04/02/15

Sujet : Tragédie, d'Elizabeth LaBan

« Je ressemble un peu à la neige. - Tu as raison. La neige a quelque chose de très particulier. »

Sujet Tragédie

Comme le veut la tradition à Irving, l'attribution des chambres aux élèves de terminale relève d'un vrai cérémonial (le dernier jour, les anciens inscrivent sur la porte le nom de leur remplaçant et lui laissent un petit “trésor”). Manque de bol, Duncan vient de décrocher le cagibi du fond, de la part de Tim MacBeth, ainsi qu'une flopée de CD où il a enregistré de « la matière première » pour sa dissertation à rendre en fin d'année pour son cours de littérature. Sujet : la tragédie.

Et Tim de raconter son arrivée dans cet internat privé, après un long voyage chaotique, des déboires météorologiques et une rencontre éblouissante avec la belle Vanessa... Le garçon souffre de solitude, du manque de confiance en lui, de son physique (il est albinos), bref c'est un pauvre type, qui craque pour la plus belle fille de l'école, laquelle sort déjà avec un spécimen de foire (beau, sportif, arrogant) mais apprécie de passer son temps avec un autre. On soupire d'aise.

J'envisageais cette lecture comme un ersatz de Treize Raisons de Jay Asher, Coeurs brisés, têtes coupées de Robyn Schneider ou un roman de John Green, mais le résultat est nettement en-dessous des attentes. Cette tragédie aux accents modernes est, pour moi, triste, lourde et monotone. Une franche désillusion. Les personnages n'ont aucun charme, ils sont vides, ennuyeux, plus particulièrement Duncan, dont on se fiche un peu de connaître l'histoire. Tim fait figure du pauvre gars qui n'a rien compris au film. Typique, mais désespérant.

La relation triangulaire, assez peu crédible, laisse très vite supposer un drame à venir, tout est mis en place pour y croire fortement, jusqu'au récit haché exprès et la mise en scène exécutée avec soin pour entretenir le suspense. Le dénouement est malheureusement très décevant car trop faible par rapport à l'intensité dramatique du récit. J'en sors déçue, pas du tout convaincue. 

Gallimard jeunesse, janvier 2014 ♦ traduit par Catherine Gibert (The Tragedy Paper)

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29/05/14

Et puis, Paulette..., par Barbara Constantine

Et puis, Paulette

Ce livre est tout bonnement une promenade revigorante à la campagne, où l'on croise une brochette de personnages très sympathiques, Ferdinand, Guy, Marceline, Simone, Hortense, tous abonnés à la carte Vermeille, et qui vont décider de troquer leur solitude respective en une cohabitation joyeuse et mouvementée dans la ferme de Ferdinand. Leur communauté va également accueillir une jeune infirmière (Muriel) et un étudiant passionné d'agriculture (Kim), sans oublier les familles et les proches, Mireille, la belle-fille, et ses deux garçons, les Lulus. Enfin, vous imaginez bien le tableau aux couleurs bigarrées, animés de bons sentiments, c'est beau comme tout, lisse et impeccable, franchement on a la bouche en cœur devant une si parfaite félicité ! Barbara Constantine n'a pas écrit une grande histoire, structurée ou élaborée, au contraire elle n'est que simplicité, générosité, partage et entente exquise. Et ça fait du bien ! Pour bien faire, Daniel Nicodème livre une interprétation exceptionnelle, à la fois vivante et enlevée, on se régale à l'écouter nous faire l'étalage de cette histoire de vieillesse, avec perte et fracas, pulvérisée par une fabuleuse solidarité, turbulente et bienfaitrice. C'est un texte sans chichi, mais qui communique du bonheur et un optimisme ravageur. On sort de là ragaillardi et le sourire jusqu'aux oreilles.

