09/06/15

Teaser Tuesday #61

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Le calendrier avait beau leur en rappeler la date longtemps à l'avance, les départs les prenaient toujours par surprise. Jim avait préparé sa valise la veille au soir, mais à présent, alors qu'il était presque l'heure de partir, il hésitait. Avait-il emporté assez de livres ? Il allait et venait devant la bibliothèque de son bureau, en sortait des romans puis les remettait en place. Avait-il pris ses chaussures de course ? Pensé à mettre sa crème à raser dans son sac ? Jim entendait sa femme et leur fille remonter l'escalier de la maison au pas de course et dévaler les marches, en proie à la même panique de dernière minute, et un objet oublié s'entassait avec les autres près de la porte.
Les Vacanciers - Emma Straub

Chaque matin à son réveil, Süri Kettunen constatait qu'elle n'était toujours pas morte. Puis elle se levait, se lavait, s'habillait et grignotait son petit déjeuner. Cela se faisait lentement, elle avait tout son temps. Elle lisait le journal avec soin et écoutait les matinales à la radio, de façon à sentir qu'elle faisait bien partie de ce monde. Vers 11 heures, elle partait souvent pour une balade en tramway, mais ce jour-là elle n'en eut pas la force.
Les Petits Vieux d'Helsinki - Minna Lindgren

Cet été-là, Cabrel chantait Hors Saison et tout le monde chantait Cabrel.
Cet été-là avait rapidement été là. Dès le dernier week-end de mai en fait, lorsque la température était montée d'un coup, jusqu'à vingt degrés. On avait alors entendu les premiers rires dans les jardins clos, les toux sèches à cause des premières fumées grasses des barbecues, et les cris des femmes surprises au soleil, à demi nues. On aurait dit des piaillements d'oiseaux. On aurait dit que tout le village était une volière.
Et puis les hommes avait commencé à se retrouver le soir, dans la fraîcheur, à boire les premiers rosés, bien glacés, pour tromper l'alcool, endormir les maléfices, et pouvoir en boire davantage. Et l'été avait vraiment commencé.
Cet été-là, il y avait Victoire. Et il y avait moi.
Les Quatre Saisons de l'été - Grégoire Delacourt

Ma sœur June est morte exactement neuf jours avant de recevoir son diplôme de fin d'études secondaires. C'était un jeudi, comme l'indique le calendrier accroché près du téléphone de la cuisine. En mai. C'est un calendrier illustré par des photos de chiens et le chien du mois de mai, c'est le golden retriever - une portée de chiots, blottis les uns contre les autres dans une petite charrette rouge, au milieu d'un parterre de fleurs printanières. Le mot Diplôme !! est noté en rouge en face de la date fatidique, ponctué de deux points d'exclamation. Si elle avait attendu un peu, ne serait-ce que deux semaines de plus, June serait morte en juin. Juin, June. Elle ne semble pas avoir prêté attention à cette coïncidence.
Plus loin, Plus près - Hannah Harrington

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22/05/13

La première chose qu'on regarde (Audiolib)

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Le roman s'ouvre sur une phrase étonnante : « Arthur Dreyfuss aimait les gros seins. »
Quelques lignes plus loin, le chapitre se conclut sur cette autre révélation : « Devant lui se tenait Scarlett Johansson. »

C'est donc l'histoire d'un mécanicien au physique de Ryan Gosling, en mieux, qui trouve sur le pas de sa porte la star hollywoodienne. Le gars en tombe des nues. Puis, s'invite à la fête Jeanine Foucamprez, animatrice de supermarchés et autres salons de mariage. Avec son physique de rêve, une beauté à couper le souffle, un petit air de Scarlett, la nymphette fait tourner les têtes. Mais les gens se méprennent sur son compte et Jeanine est lasse de jouer un rôle qui l'étouffe. Elle souhaiterait maintenant être aimée pour elle-même.

Quelle aventure, mais quelle aventure ! Si l'histoire semble promettre un détour saugrenu et particulièrement cocasse, le fond n'en est pas moins sordide. Car très vite, il apparaît que nos deux protagonistes sont deux êtres torturés, par la faute d'une enfance malheureuse. Aujourd'hui ils sont à la recherche d'un idéal qui leur fait défaut. Qu'importe, ils se lancent dans leur aventure amoureuse avec une spontanéité désarmante.

