Un petit pois pour six (Histoires des Jean-Quelque-Chose) de Jean-Philippe Arrou-Vignod
C'est toujours à la saison estivale que je retrouve ma famille des Jean-Quelque-Chose - une marmaille de six garçons turbulents et leurs parents d'une patience d'ange - dans une série de petites chroniques de la vie quotidienne.
Et ainsi, on se rend à la bibliothèque chaque jeudi après-midi, on couvre les rendez-vous secrets de Jean-A, on part à la pêche aux lançons, on écoute les conseils aguerris de papa, on s'inspire des palpitantes enquêtes du Club des Cinq, on écrit et on réécrit de belles histoires, on organise une super fête des mères, on découvre chez Papy Jean une cabane dans les arbres et on s'imagine passer toute une nuit là-haut, même pas peur, même si la nuit des Robinsons vaut bien quelques frissons...
En somme, c'est savoureux et tendre à lire. On replonge au pays de l'enfance et de l'imagination foisonnante. On se fond une place confortable parmi une joyeuse tribu attachante. On vit au rythme de leurs bagarres et de leurs jeux. C'est merveilleux.
La lecture est adorable. On sourit tout du long et on se sent comme dans un cocon douillet. Un territoire familier.
Mais bien sûr je ne vous apprends rien : il suffit de replonger dans la nouvelle compilation de cette famille aux petits oignons pour goûter le parfum du bonheur !
Gallimard jeunesse (2018) - illustrations de Dominique Corbasson
Le 21 février 2018, Dominique Corbasson s'éclipsait avec sa poésie, sa douceur, sa fraîcheur et son charme discret...
Jean-Philippe Arrou-Vignod lui a rendu hommage.
J'ai eu le bonheur de faire une dizaine de livres avec Dominique Corbasson. Durant près de vingt ans, elle a donné un visage à mes Jean-Quelque-chose. Son trait lui ressemblait : élégant, lunaire et drôle.
Elle envoyait ses délicieuses saynètes sur des bouts de papier, l'air de rien, et chaque fois, c'était juste, piquant, poétique. Elle seule savait rendre émouvante une rangée de bottes d'enfants ou un bracelet scoubidou.
Parfois, dans l'euphorie, il lui arrivait d¹ajouter quelques Jean à ma petite tribu. On en riait ensemble. « Six frangins, Dominique, tu ne crois pas que c¹est bien suffisant ? » Tant pis, je changeais la scène pour elle ou en écrivais une autre. Elle se savait étourdie, oubliait ses lunettes partout, mais son coup de crayon, lui, était net, précis, étrangement doux et tranchant et à la fois.
Il y a quelques semaines encore, elle livrait trois couvertures, si fraîches, si pétillantes de vie. Aujourd'hui, les Jean sont un peu orphelins. On ne leur dessinera plus de cabanes dans les arbres, de soirée au cirque ou de 404 familiale surchargée de bagages jusqu'au toit.
Dominique va salement nous manquer.
...
La soupe de poissons rouges, de Jean-Philippe Arrou-Vignod
La famille des Jean-Quelque-Chose est enfin installée à Toulon, dans une grande et belle maison, dont les nombreux couloirs et autres recoins impressionnent nos bambins, avides de parties de cache-cache. Mais la colline environnante est trop tentante pour ne pas y installer une cabane et devenir leur nouveau terrain de jeux d'espionnage. Or, le territoire est disputé par la bande des Castors, que les garçons Jean vont canarder de patates grâce à une carabine... chipant sans le savoir le repas du soir, au grand mécontentement de leur maman. Ce sera gratin de chou-fleur en compensation ! Et une bonne soupe à la grimace. Nos jeunes héros ne manquent, en effet, jamais de ressources, ils composent avec l'ordinaire du quotidien pour le transformer en une folle épopée virevoltante. Ils peuvent toujours quémander auprès de leurs parents pour avoir une télé et suivre comme tout le monde La Piste aux étoiles et les épisodes de Zorro. En attendant, les garçons redoublent d'imagination et se traitent joyeusement de bananes pour se taquiner.
Dans cet épisode, on assiste également à la rentrée de Jean-B en sixième, on rencontre la voisine alsacienne qui les gave de spécialités régionales peu ragoûtantes, on se rend complice de la première boum de Jean-A, on part en mer avec Wellington et Zakouski les poissons rouges, on s'attendrit des premiers émois amoureux, on sourit aux rêves des Jean quant à leur avenir (espion comme James Bond ou écrivain comme Enid Blyton), on assiste à la pendaison de crémaillère lors d'un barbecue explosif, on prend la pose pour des photos de groupe mémorables...
