26/02/15

Desolation Road, de Jérôme Noirez

 « L'amour, c'est rien que de la poussière et des étoiles, monsieur. »

desolation road

Du fond de sa cellule, June Madero, seulement 17 ans, attend son exécution et accepte de recevoir un journaliste pour lui confier toute son histoire. Celle d'une petite fille privée trop tôt de son papa, déboussolée par le changement radical de sa vie, elle va détester son déménagement à la campagne, dans une ferme, près de Yerington, dans le Nevada. Seule sa rencontre avec le petit voisin, David O'Reilly, la propulsera vers le firmament (amour, bonheur, plaisir et excitation).

Mais nous sommes dans l'Amérique de la Grande Dépression, crise économique, banque en faillite, plus de boulot... Comment un jeune couple, planant sur son petit nuage, va comprendre que pour vivre, pour survivre, il faudra plus que de la chance et du mérite ? Vient le premier dérapage, qu'on peut qualifier d'accident. Puis un autre, et encore un autre... Sans ciller, les amoureux basculent dans le banditisme.

« Quelque part, le crime nous attirait. C'était peut-être le seul moyen de nous sentir libres et de nous aimer ainsi que nous l'avions décidé, sans que personne ne s'en mêle. (...) Nous étions des hors-la-loi, nous l'étions depuis notre premier baiser. »

Bien sûr, on pense aux amants terribles, Bonnie & Clyde, dont l'histoire a enflammé l'imaginaire et la culture rock. Le récit de June aussi prend aux tripes, la jeune fille se montre sans fard et dévoile un troublant aspect de sa personnalité - follement amoureuse de son homme, elle était prête à tout pour lui et révèle une détermination farouche. Son témoignage, censé attirer la sympathie du public, suscite pourtant des sentiments contradictoires, entre compassion, élan de tendresse, perplexité.

Et c'est une franche réussite de laisser le libre arbitre au lecteur, qui jugera à sa guise, après avoir ingurgité les 188 pages du roman. Une chose est sûre, c'est une histoire qu'on dévore, passionnante, pleine d'action, riche en détails historiques et follement romanesque. C'est aussi un hymne à l'amour, la liberté, la conquête de l'Ouest, l'espoir déçu et la perte des illusions. Bien écrit et captivant ! 

Gulf Stream éditeur, coll. Courants Noirs, août 2011 ♦ Bientôt disponible en format poche !


28/02/13

Le chocolat, c'est bon pour la santé.

Enfin, la suite de La Mafia du chocolat :

IMG_8618

Ne vous laissez pas impressionner par le début longuet et inactif, au cours duquel Anya retourne en prison suite à de récents déboires avec son meilleur ennemi (Charles Delacroix), les choses vont finalement se mettre en place, avec un petit exil au Mexique où la jeune fille va se familiariser avec la culture du cacao, puis retour à la case départ, à New York, auprès de la tristement célèbre Famille Balanchine.

Un nouveau coup du sort a frappé douloureusement Anya et sa sœur Natty, de nouvelles cartes sont distribuées, l'héritage familial est en péril, la jeune fille ne sait plus à quel saint se vouer, ses anciens alliés étant désormais ses nouveaux ennemis... Par contre, elle pourrait bien se réconcilier avec son ancien tortionnaire et élaborer un nouveau marché qui débouterait la commercialisation illicite du chocolat.

Je vous laisse gamberger, tout comme je laisserai planer le doute sur sa relation avec Win, qui sort avec une autre fille. Le choc. Son absence est un vide difficile à combler, et ce n'est pas la personnalité de Theo Marquez, aussi pétillante soit-elle, qui pourra nous consoler. Je dis ça, je ne dis rien. Ne craignez toutefois pas l'apparition d'un triangle amoureux, nous sommes très loin de ces basses considérations romantiques. (Du moins, je pense.)