Tour à tour, le roman s'avoue drôle, cocasse, frais, charmant, un vrai vaudeville. Sauf que, derrière le burlesque, se cache une comédie dramatique,  où l'on parle d'amour, certes, et plus particulièrement de nos attentes et du fait de renvoyer une certaine image, sur laquelle les regards se posent, souvent sans jamais chercher à percer la façade. C'est le drame de notre siècle, se nourrir d'une apparence. Oui c'est triste, car « ... on n'est jamais aimé pour soi mais pour ce qu'on comble chez l'autre. On est ce qui manque aux autres. ».

C'est foncièrement un roman désabusé et poignant, par contre l'auteur se perd dans des considérations sur le star-system, détaille la filmographie des acteurs, fait de nombreux apartés géographiques aussi... Je ne sais pas pourquoi, mais c'est un peu bizarre. L'histoire en elle-même m'a plu, mais ce qu'il y a autour m'a parfois semblé superficiel. Cela me laisse perplexe, quoi...

La première chose qu'on regarde, par Grégoire Delacourt
Audiolib / JC Lattès (2013)
Texte intégral lu par Marc Weiss (durée : 4h48)

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18/04/13

"Oui, je pense que tout ce qui vient du passé n'est pas dépassé."

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J'avais suivi de loin l'engouement des lecteurs et des libraires pour ce roman, dont j'ignorais absolument tout de l'histoire. J'avais supposé qu'il s'agissait d'une lecture tendre et délicate, aux doux pouvoirs apaisants. Eh bien, j'avais raison, un peu, mais j'avais tort aussi. En fait, cette histoire est beaucoup plus bouleversante que je ne l'aurais cru !

Nous découvrons une femme de 47 ans, Jocelyne, surnommée Jo, mercière à Arras, mariée à Jocelyn (!) depuis une vingtaine d'années et mère de deux enfants (sa troisième fille est morte à la naissance). C'est une femme heureuse et comblée, même si les épreuves, elle connaît aussi. Comme beaucoup de monde, elle avait rêvé d'une autre vie, mais les aléas du destin ont fait que ... Ce n'est pas de l'amertume qui accompagne ses mots, aujourd'hui. Après un rapide tour d'horizon, Jocelyne s'estime chanceuse.

Et puis, elle gagne au Loto une somme faramineuse. Elle conserve le chèque dans sa poche, n'en parle à personne. Parce que, "la convoitise brûle tout". Alors, Jo continue de mener son petit train de vie, avec ses copines, les jumelles coiffeuses, toujours fofolles, mais extrêmement perspicaces. Elle ne dit rien à son mari non plus, elle attend, elle part en weekend, elle est plus amoureuse que jamais, enfin détendue, après des années de hauts et de bas. Dans son coin, elle dresse des listes, de ses envies, de ses besoins, de ses rêves. Elle tient aussi un blog de tricot, qui connaît un succès fulgurant. Non, vraiment, Jocelyne a tout pour être heureuse. Alors, ces 18 millions et des pépettes pèsent de plus en plus dans la poche...

L'histoire, finalement, va nous surprendre, nous mettre k-o, nous choquer et nous bouleverser. Nous sommes plus près que jamais de Jocelyne, nous ressentons sa détresse, ses peurs, sa rancune, son désarroi. Sa belle histoire devient tragique. Elle qui se pâmait à la lecture de Belle du Seigneur prend conscience du gouffre qui l'attend lorsqu'on a longtemps cru à l'amour absolu. Qu'est-ce que c'est poignant ! D'un seul coup, ce roman qui m'apparaissait léger, attendrissant et drôle s'est revêtu d'un voile d'amertume, d'où l'on sort plus déboussolé que jamais. Enfin, c'est bon aussi ! C'est un roman généreux et honnête, qui nous porte à apprécier les petits plaisirs simples de la vie ordinaire. Sans mièvrerie, sans cynisme. Et quelle prouesse de la part de l'auteur, d'avoir su se glisser dans la peau d'une femme, avec les mots justes, les émotions à fleur de peau. C'est ce qui touche aussi.

Odile Cohen, également la voix d'Amy dans Les apparences, parfait à apporter à la musique des mots du roman un ton juste, tendre et profond. Encore un beau moment de lecture que nous offre Audiolib ! (Comptez seulement 3h30 de lecture, avec en bonus un entretien avec l'auteur.)

La liste de mes envies, par Grégoire Delacourt
Audiolib / JC Lattès, 2012 - Texte intégral lu par Odile Cohen

Posté par clarabel76 à 09:30:00 - - Commentaires [12] - Permalien [#]
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