Bref. Cette chronique familiale est une fois encore une lecture touchante et attachante. La lecture faite par Laurent Stocker est également malicieuse et vive, elle nous fait vivre l'histoire avec un sentiment de légèreté, de jovialité et de candeur. C'est adorable, cocasse et surtout très drôle. Un superbe rendez-vous à savourer pour toutes les générations. C'est un petit bout de nostalgie, un album de famille à partager. Et on s'y sent parfaitement bien.
Une série incontournable, qui ravive les souvenirs d'enfance et qui raconte avec bonheur et émotion des petits fragments de vie autour d'une famille nombreuse. Super drôle et agréable à écouter. ♥
Illus. de couverture : Dominique Corbasson
Gallimard Jeunesse - Coll. Écoutez lire (durée 2h 15) / Juin 2017
Promo de l'été sur Audible avec l'intégralité du catalogue 0-10 ans à moins de 6 € (jusqu'au 31 août).
En voiture, à la plage ou en montagne, passez un bel été en famille... et en audio !
©2007 Éditions Gallimard Jeunesse (P)2017 Éditions Gallimard Jeunesse
Lu par :
Quand l'amour s'invite à Noël, de Tara Taylor Quinn
C'est de saison, une lecture qui célèbre l'amour et les bons sentiments... mais gare à la surdose !
Marybeth a réalisé son rêve en ouvrant des chambres d'hôtes dans un cadre enchanteur. Une réussite professionnelle qui compense un parcours sentimental pour le moins chaotique. Elle vient en effet de perdre son père et se morfond dans sa solitude, n'ayant jamais réussi à accorder sa confiance ou à construire une histoire avec quiconque.
Célibataire de vingt-six ans, elle entretient une relation épistolaire avec James, son correspondant qu'elle a connu à l'âge de douze ans. Or, celui-ci a toujours refusé de la rencontrer en vrai. En cette période des fêtes, qu'elle va passer pour la première fois sans son père, Marybeth se sent donc particulièrement vulnérable et déçue.
Aussi, lorsque Craig débarque à l'Orangeraie, la jeune femme est séduite par cet inconnu, bel homme, charmant, attentif et attentionné. Lui aussi est ému par leur rencontre, mais lui avoue traverser une crise conjugale dans son couple. Cette nouvelle fait freiner des quatre fers Marybeth, et le séjour de Craig se déroule sans heurt.
Pourtant, leur histoire ne fait que commencer. Par la suite, Craig va revenir deux fois par an pour séjourner chez elle. Leur relation gagne ainsi en complicité... et en séduction. Or, Marybeth est partagée entre son attirance pour cet homme bien réel et son attachement pour James qui est proche du mythe inaccessible.
Je n'ai hélas pas trouvé cette histoire moderne, ni touchante... C'est tout bonnement de la cucuterie inepte et improbable (une éternelle célibataire de 26 ans, un amour instantané, une rencontre impossible, un individu lâche et fuyant...). J'ai énormément soupiré au cours de ma lecture, heureusement pas bien longue, seulement 265 pages d'une bluette mielleuse et dépassée, qui propose un voyage dans le temps, question romance, au secours, j'ai halluciné de lire des trucs pareils (le bouquin date de 2008).
L'emballage est joli, avec une couverture empruntée aux illustrations de Dominique Corbasson, sur lequelles des paillettes ont été ajoutées pour un plus bel effet, mais clairement la lecture n'est pas à la hauteur des attentes. Trop prévisible et gnangnan. :(
Harlequin - The Holiday Visitor - 2016 (Roman réédité)
Une belle brochette de bananes, de Jean-Philippe Arrou-Vignod
« On est six garçons. Six frères avec les mêmes oreilles décollées et le même épi au sommet du crâne.
Vivre dans une famille nombreuse, c'est un peu comme être un simple exemplaire dans une collection de figurines publicitaires. Impossible de passer inaperçus quand on sort le dimanche. Surtout habillés tous pareils, avec nos blazers anglais, nos culottes de flanelle et les petites cravates que nous offre grand-maman à chaque Noël... Les gens qu'on croise nous comptent et nous recomptent mentalement en faisant les yeux ronds, comme s'ils étaient victimes d'une illusion d'optique.
- Ils sont à vous, tous ces garçons ?
- Oui, pourquoi ? demande maman.
- Une bien belle famille, s'enthousiasment les gens du ton dont ils parleraient d'un tremblement de terre ou d'une catastrophe ferroviaire. Mais six garçons, tout de même, ça ne doit pas être facile tous les jours...
- Oh ! répond maman avec un petit sourire, il suffit d'un peu d'organisation, voilà tout.
