25/03/15

La Garçonnière, d'Hélène Grémillon

La garçonnière

Le psychiatre Vittorio Puig est accusé du meurtre de sa femme (la belle Lisandra a été retrouvée morte défenestrée, au pied de son immeuble). Eva Maria, une de ses patientes, cherche à le disculper en menant sa propre enquête. Pour cela, elle doit fouiller le passé de la victime, mais aussi écouter toutes les séances de psy enregistrées sur cassette, à l'insu des patients. Or, ses découvertes vont mettre à mal ses convictions et réveiller ses vieux démons.

L'histoire réserve de nombreux tours de passe-passe où se mêlent des hommes et des femmes aux parcours traumatisants. Nous sommes à Buenos Aires, en 1987. Le pays se sent encore lourd des séquelles laissées par la dictature militaire, les familles pleurent leurs disparus, bourreaux et victimes n'ont pas tourné la page. Ce livre est un trou béant de détresse, que vivent des mères et des épouses, mais pas seulement. C'est assez tendu comme ambiance.

Et l'auteur de jongler entre cet héritage historique et le mystère de Lisandra, supputant les théories les plus folles. Héroïne tragique ou maîtresse de son sort ? L'histoire ne dit pas tout et cultive les zones d'ombre à la façon d'un polar. Suspense à foison, pistes multiples et compliquées, embrouillamini de versions pour une seule et même vérité (et encore ?). On gobe tout. J'émets, toutefois, une petite réserve sur la révélation finale, assez perturbante et plutôt mal venue... mais cela n'altère pas mon enthousiasme général.

Cette lecture bénéficie aussi d'une interprétation talentueuse grâce à un casting exceptionnel (Elsa Lepoivre, Danièle Lebrun, Jennifer Decker, Thierry Hancisse, Michel Favory et Thierry Frémont). C'est comme voir une pièce de théâtre se jouer sous notre nez, pour une exécution enlevée et parfaitement maîtrisée, qui pousse l'auditeur à zigzaguer entre soupçons et mensonges, traquant le moindre indice, en vain. Une lecture brillante et captivante !

Gallimard, coll. Écoutez Lire, janvier 2015 ♦ Lu par Elsa Lepoivre, Danièle Lebrun, Jennifer Decker, Thierry Hancisse, Michel Favory et Thierry Frémont (durée d'écoute : 7 h 30)


08/05/13

"Une vie de femme est toujours un compromis."

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Ce roman possède un charme fou, il a eu le très bon goût de me transporter littéralement à Lyme Regis, sur la côte du Dorset, bercée par le son des vagues et des mouettes, ce qui a été fortement appréciable en cette saison printanière. L'histoire se passe au début du XIXe siècle, autour de deux héroïnes, Mary Anning et Elizabeth Philpot. L'une est jeune, issue d'une famille désargentée, frappée depuis toujours par la passion du fossile, inculquée par son propre père, l'autre est une vieille fille excentrique, indépendante et généreuse. Toutes deux ne devaient jamais se rencontrer, mais les circonstances en ont décidé autrement.

Ainsi, elles affronteront ensemble bien des tempêtes au cours des longues années qui ont jalonné leur amitié. Avec une période de creux, durant laquelle les deux femmes vont s'éloigner suite à une fâcherie pour un homme, puis par la faute de leur orgueil trop prononcé, car toutes les deux n'ont jamais cessé de penser l'un à l'autre, sans vouloir franchir le premier pas pour s'excuser ou demander pardon. C'est donc un roman sur la vie, un roman qui parle d'amitié, en plus d'être un roman qui évoque la place des femmes dans la société scientifique (Mary devra batailler pour qu'on reconnaisse ses talents et autres connaissances en matière de fossiles !).

Aussi, ce roman est tout simplement formidable. Doux et apaisant. Avec un sens du romanesque absolument parfait, sans la moindre faute de goût. Dès lors qu'on glisse un doigt de pied dans cette histoire, on n'imagine plus vouloir en sortir sans connaître la suite ou la fin ! L'histoire est lue par Danièle Lebrun de la Comédie-Française, pour le rôle d'Elizabeth Philpot, et Julie-Marie Parmentier, pour celui de Mary Anning. C'est un duo qui allie la force et la douceur, en plus de la sensibilité et de la petite note qui bouleverse sans en avoir l'air. C'est une promenade littéraire ravigotante, une bouffée d'air pur et une petite parenthèse enchanteresse. A déguster, les paupières closes, le casque sur les oreilles.

Prodigieuses créatures, par Tracy Chevalier
Gallimard, coll. Ecoutez Lire (2012) - Traduction d'Anouk Neuhoff