Après avoir redouté une suite plus lente, avec quelques passages de flottement, je n'ai pas du tout regretté ma lecture, finalement j'ai aimé ce qu'elle a su m'apporter et me raconter. L'histoire d'Anya Balanchine demeure passionnante, avec ses zones d'ombres, son poids de l'héritage, son caractère passionnel. L'action m'a semblé moins dense, mais les révélations et autres rebondissements n'en sont pas moins violents, bouleversants et accrocheurs pour la suite des aventures !

Le tome 3, In the Days of Death and Chocolate, ne paraîtra en VO qu'en septembre 2013, souhaitons que la traduction française soit rapprochée.

La fille du parrain, par Gabrielle Zevin
Albin Michel jeunesse, coll. Wiz, 2013 - traduit par Cécile Chartres 

14/12/12

“It is the first day of November and so, today, someone will die.”

“I say, 'I will not be your weakness, Sean Kendrick.'
Now he looks at me. He says, very softly, 'It's late for that, Puck.”

IMG_8379  smileyc002

Quel fabuleux roman ! Je ne m'attendais pas à ce qu'il me plaise autant, j'ai adoré chaque minute passer à le lire, c'était un moment sublime, déstabilisant mais mémorable. Rien n'indiquait que l'histoire allait m'embarquer à ce point, on y parle de chevaux surgissant de la mer, avides de sang et de viande, des chevaux sauvages et intrépides, mais des chevaux dont toute la communauté de Thisby est bougrement fière !

L'île de Thisby est également un cadre magnifique, c'est une île de pêcheurs, peuplée de gens simples et qui sentent le poisson, c'est un microcosme d'hommes et de femmes éprouvés par les pertes, mais qui gardent toujours la tête haute par fierté. C'est une question de principe. Cette terre, on l'aime et l'on l'accepte, sinon on part sur le continent à la quête d'une autre vie, plus riche, moins étouffante. Puck Connolly est une jeune fille qui a toutes ses racines sur cette île, jamais elle n'envisagerait de la quitter. Ses parents sont décédés, elle a grandi avec ses deux frères, Gabe et Finn, et tout commence lorsque l'aîné annonce son intention de partir.

Le monde de Puck s'effondre, par bravade elle annonce qu'elle va participer aux Courses du Scorpion, réputées dangereuses et réservées aux cavaliers émérites. Qu'importe, Puck est une jeune fille farouche et orgueilleuse, elle n'a cure des quolibets et s'inscrit avec sa jument Dove. Non seulement c'est la première femme à participer à une telle course, mais de surcroît elle se présente avec son cheval de la plaine, alors que ses concurrents chevauchent les terribles capaill uisce. Soit elle est folle, soit elle compte mourir.

Sur la plage, lors des premiers entraînements, Puck rencontre Sean Kendrick, le champion des dernières éditions. Il concourt sur le cheval le plus rapide de l'île, pour le compte de l'homme le plus riche de Thisby, mais le garçon est à un croisement des chemins lui aussi. Nul autre que lui n'a cette même connivence avec sa monture, c'est un type exceptionnel, passionné par les chevaux et la mer, neuf ans plus tôt son père a été tué sous ses yeux, depuis il est devenu un garçon solitaire, enfermé dans sa bulle, très sensible aussi et soudainement bouleversé par l'intrusion de cette Puck Connolly.

Le rythme du roman est assez lent, mais pas dénué d'intérêt, car tout se construit pièce par pièce. Le décor se plante, on découvre les moindres recoins de Thisby, fait connaissance avec sa population, on aime, on s'attache, on peste, et puis on s'amourache de cette tendre complicité qui s'installe entre Puck et Sean. C'est tellement touchant. Pudique et miraculeux. Avec leurs sentiments à fleur de peau, ils vivent une relation sans fausse note. Sans oublier leur combat vers cette course qu'on attend fébrilement, et qu'on vit tout aussi intensément. Ouhlala, cela faisait un bon petit moment que je n'avais pas eu l'occasion de lire un roman aussi magique et prenant ! J'ai même versé ma petite larme à la fin, pour dire combien j'étais à fond dans mon truc. Une telle communion avec son livre, moi j'en demande encore !!!

