Le Cinérêve, Tome 1 : Le mystère Hortensia, de Roland Garrigue, Anne Didier & Catherine Duval
Augustin est fasciné par sa voisine, Mademoiselle Hortensia, qui fait pousser des plantes bizarres dans son atelier. Un jour, il surprend la discussion houleuse entre la fleuriste et le maire. Ce dernier se plaint de ses dernières compositions et menace de mettre un terme à leur collaboration.
Ignorant qu'elle est espionnée, Mlle Hortensia appelle une amie et évoque son désarroi. Sa conversation laisse également échapper les mots “pouvoir” et “Cinérêve”. C'est assez pour émoustiller la curiosité du garçon ! Le soir venu, il poursuit sa filature et découvre ce fameux théâtre.
Malheureusement ses actes anodins vont avoir des conséquences plus graves. Car Augustin a outrepassé plus d'une règle, par inconscience ou ignorance, en tout cas il s'est éloigné de la simple promenade pleine d'insouciance.
De la sorcellerie, du danger, des rêves qui virent aux cauchemars... Observez, scrutez et retenez votre souffle. Ce premier tome prend le temps d'explorer l'univers étrange et enchanteur du Cinérêve. Et c'est pas mal du tout.
On apprend aussi à connaître Augustin, un garçon ordinaire et solitaire, qui est harcelé en classe par ses camarades et qui aimerait naturellement que la roue tourne. C'est d'ailleurs un peu pour échapper à cette réalité qu'il a choisi d'épier son étonnante voisine. Seulement voilà, il n'imaginait pas les retombées de ses indiscrétions et doit maintenant rattraper le coup. Paumé, lui ? Complètement.
En attendant la suite des aventures, les amateurs d'histoires extraordinaires apprécieront le savant dosage proposé dans cette bande dessinée : du mystère et des frissons par-delà les apparences. Les coulisses du Cinérêve n'ont sans doute pas tout dévoilé et se réservent le droit de vous surprendre encore...
Casterman, 2020
Pêle-Mêle : Culottées - Taïpi, Un paradis cannibale - Une saison en Egypte - L'odeur des garçons affamés - Le premier homme
Les héroïnes mises à l'honneur par Pénélope Bagieu sont toutes remarquables, culottées et intrépides, elles ont brisé les carcans de leur époque et ont pris leur destin en mains sans peur de brusquer la bienséance ou la morale.
Ce sont des guerrières, des sirènes, des gardiennes de phare ou des créatrices, des médecins ou des exploratrices. Leur fabuleuse destinée nous est donc racontée en quinze portraits, faits de drôlerie et d'impertinence.
Ainsi Margaret Hamilton, l'actrice terrifiante, connue pour incarner l'horrible sorcière de l'Ouest dans Le Magicien d'Oz. Au cours du tournage, celle-ci a été brûlée aux mains et au visage, suite à un incident technique et a longtemps conservé un teint verdâtre, conséquence de la peinture verte qui a imprégné sa peau. Ironie du sort, beaucoup de ses scènes ont été coupées au montage car son interprétation était trop terrifiante ! Ah ah !
Autre personnalité mémorable : l'impératrice Wu Zetian, réputée pour sa grande beauté, destinée à être concubine puis envoyée dans un monastère après la mort de son protecteur. Elle revient en force pour épouser son héritier et va occuper une place importante dans les décisions politiques, favorisant une société récompensée au mérite, revalorisant la place de la femme et renforçant l'influence du bouddhisme. Les historiens officiels sont encore désarçonnés à considérer sa dynastie comme un modèle de réussite et de prospérité !
Et je ne vous parle pas de Joséphine Baker ni de Tove Janson (la maman des Moomins), et encore moins de Josephina van Gorkum (l'amoureuse têtue), car Pénélope Bagieu réussit à le faire avec beaucoup de charme et d'humour !
Très chouette lecture.
Culottées Tome 1, de Pénélope Bagieu
Gallimard BD (2016)
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Tom et Toby sont deux matelots qui rêvent d'une autre vie. Lorsque leur baleinier accoste aux larges des îles Marquises, les deux camarades résistent aux chants des sirènes pour se tailler en doute. Ils s'enfoncent dans la jungle luxuriante, avant de croiser l'étrange tribu Taïpi.
Désarçonnés par leur dialecte qu'ils ne comprennent pas, les deux hommes se contentent de hocher bêtement la tête. Puis font rapidement profil bas, ne sachant pas ce qui les attend, mais se fondent dans le décor, participant à la vie de village, à la pêche, à la chasse... avant de comprendre qu'ils viennent de débarquer en plein paradis cannibale.
