Le Livre sans images, de B.J. Novak
Il y a des enfants qui trouvent que ce n'est pas drôle de se faire lire un livre sans images. Aussi, ce livre va démontrer à ces petits récalcitrants que c'est, au contraire, très, très drôle. Surtout si on rêve de faire tourner en bourrique l'adulte qui est en train de le lire.
Ah oui, cela se passe comme ça ? Mais c'est trop tard pour reculer. Vous avez accepté votre mission, dès lors que vous avez ouvert les pages du livre. Ne reste plus qu'à les tourner maintenant. (Bon courage.)
Car il existe une RÈGLE ABSOLUE en matière de livres sans images, c'est qu'il faut lire TOUS LES MOTS, sans exception. Quitte à raconter n'importe. Quitte à devenir un singe, ou un singe robot. Quitte à pousser des cris bizarres. Quitte à chanter des chansons ridicules.
Non, ce n'est pas le livre le plus idiot du monde. C'est un livre plein d'onomatopées loufoques et délirantes, signé par l'acteur B.J. Novak, alias Ryan Howard dans The Office, qui décrédibilise les parents et rend les enfants euphoriques, car cette lecture est la preuve que lire un livre sans images, c'est franchement le top du top ! ;-) Ce livre a aussi un effet “happant” qui donne l'impression d'être acteur de la lecture, et ça c'est une chouette idée !
L'Ecole des Loisirs / Novembre 2015 ♦ Traduit de l'anglais par Geneviève Brisac
Préparer Noël #2
**********
Olga est adorable ! On craque devant cette petite fille décidée, intelligente et futée, à la répartie stupéfiante, bourrée de bonnes intentions, hélas souvent incomprise. D'abord, elle pense que son prénom est et restera celui d'une petite fille, que sa mère crie tout le temps alors qu'elle est très gentille, que son papa est beau mais écrit très mal, que personne ne l'écoute jamais (comme d'habitude), elle décide alors de trouver un remède miracle pour empêcher de faire ce qu'on n'a pas envie de faire !
Ce pavé (418 pages) est en fait un livre beau et simple, qui regroupe les douze aventures d’Olga, précédemment parues dans la collection « Mouche ». Geneviève Brisac a su créer un personnage des plus attachants, qu'on suit à travers ses multiples péripéties (Olga au ski, n'aime pas l'école, va à la pêche, s'inscrit au club, Olga et le chewing-gum magique, etc.). C'est beaucoup mieux que Martine, beaucoup moins cucul la praline, et les illustrations de Michel Gay sont comme des petits griffonnages qui participent totalement à l'esprit du livre.
C'est espiègle, il y en a pour tous les goûts et c'est une lecture qu'on apprécie lire et relire, jamais on ne s'en lasse !
Ecole des Loisirs, 22,00€
*****
Écrit par La Comtesse de Ségur
Illustré par Magali Clavelet
Les Petites Filles modèles fait suite aux Malheurs de Sophie parus dans la même collection des éditions Tourbillon. J'aime beaucoup les livres de cette collection, pour mémoire nous sommes tombées folles amoureuses d'Edouard Tulane, depuis notre découverte du catalogue va de surprise en surprise.
Avec cette édition, c'est aussi le plaisir des illustrations de Magali Clavelet, qui donne une touche contemporaine et plus affective au classique de la Comtesse de Ségur.
Camille et Madeleine sont deux petites filles délicieuses. Au château de Fleurville, elles font le bonheur de leur maman. Leurs amies, Marguerite et Sophie, plus jeunes, sont loin d’être aussi raisonnables...
Intemporel.
Tourbillon, 12,95€
******
Un petit monsieur et une grande dame s'aiment d'amour fort. Or, ce n'est pas facile de conjuguer ses différences, ce n'est pas impossible non plus.
On n'a pas besoin de se ressembler pour pouvoir s'aimer ! La grande dame et son petit monsieur l'ont bien compris, eux. Ils s'aiment infiniment ! Et leurs coeurs sont si grands qu'à l'intérieur il y a de la place... pour tous leurs enfants petits et grands.
Des couleurs douces, une histoire gentille, l'hymne de ceux qui s'aiment envers et contre tout... Les deux Sandrine (Lévy et Lhomme) réussissent encore à éblouir le lecteur grâce à ce livre qui ne manque pas de charme !
Un peu plus, pour les yeux...
Mic_Mac, 9,90€
******
Annie va déménager, quitter son jardin où, au même instant, la neige est en train de tomber. Quelques flocons avalés, et aussitôt les souvenirs reviennent... Noël, la confiture de rhubarbe, la glace à la vanille, l'orange et la violette, les gaufres de Mamie, la pochette en papier peint qui contient tous les dessins, plonger son visage dans les draps qui sèchent au jardin, le premier plongeon, le matin de Pâques, la fée du printemps.
Les souvenirs sont doux comme les premiers flocons.
Cathy Delanssay, avec sa tendresse habituelle, nous raconte la douceur de grandir avec ses rêves et ses secrets.
Très joli.
