Instantanés de lecture #1
L'adolescence dans tous ses états ... Ces petites lectures ne trouveront peut-être pas le chemin du blog, faute de temps ou d'inspiration, mais elles n'en demeurent pas moins intéressantes à découvrir !
Moi, les nichons, j'en veux pas. Les filles au collège qui se mettent des Wonderbra ou se fourrent du coton dans le soutif me débectent. Est-ce que les gars pensent à se mettre des coques dans le caleçon ?
J'ai pas envie de devenir femme. Pas encore, pas tout de suite. Je ne suis pas prête. Mais mon corps change, il déborde de partout, les seins, les fesses, le ventre... Ça déborde dans ma tête. J'ai peur.
Je me préférais avant, modèle petite fille plate. Brindille. Phasme, disait mon aimable frère. J'étais plus à l'aise avec mes jupes courtes et mes jambes d'allumette.
Maintenant, obligée de porter des gros jeans, des T-shirts XXL, des gilets, pour planquer ce corps qui m'encombre.
Mes cuisses qui font plof plof en course d'endurance, mon cul qui explose dans les maillots de bain, c'est pas possible. C'est ça, devenir femme ?
Honte de tout, par Carole Fives (éditions Thierry Magnier, coll. Nouvelles, 2013)
Théo et moi, on est des alchimistes : on a pris les ingrédients amers de nos vies, et on en a fait du sucre doux. Quand on est séparés, c'est une aberration, un manque d'air qui coupe le souffle, une jambe en moins, un vieux vertige insupportable, la perte de la moitié de notre intelligence, de la moitié de nos réflexes, de la moitié de notre imaginaire.
Plan B pour l'été, par Hélène Vignal (éditions du Rouergue, coll. doAdo, 2012)
Je suis l'aînée de six enfants : après moi, il y a Valentin, Côme, Paola, Marguerite, et Lili la benjamine. Mes parents travaillent dur. Et depuis que je suis petite, je les aide à la maison et parfois au restaurant. Pour moi, ce n'est pas une corvée. C'est naturel.
J'aime chahuter avec Lili, lire des histoires à Paola, me disputer avec Valentin, pousser Marguerite sur la balançoire. J'aime servir les grenadines au comptoir, parler avec les clients. J'aime les pichenettes tendres de mon père, les blagues de ma mère. Notre complicité est une forteresse.
Il faisait chaud cet été-là, par Agnès de Lestrade (éditions du Rouergue, coll. doAdo, 2013)
Le monde appartient aux autres. Je n'y ai pas ma place. Il me manque peut-être un gène, une disposition, une qualité mystérieuse mais indispensable, quelque chose que les autres ont et qui leur permet de vivre, avec un naturel confondant. Tout m'échappe et m'abandonne, à commencer par moi-même. Je ne sais d'où vient une condamnation aussi radicale. Je ne peux pas exister. Ce n'est que du flou, du tremblement, de la douleur.
Je me débats, je lutte, je me défais, je ne sais pas ce qui me détruit.
Rester vivante, par Catherine Leblanc (Actes Sud junior, 2010)
La fille sur la rive
Coincée dans une ville-enclave, Nour, quatorze ans, est sur le point de craquer. Elle ne supporte plus cette existence - sa marginalité lui fait sentir le poids douloureux de la solitude, elle est lasse des moqueries de ses camarades, des fêtes et des danses organisées par le bourgmestre dans le but de divertir la population, bien entendu Nour n'y trouve aucun plaisir. Ce qu'elle préfère, c'est s'enfermer dans son grenier pour confectionner des petites boîtes ou se promener le long de la rive brumeuse et observer les chats sauvages (avant qu'ils soient trucidés par des missions commandos). Avouez que l'atmosphère est bien étrange et étouffante ! Ce roman ne s'éternise pas au-delà de 60 pages, lui laissant le temps de dresser un portrait d'adolescente décalée et en quête de vérité. Pourquoi des patrouilles sur les berges ? que cherche-t-on à lui cacher ? pourquoi ne peut-on pas sortir de la ville ? pourquoi les frontières sont-elles fermées ? Le soir du fleuve en crue, Nour décide alors de braver l'interdiction et se rend près des eaux réputées mortelles. Advienne que pourra.
