08/09/16

Un vent de cendres, de Sandrine Collette

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Malo et sa sœur Camille participent à la saison des vendanges au domaine de Vaux en Champagne. La vieille bastide imposante fascine la jeune fille, qui tape dans l'œil de son propriétaire Andreas et son acolyte Octave. Ce dernier, suite à un accident de voiture, est balafré et boiteux. Il est cependant aussi agile qu'une panthère, capable de surgir derrière vous sans crier gare, ce qui a le don de surprendre les jeunes stagiaires, tout en leur inspirant un profond malaise. Camille n'y prête pas attention et n'est pas effrayée par cette attitude farouche et ambiguë, seulement son frère est agacé par les regards insistants du maître des lieux. Après une soirée bien arrosée, Malo perd patience et commence à se battre avec Octave. Le lendemain, le garçon a disparu. Parti bouder dans son coin ou en train de cuver son vin en séduisant une beauté locale, pensent leurs camarades. Camille est néanmoins inquiète et cherche à remuer ciel et terre pour lancer une battue. Elle se dit aussi que le mystérieux Andreas, enfermé dans sa tour d'ivoire, est probablement au courant de l'avancée de l'enquête. Elle cherche alors à se faufiler dans sa chambre par tous les moyens, mais se heurte à Octave qui lui interdit de franchir le seuil. Cette lecture vaut clairement le détour pour l'ambiance louche qu'elle dégage. Il y a d'un côté le charme de l'été indien, l'insouciance, l'entraide, le travail dans les vignes, les journées harassantes et les gueuletons autour d'une grande tablée turbulente. Et puis il y a les zones d'ombre, les silences et les non-dits, les portes closes, les silhouettes fuyantes, les fantômes du passé, les drames qui couvent et les révélations trop brutales pour être admises. À défaut d'être surprise par le dénouement, dont j'avais deviné les principaux ressorts, j'ai été fortement impressionnée par l'histoire en général, par son décor, par son ambiance, par ses personnages aussi. L'écriture est parfaitement maîtrisée, avec une scène d'ouverture saisissante d'effroi. En somme, ce livre possède une aura puissante et unique, qui rend l'expérience de lecture particulièrement inoubliable.

Denoël, coll. Sueurs Froides (2014) ♦ Repris en Livre de Poche, Janvier 2015

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Des noeuds d'acier, de Sandrine Collette

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Théo vient de passer dix-neuf mois en prison (pour avoir tabassé son frère qui entretenait une liaison avec sa femme). Il porte toujours la haine en lui et ressort de son expérience carcérale avec une rancune tenace. Il récupère néanmoins sa grosse cylindrée et se rend au chevet de son frangin désormais tétraplégique pour lui cracher son venin, mais la situation s'emballe et le voilà contraint de foncer droit devant au volant de son bolide. Il arrête sa course en pleine campagne et trouve le gîte et le couvert chez une petite dame du nom de Mme Mignon. Celle-ci l'accueille en toute simplicité et va le conseiller au fil des jours dans son désir de randonnées. Plus le temps passe, plus Théo se sent mieux dans sa peau. Et reconnaissant auprès de son hôtesse qui multiplie les prévenances à son égard. Un matin, suivant les indications de sa logeuse, Théo s'aventure sur des chemins insoupçonnés et traverse un potager appartenant à des propriétaires peu amènes. Deux vieux grincheux qui le menacent de leur fusil et le conduisent dans leur bicoque délabrée. Théo est paralysé par la peur et le scepticisme. En moins de temps qu'il n'en faut pour cuire des asperges, il est expédié dans une cave privée de lumière et réalise trop tard qu'il vient de tomber dans un traquenard. Captif de deux tortionnaires qui le traitent comme leur chien. L'enfer vient de s'ouvrir sous ses pieds. Le cauchemar peut commencer. Et franchement, quelle lecture impitoyable et éprouvante ! En seulement 250 pages, le roman réussit l'exploit à nous scotcher sur place, malgré l'effroi et la terreur que nous inspire cette lecture au rythme insoutenable. On subit le calvaire de Théo entre rage et impuissance. C'est très, très dur. Et interminable. La souffrance morale est aussi poignante que les supplices infligés. Les motivations sont tout aussi inexistantes tant les deux vieillards perfides prennent leur pied à humilier leur prisonnier et à le traiter pire qu'une bête. La spirale de l'horreur paraît sans fin et file la nausée au lecteur abasourdi, immanquablement mis k-o par tant de violence gratuite et de perversité. Un roman un poil trop noir et déprimant. 

