Une part de ciel, de Claudie Gallay
Pour tout avouer, j'ai choisi d'écouter le livre audio (texte lu par Pauline Huruguen pour les éditions Thélème) mais j'ai d'abord grimacé en entendant la voix de la comédienne qui ne m'inspirait qu'un profond ennui. (En plus de constater qu'il y a une totale absence de réalisation sonore, avec un enregistrement trop bas pour ma station d'accueil, poussée à plein volume, la lecture est quasi inaudible en faisant le brushing du matin.) Cette déconvenue réglée, j'ai fini par m'habituer et j'ai réussi à trouver un certain confort dans cette histoire assez banale, mais qui dégage charme et quiétude, tout en collant pile poil à l'atmosphère de saison.
Aux premiers jours de décembre, Carole regagne la vallée de la Maurienne où son père Curtil lui a fixé rendez-vous. Celui-ci étant en retard, Carole s'installe dans un gîte et décide de l'attendre. Une routine s'établit rapidement, elle traduit un bouquin sur Christo, prend ses repas chez Francky, papote avec son frère Philippe, donne un coup de main à sa sœur Gaby, qui survit dans un bungalow truffé de courants d'air, évoque Balzac avec la jolie Môme, flirte avec Jean de la scierie, ressasse le bon vieux temps avec Sam, récure les gamelles du chenil de la Baronne... Les jours passent, sans plus donner de nouvelles de Curtil. Le temps est gris, froid, hivernal. Ce retour aux sources évoque aussi pour Carole son enfance, la maison qui a pris feu et leur mère forcée de sauver ses enfants, pardon, de choisir lequel de ses enfants sortir en premier. Un geste qui a longtemps hanté Carole, qui ne cesse de se sentir coupable d'avoir été élue au détriment de sa sœur, aujourd'hui malade, affaiblie, traînant une vie de misère.
Malgré un style remarquable, la narration est lente, longue et s'enfonce dans la monotonie et la langueur. Sans oublier que le cadre dans lequel est plantée l'histoire est d'une tristesse à pleurer. C'est déconcertant de se dire que, même si j'ai dévoré ce bouquin, apprécié l'idée et le contexte, il n'a pas réussi à m'enchanter pleinement.
Actes Sud, Août 2013 ♦ Babel, Octobre 2014 ♦ éditions Thélème, Janvier 2014
L'office des vivants ~ Claudie Gallay
Il règne dans cette maison en haut de la montagne une atmosphère de vide - vide affectif, vide matériel, vide intellectuel. Le Père est bourru, il travaille quand ça lui chante, s'occupe des bêtes et de la terre, mais ne ramène pas souvent le pain pour nourrir les bouches. La Mère le maudit de l'avoir engrossée une troisième fois, elle se porte mal et doit rester alitée.
Marc et Simone sont deux gosses que rien ne bouleverse, ils roulent leur bosse, jouent dans la cour, ne se lavent pas souvent, ont des poux dans les cheveux, parfois ils se rendent à l'école, quand le temps le permet, la route est longue et le climat sec et glacial.
Pas loin, il y a aussi le grand-père qui passe son temps à sucer ses pastilles et la grand-mère Coche qui est avare comme un rat. Pas facile de lui soutirer une tranche de pain nappée de confiture !
Tout se mérite dans cette vie étriquée.
Un jour, un bébé est déposé sur le pas de la porte. C'est la petite de Mado, qui était fille de ferme et qui a fait perdre la tête au Père. Un matin elle est partie avec les économies de la famille, elle n'est plus jamais revenue. Elle a déposé un cadeau quelques mois après, et c'est comme ça que Manue a fait son entrée.
La gamine n'est pas du tout désirée dans ce foyer. Seul Marc s'est épris de l'enfant, il veille sur elle, coiffe sa chevelure de sauvageonne et s'est juré de la protéger pour l'emmener loin de cette misère quand ils seront grands.
A lire comme ça, on pourrait croire que ce roman est poisseux, écoeurant, limite insoutenable. Mais non ! Claudie Gallay sait soutenir notre regard, elle raconte son histoire sans ambages, son écriture âpre et dépourvue d'artifices donne lieu à un miracle. Elle évoque une misère affective, des personnages cabossés et laids, un environnement qui écarte la tendresse, et encore... l'amour tente de percer, de façon brutale, mal embouchée ou impuissante. Car ce roman reste gris, froid, implacable.
On dit de cette famille qu'elle a le mauvais oeil, et qu'elle récolte ce qu'elle sème. Et pourtant, en tant que lecteur, on se sent incapable de ressentir le moindre accablement, la plus petite compassion ou l'idée de jugement. On n'est pas épargné pour autant, ça cogne, ça fait mal mais c'est si bien écrit qu'on ne décroche pas.
