10/03/08

A marée basse - Jim Lynch

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Miles O'Malley, 13 ans, sort souvent de chez lui en secret pour explorer les eaux de la baie de Puget Sound, dans l'Etat de Washington. Une nuit, à marée basse, il découvre un calmar géant échoué dans la vase, puis, quelques jours plus tard, un ragfish en piteux état. Ces deux découvertes extraordinaires s'accompagnent d'autres phénomènes étranges, pour cette petite parcelle du globe, et pour un garçon assez banal, qui souffre de sa petite taille et qui dévore les livres parlant de biologie marine. C'est un fan absolu de l'auteur Rachel Carson. Il est aussi fou amoureux de son ancienne babysitter, Angie Stegner, la fille du Juge, qu'il souhaite conquérir grâce à ses histoires. Avec son meilleur ami Phelps, Miles va s'apprêter à connaître un été hors du commun.

Intriguée par ces trouvailles que pêchent l'adolescent, la presse vient quérir des informations et lui consacre plusieurs articles en première page. Mais Miles ne tire aucun orgueil de cette soudaine popularité, il a bien d'autres préoccupations : le divorce annoncé de ses parents, les chutes libres d'Angie, la santé fragile de Florence, une vieille médium qui perd un peu la boule... Et progressivement, Miles ne supporte plus d'être traité en Messie qui percevrait les choses, entendrait la mer lui parler, annoncerait d'autres faits surprenants à venir. Il aimerait reprendre le cours d'un été tranquille, comme avant, avec son mètre 47 et sa peau rougie par le soleil, ses parties de rire avec Phelps et leurs discussions pour comprendre ce qu'est l'amour, en pratique. Puis passer du bon temps en compagnie d'Angie, qui fume toutes sortes de drogues, et qui se déclare bipolaire. Et enfin aider Florence à ne pas finir ses jours dans une maison de retraite, la laisser en sursis dans son bungalow qui sent la mer et lui donner ses pilules...

J'ai bien du mal à exprimer combien ce roman a su me toucher et m'enchanter. D'abord ce fut une rencontre éblouie par cette magnifique couverture bleue, puis la promesse faite en moi-même que j'allais beaucoup aimer cette histoire, pourquoi ? Je ne sais pas, mais peut-être avais-je le pressentiment que Miles O'Malley était un garçon formidable, attachant et à qui il allait arriver une aventure qui sortait de l'ordinaire, donc cela allait forcément me plaire. Et ça marche ! L'histoire de Miles est captivante car elle est simple. Sa façon de parler de cet été et des événements autour ne s'encombre pas de longueurs, et même sa passion sur la vie marine coule de source sitôt les premiers mots sortant de sa bouche pour décrire qu'environ 80 % de la vie sur terre se trouve dans l'océan, et que la moitié de l'océan environ est si profonde que la lumière du soleil n'y pénètre jamais, il fait tout noir au fond depuis le commencement. Miles est un passionné, c'est aussi un garçon sensible et intelligent, bref il a un charisme dévastateur ! Il vous sera impossible de ne pas souhaiter faire sa connaissance, cet enfant a un don, en plus de savoir vous transmettre une émotion plus intime, vous communiquer un message de conscience écologique quand il déclare qu'il faut être attentif à l'océan.

A marée basse est un roman initiatique, doublé d'une grande profondeur poétique, qui se lit en toute simplicité et avec beaucoup de plaisir. On passe du rire aux larmes tout au long des 360 pages, et on en sort avec un sourire béat tellement la plénitude s'accroche aux mots de Jim Lynch. Ne loupez pas ce beau roman !

Editions des 2 Terres - 360 pages - 21,50 €

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean Esch

Crédit bannière livre : éditions des 2 terres.

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11/12/07

La perte en héritage - Kiran Desai

la_perte_en_heritage_2C'est une fin de journée paisible à Cho Oyu, la demeure du juge à la retraite, une journée qui s'écoule mollement, dans cette région de Kalimpong envahie par les brouillards et le début d'insurrection des népalais contre les indiens. Sai a 17 ans, elle attend la venue de son précepteur de mathématiques, Gyan. Mais à la place, ce sont des garçons en blouson noir qui arrivent à l'improviste pour voler les fusils de chasse du juge.
L'homme qui s'était bâti une solide réputation d'inflexible, après ses études en Angleterre, se voit profondément humilié et bafoué dans son honneur. La police, incapable, lui rit au nez et profite de la situation.

De son côté, Sai, qui n'a plus que son grand-père Jemubhai pour unique parent, se soucie davantage de l'absence prolongée de Gyan, qu'elle aime passionnément. Son silence la mine, et quand enfin elle parvient à le revoir, le jeune homme est glaçant et lui reproche son éducation typiquement non-indienne !
Pendant ce temps, Biju, exilé en Amérique, rame de petits boulots en situations minables. Il brûle de recevoir la carte verte pour enfin rentrer au pays, et ne pas subir la honte des siens. Son père, cuisinier à Cho Oyu, l'abreuve de lettres de sollicitation pour venir en aide à chaque nouvel émigré indien, ami d'untel ou de tel autre, sans se douter un instant de la précarité du jeune homme à New York ...