Audiolib, mai 2012 ♦ texte intégral lu par Daniel Nicodème (durée : 5h 18) ♦ dispo aussi chez Calmann-Lévy et Livre de Poche

08/10/12

Bienvenue, volume 2

bienvenue2Cela fait deux ans que j'attendais la suite des aventures de Bienvenue, une jeune Parisienne qui porte un prénom pour le moins hors du commun. Nous la retrouvons comme si nous l'avions quittée la veille, après son rendez-vous amoureux. N'espérez pas en découvrir davantage, le scénario est peaufiné pour maintenir le doute en permanence. Bon, ce qui ne change pas, c'est que la vie de Bienvenue ressemble à un immeuse capharnaüm. Comme si ses voisins ou ses proches s'étaient mis d'accord pour l'impliquer, bien malgré elle, dans leurs joies et leurs peines.

On commence avec le couple d'indiens qui ne peut pas avoir d'enfants, Jojo qui noie son chagrin d'amour dans l'alcool, Lola et son amant vampire qui ne la lâche plus, sa cousine Olga qui est amoureuse de son cousin, ou son père qui tente de renouer avec elle, alors qu'elle ne se sent pas prête, sans oublier les petits boulots et les rencontres bizarroïdes qu'elle cumule (cette dame avec ses chiens qui a besoin d'un peu de lecture et de compagnie, ou Octave et Alice, les deux bouts de chou, dont le père tient à surprotéger en se réfugiant derrière des décisions hâtives suggérées par une psy...), mais aussi ses cours à la fac et son projet en arts plastiques sous l'oeil intransigeant de son prof pas commode. 

Toutes ces anecdotes mises bout à bout remplissent considérablement les vingt-quatre heures d'une journée de Bienvenue, qui donne tellement de temps et d'énergie aux autres qu'il ne faudrait pas non plus oublier qu'elle aussi a besoin d'une épaule sur laquelle compter. (Heureusement, ça se décante sur la fin !) Cette suite est donc une totale réussite, on reprend ses marques avec facilité, on se passionne pour le quotidien ordinaire et sordide, mais attachant malgré tout, de Bienvenue. On est curieux, captivé, on s'intéresse à la vie des uns et des autres, on s'interroge, parfois on s'inquiète un peu, parce qu'on a vraiment à coeur tout ce qu'on lit et découvre. C'est ça que j'aime dans cette bande dessinée, sa simplicité, sa tendresse, son honnêteté à vouloir partager des petites choses banales. Comme dit Cioran, Il n'est pas d'art vrai sans une forte dose de banalité.

Bienvenue (tome 2) par Marguerite Abouet & Singeon
Gallimard, coll. Bayou, 2012

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10/07/12

Chaque fin est aussi un nouveau début.

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Katie Sutton est une adolescente anglaise à la vie ultra banale. Elle a deux meilleures copines, Hannah et Loops, avec qui elle traîne au parc en retrouvant des garçons de leur âge, mais Katie fantasme comme une folle sur le beau Ben Clayden, sans espoir de retour. Elle vit à Brindleton, une petite ville qui s'étend comme une étoile de mer, où tout le monde connaît tout le monde.

Cet été s'annonce donc particulier puisque la mère de Katie va tomber amoureuse d'un homme plus jeune, plus écolo et tellement plus insupportable en tout que Katie et sa soeur aînée ont juré de le faire tomber en disgrâce. Dans le même temps, Katie s'est déclarée experte sur le comportement des Adultes et rédige un guide d'utilisateur (comment gérer ses parents sans peine), sauf que tout va de travers, comme c'est souvent le cas dans ce genre d'ouvrage ! 

Rassurez-vous, la révolution n'aura pas lieu mais ça n'empêche pas de passer du bon temps entre les pages de ce livre, qui n'a nulle prétention sinon d'être déjanté et cocasse. Katie Sutton est une narratrice hors pair, avec un sens de l'auto-dérision qui suscite de grands sourires. Dans son genre, c'est un livre qui défend ses chances, le ton est léger et drôle, tendance sarcastique, à destiner surtout pour les jeunes lectrices (la narratrice a 13 ans).

Le journal de Katie Sutton (comment gérer ses parents sans peine) par Jenny Smith
Nathan, 2012 - traduit de l'anglais par Anne Delcourt
illustration de couverture : Diglee

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26/06/12

... je rêvais d'échapper à la monotonie de ma vie. Mais ma vie n'a jamais été ordinaire.

Seulement, je n'avais pas remarqué ce qu'elle avait d'exceptionnel.