Il s'agit du tout premier roman de Claudie Gallay, publié aux éditions du Rouergue en 2001. Il était indisponible depuis longtemps, cela me trottait de le lire, surtout que Laure m'avait donné envie ... la patience est enfin récompensée : sortie en poche, chez Babel. A ne pas louper !
Et j'aime beaucoup la couverture ! En vrai, elle est encore plus bouleversante.
Babel, 2009 - 224 pages - 7,50€
Les déferlantes - Claudie Gallay
C'est l'histoire d'une femme venue se réfugier à La Hague, après la perte de son amant. On ne sait pas grand-chose d'elle, elle a quarante ans, son travail consiste à compter les oiseaux migrateurs et elle occupe une maison avec un frère et une soeur à la Griffue, un lieu-dit à la pointe du port.
Un jour de tempête, elle rencontre Lambert. Cet étranger n'en est pas un, il est de retour au pays pour vendre sa maison et régler des comptes. Il y a quarante ans, toute sa famille a péri noyée. Il en veut à Théo, l'ancien gardien du phare, qui vit aujourd'hui seul avec ses chats. Son épouse et sa fille s'occupent du bistrot, et elles aussi refusent de parler du passé. On laisse les morts en paix et seule la mer a le droit de prendre et rendre ce qu'elle souhaite.
La narratrice ressent chez Lambert cette même solitude, un chagrin immense et le vide qu'il laisse. Petit à petit, ils se parlent. Inconsciemment elle cherche à lui venir en aide et percer les mystères qui encerclent toutes ses familles. Car derrière tous ces mensonges, ou ces silences, il y a immensément de douleur et de frustration, des espoirs déçus et des amours perdues. Et pourtant, ce n'est jamais sinistre ni morose !
Car ce roman est tout bonnement magnifique ! L'écriture elliptique de Claudie Gallay y est déjà pour quelque chose, l'ambiance est ensuite envoûtante. Nous sommes dans le Cotentin, au coeur des éléments, il y la mer, le vent, la pluie. Une force incroyable se déchaîne, pas seulement les jours d'intempéries. On se balade sur la berge, dans les landes ou au bord des falaises. Et puis c'est une région hantée par les légendes, les fantômes et les revenants, les créatures aussi étranges que les goubelins.
La population, pas très nombreuse, s'avère aussi très attachante : Raphaël le sculpteur, sa soeur Morgane, terriblement belle et insolente, Théo, la Vieille et Lilli, enfermés dans leurs secrets, Nan, qu'on dit folle et sorcière, Max, le benêt amoureux fou de Morgane, Monsieur Anselme, toujours dans son habit du dimanche, passionné par Prévert...
C'est difficile de mettre des mots sur le sentiment ressenti avec une telle lecture, mais ne passez pas à côté de ce livre ! Claudie Gallay confirme son énorme talent de romancière, à créer des ambiances serrées, mais pas étouffantes, et des personnages à vif, non pas déprimants. C'est une histoire qui nous absorbe et nous recrache, quelques 500 pages plus loin... Même pas mal, par contre j'ai été profondément sonnée. Sincèrement émue et fébrile après un tel roman - c'est vous dire son enchantement. Les déferlantes, ce sont le nom des vagues par jour de tempête. C'est aussi un titre qui porte le roman, annonçant bien fort la couleur !
Editions du Rouergue, mars 2008 - 530 pages - 21,50€
A été aimé par Gawou , Marie , Gambadou , Cathulu ...
Les années cerise ~ Claudie Gallay
"Les années cerises" est le premier roman que Claudie Gallay écrit pour la jeunesse. C'est l'histoire de l'Anéanti, un gamin qui vit avec ses parents dans une maison au bord de la falaise. Poussée à partir car tout risque de s'effondrer, la famille rechigne et met à jour ses failles.
D'abord la mère pète les plombs, elle prend des médicaments, ne va plus travailler et s'enfonce dans une dépression nerveuse. Le garçon est en échec scolaire, il est sujet à des troubles du comportement et est secrètement amoureux de la soeur de son meilleur ami, Paulo. Le grand-père cherche à lui changer les idées en l'emmenant pêcher, mais l'homme aussi est usé.
Claudie Gallay adresse aux jeunes ados un roman assez en pagaille, où l'on pressent une catastrophe imminente, où le sentiment de désarroi enveloppe le récit au fil des pages et où on s'attend à une issue irrémédiable. Difficile de ne pas s'attacher au jeune narrateur, de compatir à son désoeuvrement, de chercher des solutions pour lui. On finit par aimer ce roman sensible, un peu rongé par le chagrin et la morosité.
lu en décembre 2004