C'est un roman tout en paradoxes, raconté par la fille d'Anita Desai (auteur indien que j'apprécie beaucoup) - et qui a reçu le prestigieux Booker prize en 2006. Cette opulente histoire de 600 pages propose un monde à l'envers, où l'on rêve d'un ailleurs qui déçoit fatalement, mais pour mieux masquer les loupés on opte pour la rage et le défoulement d'avoir été rejeté par une société occidentale, forte de ses acquis.
« La Perte en Héritage » se manifeste dans les conflits, ceux d'une minorité (les Népalais) qui se rebiffe contre le traité de paix de 1950, et ceux des personnages principaux, déçus et désoeuvrés, en amour ou en reconnaissance. La souffrance est partout, elle remonte de longues années auparavant pour le juge Jemu ou elle est la cristallisation d'un amour brisé pour Sai. Dans son Amérique, Biju montre la difficulté de s'adapter, la réalité de sa clandestinité et l'arrogance perdue devant l'échec constaté.

Tout en cercle vicieux, le roman de Kiran Desai provoque rires et crises de colère, bouffées d'incompréhension et instants de doute. Les 600 pages sont un peu audacieuses, mais elles attachent le lecteur, bon gré, mal gré. Pour ma part, j'ai particulièrement été séduite par l'exotisme de Darjeeling (où se passe l'essentiel de l'histoire) et par ce cynisme affiché, qui mélange l'humour à la sinistre réalité de cette comédie où il ne fait pas toujours bon rire (ni vivre).

Editions des Deux Terres - 615 pages - Traduit de l'anglais (Inde) par Claude et Jean Demanuelli - 22 €

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14/10/06

Jours de Juin - Julia Glass

                                                                                                     Pour oublier l'Ecosse ejoursdejuint le récent décès de son épouse Maureen, Paul McLeod part en voyage organisé en Grèce. Il y rencontre une jeune artiste peintre, Fern qui est américaine. Cela lui fait penser à son fils Fenno, libraire à New York. Ce dernier est venu rendre visite à la famille pour les fêtes de fin d'année en compagnie d'un garçon, Malachy Burns. Paul a supposé qu'il s'agissait de son petit ami et que son fils était homosexuel. Un peu sonné, il ressasse également ses années de mariage et la passion dévorante de Maureen pour son métier : éleveuse de collies.

Six ans plus tard, c'est Fenno qui prend la parole en regagnant le territoire familial de Tealing pour les obsèques de son père. Ce dernier avait trouvé refuge sur l'île de Naxos, en Grèce. Fenno est étonné des autres détails qu'il découvre sur son père, se rendant compte qu'ils s'étaient perdus de vue et n'avaient pas su se comprendre en temps et en heure. Fenno est persuadé que son père n'a jamais deviné qu'il était homosexuel. C'est un point qu'il n'a jamais abordé avec les siens, tout juste Maureen avait eu son instinct de mère indiscutable. Bref, Fenno se rappelle à son tour son départ d'Ecosse et son installation en Amérique, ses rencontres et ses débuts de libraire. La rencontre avec Malachy Burns est également un point important dans sa vie, même si jamais le garçon n'a été son amant. Une amitié précieuse les unissait, et plus encore. En Ecosse, Fenno est confontré à un choix difficile émanant de sa belle-soeur, Liliane.

La troisième partie plonge le lecteur quatre ans plus tard à New York avec Fern. La vie de la jeune femme a aussi connu des hauts et des bas depuis son escapade en Europe : un mariage, un veuvage, une rencontre et une grossesse en cours. Tous les personnages du roman semblent se croiser, confontrés à cette jonction entre la responsabilité de leur passé ou de leur enfance pour un avenir plus sûr. Paul McLeod a été le premier à remettre en question les fondations de son couple, revivant les points forts et les zones d'ombre : Maureen s'est-elle trop impliquée dans son travail ? A-t-elle été infidèle à son mari ? Les enfants ont grandi avec leurs blessures secrètes : pour assumer leur identité sexuelle, surmonter une rancune muette, rendre responsable d'une maladie cette mère trop absente et secrète. Ils ont tous un long parcours à faire pour atteindre un but assez flou : « regarder la vie qui les attend, apprendre à vivre tout simplement ». C'est un pari difficile à accomplir. Dans la vie, il y a les imprévus : la mort, l'amour, la naissance et l'espoir malgré tout.

C'est un peu ce message subliminal que tente de nous inculquer Julia Glass avec son roman ambitieux, dense et passionnant : 655 pages d'une histoire familiale, avec ses rencontres, ses départs et ses choix à définir pour construire sa vie, petit à petit. L'histoire est captivante et construite avec intelligence sous la forme d'un triptyque où se succèdent trois étés dans la vie des McLeod. « Jours de Juin » est une saga familiale avec ses rebondissements mais surtout avec une analyse pointue des états d'âme des personnages. Ils ont en commun d'avoir perdu leurs repères, de se sentir seuls mais de chercher à tromper la solitude. Ils voyagent ou font des enfants, ils viennent en aide aux plus défavorisés, ils paient leurs dettes... cela prend du temps, mais au final ils pourront se dire : « voilà, nous sommes arrivés - malgré les retards, les difficultés et les inquiétudes du trajet - enfin, ou pour le moment, nous sommes là où nous avons toujours voulu être ». C'est un roman subtil et épais dans lequel on plonge sans lever le nez. L'auteur est américaine, bizarre car le cachet du livre prêtait à penser qu'il était so british !

Editions des 2 Terres

  • 655 pages à résumer... difficile d'être concise et passionnée !.. j'ai aimé, comprenez-le ! C'est tout ! :-)

Posté par clarabel76 à 20:25:00 - - Commentaires [20] - Permalien [#]
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