Ce fut, hélas pour moi, une lecture un peu trop morbide, et probablement trop courte aussi. J'encourageais fortement l'héroïne à se poser des questions et à vouloir s'évader de son bourbier, l'oppression se ressent tellement (et pourtant ce roman n'est pas bien long !) que j'étais pressée de tourner la dernière page. En bref, je suis totalement passée à côté de ce roman d'anticipation. J'ai trouvé l'ensemble trop sinistre, et pas assez exploité. Il nous reste des tonnes de questions sans réponses à la fin et c'est dommage.
La fille sur la rive - Hélène Vignal
doAdo noir (Rouergue, 2011) - 8€
L'adolescence, parlons-en... encore !
J'ai mis du temps avant de comprendre ce que représentait la couverture du roman Zarbi d'Hélène Vignal ! L'indice est révélé en bout de course, de façon impromptue, car j'ai regardé à deux fois ce truc que j'associais à de la nourriture asiatique. Mais peut-être suis-je la seule à qui la vue me joue des tours...
Passons, cela n'est pas important. Zarbi, lui, est un roman passionnant. C'est l'histoire d'une famille, le couple et ses deux enfants. Les parents se chamaillent souvent, n'ont pas trop de temps et sont dépassés par la crise d'adolescence de leur fils aîné, Landry. La situation est présentée et vécue par Dina, la cadette qui a dix ans. Elle pense comprendre, mais ne cerne pas toutes les subtilités, toutefois elle n'est pas idiote et n'est plus un bébé. Comme elle dit. Souvent son analyse vaut tous les discours des adultes réunis, car elle a l'oeil vif, un humour en béton et un tempérament de feu.
« Mon manteau sur le dos, debout devant eux, je mange mon pain aux raisins en les regardant. C'est étonnant comme on est tous devenus laids dans cette famille. Avant on était plutôt beaux et on rigolait bien, on faisait du pain perdu aux goûters et des câlins ou des séances de chatouilles assez souvent. Certains jours, on se piquait des fous rires tous les quatre en jouant au Uno ou à La bonne paye.
Maintenant si l'un d'entre nous rigole, les trois autres font bien attention de ne pas rire en même temps pour ne surtout pas avoir l'air complice. Il faut sans arrêt faire attention avec qui on est d'accord parce que ça peut dégénérer très vite. Landry peut m'accuser de collaborer avec les parents ; comme je peux perdre la confiance de mes parents si j'ai des secrets avec Landry : et si je dis à ma mère que mon père a attrapé Landry par les cheveux, mon père peut m'en vouloir et ma mère en vouloir à mon père ; ou si Landry rigole avec moi, les parents peuvent croire qu'il est d'accord avec la vie de famille, ce qui serait une catastrophe pour lui ; ou si je suis trop copine avec ma mère, elle va croire que je suis toujours d'accord avec elle, ce qui est faux, parce que je la trouve parfois assez nulle. Tout est donc très compliqué ; du coup, pour être sûr de ne pas faire d'erreurs, à la maison personne ne rigole avec personne et on évite de trop se regarder pour ne pas créer des malentendus. »
Pas facile d'avoir un ado à la maison, c'est ce que je pense après lecture. Mais il faut bien gérer la situation, malgré les prises de tête, les disputes, les conflits et le mur d'incompréhension qui monte toujours plus haut et de toutes parts. L'histoire a l'intelligence de ne pas s'embourber, d'adopter le ton juste et de ne pas oublier l'humour pour aborder ce cap difficile, et surtout le point de vue est délivré de la part d'une petite fille, qui elle-même se cherche, se pose des questions et grandit. Ce n'est pas facile non plus, mais Hélène Vignal sait trouver un équilibre. Elle montre la complexité, elle ne donne pas de solution miracle (ou disons que c'est facile car fictif). Son roman se termine bien, et c'est même un très bon moment à passer car cela frise plus souvent l'ironie que la déprime !
