15/02/16

Pinocchio raconte Pinocchio, de Michael Morpurgo & ill. par Emma Chichester Clark

Pinocchio raconte Pinocchio

Pinocchio est loin d'être mon conte préféré, pourtant il m'a été impossible de résister à cette adaptation de Michael Morpurgo. Parce que, Michael Morpurgo. En duo avec Emma Chichester Clark, dont les illustrations pleines de charme ont su apporter de la fraîcheur à cette histoire d'un grand classicisme. Un vent de folie souffle donc sur cette version, et ça fait du bien.

C'est donc l'histoire d'un petit bout de bois, sculpté pour en faire un pantin, que quelques larmes de détresse ont su animer par magie. Ainsi naquit Pinocchio. Ses parents, fous de joie, se plient en quatre pour combler tous ses désirs, à tel point que ce fils trop gâté agit souvent sans réfléchir et leur cause beaucoup de chagrin. Pinocchio a soif de liberté, d'aventure et de découverte, aussi court-il droit devant, sans s'arrêter, zigouillant sans vergogne un Grillon Parlant, avant d'être rongé de remords, ou suivant naïvement un duo improbable, constitué d'un renard boîteux et d'un chat aveugle, avec la promesse d'une future grande fortune. Pinocchio est un benêt, mais un benêt attachant. Après tout, « grandir est une période passionnante et difficile ». Son apprentissage est une mise à l'épreuve de chaque instant, une série de tentations, un lot de souffrances, une suite de dangers et de catastrophes, d'erreurs et de malheurs, d'espoir et de bonheur. De vraies montagnes russes. Cette lecture pleine de dynamisme est ainsi touchante dans son approche, en donnant la parole à Pinocchio lui-même, qui livre sa propre version de son histoire légendaire. Morpurgo a puisé l'inspiration dans l'œuvre de Carlo Collodi, mais en apportant sa touche personnelle, beaucoup plus actuelle. Le roman n'en est que plus innocent et malicieux, surprenant et drôle.

Gallimard Jeunesse / Octobre 2015 ♦ Traduit par Diane Ménard (Pinocchio)

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SOURCE : Emma Chichester Clark

 

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Et pour les amateurs du genre, n'hésitez pas à vous pencher sur le roman de Gilles Barraqué, Fantoccio (L'École des Loisirs, 2015) dans cette version tout aussi originale et inattendue. 

Fantoccio par Barraqué

Une nuit, dans la campagne de Toscane, sur la table d'une demeure crasseuse, un grand pantin de bois s'éveille à la vie, aidé par de puissantes incantations de sorcellerie. Fantoccio, doté des facultés de penser, de ressentir et d'agir, conçoit aussitôt sa naissance comme un vrai miracle. Geppetto, son maître marionnettiste, a de grands projets pour lui mais ce destin tout tracé va de moins en moins enchanter notre créature, qui ne supporte plus les faux-semblants. Sa rencontre avec la jolie Livia, dont il tombe amoureux, lui donnera aussi l'envie de voir plus loin, de briser ses chaînes et de satisfaire ses rêves insensés.

C'est un douloureux apprentissage de la vie, raconté avec beaucoup de tendresse et d'émotion. Le personnage de Fantoccio rappelle évidemment celui de Pinocchio dans sa perception naïve des choses et la grande désillusion qui succède ses découvertes, sauf que le héros de Gilles Barraqué est davantage un adolescent, qui porte sur son entourage un avis teinté d'amertume et de déception (j'ai parfois pensé au mythe de Prométhée & Frankenstein). Fantoccio est un garçon avec des pulsions et des interrogations, et tout ça fait que ça grouille dans sa tête, au risque de déborder. Il n'accepte plus d'être une “marionnette” entre les mains de son créateur et aspire à s'émanciper. Ce saut dans le vide fait écho au passage à l'âge adulte, un cap délicat, qui ne se déroule pas sans heurt. Ce roman d'une grande sensibilité n'est pas à mettre entre toutes les mains, d'autant plus que son style abattu est à mille lieux de la plume poétique et enchanteresse que j'avais savourée dans Au Ventre du Monde. Une impression plus mitigée, donc. 

