Une femme à Berlin: Journal 20 avril-22 juin 1945
En avril 45, la guerre tourne en défaveur des allemands. Les berlinois vivent dans la terreur de l'arrivée imminentes des « Igor ». L'auteur de ce journal est une jeune femme d'une trentaine d'années, qui squatte les logements de fortune, au gré des bombardements, avant de s'abriter dans une cave, avec d'autres désespérés. Plus que la peur, la faim aussi les tenaille et les pousse à piller tout et n'importe quoi, comme des bouteilles de vin français planquées dans les placards !
Puis arrivent en ville les premiers convois soviétiques, fouillant les décombres où se terrent les rescapés affolés, la tension devient vite insoutenable. Les femmes aux courbes appétissantes suscitent la convoitise, la narratrice, qui possède quelques notions de la langue, tente de s'interposer, avant de subir elle-même agression sur agression. Dès lors, les scènes ne vont cesser de se répéter : défilé de soldats, soirées arrosées, pitances, viols, honte incommensurable.
Cette banalisation de l'horreur fait froid dans le dos. Les berlinoises courbent l'échine, deviennent le défouloir des soviets enragés par des années de conflit. Elles paient pour les atrocités dont leur peuple est accusé. Leur corps devient aussi leur monnaie d'échange, pour manger et survivre. Cette vérité crue, déversée sans la moindre émotion, va heurter l'opinion publique lorsque le livre sera édité dans les années 50. Personne ne voulait plaindre les allemands, ni entendre la litanie de leurs souffrances.
Le temps va apaiser les esprits et c'est seulement dans les années 2000 qu'on accordera enfin à ce journal une valeur humaine à juste titre. (Les chiffres estiment entre 100,000 et 2 millions de femmes violées durant la période d'occupation par l'Armée Rouge.) Le témoignage est certes bouleversant, dur et oppressant. L'auteur ne fait pas dans la dentelle, se montre tantôt sarcastique, dépitée, malheureuse ou désespérée. Son récit rend compte d'un autre versant de l'horreur de la guerre et n'est pas prêt de s'effacer de votre mémoire après l'avoir lu.
Première parution en 2006 ♦ Trad. de l'allemand par Françoise Wuilmart (Ein Frau In Berlin) ♦ Présentation de Hans Magnus Enzensberger
En 2003, deux ans après la mort de l'auteur, son identité a été dévoilée - il s'agissait de Marta Hillers, elle était journaliste.
Dans les rapides, de Maylis de Kerangal
« T'es rock, t'es pas rock. La vie rock. Ce n'est pas gravé sur les disques, ce n'est pas imprimé dans les livres. Une épithète consubstantielle, un attribut physique comme être blonde, nerveux, hypocondriaque, debout. Rock rock rock. Le mot est gros comme un poing et rond comme un caillou. Prononcé cent fois par jour, il ne s'use pas. Dehors le ciel bouillonne, léger, changeant quand les nuages pèsent lourd, des milliers de tonnes bombent l'horizon derrière les hautes tours, suspendus. Être rock. Être ce qu'on veut. Plutôt quelque chose de très concret. Demandez le programme ! »
Le Havre, 1978. Lise, Marie et Nina ont 15 ans et s'ennuient. Un dimanche de pluie, elles font du stop et dans la R16 pistache « déboule une voix de fille, une voix de fille qui sonne comme une voix de fille justement, une voix qui chante vite, et fort, et vite et fort et vit », la voix de Debbie Harry, la chanteuse de Blondie. Debbie qui s'impose aux garçons de son groupe, Debbie qui va devenir leur modèle. Les filles courent acheter le disque, le passent en boucle. Et rêvent en grand (New York, la liberté, le rock, la vie, etc.). Avec son style syncopé, son écriture débraillée et sa gouaille de rockeuse, Maylis de Kerangal injecte à son histoire une nostalgie euphorisante. Elle y clame la passion d'une époque, l'esprit d'une jeunesse désenchantée mais exubérante, la volonté de croire en ses rêves et de suivre son étoile. En clair, cette lecture vous galvanise ! La musique est partout, pas seulement Blondie et son image rock et glamour, on découvre également Kate Bush (« la petite voix, le filet d'or, le bijou du pendentif sur la gorge du rossignol ») à travers son album The Kick Inside qui va bouleverser l'unité du groupe. C'est à lire avec le casque sur les oreilles, pour une rencontre lumineuse et électrisante !