Zarbi, d'Hélène Vignal
Ed. du Rouergue, 2008 - 155 pages - 8,50€
Dans le même registe, je vous rappelle le roman d'Estelle Lépine, Demain l'année prochaine (Seuil jeunesse), qui raconte aussi la crise d'adolescence vue par la petite soeur dans une famille qui ressemble de plus en plus à un navire qui prend l'eau. A conseiller dès 10-11 ans.
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Petite bouffée de fraîcheur avec Une saison Rimbaud, d'Emmanuel Arnaud (l'auteur du très hilarant Les trilingues). Je me tourne les pouces en reprenant la présentation de l'éditeur, parce qu'elle le vaut bien :
Vous êtes en vacances dans une tour de béton pourrie en Espagne. C'est la Toussaint. Vos parents hésitent entre une soirée paëlla et le match de foot à la télé. Vous vous ennuyez, comme vous vous ennuyez le reste de l'année au lycée avec votre copine, avec vos potes. Vous vivez une vie moyennement intéressante, une vie grise. Alors vous ouvrez un livre un peu par hasard. Ce livre, c'est Les Illuminations de Rimbaud. Soudain quelque chose vous arrive. Comme l'explosion d'une météorite, mais à l'intérieur. Un truc d'enfer. Une révélation. Vous regardez autour de vous. Rien n'a changé. Vous avez toujours le livre entre les mains. Brusquement, vous comprenez : la vraie vie est ailleurs.
Ne vous est-il jamais arrivé de tomber en extase par la faute d'un livre ou d'une lecture ? Moi, oui. Je connais cet air de zombie, ce sourire niais, le regard de quasi-fluorescence, cette petite bulle qui enfle, vous enveloppe et vous coupe du reste du monde. Alexandre a eu le choc avec Rimbaud, il en perd pied, sa petite amie, son ami Atonk qui le pousse à s'ouvrir, à faire du moderne (du slam, du rap...) car, selon lui, cet état extatique est mauvais. Pas sain. Invivable. Personne ne peut comprendre, sauf Alexandre. C'est une affaire personnelle, « c'est la seule chose qui vaille la peine qu'on vive pour ». Un tel cri d'amour littéraire, ça ne peut m'échapper. Et j'ai aimé, j'ai souri, j'ai pensé que c'était un vrai moteur pour dynamiser un moral en berne, pour motiver les mauvaises troupes, pour guider et pour tendre la main. C'est montrer aussi l'adolescence sous un autre jour, plus rêveur, plus passionné et la touche d'humour de la part d'Emmanuel Arnaud finit de boucler la boucle.
Une saison Rimbaud, d'Emmanuel Arnaud
Ed. du rouergue, 2008 - 109 pages - 7€
^ This is Halloween ^
« Foutaise ! Ces personnages ébouriffés perchés sur des balais avec des verrues sur le nez ? Est-ce qu'on ressemble à ça de nos jours ? Est-ce qu'on a envie que tout le monde rie de nous ? Plus personne ne sait qu'on existe, ni à quoi on ressemble. Cette fête d'Halloween est une insulte aux sorcières modernes ! »
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Branle-bas de combat chez les sorcières ! Elles sont en colère, remontées contre les humains qui ne les craignent plus. Elle sont devenues un mythe ou une image de pacotille exploitée à l'occasion de la fête d'Halloween. Elles étaient redoutées, maintenant ce sont les humains eux-mêmes qui ont endossé ce rôle effrayant. Les informations déversent leurs exploits en un flot de sang, dévastation, guerre, mort et désolation.
Fille-de-Fer convoque ses camarades et met en place une manifestation de protestation. Une ligue de sorcières en colère, vous connaissez ? Cela fait rire les passants, et cela fait bouillir le sang des sorcières. Leur courroux est terrible. Mais elles réalisent ensuite qu'elles n'optent pas pour la meilleure attaque. Au contraire, il faudrait s'en prendre directement à l'origine du mal et capturer tous les dictateurs, tortionnaires, pédophiles, dealers et autres responsables des horreurs qui font trembler les humains.
Ainsi, plus de concurrence et les sorcières peuvent reprendre leurs attributions : faire peur et être redoutées pour ce qu'elles sont - des sorcières !!!!!!!