Denoël, coll. Sueurs Froides (2013) ♦ Repris en Livre de Poche, Janvier 2014

 

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25/09/15

Rue du Bonheur, d'Anna Fredriksson

Rue du Bonheur

Johanna est divorcée depuis neuf ans et élève seule ses deux filles dans leur appartement familial, Rue du Bonheur. Après bien des déboires, elle remporte le pactole au Loto et décide de tout plaquer pour s'installer à Stockholm. Elle achète un superbe loft dans le même immeuble que son ex, Calle, souhaitant ainsi que Sara et Agnes passent plus de temps avec leur père. Celui-ci a radicalement changé de vie, désormais dentiste, avec des revenus conséquents, il vit avec une jeune femme brillante, Fanny, qui ignore tout de son passé.

La routine des uns et des autres va alors être gravement bousculée, pour le bien des enfants, et pour l'inconfort des adultes. Chacun va tenter de trouver sa place au sein de cette nouvelle famille recomposée et ajuster leur cadre de vie, leurs ambitions et leurs attentes. L'histoire laisse finalement peu de place aux rêves et aux paillettes car l'ambiance est assez pesante, engluée dans un vaste champ d'amertume et de regret. Je n'ai, de plus, pas su m'attacher aux personnages, ni à leurs parcours.

Avec un titre aussi féerique, j'imaginais une lecture plus avenante... Mais l'histoire est loin d'être idyllique ! N'ayant pas reçu ma dose nécessaire de crème trop sucrée, j'en sors fort désappointée. J'ai comme été trompée sur la marchandise, je suis un peu déçue.

Denoël, Collection Histoire romanesque / Mai 2014 ♦ Traduit du suédois par Carine Bruy [Lyckostigen]

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07/09/15

La Bibliothèque des cœurs cabossés, de Katarina Bivald

LA BIBLIOTHÈQUE DES COEURS CABOSSÉS

Tout commence par les lettres que s’envoient Sara Lindqvist, jeune libraire suédoise qui ne vit que pour les livres, et Amy Harris, soixante-cinq ans, vieille dame cultivée et solitaire, de Broken Wheel, dans l’Iowa. Après deux ans d’échanges et de conseils sur la littérature et sur la vie, Sara décide de rendre visite à Amy. Mais, à peine arrivée, elle apprend avec stupeur qu’Amy est morte.

Se retrouvant seule et perdue dans cette étrange petite ville, Sara reçoit néanmoins un accueil bienveillant de la part des habitants. Ils l'installent dans la maison d'Amy, lui offrent du café, ses repas et un chauffeur pour la conduire partout où elle le désire. Du désarroi, Sara plonge dans l'euphorie. Pour la première fois de sa vie, elle considère Broken Wheel comme un véritable foyer et se sent entourée d'amis qui sont prêts à la suivre dans ses projets loufoques (ouvrir une librairie).

J'ai tout de suite su qu'entre ce livre et moi allait naître une grande histoire d'amour ! C'était une évidence, au vu des ingrédients réunis pour me raconter cette jolie histoire, sans prétention, si ce n'est de me dorloter pendant 13 heures d'affilée (durée d'écoute du livre audio). Quel régal. J'ai été happée par l'ambiance de cette petite ville, misérable de prime abord, et sa communauté excentrique mais attachante. Comme nous, Sara va peu à peu découvrir le potentiel de Broken Wheel et ne plus avoir envie de la quitter.

Voilà qui nous offre des pages et des pages d'une intrigue gentillette et peu sensationnelle, sauf qu'elle fait du bien et vous conforte dans l'idée que l'amour des livres peut sauver une vie ! ;-) On découvre aussi une histoire de solidarité, d'amour et d'amitié, une histoire empreinte d'émotion, de sentiments et de partage. Bref, c'est un bon gros bouquin qui vous donne la sensation que le monde est un peu plus fou, étrange et beau lorsqu'on relève les yeux. J'ai adoré.