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Etrange, mais envoûtant roman que voilà ! C'est l'histoire de Grand-père Abe qui avait pour habitude de raconter des histoires à son petit-fils, Jacob. Des histoires à dormir debout, en fait. Le jour où Jacob comprend ce qu'il en est, il est très déçu. Aussitôt son grand-père se ferme comme une huître, laisse le temps accomplir son oeuvre, peu à peu il vieillit et perd la tête. Sa mort, pourtant, sera atroce. Jacob en sera le témoin. Mais qu'a-t-il vu exactement ? A partir de là, tout son monde n'aura de cesse de s'écrouler.. Pour y remédier, il décide d'accomplir le dernier souhait de son Grand-père et s'envole pour l'île de Cairnholm, au pays de Galles, afin de retrouver la maison des orphelins où Abe a grandi pendant la guerre.

Je vous recommande cette lecture singulière et insolite, au charme inquiétant et dont l'histoire vous transporte immédiatement vers un imaginaire incroyable. Moins vous en saurez à son sujet, mieux vous en apprécierez tous les secrets, les mystères, les rencontres et les révélations. Personnellement, j'ai été envoûtée dès les premières pages. J'avais été intriguée par la couverture et par le format du livre (très vintage !), en plus des photographies en marge de l'histoire qui font inévitablement penser à une foire des monstres. Et c'est là toute la force de cet ouvrage, l'univers est atypique, il bouleverse, il interpelle et il ne laisse pas indifférent. L'histoire, pour rester vague, est inquiétante, sombre, un peu angoissante aussi. C'est comme plonger hors des limites de notre bulle, découvrir un monde nouveau, auquel un certain Tim Burton n'est pas totalement étranger, et vous en apprécierez toute la beauté et l'enchantement qu'il inspire. C'est une lecture pas banale, à recommander aux amateurs de lectures obscures et obsédantes.

Miss Peregrine et les enfants particuliers, par Ransom Riggs
Bayard jeunesse, 2012 - traduit de l'américain par Sidonie Van den Dries 

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27/12/11

“Sometimes life doesn't allow us to be free to fly wherever we'd like.”

"Vi?" Jag's soft voice called from the other room. I'd been soaking so long, the water in the tub was cold. I stepped out, careful not to get the book wet, and wrapped a towel around myself. 
"In here," I whispered. He had switched the lamp on and was rubbing his eyes when I came into the bedroom. 
"Hey." 
I slipped the book back onto the table next to his bed. "I didn't get it wet." 
"Not. That." His eyes raked over my only-towel-covered body with a hungry expression. 
"Knock it off." I pulled the towel tighter and returned to the bathroom. He followed me, putting his hand on the door before I could close it. I looked anywhere but at him. Lying fully clothed in bed with him was bad enough. 
I couldn't help it when I drank him in, starting at his feet and slowly creeping up to his neck, past his chin, lips, nose to his eyes. When I finally reached them, my heart clutched almost painfully. I swallowed hard and cleared my throat, playing with the end of my towel. 
"Vi, babe-" 
"Don't talk like that," I said. 
He smiled his Jag-winner. I took a shuddering breath and tried to focus. "Don't smile like that either. It's not fair." 
"Okay, then. Let's talk about being fair." He carefully wove his fingers through mine. The way he studied the ground was adorable. He took a few slow steps back into the bedroom, pulling me with him. 
"Jag-"

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Punie pour avoir été surprise dans un parc, alors qu'elle se baladait avec un garçon, Violet est conduite dans une cellule où un autre type poireaute depuis des lustres. Il s'appelle Jag Barque, c'est un vrai bad boy et il se moque bien des conséquences de ses actes. Il veut dénoncer le contrôle exercé par certaines puissances invisibles, réveiller les esprits endormis, d'où la forte connivence qui se crée entre lui et Violet. La jeune fille est également une rebelle, elle n'a jamais pardonné la disparition de son père puis la mort de sa soeur aînée. Depuis, elle est déchaînée et fait tout le contraire de ce qu'on attend d'elle. Forcément, quand Jag et Violet se rencontrent, ça fait des étincelles. Ils se découvrent, ils se plaisent mais ont un combat à mener. En même temps, Violet est confrontée à son passé et à ses secrets. Et implicitement elle est tenue prisonnière face à des choix qui seront lourds de conséquences.