Un conte résolument moderne, qui revisite le mythe de la sorcière.
C'est affreux, raconté avec force détails et descriptions dégoûtantes. Le culot est tout aussi monstrueux (Crabe-Tambouille pète d'indignation tandis que Pustule-Bubon urine un peu d'acide, Chauffe-Conduit et Brûle-Pourpoint montrent leurs fesses aux étoiles!).
Mais le portrait des sorcières est drôle, plein d'invention. L'histoire démontre la violence de notre société et on en vient à regretter les histoires d'antan où seules les bonnes vieilles sorcières terrorisaient la planète entière !
Sorcières en colère
Par Hélène Vignal
Illustrations de Diego Fermin
Ed. du rouergue, coll. ZigZag - 144 pages - 7,50€
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Place à un incontournable, maintenant : la Sorcière Camomille !
Lors d'une visite à la librairie, les trois petites soeurs mettent un peu les rayons en vrac avant de découvrir le journal intime de la Sorcière Camomille. Cette dernière apparaît soudain par la magie d'une baguette et les gronde. Il ne faut pas maltraiter les livres. Au lieu de les dénoncer, elle accepte de tout ranger à leur place si les chipies s'engagent à remettre en état son journal.
Ainsi s'ouvre ce journal, comme neuf, qui nous raconte la naissance, le mariage, les vacances et le Noël de la célébrissime Sorcière Camomille.
C'est une véritable institution, cette Camomille, avec son chapeau pointu, son foulard mauve, ses lunettes, son nez crochu, sa robe noire et son hibou nommé Gros-Yeux ! On ne s'ennuie jamais avec elle. Toutes ses anecdotes frisent le ridicule, mais l'humour est sauf.
Ici, les trois petites soeurs ne sont que les lectrices, de loin, des aventures de notre sorcière et apparaissent en coin de page. Et en fait la couverture de cet album est rose !
Le Journal secret de la Sorcière Camomille, lu par les Trois Petites Soeurs
Par Enric Larreula
Illustrations de Roser Capdevila
Le Sorbier - 165 pages - 12€
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Sortilèges, d'Emily Gravett :
Ou l'histoire d'un crapaud vert qui souhaitait devenir prince charmant.
Album riche en surprises et autres découpages.
C'est l'histoire d'un conte de fées qu'on prend à rebrousse-poil. Il est souvent dit que tout vilain crapaud cache un beau prince charmant et que le baiser d'une princesse réveille à la vie... oui mais voilà, Emily Gravett a décidé d'ajouter des effets secondaires à la potion magique.
Jolie histoire, étonnante comme toujours.
L'album gagne souvent en curiosité par la magie de l'imagination de son auteur, on n'est jamais à bout des surprises !
Par Emily Gravett
Kaleidoscope / 15€
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Et pour les amateurs du génial Miyazaki : Kiki la petite sorcière !!!
Vive et pétillante, Kiki est une petite fille de 13 ans qui décide de quitter ses parents pour accomplir sa destinée : devenir sorcière, comme le veut la tradition. Elle s'envole donc avec son chat Jiji pour une sympathique petite ville côtière du sud, où Osono, une gentille boulangère, lui propose un emploi de livreuse...
Voyez ce film comme un poème, tout simplement drôle, beau et touchant !
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« Il avait déjà oublié qu'aujourd'hui, c'était la nuit d'Halloween. A l'origine, cette fête païenne celtique invitait les gens à se tenir sur leurs gardes car, la veille de la Toussaint, fantômes et autres esprits errants revenaient sur Terre régler leurs comptes avec les vivants. Mais désormais, Halloween n'était plus qu'une vaste foire aux monstres et aux dollars. »
in Noir Américain, Armand Cabasson
Tout d'abord, il est temps de rappeler à tous que nous sommes au printemps, la douce saison du renouveau, des bourgeons, du ciel bleu et des gazouillis de bon matin... (Pas facile à imaginer quand on sort à peine d'un week-end enneigé et frigorifié !)
