20/09/16

Le Cœur cousu, de Carole Martinez & Lu par Suliane Brahim

Le coeur cousu

Santavela, village du Sud de l'Espagne, terre de processions religieuses, de cancans, de lubies douces et magiques !  
Mariée à seize ans, Frasquita voit son mari perdre la boule après la naissance de leur premier enfant. Lui, le forgeron, se prend pour un coq et s'enferme dans le poulailler. À chaque fois que son épouse accouche de filles, c'est la même rengaine. Frasquita implore “les sagesses”, Blanca et Maria, de lui procurer des décoctions miraculeuses pour aider à la naissance d'un fils. Et un soir de lune rousse, Frasquita avale sa potion, fait ses prières et neuf mois plus tard, vient au monde Pedro el Rojo, son bébé poil de carotte. 
Mais la roue tourne pour Frasquita, devenue une pièce d'échange lors d'un combat de coqs que son mari va perdre. Elle quitte tout pour suivre un inconnu, part à travers l'Andalousie avec ses marmots et découvre un pays de légendes. Et l'histoire continue de rouler sa bosse sur un sol de poussière et de rocaille, farouche et indomptable. Il y a un côté flamboyant dans cette fresque romanesque et familiale, où le beau croise le tragique, les joies succèdent aux larmes, la poésie escamote le grotesque. 
Cette histoire insolite est rapportée par Soledad, la petite dernière de la famille. Elle aussi est belle et gracieuse, elle fait tourner la tête des garçons et pourtant elle refuse d'avoir un prétendant. C'est ancré dans ses gènes, dès sa naissance, sa mère a lu en elle un avenir fait de solitude, d'où son prénom Soledad. Dans son grand cahier noir, elle s'épanche rageusement : « Il me faut t'écrire pour que tu disparaisses, pour que tout puisse se fondre au désert, pour que nous dormions enfin, immobiles et sereins, sans craindre de perdre de vue ta silhouette déchirée par le vent, le soleil et les pierres du chemin. (...) Il me faut te tuer pour parvenir à mourir... enfin. »
Récit passionnel et fougueux, fable onirique et humaine, Le Cœur Cousu est un roman qui évoque à sa façon la transmission, la relation mère / fille, la sensualité, la folie, l'amour, les désirs et les rêves. C'est un univers pittoresque, hanté par
 un ogre, un homme qui sent l'olive, un bébé solaire, une prostituée au grand cœur, un chien jaune et un coq rouge, à l'instar d'un conte lumineux, où les scènes cruelles et cocasses témoignent du bonheur d'imaginer. Le merveilleux ici n'est jamais forcé : il s'inscrit naturellement dans le cycle de la vie. 

Lu par Suliane Brahim, pour Gallimard, Collection Écoutez lire - Durée d'écoute : env. 11h 30 
Avec grâce et sensibilité, Suliane Brahim nous transporte dans cette étonnante fable lyrique à travers l'Andalousie de la fin du XIXesiècle. 
Parution : 09-06-2016

 

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07/10/15

Bouche d'Ombre, Tome 2 : Lucie 1900, de Carole Martinez & Maud Begon

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La suite de Bouche d'Ombre Lou 1985, la tétralogie fantastique co-signée par la romancière Carole Martinez et la dessinatrice Maud Begon ! 

Lou n'en a pas fini avec ses fantômes quand elle réalise qu'une silhouette sans visage la poursuit dans la rue. À peine le temps de fouiller dans les histoires de famille qu'elle découvre un secret concernant son aïeule Lucie. Ses séances d'hypnothérapie reprennent et la plongent dans le Paris de 1900 et sa célèbre Expo Universelle au cours de laquelle Lucie rencontre Jean, un scientifique proche du couple Curie.

Cette lecture continue d'être un véritable enchantement et confirme ses promesses après un début déjà fort intrigant. Dans un univers empreint de spiritisme, de fantômes, de voyages dans le temps, sur fond d'histoire d'amour et de famille, la BD a tous les atouts pour captiver notre intérêt. C'est aussi une belle peinture de l'époque, la mise en avant de la révolution scientifique, la difficulté pour les femmes d'avoir accès à l'éducation (hommage rendu au député Camille Sée qui a institué les lycées publics pour jeunes filles) et la fringale collective d'une société avide de nouveautés (la spirite émérite Eusapia Palladino fait sensation). Tout ça pour dire que la lecture est à la fois excitante, enrichissante et instructive, mais se termine sur un déchirement pour notre « passeuse silencieuse ». J'en ai encore des frissons ! ... Et j'apprécie beaucoup, beaucoup les dessins de Maud Begon, les jeux d'ombre et de lumière, l'impression de flotter dans l'espace et de tromper les apparences. 