Voilà un roman que je jugerai bien généreusement, puisqu'effectivement la lecture ne s'est pas fait sans heurt. Alors que l'intrigue promet monts et merveilles, au point de nous servir son lot d'actions et de péripéties plus d'une fois stupéfiantes, elle n'est pas non plus avare en détails confus et confondants. A dire vrai, l'ensemble peut paraître brouillon et on croirait que nos deux chéris, Vi et Jag, pédalent de temps en temps dans la semoule. Il faut bien cette fabuleuse alchimie entre eux pour adoucir nos sursauts récaltitrants, parce que, très franchement, ils forment un couple passionnel aux réparties suscitant souvent des gloussement de dinde ! Bah oui, je suis comme ça. ;) Et quand la fin décide de s'y mettre à son tour, ça vous met bien évidemment la tête à l'envers. 

Possession - Elana Johnson
Published June 2011 by Simon & Schuster

LUENVOLu en VO - 48

Un roman à découvrir en VO, car l'édition française propose une construction bancale et inexacte, laissant une impression fade, ce qui est dommageable pour l'histoire en elle-même.

14/09/11

Terrible Angels

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Non mais quel roman ! Il est violent, sombre, révoltant, injuste, douloureux. Vous y absorbez le désespoir du narrateur, Dam, bientôt seize ans, vous vous dites que ce n'est pas possible d'avoir une telle famille, aveugle, intransigeante. Le pauvre gamin, il n'est pas aidé ! Alors que cela devrait être le contraire, Dam est en effet décrit comme un garçon timide et effacé, peureux et sensible, trop sensible, au goût de certains. Forcément. Ce n'est pas un caïd, il se fait souvent taper dessus par les crétins de passage, il se sent plus bas que terre, il n'a strictement aucune confiance en lui. 
Et puis, il rencontre Samy et sa bande. Des êtres marginaux, libres d'être ce qu'ils ont envie d'afficher. Ils portent un look gothique, ils manifestent un intérêt profond et sincère les uns envers les autres, ils ne jugent pas, ils écoutent, encouragent et apportent tout ce qui manque à Dam. Très vite, il s'identifie à eux, ne lâche plus Samy, tombe amoureux, mais en même temps il doit supporter les sarcasmes de sa famille et les nombreuses interdictions de son père, qui ne décolère pas. Son fils n'est pas une "lopette sataniste" ! 
Les mots sont durs, mais c'est le désespoir du garçon qui fait vraiment mal. Dam est à fleur de peau. Il encaisse sans réagir. Ou il se taille la peau, pour faire évacuer tout ce sang qu'il juge de trop dans son corps. Car c'est à l'intérieur que l'essentiel se passe, la boule de rage qui grossit et grossit encore, la sensation d'impureté et le besoin de s'infliger des marques.
Arrive alors son anniversaire, et tout va basculer. 
Le faire... ou mourir. Un titre énigmatique, mais quel choc.
Pendant 95 pages, je n'ai fait que couler, couler dans le récit. C'est très fort, et ça interpelle. Il est difficile de prendre le moindre recul. Mais le texte possède cette justesse de savoir décrire et partager ce qu'est le désarroi adolescent. Tout est vrai, et tant pis si ça fait mal. Plus je lisais, et plus je me disais qu'il fallait que je m'en sorte pour lire un truc plus léger. Pour décompresser. Et puis, il y a les cinq dernières pages. Les cinq dernières minutes, en somme. Là, je ne vous cache pas ma surprise. (J'avais même un peu de mal à comprendre ce qu'il se passait.) 
Heureusement que cela se termine ainsi. Cela m'a permis de me sentir en paix, et même pour Dam... ce n'était plus possible autrement. En bref, c'est un roman étonnant, bluffant et à recommander pour tout ce qu'il provoque et donne envie de ressentir ou partager. Les mots sont vrais, le vague à l'âme est extrêmement bien traduit, c'est un livre qui fait résonner en nous de vives émotions, c'est franchement réussi.

Le faire ou mourir, par Claire-Lise Marguier (Rouergue, 2011)

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