“En Grande-Bretagne une tasse de thé est la solution à tous les problèmes.” ツ
Monsieur Kipu est en apparence une histoire déjantée, autour d'un clochard qui porte bien son nom, puisqu'il ne sent pas la rose, mais l'étang, il vit sur un banc dans un parc, avec son chien aussi cradingue que lui. Un jour, une fillette à l'imagination débordante l'aborde, lui offre des saucisses puis l'installe dans la cabane à outils situé au fond du jardin de ses parents (ces derniers n'étant au courant de rien).
Chloé se sent incomprise parmi les siens : sa mère n'a d'yeux que pour sa jeune sœur, Annabelle, une abominable petite peste. Son père s'efface ou se planque dans le cagibi sous l'escalier pour ne pas avouer à sa femme son terrible secret. Celle-ci vient d'ailleurs de lancer sa carrière politique à l'aide d'un programme réduisant la liberté de chacun à néant. Une vraie terreur.
De toute façon, c'est une famille complètement désunie, au sein de laquelle Chloé trouve qu'elle n'a plus sa place. Monsieur Kipu est son seul ami, celui qui l'écoute et la comprend. C'est un peu son ange gardien, car il va remettre de l'ordre chez les Croûton et leur apporter un sentiment de paix et de bonheur retrouvé. Cette histoire est ainsi un savant mélange de situations loufoques autour de thèmes sensibles comme l'exclusion, le manque de confiance en soi et la solitude. Le talent de D. Walliams est, bien entendu, de ne jamais plomber l'ambiance et de prouver qu'on peut traiter de choses sérieuses en y mettant de l'humour. Effet top moumoute assuré, comme dirait l'autre.
Monsieur Kipu, par David Walliams (Albin Michel jeunesse, coll. Witty, août 2012)
Traduit par Valérie Le Plouhinec - illustrations de Quentin Blake
Joe Millionnaire
Le père de Joe a fait fortune en créant un papier toilette révolutionnaire, mais ce n'est pas du goût de ses camarades de Saint-Cuthbert (une école privée, huppée, snobissime). Résultat, Joe n'a pas de copain, il se sent seul, plus seul que jamais. Il a beau être riche et pouvoir s'offrir tout ce qu'il désire, l'argent n'achète pas l'amitié. Il pense qu'en s'inscrivant au collège public, sous couvert d'anonymat, il aura plus de chance pour être apprécié pour ce qu'il est. Et c'est comme ça qu'il va rencontrer Bob.
Bob est un sacré numéro, c'est un bonhomme qui n'a pas de chance, il est grassouillet, pas méchant pour deux sous, ses camarades d'école se moquent de lui, c'est une bille au cross mais il tient à prouver qu'il n'est pas si nul que ça en redoublant d'efforts (tout, mais pas dernier à la course !). Et pourtant il n'hésite pas à échanger sa place avec Joe, au risque d'essuyer les moqueries des autres. Ceci étant, nos deux complices viennent de signer un pacte d'amitié, un vrai. C'est le début du bonheur.
C'est le deuxième titre que je lis de David Walliams, après Le jour où je me suis déguisé en fille, et quel régal! Attendez-vous à une lecture très drôle, qui s'appuie sur des aventures foldingues et des personnages attachants. Dans l'absolu, c'est très proche de l'humour de Roald Dahl.
C'est aussi une histoire touchante, susceptible de sensibiliser le lecteur sur les vraies nécessités dans la vie (on parle beaucoup d'argent et de possessions matérielles, sans oublier la solitude, la tromperie, les relations bidons, la convoitise et le manque de confiance). Certes l'ensemble se veut farfelu et excessif, mais il ne faut pas négliger la réflexion qu'elle suscite chez le lecteur.
Ou alors celui-ci se contentera d'admirer la typographie pas banale de l'ouvrage (avec des listes de tout et n'importe quoi, des recettes et des menus, des exclamations de rire, des freins qui crissent, des coups dans la porte, des gros mots, des questions qui font des vagues...), en plus de suivre cette belle histoire d'amitié, et même les illustrations de Tony Ross s'approprient sans effort les rouages de l'intrigue, en se fondant à merveille dans le décor.
Un bon moment à partager.