♪♫ en poche ! ♫♪ Folio, juin 2014 ♦ 1ère publication aux éditions Naïve, janvier 2007
Le Clan des Otori : Les Neiges de l'exil & La Clarté de la lune, par Lian Hearn
*** spoilers, spoilers, spoilers ***
Eh oui, j'ai enfin lu la suite ! ;o) Alors je fais un topo rapide.
Dans le 2ème tome, Takeo et Kaede sont séparés : lui a rejoint la Tribu pour renouer avec ses racines, sans grand enthousiasme non plus, il se sent davantage l'héritier spirituel de Shigeru du clan des Otori mais a conclu un pacte et doit désormais s'acquitter de sa part du contrat, la famille Kikuta va lui mener la vie impossible en représailles. De son côté, Kaede part retrouver sa famille dont elle avait été séparée depuis des années, des retrouvailles qui ne s'annoncent pas follement grisantes non plus, car de nouvelles alliances sont déjà mijotées dans l'ombre. Pour notre beauté éplorée d'avoir été séparée de son amant, les épreuves n'ont pas fini de jalonner son chemin.
Surprise ! le troisième tome voit notre couple réuni ... et marié ! Ils ont bravé tous les interdits et excité la colère des uns et des autres. Sire Araï est sur le pied de guerre, il veut la tête de Takeo et déclare haut et fort le mariage nul et non avenu. Le garçon affiche ses ambitions et cherche à étendre son pouvoir, mais pour apporter la paix sur les Trois Pays. Il est guidé par une prophétie, « quatre victoires et une défaite », se sent galvanisé, même s'il garde au fond de lui l'annonce de sa mort « de la main de son fils ».
Et puis, rebelote, notre couple est séparé, déchiré, confronté à des événements douloureux. Kaede fait montre d'incohérence en se jetant dans la gueule du loup, Takeo est acculé, meurtri, résigné. Un piège diabolique se referme sur nos amants maudits, à ce stade, n'en doutez plus, on tourne les pages du livre à toute vitesse. Même les personnages secondaires nous interpellent, avec leurs propres drames, comme Shizuka, l'ancienne dame de compagnie de Kaede, ou Yuki, belle et rebelle, folle amoureuse de Takeo.
Cette saga se boucle avec panache, la lecture n'aura eu de cesse d'être palpitante, avec de l'action, de l'amour, des drames, de la trahison, des destinées bouleversantes et bouleversées, des personnages multiples (heureusement, il existe un memento à la fin des livres pour se repérer, parfois les noms japonais nous embrouillent...).
Cette série est indiscutablement à la hauteur de toutes les louanges qui l'entourent. Elle permet de voyager, rêver, trembler, soupirer, c'est magique ! Je vais finalement lire les deux autres livres qui se sont greffés à la trilogie. Comme une envie de ne pas quitter cet univers trop tôt...
Folio, juillet 2004 (pour le tome 2) et octobre 2005 (pour le tome 3) - traduit par Philippe Giraudon pour les éditions Gallimard jeunesse
Le Clan des Otori, tome 1 : Le Silence du rossignol, par Lian Hearn
J'avais entamé la série en 2008, mais j'avais négligé de la terminer. À force de remettre à plus tard, j'ai fatalement tout oublié des nœuds de l'intrigue, en plus des noms et des clans à retenir, des lieux, des enjeux, des drames, des trahisons. Bref, je n'avais plus d'autre choix que de m'y replonger et d'avaler cul-sec !
L'histoire : Tomasu vit dans les montagnes avec sa famille et échappe in extremis au massacre orchestré par les troupes de sire Iida, chef du clan des Tohan. C'est un voyageur solitaire, un certain Shigeru du clan des Otori, qui lui sauve la mise et l'embarque avec lui. Le garçon doit désormais s'appeler Takeo et devient le fils spirituel de Shigeru.
Ce dernier est contraint de sceller une alliance avec les Tohan - argh - en acceptant d'épouser la très belle Kaede, une héritière des pays de l'Ouest, retenue en otage par le seigneur ennemi. La jeune fille, porteuse d'une malédiction, est instrumentalisée pour fragiliser Shigeru et son clan, lequel semble déjà affaibli par des guerres internes qui font rage.
De toute manière, toute l'intrigue n'est qu'un vaste complot visant à éliminer les uns et les autres, à semer le chaos, à brouiller les cartes. Même le jeune Takeo devient un pion au centre de ce grand échiquier, lui dont les origines apparaissent sous un jour nouveau, faisant craindre les plus endurcis et distiller de la duplicité chez les plus fidèles.