Audiolib / Août 2015 ♦ Texte lu par Kelly Marot (durée : 13 h) ♦ Traduit du suédois par Carine Bruy (Läsarna i Broken Wheel rekommenderar)

C'est Kelly Marot, la voix française de Jennifer Lawrence, ayant déjà enregistré la trilogie Hunger Games pour Audiolib, qui nous convie à Broken Wheel en compagnie de Sara, Tom, Grace, George, Andy, Caroline et Jen... L'écoute est chaleureuse et très agréable. Une combinaison parfaite pour se laisser couler avec plaisir dans les mots de l'auteur et savourer cette histoire simple et adorable ! 

heart red

13/03/15

Suite Française, d'Irène Némirovsky

Suite française

« Suite française » réunit les 2 premiers romans d’une série  de 5 livres qu’Irène Némirovsky souhaitait écrire sur la guerre : Tempête en juin et Dolce. Arrêtée en juillet 1942, elle trouvera la mort en déportation, à Auschwitz, et laissera une œuvre inachevée, en plus d'un lourd héritage romanesque, exhumé dans les années 2000 (pour info, elle obtiendra le Prix Renaudot à titre posthume pour Suite Française).

L'histoire s'ouvre sur l'exode de milliers de français, en juin 40, avec Paris menacé par les bombes et l'invasion allemande. On suit une famille bourgeoise, les Péricand, un écrivain bouffi d'orgueil, Gabriel Corte, et Florence, sa maîtresse, deux employés de banque, les Michaud, et leur directeur, M. Corbin, et aussi un vieux radin amoureux de ses porcelaines, Charles Langelet ... Tous vont se jeter sur les routes, empaquetant leurs richesses, oubliant les aïeuls, volant des paniers en osier ou de l'essence pour poursuivre leur fuite en avant. Elle est belle, la France ! 

Puis, l'histoire bascule dans un autre climat (Dolce) : nous sommes dans la petite ville de Bussy, occupée par les allemands. La vieille Mme Angellier et sa bru, Lucile, voient un officier prendre ses quartiers dans leur maison. Cet homme, calme et silencieux, ne cache pas sa fascination pour la jeune femme, elle-même troublée par les manières polies et érudites de cet inconnu, mais consciente de son uniforme vert, elle s'interdit toute proximité. C'est d'ailleurs de cette partie du livre que le film réalisé par Saul Dibb s'est librement inspiré  (cf. la bande-annonce).

Romancière exceptionnelle, réputée pour son élégance de style (auréolée d'un charme suranné très appréciable), Irène Némirovsky faisait également preuve d'une ironie et une causticité remarquables, si bien que ses histoires paraissaient moins frivoles et plus féroces.  Il y a sans doute une grande part de frustration à l'idée de commencer cette saga dont on ne saura jamais la fin, mais le destin tragique de l'auteur contribue insidieusement à considérer cette lecture à part et à en apprécier la valeur au-delà du jugement littéraire.

Suite Française est une fresque romanesque passionnante, un drame romantique qui fait chavirer le cœur, un témoignage historique et une critique exacerbée de notre société sous le joug allemand. J'ai eu parfois du mal à me familiariser avec la voix de Dominique Reymond, très solennelle, au point de rendre une lecture hyper guindée et rigoureuse d'un récit vibrant de force, mais condamné à un sort funeste. J'ai cependant eu beaucoup de regret de quitter trop tôt cet univers captivant ! 

Audiolib, février 2015 ♦ texte intégral lu par Dominique Reymond (durée : 13h 50)

              Date de sortie du film :  1er avril 2015

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14/01/09

La Reine des lectrices - Alan Bennett

De l'humour, de l'humour ! Ouf, ça fait un bien fou.
Imaginez la reine d'Angleterre en grande lectrice compulsive, du genre à nous ressembler (pour faire simple), et donc victime aussi de cette passion dévorante, car lire lui prend un temps fou, l'enferme dans un univers insoupçonné, lire toujours et encore plus, noter, gribouiller, et trouver à la vie courante un goût de plus en plus amer, voire agaçant...
Vous obtenez un roman d'une absolue et irrésistible causticité, taillé dans le roc de la flegme britannique, comprenez ainsi que c'est fin, très fin et d'une grande subtilité. Mais qu'est-ce qu'on s'amuse !