C'est vrai que maman est très organisée : on a tous deux ans d'écart, ce qui est commode pour se refiler nos vieux vêtements, et on est tous prénommés Jean-Quelque-Chose. Comme ça, papa et maman ne peuvent pas se tromper quand ils nous appellent pour mettre la table ou ranger les pièces de Meccano répandues sur le tapis du salon.
À chaque rentrée des classes, papa nous photographie deux par deux, la main sur la porte, quand on part à l'école. On a nos gros cartables sur le dos et l'air réjoui d'une cordée d'alpinistes qui s'apprêtent à escalader l'Himalaya sans oxygène en pleine tempête de neige. »
On retrouve avec grand bonheur de nouvelles anecdotes savoureuses sur la famille des Jean-Quelque-Chose : vacances chez les grands-parents, colos à la neige, Jean-Claude Killy et les JO de Grenoble, photographies, premières amours, bagarres entre frangins, principes éducatifs, lectures et animaux... On s'amuse drôlement chez les Jean ! Et on ne s'en lasse pas.
Je ne vais pas disserter des heures sur le bienfait de cette lecture (et de la série en général), mais il est toujours bon de rappeler les valeurs essentielles qui en font tout le charme : humour, tendresse et batailles de chaussettes sales. Un vrai feu d'artifice !
Gallimard Jeunesse / Mars 2016
Illustrations de Dominique Corbasson
Écoutez lire : Le Camembert volant, de Jean-Philippe Arrou-Vignod
Se languir des vacances & patienter en retrouvant la fabuleuse famille des Jean Quelque-Chose... ♥
Je ne me lasserai jamais des aventures de cette famille comptant six garçons, tous baptisés Jean, classés par ordre alphabétique, et dont l'entente ressemble à celle des grandes fratries : chamaillerie incessante, mais complicité à toutes épreuves.
Cette fois, la famille doit déménager de Cherbourg pour Toulon. En attendant, les enfants sont envoyés à la campagne, chez Papy Jean, où les attendent de belles parties de pêche ou de Monopoly. Cela transpire l'insouciance, l'inventivité et la rigolade, avec au programme : les jeux de plein air, les batailles de polochon, les douches froides dans le cabanon, les lampes de poche sous la couverture pour lire le soir, le front commun contre les cousins vantards... Et rire de plaisir, parce que Jean-A « s'écrase comme un yaourt nature sur la descente de lit » ou parce que Jean-C est pelotonné dans l'armoire embarquée par les déménageurs et ne s'arrête plus de compter.
Quelle péripétie ! Toutes ces anecdotes sont galvanisantes, sources de bonne humeur et rallument instinctivement de bons vieux souvenirs. C'est autant pour l'humour, la tendresse et la nostalgie qu'elle inspire que j'apprécie cette série. Et l'énergie prodiguée par Laurent Stocker, notre lecteur, sert avec bonheur et émotion cette chronique familiale, également le keepsake de l'auteur, où forcément on retrouve un peu de notre propre vécu ! ;-)
Gallimard jeunesse, coll. Écoutez Lire / mai 2015 ♦ Illustrations de Dominique Corbasson ♦ Texte lu par Laurent Stocker de la Comédie Française (env. 2h 30)
La Cerise sur le gâteau, par Jean-Philippe Arrou-Vignod
en poche !
La crise d'ado s'invite chez la famille des Jean-Quelque-Chose : Jean-A est chamboulé d'être le seul garçon dans sa classe de latin, même son séjour linguistique lui a mis la tête à l'envers, désormais il porte des pantalons à pattes d'eph', joue de la guitare et a pour but de devenir l'idole des jeunes. Quel beau métier, se dit Jean-B, notre narrateur. Celui-ci n'a pas changé d'un iota : agent secret il sera, comme James Bond, dont les aventures cinématographiques lui font raconter des histoires à ses parents. “Le mensonge est le prix à payer pour devenir agent secret. Il faut faire croire aux autres qu'on a une vie absolument normale. Personne ne doit savoir qui vous êtes réellement, pas même vos frères ni vos parents, sinon on risque de les torturer avec un luxe de raffinement incroyable pour leur faire avouer vos véritables activités.” Encore un épisode savoureux de cette famille aux petits oignons, qui fleure bon la douce nostalgie des années 60-70 et qui fait la part belle à la complicité entre frères, les rêves et les délires qui fourmillent dans leurs jeunes têtes. C'est une lecture qui réchauffe le cœur et qui peut plaire à tous les âges. Bonheur assuré.
Folio junior, mai 2014 ♦ illustrations de Dominique Corbasson
Les cinq histoires - L'omelette au sucre, Le camembert volant, Une soupe de poissons rouges, Des vacances en chocolat, La cerise sur le gâteau - sont regroupées en un seul livre (doudouthérapie inside) :
“J'ai bien peur que notre Jean-A. ne soit entré dans l'adolescence...”