Sous le signe du Scorpion, par Maggie Stiefvater smileyc002
Hachette, coll. Black Moon (2012) - traduit par Camille Croqueloup

“That's a poor match, Sean Kendrick," says a voice at my elbow. It's the other sister from Fathom & Sons, and she follows my gaze to Puck. "Neither of you are a housewife."
I don't look away from Puck. "I think you assume too much, Dory Maud."
"You leave nothing to assumption," Dory Maud says. "You swallow her with your eyes. I'm surprised there's any of her left for the rest of us to see.”

“Shhhhhh, shhhhhh, says the sea, but I don't believe her.”

Posté par clarabel76 à 12:00:00 - - Commentaires [14] - Permalien [#]
Tags : , , , , ,

18/01/12

Les réponses, je les ai en moi.

J'ai aimé cette petite Muette, qui appartient à une famille nombreuse et bruyante. J'ai aimé ses silences et ses dialogues intérieurs. Un jour, elle rencontre un nouveau camarade de jeux, lui aussi est réservé et ne parle pas beaucoup, et pourtant ces deux-là vont avoir le déclic. La fillette va découvrir qu'elle a des tas d'histoires à raconter, alors elle se libère. C'est le feu vert pour elle, pour se lancer dans l'action et suivre le mouvement de sa tribu agitée. Et quelle poésie derrière chaque page, quelle délicatesse aussi. L'ensemble est admirablement illustré par Alexandra Pichard, avec simplicité et sobriété, de quoi apporter un peu de fraîcheur au texte d'Anne Cortey. Vraiment, une jolie association. Une lecture vraie, belle, touchante.

IMG_6607 IMG_6608 IMG_6609 IMG_6611

Les mots dehors, moi avec eux.
On dansera, on trébuchera.
Et puis on verra bien...

Muette, par Anne Cortey et Alexandra Pichard (Autrement, 2011) 

Posté par clarabel76 à 11:30:00 - - Commentaires [3] - Permalien [#]
Tags : , , ,

30/11/11

“Sometimes you want to remember. And sometimes you need to forget.”

IMG_5962

Amber s'échappe de chez elle en laissant un mot d'excuse à sa mère. Elle a besoin d'être seule toute une journée et part ainsi à la plage. Sa vie est en plein naufrage, elle est partagée entre la colère, l'incompréhension, le désoeuvrement et l'impuissance. Elle a juste besoin d'oublier, de se vider la tête et seuls le mouvement des vagues et les rires des mouettes pourront apaiser ses tourments.
Sur place elle rencontre Cade, lui aussi en échappée belle pour une journée, lui aussi le coeur chaviré par des évènements de la vie qu'il préfère mettre de côté pour la journée. Ils font donc le pacte de rester ensemble sans poser la moindre question. Accord conclu.
Cade et Amber, c'est l'histoire d'une rencontre miraculeuse, teintée de musique, de films, de rêves à partager, de bonbons à déguster et de jeux débiles à réaliser en n'en croyant pas ses yeux, et tout ça sur fond de drames familiaux auxquels leur jeunesse et leur innocence sont trop brutalement confrontés.
L'histoire d'Amber m'a particulièrement touchée, franchement je comprends son désarroi, mais pas seulement le sien non plus, celui qui touche ses proches et d'autres... C'est tellement horrible comme histoire ! J'avais le coeur lourd rien que d'y penser.
Ce n'est pas mon livre préféré de Lisa Schroeder, mais j'apprécie toujours autant sa prose lyrique. Elle parvient à toucher au but, à trouver les mots justes pour décrire toute la beauté d'une rencontre, d'une reconnaissance, d'une détresse et d'une leçon de vie. Je crois que, de plus en plus, je tombe amoureuse de sa façon d'écrire plutôt que de m'attacher aux histoires en elles-même.

