“Words have power? That sounds like you're into some Harry Potter juju.”
Je ne le cache pas, au début ce n'était pas gagné avec cette série de Chloe Neill. Même si j'appréciais son univers, je ne trouvais pas qu'elle tirait son épingle du jeu. On y trouve donc une école privée pour jeunes filles riches, des jupes écossaises, des pestes délicates et surfaites, une coloc de chambre idéale, des secrets, et tout le toutim. Ajoutez une héroïne qui débarque à Chicago avec le sentiment d'avoir été lâchement abandonnée par ses parents (en congé sabbatique, pour deux ans, et exilés en Allemagne), vous voyez le tableau.
Déjà la mise en place était aguichante, sans tomber dans la folle excitation. J'étais curieuse, intriguée de savoir ce que signifiaient les réunions dans les souterrains de la ville auxquelles participent Scout et d'autres camarades. Et puis Lily, l'héroïne, choisit de bousculer son destin en fourrant son nez où il ne faut pas, et l'histoire prend enfin un tour intéressant. Il existe bel et bien un monde caché, sous les couches de Chicago, et une poignée de jeunes gens a pris le sort de l'humanité entre leurs mains, grâce aussi à des pouvoirs spécifiques, mais ceci est une autre page à découvrir.
Le roman s'épluche comme une pomme, ça tournicote pas mal dans les premiers chapitres, ça se cherche, ça tâtonne avant de permettre d'apercevoir une belle éclaircie. Certes, ce n'est pas une lecture à couper le souffle, qui propose des choses nouvelles, mais c'est tout de même une série de Chloe Neill, ce qui est fort appréciable à mon sens.
Amateurs de sa série des Vampires de Chicago, vous apprécierez forcément de renouer avec ses dialogues efficaces et pertinents, aux réparties cyniques et drôles. L'auteur est douée pour ça, une nouvelle fois elle le prouve et ça se savoure. C'est une grande amoureuse de la ville de Chicago, une accro à la pop-culture, et en matière de références on se régale avec les clins d'oeil à Urgences, Buffy ou Gilmore Girls. Les personnages sont également bien brossés, l'héroïne n'est pas une bécasse naïve qui perd un neurone en rencontrant le beau gosse du jour. Elle a du sarcasme à revendre, elle est séduite mais ne s'en laisse pas conter. Une jolie romance est à prévoir, mais pour l'instant c'est encore timide. Et pas sûr que le potentiel présenté demeure l'unique choix de la demoiselle ! Bref, cette série a fini par me captiver et j'ai parcouru les derniers chapitres avec un sourire ravi aux lèvres. Le tome 2 sortira début mars 2012.
Dark Elite 1. Magie de feu - Chloe Neill
Castelmore, 2012. Traduit de l'anglais (USA) par Tristan Lathière
EN LIBRAIRIE LE 13 JANVIER !
It was my path, and like me, it was bound to be unique.
Zoey la butineuse a été démasquée, tous ses petits copains lui ont tourné le dos et même ses proches amis ont été écoeurés par ses agissements et ne veulent plus lui parler. Zoey est seule, vulnérable, alors qu'elle perçoit des ondes négatives dans le parc de l'école, en plus des corbeaux qui rôdent méchamment, bref elle se sent en danger. Et incroyable mais vrai, c'est auprès d'Aphrodite qu'elle trouve du réconfort.
L'ancienne peste a beaucoup évolué depuis le début de la série, c'est même le personnage le plus drôle et sarcastique de la bande, heureusement qu'elle est là ! Elle a subi une transformation particulière et a reçu de nouvelles visions de Nyx dans lesquelles Zoey trouverait la mort, ce qui entraînerait le monde dans le chaos. Pour y remédier, la jeune prêtresse doit absolument se réconcilier avec ses potes et ne jamais rester seule. De plus, Neferet semble tisser sa toile dans l'ombre, mais il n'y a que Zoey et Aphrodite pour se douter de son âme sombre. Et malgré l'arrivée sur place de Shekinah, the big chief, le complot de la traîtresse a pris une telle ampleur que plus rien ne pourra l'arrêter.
Enfin, dans ce tome 4, la vie sentimentale de Zoey est mise entre guillemets. Il est temps pour la demoiselle de se remettre en question, même si elle tombe vite sous le charme du nouveau, James Stark, archer hors pair, décrit comme un type arrogant et sûr de lui. Et puis, paf ! l'histoire en décide autrement. Ce potentiel est mis en retrait pour exposer très clairement Zoey sous les feux de la rampe.