 


27/09/13

Rêver et faire rêver. ♥

« - Bonjour, mon fils, dit-il.
J'ai vu tout son amour dans son regard. Il y avait aussi, derrière, la lumière d'un bonheur lointain, et l'ombre d'une très grande douleur. Ce salut, je savais qu'il n'était pas adressé seulement à moi. Moi, j'avais tant de choses à lui dire alors, tant de choses... Mais, la gorge soudain serrée, les larmes aux yeux, je ne pouvais pas parler. Ça valait mieux. Les mots étaient de toute façon trop pauvres, trop petits pour dire ma pensée. »

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C'est l'histoire d'une fillette de douze ans, Paohétama, qui vit seule avec son grand-père.
Celui-ci se fait vieux et sent son corps usé par les années de pêche. Il est temps pour lui de passer le flambeau.
Il demande alors aux sages du village l'autorisation de transformer sa petite-fille en garçon.
Autorisation accordée.
La fillette doit se raser la tête, porter un pagne, abandonner la compagnie des filles et se joindre aux jeux des garçons.
Sitôt que son corps manifestera les premiers signes de sa féminité, il lui faudra aussitôt rentrer dans le rang.
Ou bien, boire une potion pour lui ôter définitivement ce genre de souci.

Pour Paohétama, l'idée de devenir un garçon représente l'aboutissement de ses rêves les plus fous.

« Pêcher ! Entrer dans ce monde mystérieux et infini de la mer ! Tirer d'elle cette vie aux formes si variées, aux couleurs délicates. (...) Pêcher, chasser la tortue, reine lente de l'eau ! (...)
Plonger ! Devenir poisson dans l'eau calme de la baie ! Cueillir dans ses fonds le corail, les limaces de mer, les cônes, les porcelaines, et surtout ces coquillages noirs dont on tire le nacre, grande richesse de Notre Terre.
Naviguer ! Apprendre l'art économe de plonger la pagaie, la science des vents et des courants, celle de deviner le temps d'après le passage d'un nuage ou la couleur de l'horizon, celle enfin de lire la route ou l'heure dans la course du soleil et les figures des étoiles. »

Voilà une histoire fabuleuse, aux doux accents poétiques et enivrants.
Une belle promesse d'évasion, dans un décor magnifique, à la découverte d'une nouvelle culture et d'un folklore dépaysant.
En somme, c'est une bouffée d'air frais !
On s'attache aussi au parcours de la jeune Paohétama, on vit ses joies, ses doutes, ses peines, on partage ses sensations, souvent exaltées (et exaltantes), on vit d'air pur et d'eau fraîche ! Tout, absolument tout, est décrit dans le but de distraire et faire rêver.
Mais c'est aussi un texte engagé, autour de la féminité et la place de la femme au sein de la société. Et c'est un homme à la plume ! Avec quelle facilité déconcertante il nous touche et nous transporte. Car c'est un roman généreux, beau, charmant. Un texte où la sensualité est à fleur de peau, où les sens sont mis en éveil.
Cette lecture vous séduira à maintes reprises, qu'importe votre attente, votre désir. C'est tour à tour une invitation au voyage, au rêve, une ode à la nature et à la liberté. C'est aussi l'histoire d'une tendre complicité entre un grand-père et sa petite-fille, et de façon plus cocasse, avec un cochon (super craquant !).
En somme, c'est un joli conte initiatique, qui se déguste comme on savourerait un verre de cocktail, sous un parasol, sur une plage en été !

Au Ventre du Monde, par Gilles Barraqué (Ecole des Loisirs, novembre 2012 - ill. de couverture : Hélène Millot)

Posté par clarabel76 à 08:30:00 - - Commentaires [1] - Permalien [#]
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