Ce début de saga est absolument romanesque, bouleversant et palpitant ! J'ai été totalement emballée par cette épopée, au cœur d'un Japon médiéval flamboyant, avec ses traditions et ses légendes, mais surtout ses notions d'honneur souvent bafouées par la folie des hommes.
Folio, septembre 2003 - traduit par Philippe Giraudon pour les éditions Gallimard jeunesse
"Une vie de femme est toujours un compromis."
Ce roman possède un charme fou, il a eu le très bon goût de me transporter littéralement à Lyme Regis, sur la côte du Dorset, bercée par le son des vagues et des mouettes, ce qui a été fortement appréciable en cette saison printanière. L'histoire se passe au début du XIXe siècle, autour de deux héroïnes, Mary Anning et Elizabeth Philpot. L'une est jeune, issue d'une famille désargentée, frappée depuis toujours par la passion du fossile, inculquée par son propre père, l'autre est une vieille fille excentrique, indépendante et généreuse. Toutes deux ne devaient jamais se rencontrer, mais les circonstances en ont décidé autrement.
Ainsi, elles affronteront ensemble bien des tempêtes au cours des longues années qui ont jalonné leur amitié. Avec une période de creux, durant laquelle les deux femmes vont s'éloigner suite à une fâcherie pour un homme, puis par la faute de leur orgueil trop prononcé, car toutes les deux n'ont jamais cessé de penser l'un à l'autre, sans vouloir franchir le premier pas pour s'excuser ou demander pardon. C'est donc un roman sur la vie, un roman qui parle d'amitié, en plus d'être un roman qui évoque la place des femmes dans la société scientifique (Mary devra batailler pour qu'on reconnaisse ses talents et autres connaissances en matière de fossiles !).
Aussi, ce roman est tout simplement formidable. Doux et apaisant. Avec un sens du romanesque absolument parfait, sans la moindre faute de goût. Dès lors qu'on glisse un doigt de pied dans cette histoire, on n'imagine plus vouloir en sortir sans connaître la suite ou la fin ! L'histoire est lue par Danièle Lebrun de la Comédie-Française, pour le rôle d'Elizabeth Philpot, et Julie-Marie Parmentier, pour celui de Mary Anning. C'est un duo qui allie la force et la douceur, en plus de la sensibilité et de la petite note qui bouleverse sans en avoir l'air. C'est une promenade littéraire ravigotante, une bouffée d'air pur et une petite parenthèse enchanteresse. A déguster, les paupières closes, le casque sur les oreilles.
Prodigieuses créatures, par Tracy Chevalier
Gallimard, coll. Ecoutez Lire (2012) - Traduction d'Anouk Neuhoff
En poche ! #30 : Corniche Kennedy, de Maylis de Kerangal
Puisque frimer précisément, tchatcher, sauter, plonger, parader, c'est ce qu'ils font quand ils sont là, c'est ce qu'ils viennent faire.
Un roman de l'été, de l'interdit, du danger. Ce sont les petits cons de la corniche, vus par Maylis de Kerangal.
en savoir plus, ici
Êtes-vous passés à côté de... En poche ! #17
Millefeuille de onze ans, d'Isabelle Jarry ?
Après le refus d'un manuscrit par son éditeur, Isabelle Jarry a eu l'impression que sa vie d'écrivain s'arrêtait, cette vie qui est la sienne depuis si longtemps. "Millefeuille de onze ans" est né de cette terrible déception, du doute et de l'incompréhension d'un auteur face à l'échec.
Isabelle Jarry décide de replonger dans l'année de ses onze ans, lors de son entrée au lycée Jules-Ferry, où elle fit la rencontre de Viviane Der Tomassian, une jeune camarade aux idées révolutionnaires, figure atypique et flamboyante, qui a bien inconsciemment guidé la jeune fille vers sa "révélation" (être écrivain !).
Dans ce livre aux 46 chapitres, l'auteur fait son portrait de jeune lectrice et d'apprenti scribouillarde, forte en contemplation, entichée de grec et latin, papivore convaincue et étudiante rêveuse et romantique, selon les critères de son amie Viviane...
