La Garçonnière, d'Hélène Grémillon
Le psychiatre Vittorio Puig est accusé du meurtre de sa femme (la belle Lisandra a été retrouvée morte défenestrée, au pied de son immeuble). Eva Maria, une de ses patientes, cherche à le disculper en menant sa propre enquête. Pour cela, elle doit fouiller le passé de la victime, mais aussi écouter toutes les séances de psy enregistrées sur cassette, à l'insu des patients. Or, ses découvertes vont mettre à mal ses convictions et réveiller ses vieux démons.
L'histoire réserve de nombreux tours de passe-passe où se mêlent des hommes et des femmes aux parcours traumatisants. Nous sommes à Buenos Aires, en 1987. Le pays se sent encore lourd des séquelles laissées par la dictature militaire, les familles pleurent leurs disparus, bourreaux et victimes n'ont pas tourné la page. Ce livre est un trou béant de détresse, que vivent des mères et des épouses, mais pas seulement. C'est assez tendu comme ambiance.
Et l'auteur de jongler entre cet héritage historique et le mystère de Lisandra, supputant les théories les plus folles. Héroïne tragique ou maîtresse de son sort ? L'histoire ne dit pas tout et cultive les zones d'ombre à la façon d'un polar. Suspense à foison, pistes multiples et compliquées, embrouillamini de versions pour une seule et même vérité (et encore ?). On gobe tout. J'émets, toutefois, une petite réserve sur la révélation finale, assez perturbante et plutôt mal venue... mais cela n'altère pas mon enthousiasme général.
Cette lecture bénéficie aussi d'une interprétation talentueuse grâce à un casting exceptionnel (Elsa Lepoivre, Danièle Lebrun, Jennifer Decker, Thierry Hancisse, Michel Favory et Thierry Frémont). C'est comme voir une pièce de théâtre se jouer sous notre nez, pour une exécution enlevée et parfaitement maîtrisée, qui pousse l'auditeur à zigzaguer entre soupçons et mensonges, traquant le moindre indice, en vain. Une lecture brillante et captivante !
Gallimard, coll. Écoutez Lire, janvier 2015 ♦ Lu par Elsa Lepoivre, Danièle Lebrun, Jennifer Decker, Thierry Hancisse, Michel Favory et Thierry Frémont (durée d'écoute : 7 h 30)
“Mothers are all slightly insane.”
La narratrice, Camille, vient de perdre sa mère et épluche son courrier lorsqu'elle découvre la missive étonnante d'un dénommé Louis, qui s'enhardit à lui raconter une histoire ayant eu lieu bien avant sa naissance. Au départ, Camille s'imagine que c'est une tentative désespérée d'un auteur (elle est éditrice) pour attirer son attention. Certes, cette histoire mettant en scène la jeune Annie, la très sophistiquée Madame M., son époux Paul, et Louis, alors jeune et naïf, implique une série de bonnes et surprenantes nouvelles, où l'amour, la duperie et la vengeance sont fortement liés. Toutefois, ce qu'elle recèle risque bien de fragiliser ce qu'elle croyait acquis.
La construction du roman est en effet stupéfiante, car sitôt qu'on s'imagine une partie de l'intrigue, on en redécouvre une autre facette au détour d'une autre lettre, les révélations ne cessent de pleuvoir, les personnalités deviennent floues, on ne sait plus bien qui est manipulé ou qui tire toutes les ficelles. Je dois en effet avouer que tous les rôles sont sans cesse inversés, on a à peine le temps de s'apitoyer sur untel qu'on sursaute en réalisant que la vérité est ailleurs... Quel scénario habile et pervers! L'auteur a vraiment su nous balader de bout en bout.
A l'écoute, nous avons une palette de comédiens talentueux, Carole Bouquet dans le rôle de Madame M., Jacques Weber pour Louis, Sara Forestier pour Annie et même Hélène Grémillon pour Camille. Un sans-faute sur ce casting. Il m'arrivait presque d'avoir l'illusion d'un film, je n'avais plus qu'à me faire mes propres images dans la tête, les narrateurs étant tous d'expressifs interprètes ! Cette lecture s'est révélée vivante, passionnante, et m'a entraînée dans une partie de cache-cache démoniaque, sur fond de guerre, d'identité, de maternité, de folie et d'absolutisme. Une réussite !
Le confident, par Hélène Grémillon
Gallimard, coll. Ecoutez Lire (2013) - Lu par Sara Forestier, H. Grémillon, Jacques Weber et Carole Bouquet