Bref, l'idéal pour se rafraîchir les idées, c'est de feuilleter l'album de Véronique Massenot : Grand ménage de printemps. L'histoire commence benoîtement quand, dans la forêt, quelque chose semble avoir changé. Il y a du nouveau dans l'air, mais quoi ? Les petits habitants s'activent, les uns à aiguiser leurs outils, les autres à faire la lessive... Cela annonce l'arrivée du printemps !
Petites histoires et comptines convient le jeune lecteur à découvrir la forêt au printemps, à travers des personnages de contes traditionnels tels que Boucle d'Or, le Petit Poucet, le Petit Chaperon rouge, Hansel et Gretel ou encore l'Ogre, qui se font guides pour l'occasion. Un formidable exercice, mis en illustration par Lucie Minne (beaucoup de fraîcheur et de douceur dans ses pinceaux !) et servi par la plume de Véronique Massenot.
Grand ménage de printemps : Véronique Massenot (texte) - Lucie Minne (illustrations)
Gulf Stream junior, Nantes / Collection : Les p'tites balades
Au début, c'est une graine d'un petit arbre qui tombe là par hasard, à l'automne. Peu à peu un autre petit arbre sort de terre, un jour de très grand vent. Et le vent le pousse, si fort que le petit arbre grandit tout de travers. Il fait un coude mais ne se casse pas. Un animal vient s'y nicher, et... A plusieurs reprises, la même opération se répète : le petit arbre grandit, pousse de travers, fait un coude, recueille un animal, et rebelote. A la fin, le petit arbre, devenu le refuge des animaux (un chaton, un grillon, un oiseau), entend le chant de ses locataires et comprend qu'il est désormais devenu un arbre qui chantait.
Une histoire poétique qui aide l'enfant à dépasser ses complexes et trouver sa force. Mais pas seulement, car au-delà de l'aspect pédagogique, ce livre est aussi très joli à regarder ! Il avait été conseillé par Lili Oregane qui soulignait également tout le charme et l'incroyable beauté des illustrations (ça mérite un album, selon elle).
Le petit arbre qui chantait : Nadine Brun-Cosme (texte) - Muriel Kerba (illustrations)
Nathan Jeunesse, Mes p'tites histoires
Diop, le maître d'école, a inventé le Grand concours des idées extravagantes pour donner à ses élèves l'occasion de montrer leur intelligence et leur imagination. Depuis trois ans, Eugénie gagne à tous les coups. Mais cette fois, elle n'a pas d'idée et voudrait déclarer forfait. Au même moment, arrive à l'école une nouvelle - Malinka. C'est Eugénie qui est désignée pour la guider à trouver ses repères, et très vite les deux filles deviennent amies et se découvrent une terrain d'entente : le bricolage. A l'instar d'Eugénie, Malinka a les rouages de sa boîte crânienne en constant remue-ménage. Cependant, la fillette a un souci car elle se sent incapable d'inventer quelque chose d'utile, puis elle aimerait connaître les recettes secrètes d'Eugénie, comment lui viennent toutes ses idées. Or, Eugénie n'a point d'explication et cela exaspère sa nouvelle camarade, qui boude ! Autre chambardement à l'école, monsieur Diop accepte de bouleverser le réglement du concours pour permettre aux enfants de faire équipe. Eugénie se retrouve avec Malinka, et toutes deux rêvent de décrocher la première place !
La fin du roman est cocasse, car elle n'est pas celle qu'on supposait au début. Mais c'est une façon décomplexante pour les enfants d'assimiler le simple fait qu'on ne peut pas gagner coûte que coûte, puis de comprendre qu'il est préférable de participer. Ce roman traite de la confiance en soi, en plus de l'amitié. Car Malinka, la nouvelle, est une demoiselle qui boude tout le temps mais cela exprime, autrement, ses crises d'angoisse (ne pas comprendre, ne pas réussir, etc.). Le duo formé avec Eugénie est une balance équitable, la relation entre les fillettes est bénéfique pour toutes les deux. On parle alors de partage, du plaisir à confectionner un projet pensé à deux et réalisé à quatre mains. Il faut dire, aussi, que ce livre est un vrai bouillon pour la folle du logis, on y trouve des idées extravagantes d'inventions qui sont drôles et farfelues. Et dernier point : les illustrations de Laetitia Le Saux sont un petit régal de finesse dans ce joli monde créé par Hélène Vignal !