Joe Millionnaire, par David Walliams
Albin Michel jeunesse, coll. Witty, 2012 (nouvelle collection pour les 8-12 ans)
traduit de l'anglais par Valérie Le Plouhinec
- entretien avec Béatrice Vincent, directrice de collection, chez Gaëlle ICI
Pêle-Mêle Clarabel #17
De nouvelles petites gouttes de lecture...
Un joli roman d'été, Amis de coeur de Kate Banks. Lou et Ollie sont les meilleurs amis du monde, ils ont grandi ensemble jusqu'à l'âge de 8 ans. La famille d'Ollie déménage, Lou a le sentiment de perdre une partie d'elle. En dépit de la séparation, ils ne cesseront jamais de se voir et passent toutes leurs vacances côte à côte. Vient l'été de leurs treize ans, l'été qui n'aurait pas dû exister. Leurs familles avaient prévu de visiter le nord de l'Europe, mais suite à un contretemps professionnel, tout ce petit monde a annulé leurs projets pour se retrouver dans la maison des grands-parents. Nous sommes en Italie, il fait beau, on mange des glaces, on se dore la pilule au soleil, on fait de la voile et de la poterie, c'est reposant, envoûtant, le charme opère... Cet été-là, il y a aussi Martin, le petit-fils des voisins. Sa présence met un peu de piment dans les sentiments des uns et des autres, donne à réfléchir sur le temps qui passe et le corps qui change, sur l'enfance qu'on quitte tout doucement et sur ce monde inconnu qui attend en tapant du pied. Il faut s'arracher du nid douillet, et hélas la vie va drôlement chambouler cette tendre quiétude. Car la fin est vraiment très triiiste. Je ne m'y étais pas du tout attendue, ou j'avais imaginé autre chose. Quelle déchirure. J'ai tourné la dernière page avec un gros poids sur le coeur. Mais je ne regrette pas le voyage non plus.
Cette lecture m'avait été suggérée par Bauchette, merci.
Gallimard, coll. Scripto (2006). Traduit de l'anglais par Anne Krief.
Honte sur moi ! J'avais prévu de lire le roman de David Walliams depuis au moins un an. Pfff, qu'est-ce que ça passe. Et puis c'était une lecture que je voulais partager avec ma fille. C'est intéressant de lire à deux, cela donne une autre dimension à l'histoire et ça rappelle aussi que les attentes ne sont jamais les mêmes... Bref, voici donc l'histoire d'un jeune anglais de douze ans qui, comme l'indique le titre du roman (Le jour où je me suis déguisé en fille), va vivre une expérience complètement loufoque. Depuis le départ de sa mère, Dennis vit avec son frère et son père dans une maison où le câlin est proscrit et où le foot, rien que le foot, et encore le foot est la seule religion pratiquée. Dennis est un champion, ça tombe bien. Par contre, sa mère lui manque cruellement. Pour pallier cette absence, Dennis aime feuilleter le magazine Vogue. Il aime les belles robes, cela lui rappelle sa mère sur la seule photographie qu'il possède d'elle. Bien entendu, son père lui interdit formellement de continuer à acheter de la presse féminine. Son frère se moque de lui. Qu'importe, il vient de rencontrer Lisa, la plus jolie fille de l'école. Elle aussi est passionnée de mode. Ensemble, à force de passer du temps et de papoter sur ce qui leur tient à coeur, ils vont donc se lancer dans un projet fou. Cocasse. Délirant. Epatant. Cette affirmation de soi et de vouloir être soi envers et contre tout est une belle leçon de tolérance et du droit à la différence. Et puis, c'est drôle ! C'est un roman qui se lit facilement, le ton est délicieusement facétieux (on croirait du Roald Dahl), le texte très aéré et le tout merveilleusement illustré par Quentin Blake. THE Quentin Blake. La classe, quoi. En bref, un petit roman à l'humour anglais, très sympathique.
Lu et conseillé par Gaëlle, merci tout court.
Gallimard jeunesse (2009). Traduit de l'anglais par Catherine Gibert.
Plus j'écoute le dernier album de Nouvelle Vague et plus la séduction opère... Au départ ce n'était pas gagné. C'est bon de se tromper !