empare, les recopie dans son cahier et les assemble pour écrire des histoires fabuleuses, autant à l'oral elle avale tout, elle balbutie, se confond, se morfond. Une catastrophe. Et pourtant, encore une fois, les choses vont changer pour elle. Pour la première fois, Félicie a rencontré un véritable ami. Le Bidole ! Encore un secret jalousement gardé, qui fait partie du folklore de cette incroyable petite ville. L'effet est terriblement intriguant, poétique et fascinant. J'ai beaucoup aimé cette histoire, qui fait aussi la part belle à la générosité, au partage, à l'amitié, l'amour, la magie... et au pouvoir des mots. Vraiment, c'est une lecture enchanteresse !
Seuil jeunesse, juin 2014 ♦ traduit par Cécile Nelson
L'Aventure selon Mo, de Sheila Turnage
Voilà un petit roman réjouissant et assez original ! La narratrice de l'histoire a 11 ans, elle s'appelle Mo (pour Moïse) car elle a été trouvée près du fleuve, après un ouragan, quand elle était bébé. Aujourd'hui, elle vit auprès du Colonel et de Miss Lana, qui entretiennent une relation tumultueuse et gèrent ensemble un café dans la petite ville de Port-Tupelo ... où “les ennuis ont déboulé à midi sept minutes tapantes, le mercredi 3 juin, au volant d'une Chevrolet Impala terreuse de la police”.
Le nouveau venu, l'inspecteur Joe Starr, semble s'intéresser de très près aux agissements du Colonel, soudain fébrile et plus grincheux que jamais. Mais c'est surtout le meurtre de Mr Jesse, qui s'était plaint du vol de sa barque, qui va ébranler la petite communauté. Mo veut d'autant plus s'investir dans l'enquête, car la dernière personne à avoir vu la victime en vie n'est autre que son meilleur ami Dale. Celui-ci n'est pas fortiche pour plaider sa cause et défendre son bout de steak. Alors, les deux amis fondent une association de privés, les Détectives Desperados, et entendent résoudre l'affaire avant ce satané Joe Starr !
La petite Mo est unique dans sa façon de rapporter les faits, de parler d'elle et de sa mère disparue, surnommée la “mère d'Amont”, à qui elle envoie régulièrement des bouteilles dans le fleuve. Elle rédige aussi son autobiographie qu'elle a sobrement intitulée “Les chroniques de Piggly Wiggly” (elle en est déjà à son 6ème tome !) car elle cherche à percer le mystère de ses origines. Et enfin, elle en pince sérieusement pour le beau Lavender Shade, le grand frère de Dale, un passionné de voitures et de courses automobiles (à ce propos, le livre peut s'enorgueillir d'être le festival des patronymes hors du commun !).
Tout ça mis bout à bout constitue un ensemble délicieusement cocasse et insolite, un condensé d'humour et d'impertinence. Sérieusement, on se régale ! (Je ne sais pas si les jeunes lecteurs y percevront la même ironie, mais ils ne manqueront pas de se passionner pour l'intrigue policière ... qui tient en haleine !) J'ai donc pris un grand plaisir à parcourir les rues de Port-Tupelo, qui répond elle aussi à toutes les attentes en matière de petite ville américaine fidèle à ses clichés. Tous les habitants sont hauts en couleur, excentriques et complètement barrés.
C'est définitivement une lecture truculente, qu'on absorbe comme une bouffée d'air frais et qu'on repose avec un sourire conquis.
Seuil jeunesse, janvier 2014 - traduit par Cécile Nelson - illustration de couverture : Renaud Perrin