C'est honnêtement un portrait en finesse, écrit avec ce souci des mots justes et simples, qui peut faire écho chez toute jeune fille aspirant aux mêmes affinités (le goût des mots, des livres, la curiosité de l'écriture). C'est surprenant le nombre de passages qui interpelle, qui semble avoir été écrit par et pour soi. Même si nous ne souhaitons pas tous écrire (ou "gribouiller"), ce "Millefeuille de onze ans" semble être destiné à tous les lecteurs qui se reconnaîtront ! Cela se déguste avec appétit, moi j'adore les millefeuilles ! Et ce livre donne en aperçu toute la sincérité d'un auteur qui se questionne et revient aux origines de sa passion. Infiniment attachant et authentique, un beau livre sur les livres et le goût des mots, tout comme j'aime !
A noter, une très jolie couverture pour cette édition folio !
Folio, décembre 2008 / 6,50€
Nouveauté : Newsletter Folio
L'occasion est trop belle et j'en profite pour partager avec vous l'information... En quelques mots, je vous dis : folio, newsletter, cadeau. Je sens votre intérêt s'éveiller d'un coup, votre sourcil se hausser.
Mais de quoi s'agit-il ?
Il y a d'abord un site tout nouveau : folio qui offre la possibilité via la newsletter d'être tenus au courant des nouveautés par genre, centre d'intérêt, etc.
Pour s'y inscrire, cela se passe ici : http://www.folio-lesite.fr/Folio/newsletter.action
Quoi de plus banal, me direz-vous ? !
Mais pour l'occasion, cette inscription incite les internautes à participer à un concours pour gagner des exemplaires du livre "Entre les murs" de François Bégaudeau dont l'adaptation cinématographique a été primée à Cannes cette année. Il y a 100 exemplaires à gagner.
Ce serait dommage de louper ça ! ;o)
Parmi les prochaines sorties en folio (courant juin), j'en profite pour évoquer celle de « Rhésus » par Héléna Marienské, un roman très drôle, complètement barré, qui parle de troisième âge, de sexe et d'un singe !
Dans un Manoir proche de Paris, à Vigny-sur-Seine, une bande du 3ème âge a décidé de prendre sa revanche et de monter une armée de résistance contre la société, le gouvernement et la République. Il y a, à son bord, Raphaëlle, une bourgeoise abandonnée par son tyran de fille, Céleste, un écrivain qui a longtemps abandonné sa plume contre les jeux vidéo et les films porno, et Hector, qui débarque dans son smoking blanc et ses millions gagnés au loto. Ils sont encore quelques-autres à constituer la bande du Manoir, mais ces trois personnages sont les plus importants. C'est à leur manière qu'on suit l'histoire, par leurs témoignages respectifs, qui ne manquent jamais de piquant. La vision « des choses » prend page après page une tournure complètement différente, elle s'éclaire, s'illumine et provoque de grands éclats de rire (en plus d'une envie - mitigée - de faire la grimace).
Mais qu'arrive-t-il à ces pépés et mémés qui, brusquement, se redécouvrent des envies de sexe, pur et dur. Pas de l'amour, du sentiment, de la tendresse et une compagnie pour soulager les vieux jours, oh non ! Ces trublions lèvent les pattes, s'envoient en l'air et se moquent éperdument des gros titres dans les journaux. La France se gausse, le pays jase, les gens s'offusquent, mais le public en redemande. Car cette petite bande (bafouée, mal traitée, menacée et privée de nourriture) a un chef de fil hors du commun, il s'agit de Rhésus, un petit singe extraordinaire et qui réveille chez ce club du 3ème âge des envies de renouveau, de « recommencement ». C'est aussi lui qui aidera les résidents du Manoir à tenir les barricades, à faire front contre l'incursion de l'extérieur, pour des raisons déjà nommées plus haut.
Avec « Rhésus », Héléna Marienské parvient à bousculer les esprits frileux car son premier roman est époustouflant, prometteur d'une franchise et d'un culot fédérateurs. Qu'on se régale dans cette histoire ! Car on en voit de toutes les couleurs, ça y va dare-dare dans la frénésie sexuelle, on ne fait pas dans la dentelle et on enlève ses gants de soie en évitant les discours mielleux et lisses sur les personnes âgées. On brise les carcans, les idées « pudibondes », ça vole en éclats ! Quel exploit : sur un sujet aussi casse-pipe, la pente était dangereusement glissante mais Héléna Marienské a su éviter les pièges et s'en tire avec dextérité. La fin apporte une note une peu moins truculente par rapport aux 3/4 du roman, et c'est juste un peu dommage, toutefois cela n'enlève pas l'impression de jouissance ressentie depuis le début. Pour en prendre plein les mirettes, je vous conseille honnêtement d'ouvrir ce livre !