Le grand concours : Hélène Vignal (texte) - Laetitia Le Saux (illustrations)
Ed. du Rouergue, Zigzag
Le site de Laetitia Le Saux : http://www.laetitialesaux.com/
Credit illustration : Laetitia Le Saux
Lectures pour la jeunesse : du drôle et du lourd
Jean-Luc Fernouilh, étudiant en école d'ingénierie, vient de publier son premier roman pour la jeunesse, « Les bilingues », qui connaît un succès retentissant. Son éditrice Brigitte se frotte les mains, applaudissant également les phrases éclatantes que Jean-Luc sert à la presse, genre « je voudrais être le Franck Ribery de la littérature ».
Mais derrière ce joli succès, il y a Hector, 12 ans, le frère de Jean-Luc Fernouilh. C'est en fait lui le véritable auteur des Bilingues, lui qui planifie l'opération marketing de grande envergure, lui qui opte pour l'option « coulisses » et qui orchestre les prochains textes du chouchou de la presse, en devenant "crasheur" pour la maison d'édition.
Dessous et travers du milieu ? ... Emmanuel Arnaud nous en donne un sacré aperçu, toujours avec un humour dévastateur. Il s'appuie sur sa propre expérience (en 2006, il publiait Les Trilingues) et propose aujourd'hui sa vision fantaisiste sur cette aventure rocambolesque. Pour mieux corser son histoire, il invente l'idée selon laquelle les adultes ne connaissent strictement rien à l'univers de la jeunesse, surtout dans l'édition. Et alors, doubles rôles et duperies sont attendus au tournant !
Un roman très drôle, cocasse et saugrenu !
Ed. du Rouergue, 95 pages / Septembre 2007.
C'est une fillette de dix ans qui s'estime chanceuse d'habiter près de la grande maison de Maurice Lepoivre. C'est le Maître de ses parents, celui qui les invite à faire un Travail sur eux. Tout le monde n'a pas la chance de franchir les grands murs qui entourent et protègent la maison, ceux qu'on nomme les gens ordinaires, par exemple, ne bénéficient pas de cette aubaine. Tant pis pour eux.
A l'école, la jeune fille n'a pas le droit de répéter ce qu'il se passe dans cette maison. « Les gens ordinaires, les autres, ils ne peuvent pas comprendre ce qu'on fait avec Maurice Lepoivre (...) Comme ils ne comprennent pas, ils ont peur, et ils prétendent que c'est une secte. »
Pendant tout le roman, le mot n'est jamais cité (sauf vers la fin) mais le lecteur devine très facilement de quoi il s'agit. Les allusions racontées par l'adolescente sont flippantes, parce qu'elles sont anodines. A sa façon, cela semble inoffensif, Maurice Lepoivre est un bonhomme sympathique et qui porte auprès des jeunes (filles) une attention particulière. Et à toutes les interrogations qu'elle pose, on lui dit juste qu'elle comprendra plus tard...
La jeune fille va commencer à porter un autre regard sur ce qui est normal et ordinaire, sur ce qui ne l'est pas, sur sa vie de plus en plus oppressante, entre les absences de ses parents, son poids (on lui reproche d'être trop grosse) et la crise d'adolescence de sa soeur aînée, etc.
Très bien écrit, le roman d'Hélène Vignal s'appuie sur des non-dits, plus pour forcer la réflexion et amener le jeune lecteur à poser lui-même les bonnes questions. L'histoire se termine en demi-teinte, encore une fois pour aider le lecteur à cogiter et mesurer toutes les pistes que la jeune narratrice lui tend. L'auteur s'est inspirée de son expérience personnelle et recrée avec beaucoup de force et d'émotion la souffrance d'une fillette et ses interrogations. Ce petit bouquin très intelligent pourra servir d'outil en classe pour sensibiliser le jeune public.
Ed. du Rouergue, 92 pages / Septembre 2007.