Cette adaptation du roman de Melville par le duo Melchior et Bachelier est une franche réussite. On a des décors exotiques, de la sensualité, une invitation au voyage, une explosion des sens, l'indolence et la douceur, la séduction, l'imagination, l'aliénation et l'ensorcellement...
On plonge littéralement dans un récit poétique, nourri de fantasmes, de couleurs et de mystères. Cela se découvre, entre émerveillement et appréhension. Et c'est assez spectaculaire.
Taïpi, un paradis cannibale de Stéphane Melchior & Benjamin Bachelier
Gallimard BD (2016)
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Sacha, poète désargenté, quitte Saint-Pétersbourg pour visiter l'Egypte et soigner ses poumons fragilisés par un climat trop rude et humide. Au cours de son voyage, il rencontre un couple atypique, artiste et bohème, Alexandre et Catherine Payan.
Le trio devient inséparable et arpente les rues du Caire avec éblouissement. Mais le peintre va tomber sous le charme d'une danseuse orientale, la sublime Asma, pour laquelle Alexandre est prêt à tout abandonner. Éplorée, Catherine demande à Sacha de le raisonner avant de partir pour une aventure faite de drames et de rebondissements.
Une histoire romantique, tour à tour légère, drôle et émouvante, sert prodigieusement cette lecture au charme impénétrable. J'ai beaucoup aimé.
Une saison en Egypte, de Claire Fauvel
Casterman BD (2015)
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Deux hommes et un gamin forment un drôle d'équipage et parcourent les plaines sauvages du Texas : Oscar Forrest, photographe, Stingley, géologue, et Milton, un fils de fermier qui s'est sauvé de chez lui.
Forrest doit répertorier les paysages de l'Ouest mais ne cherche pas à cerner les intentions - troubles - de son employeur. Il a tout à gagner de filer droit car lui aussi est en fuite.
Ces trois-là ne sont pourtant pas au bout de leurs surprises : poursuivis par un affreux type en noir, un Indien mutique et des mustangs déchaînés. Ils vont également être au cœur d'étranges phénomènes, fouler des territoires interdits. Même le climat au sein du groupe devient plus lourd et déconcertant.
La lecture, qui débute comme un western, revêt très vite des allures de thriller avant de glisser vers une dimension onirique et fantastique. Le résultat vaut franchement le détour ! C'est bluffant.
L'odeur des garçons affamés, par Frederik Peeters & Loo Hui Phang
Casterman BD (2016)
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Et pour finir...
J'ai également beaucoup aimé cette adaptation par Jacques Ferrandez du roman (inachevé) d'Albert Camus.
Jacques Cormery est écrivain et vit à Paris, quand il décide d'écrire sur ses souvenirs d'enfance, en particulier sur son père Henri, mort à la bataille de la Marne en 1914, à seulement 29 ans. Il repart en Algérie où vit toujours sa mère, petite bonne femme craintive, refusant de quitter son quartier. Il se rappelle sa grand-mère, intraitable et tyrannique, dégainant les coups de fouet pour brider les pulsions cabotines du garçons. En grandissant, celui-ci a eu honte de son foyer, sans argent, sans éducation... Lui a cherché à se grandir dans les leçons et à l'école, reniant davantage ses origines.
« En somme, je vais parler de ceux que j'aimais », écrit Albert Camus au sujet de son nouveau livre... lequel ne sera jamais achevé. Les 144 pages du manuscrits seront d'ailleurs sauvées in extremis dans la Facel Vega fracturée contre un platane pour finalement être publiées quarante ans plus tard, sans être retouchées. Camus y convoquait les parfums et couleurs de son enfance, en tournant autour de deux absents : son père et l'Algérie. Il est même dit que Camus rêvait de « concilier passé enfoui, présent tumultueux et avenir espéré ».
Jacques Ferrandez a réussi à en saisir l'essence pour produire un ouvrage remarquable. On se passionne alors à suivre le gamin aux jambes frêles cavaler dans les rues de Belcourt, jouer au foot avec les copains, apprendre à nager, partir à la chasse, régler ses comptes à la récré par des coups des poing rageurs, faire le piquet, voler deux françs à sa famille, aller au cinéma... Tout n'est pas qu'insouciance et billevisées, au loin le climat politique est lourd, menaçant, féroce.