The day before - Lisa Schroeder
Published June 2011 by Simon Pulse 

LUENVOLu en VO - 42

 

"There is something 
comforting 
about a lighthouse. 
In the dark of the night, 
hold on to the light, 
and you’ll get 
back home safely. 

I need a personal lighthouse." 

Posté par clarabel76 à 11:15:00 - - Commentaires [4] - Permalien [#]
Tags : , ,

24/08/11

"If you ever want to hide from the world, live in a small city, where everyone seems anonymous."

IMG_5178

Quel beau roman ! Ariella, treize ans, vit à Saratoga Springs avec son père dans une grande maison de style victorien. Sa mère a disparu depuis sa naissance. C'est le sujet tabou. On ne trouve quasiment aucune trace d'elle dans la demeure, à part un livre de recettes ou une tapisserie de lavande. Les réponses à ses nombreuses questions demeurent évasives. En fait, le père d'Ari incite sa fille à réfléchir pour tirer elle-même ses propres conclusions. C'est lui aussi qui s'occupe de son instruction, il lui enseigne la littérature, la philosophie, tandis que Dennis, le meilleur ami de la famille, lui apprend les sciences. Ari vit dans un petit monde cloîtré, à l'abri de l'extérieur, elle est surprotégée et ne s'en plaint pas trop jusqu'à ce qu'elle fasse connaissance avec les enfants de Mrs McGarritt, leur cuisinière. C'est tout le contraire de ce qu'elle connaît, c'est coloré, bruyant, vivant. Ari est sous le charme, elle se lie d'amitié avec Kathleen, tombe amoureuse de Michael, et petit à petit cherche à remodeler son propre univers. Comprendre les secrets de son père, découvrir le pourquoi de la mystérieuse disparition de sa mère. Il faudra un drame, bien moche, pour qu'elle décide de tout quitter. 

C'est un roman sombre et fascinant, qui se passe dans un monde de vampires, sans surfer à fond sur la vague. L'ambiance est classique, très belle, gothique surtout dans la première partie, durant laquelle on suit une héroïne empruntée, qui découvre peu à peu ce qui l'entoure, ce qui nous permet de nous familiariser au même rythme à son histoire. C'est franchement réussi ! La partie où Ari s'échappe dans le Sud est un peu moins captivante, trop calquée sur le modèle de Kerouac (la lecture de "Sur la route" a clairement influencé l'héroïne), et c'est enfin dans la troisième partie qu'on renoue avec les secrets d'intrigue vampirique, bref c'est très original, d'une grande qualité littéraire, avec un certain charme vaporeux, et une héroïne qui paraît plus que son jeune âge, très forte et pleine d'élégance. J'ai été totalement impressionnée par ce livre, cela n'a rien à voir avec ce qu'on trouve actuellement, ici les vampires sont cultivés et érudits, aiment parler littérature et poésie, s'intéressent à la science et se mêlent de politique. La Société des S est une association secrète réunissant ceux qui ont choisi de révolutionner le genre (ne plus mordre pour boire le sang), je n'en dévoile pas davantage, même si je pense que ce premier tome ne fait qu'effleurer le sujet et que la suite promet de développer davantage cette belle idée. En fait, il s'agit cette fois d'un roman sur l'apprentissage de la vie et du passage à l'âge adulte, au bout des 400 pages Ariella aura appris et choisi, mais ceci est une autre histoire... 

Le deuxième tome paraîtra en novembre 2011 : Le Temps des Disparitions

La Société des S - Susan Hubbard  smileyc002
L'école des loisirs, 2011 - 412 pages - 16,80€
traduit de l'anglais par Marion Danton
illustration de couverture : Sereg 

Posté par clarabel76 à 09:30:00 - - Commentaires [18] - Permalien [#]
Tags : , , , ,