Balivernes, 13,00€
Voir les jardins de Babylone ~ Geneviève Brisac
Ce quatrième roman de Geneviève Brisac reprend les mêmes personnages des histoires précédentes : dans "Voir les jardins de Babylone" on retrouve Nouk qui approche de la trentaine, elle est maman d'un bébé (Eugenio) et vit avec Berg. L'histoire de Nouk démarre lorsqu'elle apprend qu'elle fait partie de l'échantillon pour une enquête sur la vie sexuelle des Françaises. D'abord réticente, Nouk va progressivement se confier et raconter ses premières amours, souvent catastrophiques, avortées ou saugrenues. Car Nouk est une ancienne partisan de la révolution, elle a fait Mai 68, adhéré aux groupes féministes, revendiqué des changements radicaux, manifesté, rédigé des tracts etc.. Insidueusement, ses idées sont tout aussi provocantes, anti-bourgeoises: ne jamais déclamer son amour, être dans le doute perpétuel de trouver le bon amoureux, ne pas se marier, tout se dire dans le couple etc. Car au fil de ses aveux, Nouk va introspectivement analyser ses sentiments, sa vie et son amour pour Berg et au fil des chapitres l'amertume va poindre...
Ce roman de Geneviève Brisac est assez amer, pour conclure. Portrait sans complaisance d'une jeune femme, de sa vie amoureuse, de ses loupés, ses manques et ses incertitudes. Car Nouk est compliquée comme sa vie : est-elle une bonne mère, son bébé est-il idiot, Berg est-il l'homme de sa vie. S'ajoutent ses questions sur son implication au sein de son groupe des Adélaïdes, ses amitiés, sa vie alentour, etc. "Voir les jardins de Babylone" est un peu sonneur de cloches. C'est une histoire qui remue les consciences, qui remue les idées fixes et qui révise les idées des années soixante et soixante-dix. Au final, c'est un petit peu décevant même si l'écriture est toujours parfaitement maitrisée, sarcastique, fantasque et critique à souhait. Le texte est joyeusement parsemé de chansons, souvent pas très connues. "Voir les jardins de Babylone" est grinçant mais un peu trop alambiqué. J'ai hâte d'ouvrir "Week-end de chasse à la mère" pour découvrir la suite des aventures de Nouk et d'Eugenio.
juin 2004
Les filles ~ Geneviève Brisac
"Nouk a décidé de planifier la guerre. Elles minutent, avec Cora, quelques escarmouches légères. Si aucune jeune fille ne peut rester, si toutes elles fuient, ou meurent, il n'y en aura plus. Donc être atroces. A tout instant, invivables." L'esprit retors de Geneviève Brisac se met en branle : pour son premier roman l'auteur impose déjà ses personnages fétiches, à jamais présents dans le reste de ses romans. Pour "Les filles", Nouk, Cora et le Bébé sont de jeunes enfants redoutables. Elles ne veulent plus de nourrice, c'est décidé. Lorsque Pauline débarque un matin, ses heures sont comptées. Avant elle, il y avait eu Maryse qui était cruelle, cinglante et violente. Elle est partie, on dit d'elle qu'elle est morte juste après... mais Pauline n'en saura pas plus. Déjà l'ambiance est assez glaçante, les filles sont trop intelligentes, elles pensent beaucoup, s'expriment peu ou ont des mots terribles. Ce sont des coeurs de béton armé, surtout Nouk. La jeune fille a décidé de créer une symbiose avec Cora comme un couple de jumelles. Et puis tout va se fissurer : une mort atroce dans un square, une séparation, un deuil et la maladie ... bref le roman ne se contente pas de lapider la nurse, l'histoire est morbide dans l'ensemble. Geneviève Brisac signe son premier livre d'une plume très sèche, par mots hâchés, le rythme général est saccadé, parfois l'on croit à des phrases coupées net. Point à la ligne. C'est aussi ironique, cruel, parfois drôle et moqueur. Franchement ce livre détonne : c'est une entrée en matière assez perturbante dans l'oeuvre de Geneviève Brisac; je le recommande essentiellement pour ceux qui apprécient l'auteur. C'est aussi un judicieux complément à "Petite", son deuxième livre, où l'on découvre le martyr de Nouk devenue anorexique.
juin 2004
Petite ~ Geneviève Brisac
"Je vis avec la faim, je la mate, je la dompte, je l'apprivoise, je l'endors. Après avoir été cruelle, elle se calme toute seule, il suffit d'attendre. Je sais qu'un bonbon la trompe. J'aime la sentir toute la journée, juste en dessous du plexus, un courant d'air qui me réunit à l'air du ciel. Je considère que la faim me donne une énergie immense, une légèreté de sarcasme. Mes pieds ont moins à porter, et même si la surveillante générale m'a dit que j'étais longue comme un jour sans pain, et qu'on me trouvait désormais agressive et méchante - alors qu'il me semble ne dire quasi rien à personne et passer comme une danseuse - je suis fière de mon entreprise. J'allège le monde."