De la tendresse, de la sensibilité, de la justesse. Une BD remarquable !
Le premier homme, de Jacques Ferrandez
Gallimard BD (2017)
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Watertown, de Jean-Claude Götting
Philip Writing mène une existence paisible à Watertown, petite ville du Massachusetts. Paisible, pour ne pas dire insipide. Simple employé dans une compagnie d'assurances, il vit seul dans un appartement sans charme et termine ses journées en buvant de la bière avant de se coucher. Un matin, il s'arrête, comme à son habitude, dans la pâtisserie de M. Clarke pour y acheter un muffin. Au moment de saluer Maggie, la vendeuse, celle-ci lui annonce qu'elle ne sera plus là demain. Or, le jour d'après, Clarke est retrouvé mort dans sa cuisine. Maggie a bel et bien disparu. Deux ans plus tard, lors d'une visite chez son frère à Stockbridge, Writing croise dans une boutique d'antiquités le sosie de Maggie Laeger. Elle prétend pourtant s'appeler Marie Hotkins et nullement le connaître. Chiffonné, notre homme ne renonce pas si facilement et va rapidement élaborer de folles théories. Il entraîne, dans son sillage, un journaliste proche de la retraite, lequel va également connaître une fin tragique. C'est assez pour titiller la curiosité de notre homme et le plonger dans une folie obsessionnelle. Woow, que de mystères ! Et c'est franchement une réussite. Dès la première page, l'histoire nous accroche, dévoilant un scénario énigmatique et captivant. L'esthétisme est assez austère et d'une grande sobriété, mais conforte ce sentiment de climat lourd en secrets et autres faux-semblants. L'ensemble n'en demeure pas moins hypnotique. En faisant référence à un “polar hitchcockien”, l'éditeur ne se trompe pas. On retrouve aussi tous les codes du roman noir des années 60 - un héros solitaire, qui oublie la vacuité de sa vie en s'improvisant détective, une beauté blonde impénétrable, des disparitions étranges, une police démissionnaire, des petites villes paumées... C'est tout bon. Ambiance frileuse pour lecture envoûtante. Une découverte de choix !
Casterman, 2016
C.r.a.s.h., Tome 2 : Iceberg tropical, de PoiPoi & Hervé Bourhis
Après un premier épisode réjouissant, cf. Tsunami City, dans lequel nous faisions connaissance avec les habitants de Towerville et ses super-héros obligés de faire amende honorable pour leurs nombreux débordements qui chamboulaient leur quotidien, le jeune Edouard Kemicol, fils du célèbre industriel millionnaire, avait créé dans le secret une école réservée aux enfants dotés de capacités hors-normes et avait su tenir tête à son père, dont les plans retors avaient mis la ville sens dessus dessous. Cette fois, la folie légendaire de l'homme refait surface, depuis qu'il est entré en possession du météostick, un gadget capable de faire la pluie et le beau temps en un simple clic. Comble de l'ironie, c'est le robot-clône d'Edouard qui lui a remis cette géniale invention... et qui va également le conduire dans les coulisses du C.R.A.S.H. sans rencontrer la moindre résistance. Quel micmac. Le fils Kemicol s'éparpille pour réparer ses erreurs, tandis que Lazare, l'homme ailé, part aussitôt en mission avec la Barbe humaine pour arrêter leur ennemi et affronter les plus incroyables intempéries (froid glacial, chaleur tropicale...). Interdiction est donnée à la jolie Lucida et ses élèves de les suivre. C'est sans compter sur l'entêtement des jeunes troupes...
Quelle aventure trépidante ! On ne s'ennuie pas à la lecture de cette série au divertissement assuré. L'histoire est drôle, riche en rebondissements, les répliques font mouche et les personnages ne manquent pas de piquant non plus. La sérénade amoureuse entre Lucida et Lazare prête à sourire, les maladresses d'Edouard ponctuent affectueusement l'action et la figure du méchant est tout simplement extravagante. L'ensemble fait bon ménage, dans des décors colorés et modernes qui donnent à la lecture une belle dynamique. C'est fun, c'est rythmé, c'est cocasse et c'est fantaisiste. La recette du deuxième épisode est aussi goûteuse et savoureuse que sa mise en bouche ! Pour moi, cette série en bande dessinée a de quoi ravir les plus jeunes en leur faisant passer un très bon moment ! ☺
Casterman, février 2017
Les lames d'Âpretagne, Tome 1 : Le tonnerre de Brest, de Noë Monin, Luc Venries & Yoann Courric
C'est l'histoire de trois potes qui se lancent dans l'écriture d'un scénario dopé à l'heroïc fantasy, à l'humour et à l'action, placé sous le signe des séries façon Game of Thrones ou Assassin's Apprentice, qui dédient au passage les seins de Pimprenelle à Régis Loisel, et qui osent le pari fou d'en faire une série en 3 tomes. Voici donc la quête de deux obstinés que tout oppose, dans un univers médiéval-fantastique empreint de légendes celtiques, absolument émoustillant.
