Fonce, petit Paul ! de Hubert Ben Kemoun & Charlotte des Ligneris
Paul est impatient de rejoindre son amie Mily Rose pour lui offrir en cadeau un foulard bleu et rose. Seulement, la fillette n'est pas chez elle. Le vent également se met à souffler et emporte le joli foulard au gré de ses caprices. Oh non ! Paul se trouve fort dépité mais n'hésite pas une seconde pour enfourcher son vélo et courir après la précieuse étoffe. Le vent souffle, et souffle, emportant toujours plus loin son cadeau. Au sommet des arbres, dans le bec d'une pie voleuse, sur le nez d'un train, parmi les champs de colza, de l'autre côté de la rivière... Quelle aventure ! Lui qui rêvait d'être un champion de cyclisme, le voilà servi ! Il ne ménage pas ses efforts, le cœur palpitant toujours plus fort, la transpiration au front. Son amie Mily Rose le vaut bien ! ^-^
Et on lit cette histoire de façon aussi passionnée et endiablée - le rythme est trépidant, les rebondissements constants, les péripéties jalonnent le parcours de notre jeune héros. C'est un album consistant, avec beaucoup de texte à lire, des illustrations foisonnantes, sans oublier une intrigue riche et dense. De plus, la lecture nous rappelle la passion juvénile, la poésie, la tendresse et l'amitié sans limite. C'est intense et magique !
Album Nathan, mars 2016
Le Grand méchant livre, de Catherine Leblanc et Charlotte Des Ligneris
Attention ! Ce livre renferme une super héroïne, avec du tempérament et une langue bien acérée. Elle adore les livres, les mots et les histoires, elle adore aussi en jouer et en raconter. Gare à la chute !
Amélie Mélo se rend chez sa grand-mère et croise la route d'un affreux loup. Celui-là n'a qu'une idée en tête : la dévorer bien entendu ! Mais Amélie Mélo n'est pas une proie facile. À trois reprises, elle lui échappe en lui racontant combien elle a un goût infâme. Et celui-là s'en va chaque fois tout nauséeux. (Qu'il est bête, le loup, de s'y laisser berner !) Mais comme il revient encore à la charge (il est bête ET coriace), elle sort un livre de son panier, un livre sans image, qu'elle commence à lui lire.
J'ai adoré cette histoire à l'humour dévastateur et d'une grande finesse. Elle nous enseigne, aussi, que les mots sont mille fois plus puissants que les poings. Suffit juste de savoir les utiliser à bon escient... faire preuve de rouerie, sans intention de nuire gratuitement. (Amélie a tout de même un loup à ses trousses, qui rêve de la dévorer !!)
C'est une héroïne formidable, que les enfants vont adorer. Le loup, lui, est un modèle du genre : coriace, mais bête ! Toutefois, son obstination et sa stupidité le rendent aussi très drôle ! Ahlala... Cette lecture réserve à son public de belles surprises ! Les illustrations de Charlotte des Ligneris achèveront de convaincre tout lecteur qu'il est toujours plus prudent d'avoir un livre sur soi quand on se promène en forêt !
Seuil jeunesse, février 2014
C'est moi qui l'avais fait éclore, ce petit sourire, au coin de sa bouche en bouquet de fleurs.
Deux nouveaux titres viennent compléter la chouette collection ZigZag, que j'affectionne particulièrement. Ce sont deux romans très attachants, admirablement écrits, avec des formules et des petites phrases qui touchent, paf, en plein coeur, avec des histoires tendres et amères, d'une perspicacité qui ne laisse pas indifférent.