Ce nouvel épisode des Jean-Quelque-Chose est encore une fois un rendez-vous incontournable : les enfants deviennent des adolescents, Jean-A est chamboulé d'être le seul garçon dans sa classe de latin, même son séjour linguistique lui a mis la tête à l'envers, désormais il porte des pantalons à pattes d'eph', joue de la guitare et a pour but de devenir l'idole des jeunes. Quel beau métier, se dit Jean-B, notre narrateur.
Celui-ci n'a pas changé d'un iota : agent secret il sera, comme James Bond, dont les aventures cinématographiques lui font raconter des histoires à ses parents. “Le mensonge est le prix à payer pour devenir agent secret. Il faut faire croire aux autres qu'on a une vie absolument normale. Personne ne doit savoir qui vous êtes réellement, pas même vos frères ni vos parents, sinon on risque de les torturer avec un luxe de raffinement incroyable pour leur faire avouer vos véritables activités.”
Il y a tant d'autres petites anecdotes, savoureuses, délicieuses, tendres, facétieuses et captivantes. J'adore cette série, j'aime le ton, les personnages, l'époque qui fleure bon la douce nostalgie des années 60-70, la complicité entre frères, les rêves et les délires qui fourmillent dans leurs jeunes têtes. C'est une lecture indémodable, qui peut plaire à tous les âges. Bonheur assuré.
La cerise sur le gâteau (Histoires des Jean-Quelque-Chose), par Jean-Philippe Arrou-Vignod
Gallimard jeunesse, mars 2013 - illustrations : Dominique Corbasson
.... singing musicals to yourself as serious psychological motivation.
Cela fait déjà deux ans que j'ai lu la première partie des aventures de la famille Martin à New York. Rappelez-vous, propriétaire d'un hôtel tendance Art Deco, la famille se saigne aux quatre veines pour lui rendre son heure de gloire, alors que l'endroit est au bord du délabrement. Scarlett, quinze ans, suit l'exemple de ses aînés pour apporter sa modeste contribution en s'occupant d'une suite où la très excentrique Mrs Amberson, une ancienne comédienne, en a fait son point de chute. Cette arrivée providentielle avait été un vrai coup de pouce pour les Martin, qui ont été les témoins, et les acteurs, d'un été particulièrement mouvementé.
Sur un plan sentimental Scarlett s'était entichée d'Eric, le meilleur ami de son frère Spencer, mais l'idylle a tourné court et depuis l'adolescente est d'humeur morose. La rentrée approchant, de nouvelles péripéties vont cueillir cette charmante famille qui ne manque pas de ressources, sauf que cette fois l'intrigue va davantage se concentrer sur les premiers pas de Spencer, en tant que vedette la plus haïe de tout New York, de Lola, amoureuse désabusée qui risque de retomber dans les filets de son histoire inachevée, et Scarlett, désormais l'assistante de Mrs Amberson, poussée à devenir le chaperon de la dernière recrue de leur agence, Chelsea Biggs, comédienne en herbe, et son frère Max, affichant une ironie à toutes épreuves. Scarlett et lui ne se supportent pas, ils partagent la même paillasse en biologie, se lancent constamment des piques, mais tout ça, sous couvert de jolis sentiments naissants, on s'en doute. Toutefois, Scarlett n'a pas guéri sa déception amoureuse et Eric est de retour dans sa vie, comme s'il cherchait à renouer avec elle.
Sitôt les premières pages lues, j'étais complètement sous le charme ! C'est un tel bonheur de retrouver la famille Martin, de s'immiscer dans leur vie pas ordinaire et de suivre leurs aventures essentiellement tournées autour du théâtre et de la comédie (les affaires de l'hôtel sont passées au second plan). Mais c'est aussi et surtout une histoire qui met en avant la famille, au sein de laquelle surviennent les coups de tête, les coups de coeur, les doutes, les pardons, les interrogations, les solutions... bref, un formidable portrait d'amitié et de solidarité, toujours dans l'humour et la joie de vie, sans jamais édulcorer les petits bobos qui font pleurnicher. Je retiens de cette lecture un plaisir frais, pétillant et enthousiasmant, un joli moment de dépaysement aussi, puisque la ville de New York offre un cadre idyllique et magique, qui procure un effet grisant ! J'ai refermé mon livre sur une note d'enchantement, et de frustration aussi, puisque j'ignore quand la suite sera disponible. Et cette suite est tout bonnement indispensable, nomdediou !
Au Secours Scarlett ! par Maureen Johnson
Gallimard jeunesse, coll. Scripto, 2011 - traduction de Cécile Dutheil de la Rochère
illustration de couverture : Dominique Corbasson