Classique, mais efficace. Ce volume d'introduction n'est pas en reste pour planter le décor, les personnages, les enjeux et ne fait pas dans la dentelle avec son ambiance dramatique, faite de trahison et de cruauté, qui pourrait en déconcerter plus d'un. L'aventure, pourtant, est plaisante. Agile et trépidante, elle raconte essentiellement l'apprentissage de deux jeunes rebelles, arrogants et écervelés, qui vont devenir deux amis liés par une quête longue et semée d'embûches. Héros impétueux, ils n'en demeurent pas moins naïfs des tractations politiques qui s'opèrent en coulisse et qui vont jouer de leur vie à grandes rasades de gnôle. Les rebondissements vont ainsi bon train et dictent une narration entraînante, plongée dans un univers parfois brouillon mais animé d'un réel enthousiasme débordant. Dialogues truculents, personnages chafouins, action et émotion au tournant... Les premiers pas en Âpretagne ne manquent franchement pas de saveur !
Casterman / Août 2016 ** “Qui titille la catin... bâtard aura demain !” ** ☺
Maudit manoir, Cocktail de saveurs, de Paul Martin & Manu Boisteau
Drôle de quotidien au Maudit Manoir ! Entre les tâches ménagères, les factures à payer, le frigo à remplir, les expériences scientiques à conduire, nos monstres assaisonnent toutes les situations ordinaires à leur sauce (excessive et abominable).
C'est souvent beurk, proche de l'impensable, comme la visite médicale de Hans, qui se plaint d'un petit mal de dent, et qui va être décortiqué de fond en comble, tripes et boyaux à l'air... erk ! Notre ami n'aura plus que ses yeux pour pleurer.
Heureusement, le ton général est à l'humour. Dracunaze, Bernard le loup-garou, le professeur Von Skalpel, l'Horreur des marais, Céleste le fantôme et la baronne Béatrice se débattent pour résoudre leurs problèmes d'intendance et font souvent preuve d'une imagination débordante.
De l'art de faire place nette, de recycler les rats de laboratoire en terrine aux herbes, de tester l'instinct du ventre (avec pizza à l'appui), de trouver le voleur de porcelaines, de jouer au cerf-volant, de débusquer dans l'annuaire la formule qui transforme le plomb en or, de réparer la fuite du toit ou de déblayer la neige devant la porte...
Les situations saugrenues s'enchaînent dans des séquences courtes, efficaces et irrésistibles. L'univers dépeint est bariolé, un peu criard, les créatures sont laides et vilaines. Une lecture simple, mais impayable. On se marre bien chez les monstres du manoir !
Casterman, juin 2016
Les Rêveries d'un gourmet solitaire, de Jiro Taniguchi & Masayuki Kusumi
Magnifique ! Vingt ans après les pérégrinations du gourmet solitaire (qui bénéficie pour l'occasion d'une réédition) on retrouve ce cher Gorô qui, par son activité de représentant, voyage de ville en ville et s'en va toujours en quête de petites gargotes où il pourra manger seul et avec appétit. Car notre gourmet n'a pas usurpé son titre. Il aime tester de nouvelles expériences culinaires, retrouver d'anciennes saveurs et faire vibrer sa corde nostalgique. Il est curieux de tout, même si chacune de ses approches vers de nouvelles adresses se soldent aussi par un instinct de précaution et une brève hésitation. Pourtant, rarement notre homme sortira frustré de ses découvertes ! Et celles-ci seront toutes plus savoureuses les unes que les autres. Il faut le voir parcourir avec envie les cartes des restaurants, sélectionner ses mets et s'attabler avec excitation dans l'attente du festin. Avant de plonger avec voracité dans sa dégustation, il contemple toujours ses bols et ses assiettes avec admiration et appétence. Puis, il part à l'assaut. Il bondit, il avale, il goûte, il commente, il se remplit la panse jusqu'à n'en plus pouvoir. Une coutume, d'ailleurs, veut qu'au Japon certains restaurants font payer des pénalités si vous ne finissez pas votre assiette. Lorsque vous vous invitez chez quelqu'un, vous vous devez de lui faire honneur en ne laissant pas une miette du repas. C'est une forme de respect pour la nourriture et la personne qui la prépare. Aucun souci pour Gorô qui se repaît jusqu'à satiété et frise souvent l'orgasme gustatif. C'est épatant. On le regarde s'empiffrer avec délectation, on en salive presque derrière notre bouquin ! C'est comme s'il était « en roue libre dans le sésame, les feuilles de moutarde, le gingembre rouge, les nouilles râmen, la soupe et le riz, il nage dans l'épicurisme jusqu'à ne plus avoir pied. Les calories, les régimes, la retenue sont laissés sur le quai, c'est aussi pour cela qu'on l'aime. Il nous allège l'âme. » (postface de Yôko Hiramatsu)