Nouk a un problème : elle a treize ans et décide de ne plus manger, de ne plus avoir faim, de ne plus grandir. Pourtant Nouk est une fille brillante et très intelligente. Mais son mal pousse en elle, d'abord sans éveiller de soupçon ni de crainte, pour finalement aboutir à des crises de larmes, des affrontements avec ses parents, les médecins, jusqu'à tenter de guérir de cette terrible maladie. L'anorexie. Difficile d'y mettre un nom pour ces adultes qui n'y comprennent pas grand-chose, qui se trompent sur ce qui se trame dans la tête de Nouk, pour eux elle est bien trop jeune pour penser aux modes et à la beauté (le mannequin Twiggy est très en vogue durant ces années 60). Pour Nouk ce contrôle de la faim et de son corps va bien au-delà de ces futilités. C'est son petit cheval de bataille contre des démons qui l'animent et l'habitent. Mais personne ne peut comprendre. Alors très vite le drame va commencer. Elle va perdre la confiance des siens, être enfermée dans un centre hospitalier et réapprendre les gestes essentiels à sa survie. Car Nouk est en danger de mort mais elle ne le sait pas ...
"Petite" c'est toute cette histoire d'une adolescente intelligente et douée qui cesse de s'alimenter du jour au lendemain. "Petite" c'est toute l'histoire d'une anorexie qui empoisonne une existence et une vie de famille. Geneviève Brisac parle à travers la petite Nouk qui confie ses états d'âme, ses victoires, ses résolutions et ses angoisses. "Petite" est une histoire poignante, détaillée et finement construite. L'auteur prend un soin particulier à décrire la maladie et sa perversité, à souligner que Nouk n'est pas folle ni méchante, qu'elle ne fait pas exprès, qu'elle ne veut pas torturer sa famille, ni se rendre intéressante. C'est un mal qui ronge le corps et l'ossature de la jeune fille, mais pas seulement. "Petite" en révèle toute l'étendue ...
C'est joliment écrit, finement exprimé, surtout à travers la voix de la jeune Nouk de treize ans. Il est juste (un peu) dommage de hâter la fin, notamment avec le passage des années, ce qui rend la fin du roman un peu hoquetante. Mais Geneviève Brisac possède un véritable talent d'écrivain qui se confirme de lecture en lecture.
"Quelquefois les livres vous aident plus que n'importe quoi."
mai 2004
Pour qui vous prenez-vous ? ~ Geneviève Brisac
L'influence anglo-saxone est grande dans le recueil de nouvelles de Geneviève Brisac ! Tour à tour les ombres de W. Auden, Virginia Woolf, Isabelle Archer et Henry James survolent ces pages au léger goût de soufre. Geneviève Brisac écrit le désespoir, la douleur et la presque-folie. Ses personnages valsent de nouvelles en nouvelles, d'une page à l'autre on les retrouve transportés dans d'autres histoires et états d'âme. Car Geneviève Brisac nous parle de ces choses simples et tranchantes: la peur de voyager, la peur de mourir, la peur de ne plus aimer ou être aimé. En onze nouvelles, elle plante son lecteur dans ce décorum qui laisse parfois perplexe, enchanté ou cynique. L'auteur a une plume vive et incisive, elle nous transperce ainsi que ses personnages de papier. La narratrice est soit fâchée de ne pouvoir ouvrir une fenêtre dans un taxi pour cause d'air conditionné, s'offre des vacances et rencontre une gardienne qui jure de venger sa soeur battue par son compagnon, ou tremble de perdre l'homme qu'elle aime et qui se noit sous ses yeux, s'envole en Louisiane pour des vacances d'envers du décor ou à Cancun en compagnie d'un cercle de poètes qui sentent la bière et l'huile solaire... Le monde de Geneviève Brisac n'est pas édulcoré, tout est souvent sinistre et railleur. Ils s'appellent Max, Gerbert, Melissa Scholtès, Mélinée ou Madame Archer. Ce sont des êtres qui souffrent (en silence), qui frisent la folie ou le désespoir. Ils témoignent d'une société qui vote l'inconscience, téléphone par mobile, part skier près d'un pays en guerre ou part un week-end à la campagne. Au fil des pages, la narratrice, aidée par l'auteur très en verve, regarde le monde et nous ouvre les yeux. Avec elle, on sent la honte de la puérilité, le trouble de la mort et on regarde ces oiseaux noirs de malheurs : les corbeaux. ("C'est l'un des animaux les plus proches de l'être humain. ça les rend intelligents, névrosés, cruels, intéressants, tendres aussi.") Le livre de Geneviève Brisac est tout ça aussi : tendre, violent, intelligent et attachant. La lecture n'en laisse pas moins perplexe mais "Pour qui vous prenez-vous?" recèle un charme indicible, un peu poète et beaucoup désespéré. "Dans l'eau, je me suis mise à pleurer sans crier gare. Des litres de larmes dans des litres d'eau. Les larmes faisaient des trous dans la mousse, comme des puits creusés par des puces de sable, par des lombics. Des tunnels de larmes pour aller nulle part."
mai 2004