Casterman / Avril 2015

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Rendez-vous, tous les mercredis d’octobre, pour la BD de la semaine avec le #Challenge Halloween ! 

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30/09/14

Bouche d'Ombre : Lou 1985, de Carole Martinez & Maud Begon

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Le premier volume d’une tétralogie fantastique co-signée par la romancière Carole Martinez et la dessinatrice Maud Begon.

Lou et sa bande de potes se livrent un soir à une séance de spiritisme, pour rigoler. Mais une fille du groupe (Marie-Rose) y est hyper sensible et sort bouleversée. Quelques jours après, le groupe est effondré d'apprendre qu'elle s'est suicidée. Lou rumine son chagrin et sa frustration. Elle a forcément oublié un détail, dans les tréfonds de son subconscient. Elle sollicite donc les services d'un spécialiste pour plonger en hypnose et fouiller ses souvenirs. Ce premier pas vers le monde occulte va ouvrir d'autres portes qui ne demandaient qu'à se révéler ! ...

J'ai beaucoup aimé cette lecture. On pénètre le monde des esprits et des rêves, tout en partageant la vie ordinaire de lycéens dans les années 80. Les dessins aussi sont soignés et jouent avec les tons opaques pour troubler davantage le lecteur ! C'est une série à suivre avec intérêt...

Casterman, mai 2014

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La Saison des Mûres, de Polly Horvath

Saison des mûres

Raclette (non, ce n'est pas une blague) doit son prénom à un coup de folie de sa mère, le jour de son accouchement. Entre nous, j'ai d'abord pensé au plat montagnard, alors qu'il s'agit de la traduction de l'outil pour gratter... Enfin, passons. Cela vous donne un avant-goût de l'esprit complètement barge de cette lecture ! Et ma foi, j'ai failli lâcher l'affaire car je trouvais que cela partait dans tous les sens. Une jeune fille de 12-13 ans vit avec une mère égoïste qui, sous prétexte d'assouvir sa passion pour le Club de Chasse, décide de l'envoyer passer l'été chez de vieilles tantes dans le Maine.

Raclette fait alors la rencontre des « étranges dames Menuto », tante Penpen et tante Tilly, également connues dans le comté pour leur célèbre coulis de mûres gâtées. Les deux sœurs ont toujours des anecdotes insolites à partager, comme le suicide de leur mère, dont la tête a rebondi sur le sol en éclaboussant les murs. Très glauque, en effet. À ce stade, Raclette doit hésiter entre pousser des cris d'horreur et se demander si ce n'est pas un cauchemar éveillé. (Nous aussi.) Peu de temps après, une autre adolescente, Harper, vient se joindre au trio. Mais que se signifient tous ces abandons ?!! Le Vallon Rose, pourtant, est niché dans les bois, cerné par les ours, donc difficile à repérer.

Ce roman, définitivement, ne fait pas la part belle aux mères trop lâches pour assumer leur rôle. Heureusement l'ambiance générale est à mille lieux de se morfondre : c'est fantaisiste, surréaliste, cocasse... et les sœurs Menuto sont deux petites vieilles adorables. Ce sont leurs excentricités aussi qui font d'elles des êtres aussi attachants et fabuleux. Mais tout ce qu'elles vont partager avec Raclette n'est pas si anodin (la traite des vaches, les leçons de natation, la philosophie bouddhiste... et ce sentiment inaliénable d'avoir trouvé une vraie famille). Ceci dit, il faut accepter d'entrer dans un univers loufoque, complètement tordu et sans repère. Et, somme toute, assez peu accessible pour un lectorat jeunesse.

Neuf (?!) de l'École des Loisirs, mars 2008 ♦ traduit par Hélène Misserly ( The Canning Season) 
illustration de couverture : Alan Mets

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Vu dans Bouche d'Ombre un drôle de couple étonnamment ressemblant aux dames Menuto :

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Une belle réussite que cette bande dessinée écrite par Carole Martinez, l'auteur du roman Le Cœur Cousu ! 

(Casterman, mai 2014)   Lou1985

31/07/08

Le coeur cousu - Carole Martinez

Aux confins de toute civilisation, Santavela est un village du Sud de l'Espagne où la population, qui aime les habits noirs et les processions religieuses, foule ce terrain poussiéreux en cancanant à gorge déployée. Les histoires de bonnes femmes sont légion dans cette contrée, les mêmes que cultivent Frasquita et sa mère (le premier sang, le Carême de l'initiation, la boîte aux secrets qu'il faut enterrer pour découvrir son trésor...), que de lubies douces et tendres, moqueuses mais attachantes !  Très vite, la jeune fille se découvre un don dès que ses doigts touchent une aiguille et du fil : Frasquita coud et communique son talent de magicienne. Ou de sorcière. Dans ces contrées reculées, on ne sait jamais...