Cet ouvrage montre combien la nourriture est aussi un art de vivre, en plus d'une nécessité terrestre. Les sensations, les émotions sont perceptibles, vivaces et sensuelles. Chaque repas relève d'un cérémonial très pointilleux, au-delà de la simplicité du bonhomme. C'est avant tout un esthète, en plus d'être un fin gourmet. Mais jamais snob. Gorô privilégie les petites cantines conviviales et familiales, qui ne servent pas d'alcool et qui respectent aussi bien les traditions tout en explorant des territoires méconnus. Lors de son passage à Paris, Gorô se rend dans un quartier populaire pour y déguster un couscous, où il retrouve les trois points qui font tourner son monde - du riz, un accompagnement et une soupe. « Quand ces trois piliers sont réunis, c'est Nippon où que vous soyez dans le monde ! »
Casterman, collection Écritures - mars 2016
« Je joue des baguettes avec application dans ma sériole et mon riz devient quintessence du repas. »
À signaler la parution chez Casterman, début juin, de L'art de Jirô Taniguchi
Jirô Taniguchi incarne à lui seul la diversité de la création en bande dessinée. Cet artbook est un panorama de cette diversité et un portrait de l'artisan qui se mue au fil du temps en Auteur au sens le plus fort du terme. Si les travaux du maître sont régulièrement exposés (d'abord à l'abbaye de Fontevraud puis à Angoulême et aujourd'hui à Versailles), son art demeure diffcile à définir. Ce livre paraît aussi pour mieux donner à voir l'alliance rare de retenue et d'efficacité, de délicatesse et de clarté, au cœur de l'œuvre de Jirô Taniguchi. (prés. de l'éditeur)
C.R.A.S.H. Tome 1: Tsunami City, de Poipoi & Hervé Bourhis
A Towerville, les super-héros n'ont plus droit de cité et ont obligation de rentrer dans le rang, sitôt qu'ils sortent de prison (eh oui... condamnation générale suite à un fiasco qui hante encore les mémoires des habitants). Felipe Lazare tente donc de reprendre une vie normale, lorsqu'il est convoqué par le jeune Edouard Kemicol, le fils du célèbre industriel richissime, pour son nouveau projet secret : ouvrir une école pour les enfants mutants (C.R.A.S.H, Collège réservé aux super-héros), avec la complicité de sa tante, la pétillante Lucida Italic, chargée du recrutement via son agence Paranormax. Mais Lazare a tiré un trait sur son passé, du moins c'était avant d'apprendre que son ancien ennemi, le squelette ambulant, Katacomb, a réussi à s'échapper de sa cellule et vient de kidnapper une fillette, Esther, une jeune métamorphe recherchée par les services sociaux, depuis sa disparition de son foyer d'adoption. Autre menace pour Towerville, Katacomb a carte blanche pour noyer le vieux cimetière gothique, afin d'assouvir l'ambition de Kemicol (père), et s'y emploiera sans scrupule, on s'en doute.
L'histoire est conduite sans temps mort, après une introduction dans les règles de l'art, impliquant la présentation des personnages, parfois caricaturaux, et l'atmosphère d'une ville rongée jusqu'à l'os par le pognon et les cyniques. On retrouve sans problème l'influence du comics, en comptant aussi sur cette touche d'humour et les situations d'orientation burlesque, qui rendent la lecture si plaisante. L'aventure coule en cascade, sur un scénario basique, bien ficelé, et des dessins clairs et simples, très convaincants, qui surfent également sur cette dualité - action et fantaisie - en distillant autant de bonne humeur que d'adrénaline. Pleine de pep's, de malice et de légèreté, la lecture, au rythme entraînant, assure un divertissement gentillet et attachant. J'attends la suite ! ;-)
♦♦♦ Casterman / Mars 2016 ♦♦♦
SOURCE : Casterman
Boca Nueva, Tome 1 : Soufre, de Sylvain Almeida et Youness Benchaieb
À Boca Nueva, le jeune Ese va trouver du travail à coup sûr. Un petit emploi peinard, sans histoires.