Article sponsorisé
Un bonheur de rencontre ~ Ian McEwan
Un couple d'amants, Mary et Colin, passent un mois de vacances dans une ville étrangère, cerclée de canaux et bordée de palais et d'églises. Cela fait sept ans qu'ils se connaissent, leur amour a lentement pris le cap de la routine, de la passion doucement éteinte. Un soir, ils font la rencontre de Robert, puis de son épouse Caroline. Ce couple est étrange, mystérieux. La femme semble soumise, réduite à subir des réprimandes violentes de son époux, lequel paraît un vil macho aux gros biscotos, fasciné par la figure emblématique de son père, un Homme, un Vrai...
L'ambiance est languide, comme Colin et Mary qui paressent dans leur chambre d'hôtel, sur leur balcon ou sur une terrasse de café. Ils prennent le soleil, s'abrutissent de ne rien faire, à part faire l'amour et se préparer pour sortir. En faisant cette rencontre capitale avec Robert et son épouse, Colin et Mary vont d'abord connaître la sulfureuse spirale de la sensualité retrouvée et de la volupté. Dans l'ombre, Robert et Caroline sont présents, prêts à saisir ce jeu troublant de la séduction et de l'imagination sexuelle : "le rêve ancestral des hommes et des femmes, les uns de faire souffir, les autres de souffrir". C'est une étrange coïncidence à laquelle se résume ce "bonheur de rencontre", faite d'ambivalence, de crainte, de doute et de poussée d'adrénaline. Il y a un jeu de plaisir et de jouissance, contre lequel vient vite s'abattre une carte plus implacable. La fin est violente, elle perturbe le jeu et pousse d'admiration le lecteur face à ce livre écrit avec un sang-froid remarquable par Ian McEwan. Chapeau !
Une femme sans histoires - Christopher Priest
Réfugiée dans le Wiltshire depuis son récent divorce, Alice Stockton cumule les infortunes en apprenant que son manuscrit vient d'être saisi par le ministère de l'Intérieur avant même sa publication. Incapable de comprendre cette action, décidant d'en découdre avec son agent littéraire, Alice voyage entre Londres et Milton Colebourne en pure perte.
Dans la foulée, elle apprend la mort brutale de sa voisine et amie, Eleanor Traynor. Qui voulait la peau de cette vieille dame sans histoires ? Alice est bouleversée mais refroidie en faisant la connaissance de Gordon Sinclair, qui prétend être le fils d'Eleanor.Aussi troublant qu'inquiétant, le roman de Christopher Priest ne baigne pourtant pas dans la science-fiction pure et dure, c'est au contraire très discutable ! Je pense même à un roman policier à tendance morbide, dans cette ambiance poisseuse et assommante, où les dangers percent de toutes parts. Le personnage d'Alice Stockton manque un tantinet de charisme, elle apparaît faible et indécisive, mais privée de son travail d'écrivain elle atteint une dimension fort intéressante.
Le travail de création et de frustration littéraires est du reste fort bien représenté, admirablement exploité. C'est d'ailleurs ce personnage de femme écrivain vivant seule avec son chat dans la campagne anglaise qui m'a incitée à lire ce roman classé SF ! Je ne suis pas du tout une férue de ce genre, j'étais donc sceptique. Mais laissez-moi dire que ce roman ne collectionne pas trop les clichés de sa classe ! Bien loin de là.
On soupçonne la forte angoisse, les arcanes entourant la mort d'Eleanor Traynor ne sont pas non plus lisses et rassurants. Et les chapitres où le personnage masculin sous-entend créer une nouvelle réalité sont superbement déroutants, même agaçants vers la fin du roman. C'est bien l'ennui avec ce livre. Au départ, on le dévore, le style "roman policier un peu morbide" est alléchant, puis vers les 150 dernières pages, le ton devient trop huileux et plus glauque. C'est dommage car la matière était bonne et c'est avec ce genre de lecture que mon horizon de lectrice peut s'élargir. Je ne suis pas totalement vaincue, mais ce ne fut pas le choix le plus convaincant !
Folio SF, 385 pages - Traduit de l'anglais par Hélène Collon. Cet ouvrage a été précédemment publié dans la collection Présence du futur aux éditions Denoël.
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A lire : LeLittéraire.com qui juge le roman "brouillon d'une future grande oeuvre en gestation" (le roman a été écrit en 1990) ; scifi-universe.com qui trouve ce roman à la limite de la littérature blanche et très agréable à lire ** Auteur lu par Les Rats de Biblio-net (avec Cuné & Chimère dans les starting-blocks !!!)