C'est LE tome qui se tourne exclusivement vers l'intrigue politique, celui qui marque aussi un grand tournant dans la série. Les bouleversements annoncés, ou craints, vont enfin entrer en piste, les petits tourments adolescents n'ont plus lieu d'être, la guerre est déclarée, mais qui sont les méchants et les gentils? Quels rôles vont jouer les personnages rencontrés jusqu'à présent ? Qui va tirer son épingle du jeu ? Je pense que la suite promet d'étonnantes perspectives !
The House of Night #4 Untamed - P.C. Cast & Kristin Cast
Published September 2008 by St. Martin's Griffin
"Je crois que parfois, les rencontres, ce sont des évidences."
Aurélien veut qu'on l'oublie. Au lycée, il se pose en figurant et n'a aucune envie de se lier aux autres. Un type de sa classe, Thibaud, va pourtant chercher à mieux le connaître. Même si ça le dérange et lui donne des bouffées d'angoisse, Aurélien va doucement être séduit par l'idée et renouer avec des sentiments volontairement remisés au placard (l'amitié, l'insouciance, la découverte de l'autre...).
Car Aurélien a un passé lourd, traumatisant qui a fait de lui ce garçon qui ne veut plus s'impliquer auprès des jeunes de son âge. Il a déjà donné, il en a payé le prix. Aujourd'hui, avec Thibaud, il aurait presque envie de "briser la glace" et de libérer le flot de mots qui l'étouffent, lui qui parle si peu par souci de discrétion.
Oui, ce texte est d'une grande sensibilité et écrit avec une simplicité juste et touchante. Le désarroi de l'adolescent nous serre le coeur, et tant pis si son secret n'en est plus vraiment un pour nous (c'est le gimmick de l'auteur, en quelque sorte). Reste un petit détail étonnant, qui fait penser qu'on a tous nos petits secrets.
Le roman évoque aussi le pouvoir des mots et leur capacité à nous "reconstituer". Pour cela, le slam est mis à l'honneur, tel un exercice de vie ou de survie, au cours duquel chacun est libre de s'exprimer, de crier son impuissance, sa révolte ou uniquement pour faire briller les mots et les sons.
En somme, un roman accessible, poignant et généreux.
Brise Glace, par Jean-Philippe Blondel (Actes Sud junior, 2011)
Ma nuit d'amour est une jolie lecture de 65 pages sur les rêves d'amour et les promesses, sur le désir, le fantasme, la passion d'une jeune fille de 15 ans qui ne souhaite pas se contenter de belles paroles et qui déclare : "Je ne veux pas d'un brouillon. Je suis née pour être une amoureuse, une aventurière, une conquérante de la chair. Je le sais, j'en suis sûre." C'est une lecture qui raconte la première nuit d'amour, belle et parfaite. Il y a peut-être un peu d'invention aussi, un peu d'ambition secrète et exaltée... Après tout, Frédérique Deghelt n'est pas avare de pirouette qui fait tourner la tête, et le coeur. (Actes Sud junior, 2011)
Et pour finir, voici le très beau roman de Tania Sollogoub : Au pays des pierres de lune. Je savais que j'allais aimer ce roman, de toute façon je voulais l'aimer parce que la couverture est très belle et l'histoire est un hommage tendre et remarquable d'une adolescente pour sa famille et leur culture russe, sauf que nous sommes à Boulogne-Billancourt, dans un immeuble "plein de gens venus de tous les pays du monde". Chaque appartement est une invitation au voyage, à la découverte, aux mets et aux senteurs d'ailleurs, aux promesses d'histoires et de légendes un peu fantaisistes, mais enchanteresses. On y trouve sa place sans souci, on admire inlassablement ce décor et on tombe amoureux de cette communauté exubérante.
C'est tellement bon, chaleureux et stimulant.
A l'écart, on suit l'histoire d'amour de la narratrice. Elle a treize ans, elle passe ses vacances chez sa grand-mère, qui aime la neige, les cigarettes, les bijoux et se souvenir des belles choses. Cette fois-là, l'héroïne rencontre Boris, il est séduisant, fougueux, rebelle et fascinant. Elle tombe folle amoureuse de lui et le vit comme une brûlure.
C'est un roman intense et exaltant, parce qu'"à treize ans, on est capable de tomber amoureux de la couleur d'un regard". C'est tout simplement beau, avec en fond sonore une petite musique nostalgique.
(L'Ecole des Loisirs, coll. Médium, 2011)
illustration de couverture : Hélène Millot