Ça déménage ! par Cécile Chartre - illustrations de Charlotte des Ligneries (Rouergue, coll. ZigZag, 2012)
La vie d'Alexandre, huit ans et des pépettes, n'était que bonheur et tranquillité dans sa petite maison à la campagne, jusqu'au jour où maman et lui sont partis en ville, dans un appartement, parce que papa a décidé de refaire sa vie avec une autre. Pour Alexandre, c'est le début d'une douce rébellion. Il n'aime pas, mais alors pas du tout, son nouveau foyer. Et puis sa mère ne cesse de le coller, de le câliner, c'est insupportable. Même le chat Jean-Claude Chipolatas préfère quitter le navire, après avoir bien noyé le lit de son urine... Hmm, Alexandre aussi veut manifester son mécontentement, lui aussi voudrait qu'on lui rende sa liberté, mais au contraire, sa mère ne cesse de l'étouffer. Il tente d'exprimer son chagrin par la colère et la force, il tape du pied et du poing, les voisines sont d'ailleurs très mécontentes, mais lui s'en fiche... il veut retourner à sa vie d'Avant. Il veut son papa, avoir une discussion, comprendre que les larmes ne sont pas que pour les minus, qu'il faut parler pour expliquer l'inexplicable, que la vie est sans cesse une nouvelle histoire à écrire, avec d'autres maisons et d'autres familles, mais ça ne veut pas dire qu'on change de parents, non. Ni de nom, ni de prénom. Parfois, la vie d'après n'est pas aussi affreuse.
-) Ce petit texte permet de mettre des mots sur le désarroi des enfants, pris dans le feu des tourments des adultes. Ce n'est jamais facile, il y a beaucoup de maladresse et de tristesse, mais heureusement la vie offre aussi la possibilité de rebondir et de croire en des lendemains plus jolis.
L'histoire d'Aimée est celle d'une petite fille qui a grandi dans un foyer, parce qu'elle n'a plus de parents. Elle a été abandonnée quelques jours après sa naissance, avec juste un petit mot où était inscrit son prénom. Aimée s'est construit un petit cocon avec ses soeurs d'adoption, mais elle n'a jamais osé avouer que le manque de maman était de plus en plus pesant. C'est en voyant sa copine Clémence qu'elle a compris ce que signifiait l'amour d'une mère, et en cachette Aimée s'est inventé une maman de papier. Au foyer, les filles pensent que c'est un mot d'amour de Medhi. Medhi et ses sanglots qui mangent tous ses mots. Medhi avec un sac de problèmes qui pèse une tonne et un coeur aussi grand que le haut du ciel. Et même si Aimée est méfiante vis-à-vis de l'amour, elle n'est pas insensible au regard doux et triste de Medhi, à ses yeux lourds comme l'amour, à sa lettre avec des ratures et plein de fautes d'orthographe... Et puis, il suffit d'un baiser sur la joue pour faire naître un sourire sur le visage du garçon, c'est dire le potentiel d'Aimée à donner du bonheur. Pourquoi ne pas aller plus loin, alors ? Et croire enfin qu'elle aussi peut faire des trucs bien dans sa vie.
-) Ce petit roman fait bougrement du bien, même si le sujet n'est pas gai et encore moins joyeux, il échappe toutefois à paraître sinistre ou démoralisant, et c'est ça que j'aime dans cette collection, la volonté de ne jamais baisser les bras, d'admettre que la vie n'est pas rose tous les jours mais que ça ne veut pas dire qu'il faut cesser d'y croire. Une vie sans parents, par exemple, c'est ce qu'il y a de plus douloureux pour un enfant. Et la petite Aimée est drôlement attachante à sa façon, parce qu'elle est aussi à fleur de peau, elle passe son temps à observer le monde, à se poser des questions, à avoir des envies, à avoir peur de les vivre ou de simplement les ressentir... La magie d'un livre, c'est donc d'offrir des rêves et des ailes dans le dos, de vous chambouler la tête et le coeur avec toutes ces belles idées. Je crois qu'on n'en a jamais en trop !
L'invention des parents, par Agnès de Lestrade - illustrations de Lucie Albon (Rouergue, coll. ZigZag, 2012)