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Mariée à seize ans, Frasquita va pénétrer un foyer gentil mais pas folichon, avec un mari qui perd la boule après la naissance du premier enfant, Anita. José devient coq, il s'enferme dans le poulailler et n'en bouge plus. Lui, le forgeron, n'a plus toute sa tête dès que sa femme accouche... et que des filles ! Frasquita implore les sagesses, Blanca et Maria, autrement dit les femmes qui aident, pour lui trouver des décoctions miraculeuses qui lui donneront un fils. Et un soir de lune rousse, Frasquita avale et fait ses prières, neuf mois plus tard Pedro el Rojo pousse ses cris de braillard... c'est un rouquin ! (Les villageois se défoulent...)

Ce sont des cocasseries de la sorte qui sévissent dans cette saga familiale. Du pas banal, du poilant, des racontars, les splendeurs et décadences chevillés au corps de Frasquita Carasco. L'histoire est racontée par la dernière de la famille, Soledad. Elle possède une grâce qui fait tournebouler la tête des garçons, mais la belle ne peut choisir de prétendant et en fait état à son aînée. A sa naissance, sa mère a lu sa solitude à venir. Ni donner, ni recevoir, jamais elle ne saura. Soledad. Le soir venu, forte de sa constation, la jeune femme prend un cahier et une plume pour écrire l'histoire de sa mère : "Il me faut t'écrire pour que tu disparaisses, pour que tout puisse se fondre au désert, pour que nous dormions enfin, immobiles et sereins, sans craindre de perdre de vue ta silhouette déchirée par le vent, le soleil et les pierres du chemin. (...) Il me faut te tuer pour parvenir à mourir... enfin."

Revenons à nos moutons. Frasquita a été jouée et perdue par son mari lors d'un combat de coqs. Elle craque pour l'inconnu et choisit de tout quitter, la voilà condamnée à l'errance à travers l'Andalousie que les révoltes paysannes mettent à feu et à sang, suivie de ses marmots eux aussi pourvus - ou accablés - de dons surnaturels... Et l'histoire continue de rouler sur le sol rocailleux, de s'ébrouer tel un troupeau de chevaux sauvages. Farouche et indomptable, ce roman l'est totalement. D'ailleurs, son contenu va au-delà du romanesque, c'est plus flamboyant, grandiloquent. Une fresque familiale avec ses joies et ses peines, des chapitres courts mais magiques, car on ne m'enlevera pas l'idée qu'un petit génie a mis sa touche dans ce livre-là... Chaque personnage aurait mérité un livre à lui tout seul, tant leur destinée est à chaque fois époustouflante.

Il y a aussi du conte, de la fable, des légendes... On y croise un ogre, un homme qui sent l'olive, un bébé lumineux (ou solaire), des femmes qui aident, une prostituée au grand coeur, un chien jaune et un coq rouge (j'en oublie). C'est aussi un livre qui parle des mères (et des filles), de la transmission, du sang, des prières. C'est fou, sensuel, pittoresque, paré de mille couleurs, éclatant de poésie, violent. C'est long, mais bon.

Le Coeur Cousu - Carole Martinez (premier roman)

Gallimard, février 2007 - 430 pages - 23€

Couronné d'une floppée de récompenses et de prix (Ouest France Etonnants Voyageurs, Emmanuel Roblès, Renaudot des lycéens...)

Le livre est tellement bardé de titres qu'un ENORME bandeau rouge - de la taille du livre, en fait - le recouvre, comme suit (je trouve ça un peu laid, par contre) :

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Mais chapeau l'auteur !

 

 

Extrait :  Il arrive qu'on interrompe une promenade, oubliant même ce vers quoi l'on marchait, pour s'arrêter sur le bord de la route et se laisser absorber totalement par un détail. Un grain du paysage. Une tache sur la page. Un rien accroche notre regard et nous disperse soudain aux quatre vents, nous brise avant de nous reconstruire peu à peu. Alors la promenade se poursuit, le temps reprend son cours. Mais quelque chose est arrivé. Un papillon nous ébranle, nous fait chanceler, puis il repart. Peut-être emporte-t-il dans son vol une infime partie de nous, notre long regard posé sur ses ailes déployées. Alors, à la fois lourds et plus légers, nous reprenons notre chemin.

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