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L'aventure littéraire de la reine a commencé dans un bibliobus, c'était sans se douter le vertige que la lecture allait lui apporter. La reine va être prise d'une frénésie, aidée par son tabellion personnel, Norman, un ancien employé aux cuisines promu du jour au lendemain bras droit de la monarque. Tout ceci est bien beau, mais trop nouveau dans cette aristocratie guindée et enfermée dans son sacro-saint protocole. En clair, la passion dévorante de la reine n'est pas du tout appréciée, car son altesse néglige de plus en plus ses devoirs royaux. Alors, en douce et bien grossièrement, on tente de faire perdre le goût des livres à la reine. Tous les moyens sont bons (dynamiter le coussin sous lequel un livre avait été glissé, lors d'une procession en carrosse, ou détourner une caisse de livres en partance pour le Canada, cacher les réserves, éloigner Norman et le bibliobus, etc.). Rien n'y fait, la reine est accro !

N'attendez plus, découvrez ce livre car la suite des aventures de la royale passion littéraire sème une joyeuse pagaille à Buckingham et se conclue dans un sourire, en forme de croissant de lune. La reine y est décrite de façon sympathique, assez naïve mais perspicace. La lecture lui ouvre un champ de possibilités, elle qui pensait avoir tout vu, en voyageant à travers le monde, découvre un autre globe grâce à la lecture. Cette reine nous ressemble, quoi. Du moins, Alan Bennett nous la rend étonnante, plus humaine et proche de nous. C'est dire le pouvoir des livres !!!

Denoël, coll. & d'ailleurs, 2009 - 174 pages - 12€
traduit de l'anglais par Pierre Ménard

Les avis de Ys , Cathulu

 

Parmi les nombreux passages écrits sur mesure pour tout lecteur passionné, il y a celui-ci :

« Au début, il est vrai, elle lisait avec émotion mais non sans un certain malaise. La perspective infinie des livres la déconcertait et elle ne savait pas comment la surmonter. Il n'y avait aucun système dans sa manière de lire, un ouvrage en amenait un autre et elle en lisait souvent deux ou trois en même temps. Elle avait franchi l'étape suivante en se mettant à prendre des notes : depuis, elle lisait toujours un crayon à la main, moins pour résumer l'ouvrage que pour recopier certains passages qui l'avaient particulièrement frappée. »

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27/09/08

De Niro's Game - Rawi Hage

 

Deux amis d'enfance, à Beyrouth sous les bombes, dans les années 80, avec pour toile de fond : la guerre. Bassam et Georges cherchent tout deux à fuir leur quotidien - le premier veut partir à Rome, il a besoin d'argent et avec la complicité de son camarade, pique la recette du casino où il travaille. Georges, lui, est sensible aux discours de la milice chrétienne.
Je suis loin de partager l'engouement général. Après avoir consulté une grande partie des blogs ayant reçu De Niro's Game par Violaine, du site chez-les-filles, j'ai pu relever un flot d'enthousiasme à son sujet. Pour ma part, je n'ai vraiment rien ressenti ! Je n'ai pas détesté non plus, je reconnais une grande richesse dans l'écriture et le style, une langue poétique mêlée à un climat d'urgence. On vit l'impatience du narrateur, son besoin de tout croquer et de ne pas traîner, sa rage de fuir mais on succombe aussi à cette ambiance - si glauque, si morbide. C'est la guerre, derrière les passages fleuris et désinvoltes, la démence éclate - dix mille bombes, dix mille baisers, dix mille claques, dix mille tombes.
Que ce fut pénible pour moi de tenter d'aimer ce livre ! J'ai essayé, mais l'étincelle est restée morte. Je n'ai pas su entrer dans l'histoire, même les protagonistes n'ont pas réussi à me séduire. J'ai bien aimé les portraits des femmes, des héroïnes sous forme d'étoiles filantes (forcées de s'éteindre, donc). Mais le charme reste fugace, seul persiste un profond sentiment de malaise, très inconfortable, et qui colle aux doigts.
Grosse déception, donc, envers ce roman qui ne récolte que des louanges !
Une autre fois, peut-être...

De Niro's Game

Denoël & D'ailleurs, septembre 2008 - 267 pages -20€
traduit de l'anglais (Canada) par Sophie Voillot

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De Niro's Game

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