La Ferme Petit Pois : La nouvelle vie de Jen, de Lucy Knisley
Après le divorce de ses parents, Jen part vivre à la ferme mais elle déteste ça. Elle n'aime pas non plus son beau-père ni ses filles qui envahissent son espace. Et reproche à sa mère de lui imposer ses choix de vie sans scrupule.
En gros, Jen regrette énormément sa vie d'avant et ne cache pas qu'elle préfère de loin la ville avec ses bruits, ses cafés et ses librairies. Pourtant, elle doit subir son triste sort et taper du pied dans la poussière en veillant sur le poulailler.
Les corvées de la ferme, non merci. Jen a trouvé une cachette pour installer son nid douillet avec ses bandes dessinées et ses carnets à dessin. Elle pourrait passer des heures dans son coin en priant pour ne pas être dérangée.
Lorsque ses nouvelles sœurs s'invitent pour les vacances, sa tranquillité va prendre cher. Jen n'a rien demandé mais doit s'occuper d'une Mademoiselle Je-sais-tout qui la pousse à bout. Ensemble, elles doivent désormais s'occuper du stand sur le marché.
Et Miss Andy se distingue par son entrain, son sens de l'organisation et son calcul de tête rapide et sans faute. Ouille. Jen n'a pas la bosse des maths et se sent rabaissée. Pas du tout soutenue.
Et les inégalités ne s'arrêtent pas. Pour Jen, la coupe est pleine. Elle dit ses quatre vérités à sa mère et part bouder dans son coin.
Ce qui est adorable dans cette histoire, c'est la simplicité des anecdotes qu'on y trouve. C'est une chronique de vie ordinaire et basée sur des souvenirs personnels - Lucy K. a également grandi à la campagne et détesté ça au début. Ses rapports avec le copain de sa mère et ses filles ont aussi été tendus.
Ça a du bon car ça respire l'authenticité, la fraîcheur, la nostalgie et la tendresse aussi. On trouve un peu de colère enfantine, de jalousie, de maladresse et de malentendu. C'est jamais facile de s'adapter à la nouveauté, de démarrer une partie avec des pions inconnus. Il faut que chacun trouve sa place, ça prend du temps et puis... ça se tasse.
C'était une très chouette lecture ! Sensible, susceptible et souriante. Avec un mot de la fin - rédigé par Lucy K. - qui est fort appréciable.
Gallimard Bande Dessinée / 2021
L'Héritière, de Melinda Salisbury
Arrachée à sa famille pour être adoptée par la reine de Lormere, Twylla découvre qu'elle est la nouvelle Daunen incarnée. La jeune fille possède un don - ou un pouvoir - car elle est capable de tuer ceux qu'elle touche. Promise à épouser le prince héritier, Merek, Twylla vit cloîtrée dans sa tour, sous la bonne garde de Dorin et Lief. Lorsque le premier tombe gravement malade, Twylla se retrouve seule face à la nouvelle recrue, venu d'un pays voisin. Lief est charmant, attentif à ses besoins et montre rapidement qu'il n'a pas peur d'elle. Cette promixité va peu à peu fragiliser les remparts derrière lesquels Twylla se calfeutrait, pour également la pousser à envisager autrement sa destinée.
Très, très beau roman ! Déjà par sa couverture magnifique, puis par son univers empreint de sensualité et de mysticisme. J'ai été conquise. Le début de l'histoire peut sembler lent et abscons, avec une héroïne distante et froide, qui vit sous la coupe de sa mère adoptive, totalement soumise à ses desiderata. Twylla est docile et ne porte aucun jugement sur le rôle qu'elle joue à la Cour. On perçoit néanmoins qu'elle va s'épanouir au contact du jeune garde - doux, romantique et séduisant. On en oublierait presque son soupirant attitré, le prince Merek, soudain trop beau pour être honnête ! L'auteur a pourtant encore des tours dans son sac, car la suite n'aura de cesse de surprendre en enchaînant action, émotion et suspense. La deuxième partie du roman est beaucoup plus captivante, les masques tombent, les trahisons pleuvent, les manipulations sont de rigueur, les cartes sont redistribuées. J'ai terminé ma lecture en sursautant et en poussant des cris de stupeur. D'où ma peine au moment de tourner la dernière page - je conçois l'épilogue, sauf que je n'ignore pas l'existence des deux autres romans de la série (The Sin Eater’s Daughter), qui ne seront vraisemblablement pas traduits en VF. Je me sens frustrée de m'arrêter en si bon chemin. Tentez l'aventure, reboostez les ventes et brûlez des cierges pour la suite ! ☺
Gallimard jeunesse, 2015 - Trad. Emmanuelle Casse-Castric
Moi et les Aquaboys, de Nat Luurtsema
Désespérée d'avoir loupé sa sélection pour participer au stage d'entraînement intensif permettant de rejoindre l'équipe olympique de natation, Lou Brown n'a pas d'autre choix que de retourner au lycée, sans sa meilleure amie Hannah, plus chanceuse ou meilleure qu'elle. Pour la première fois, Louisa fait face à ses camarades et découvre une jungle hostile et inhospitalière où elle n'a carrément pas sa place. Son seul refuge, à part la bibliothèque, reste la piscine dans laquelle elle avait coutume de s'entraîner... avant son cuisant échec. Humiliée, déprimée et déboussolée, Lou plonge une dernière fois dans le bassin... et fait face à trois garçons au moment de remonter à la surface. Les yeux éberlués, fixés sur elle, ils lui proposent de devenir leur coach pour leur numéro de danse aquatique en vue de le présenter à une émission TV qui déniche les jeunes talents. Désabusée, Louisa tope dans leurs mains et se lance dans ce projet complètement dingue mais follement amusant !
Car j'ai ri, qu'est-ce que j'ai ri à la lecture de ce roman à l'humour british extrêmement savoureux ! On y découvre une héroïne attachante, asociale et dégingandée, maniant le sarcasme avec un naturel désarmant mais résolue à mener jusqu'au bout sa mission pour redonner du pep's à sa vie monotone. Or, rien ne va se dérouler comme elle le souhaiterait. C'est, au contraire, une avalanche de catastrophes et de déconvenues qui vont ponctuer les séances d'entraînement et les exhibitions publiques. Et c'est justement cette perpétuelle dérision qui rend la lecture si plaisante. On s'amuse à partager les heurts et bonheurs de ce quatuor déjanté, qui déjoue aussi tous les pronostics. L'enthousiasme est de mise et il est tout simplement communicatif. Ajoutez, en plus, des rôles secondaires aussi insolites, dont des familles qui partent délivrer des âmes en peine au péril de leur vie et au cours d'escapade nocturne mouvementée ! Gloussements de dinde assurés... Je n'imaginais pas à quel point le contenu de ce livre allait être aussi réjouissant. Un pur bonheur. J'ai adoré du début à la fin, je voulais me fondre dans la vie de Louisa Brown et retenir ce vent de folie douce qui chamboule à ravir leur routine. L'inspiration de Nat Luurtsema, comédienne anglaise particulièrement douée, est franchement exemplaire. Je voudrais lire tout le temps des romans aussi pétillants, frais et délirants que celui-ci. Une suite serait fortement envisagée, chic ! ☺
Gallimard Jeunesse, trad. Emmanuelle Casse-Castric [Girl Out of Water], 2016