Ce n'est pas à lui qu'on confierait une enquête impossible et dangereuse aux côtés du flic le plus irascible de la ville.
Non, clairement pas...
La police de Boca Nueva est dans tous ses états, depuis l'incident dramatique sur le port, où lors d'un contrôle de routine, une explosion a coûté la vie du collègue de Riggs. Depuis, notre vieux briscard s'oublie dans l'alcool et les bagarres, tout juste s'intéresse-t-il à son nouveau partenaire, le très discret Ese, à peine débarqué de sa campagne et imaginant décrocher un boulot peinard aux archives, comme son cousin. Las, une rude affaire va entraîner ce duo atypique vers les arcanes douteuses des trafics mafieux et des magouilles politiques. Logés au premier rang, Riggs et Ese vont tremper dans des eaux troubles et avoir chaud aux fesses ! ;-)
Cette nouvelle série a été une totale surprise, ma foi agréable et décapante. On pénètre dans un univers original et bigarré, où se mixent des influences de tous horizons, qui vont du polar à la fantasy, en passant par les romans de cape et d’épée. Un chouette cocktail, assez curieux mais particulièrement goûteux une fois qu'on a avalé plusieurs gorgées. L'histoire ne manque effectivement pas de ressorts et nous embarque sur des sentiers savonneux où l'on s'y casse la nénette, et pas seulement par maladresse. Ça cogne dur et sec, ça envoie dans les roses et ça ne fait pas semblant de zigouiller. Cela se passe comme ça, à Boca Nueva, une cité corrompue jusqu'à l'os, sans aucune valeur morale à tenir en exemple. Et malgré cette présentation peu avenante, l'histoire est fabuleusement cocasse, notamment grâce au tandem infernal, dont les interactions sont explosives et les dialogues mordants. Le scénario tient la route, sans être révolutionnaire, son intrigue capte l'intérêt et cultive suspense et rebondissements à bonnes doses. Il a, de plus, trouvé un écrin de choix parmi des dessins au style moderne et extrêmement détaillé. Résultat, ce premier tome laisse présager une suite d'aventures amusantes et enlevées.
CASTERMAN / Janvier 2016
SOURCE : Casterman
Dans les bois, par Emily Carroll
Amateurs de lectures frémissantes, voici pour vous une anthologie qui ne manquera pas de vous surprendre !
Une jeune fille passe les vacances chez son frère et sa fiancée, qui est d'apparence douce et attentionnée, avant de révéler une part plus sombre et effrayante. Durant son enfance, après s'être perdue dans la forêt, celle-ci a attendu seule dans une grotte pendant trois jours. Un drame non sans conséquence, dont la révélation vous fichera une frousse bleue et vous laissera également sans voix. Brrr... Les histoires qui suivent donneront également la pétoche, en vous racontant comment une écolière qui joue les apprentis spirites va être possédée par un esprit malin, ou le mystère de jeunes filles qui disparaissent la nuit, attirées par une cabane perdue dans la neige. Dans une atmosphère terriblement oppressante, non sans évoquer l'influence des contes gothiques, à la Edgar Allan Poe, Neil Gaiman ou façon frères Grimm, Emily Caroll nous livre ici un sortilège de 5 contes horrifiques à faire dresser les cheveux sur la tête. La lecture est plus qu'angoissante, elle est carrément éprouvante, mais vous transporte dans un imaginaire fabuleux et fascinant. Les décors y sont sans fioriture, les couleurs neutres, seule une touche écarlate surgit sans prévenir, comme pour conforter cette sensation de malaise et d'épouvante. Alors que j'étais confortablement installée sous la couette, j'étais loin de me sentir en sécurité, hésitant même à éteindre les lumières pour m'endormir ! C'est vous dire si cette lecture est obsédante, frappée de folie, de passion, d'horreur et de tourment. Elle alimentera sans nul doute vos nuits de cauchemars préoccupants et continuera de vous hanter un petit bout de temps... ;-)
Casterman / Janvier 2016