Va et poste une sentinelle, de Harper Lee
Vingt ans ont passé, Jean Louise Finch, alias Scout, vit désormais à New York, a fait des études et développé un sens critique aiguisé sur la société. Elle est de retour à Maycomb en Alabama pour revoir son vieux père Atticus et son ami de toujours Henry Clinton, qui veut l'épouser. Leurs retrouvailles réveillent les doux souvenirs de l'enfance, des jeux insouciants, de son frère Jem décédé et d'une éducation privilégiée au cœur d'une petite communauté du Sud attachée à ses coutumes rétrogrades. Mais le pays est également secoué par les questions raciales, autour desquelles sa région natale se déchire, prenant fait et acte contre la constitution et les principes qu'on leur impose, contre leurs idéaux. Face à cette réalité, Jean Louise ne se sent plus chez elle, parmi les siens, et reconsidère sa certitude d'avoir grandi auprès d'un père formidable, qui forçait l'admiration.
Ce roman est autrement plus sombre et poignant dans son évocation du temps qui passe mais qui reste figé dans le comté sudiste, où les mœurs n'évoluent pas à l'heure new-yorkaise, ce qui heurte la sensibilité politique de notre héroïne libérale. Mais Jean Louise est également décevante dans ses jugements à l'emporte-pièce et dans son désir de calquer un modèle qui ne sied pas à la petite ville. Certaines révolutions se font dans la douceur et nécessitent des concessions difficiles à entendre, sans toutefois les targuer de lâches et intolérables. C'est là une digne Finch aux idées excentriques et obtuses ! J'ai donc souvent alterné entre la tendresse et l'agacement, entre la nostalgie enthousiasmante et la désillusion fatale à la lecture de ce roman - impeccablement interprété par Cachou Kirsch, qu'on ne présente plus et qui fait des merveilles dès qu'elle s'empare d'une histoire, sa voix nous transporte, nous touche et nous berce. C'est très appréciable !
“Va et poste une sentinelle” ne possède sans doute pas le même souffle romanesque ni cette délicieuse subtilité de rendre un récit d'apparence candide si profond et attachant, comme cela a été le cas pour “Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur”, mais sa lecture n'en demeure pas moins plaisante sans être inoubliable.
« CHACUN A SON ÎLE, JEAN LOUISE, CHACUN A SA SENTINELLE : SA PROPRE CONSCIENCE. »
Traduit par Pierre Demarty (Go Set a Watchman) pour les éditions Grasset & Fasquelle, 2015
Lu par Cachou Kirsch - durée : 8h 25 - pour Audiolib / Février 2016
Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, de Harper Lee
Quel roman extraordinaire ! L'histoire est racontée par une fillette de neuf ans, Scout Finch, qui grandit avec son frère Jem et leur père Atticus dans une petite ville d'Alabama, frappée par la récession économique et engluée dans la ségrégation raciale (nous sommes dans les années 30). Scout est une enfant vive et curieuse, qui a perdu sa mère très jeune et qui voue à son père un culte sans borne. Atticus Finch est avocat, commis d'office dans une affaire de viol, un noir contre une blanche. Le comté est en plein émoi, mais Atticus va inculquer à ses enfants la valeur essentielle du respect de l'autre et du droit pour tous.
Même si cette affaire est l'équivalent de la lumière du phare en pleine mer, elle n'occupe pas non plus toute la place et s'éclipse pour laisser libre court aux divagations de la fillette qui nous raconte aussi sa vie de tous les jours - l'école, l'institutrice aux nouvelles méthodes pédagogiques, les vacances avec Dill, le voisin Boo Radley qui vit reclus chez lui et qui ne cesse d'alimenter de folles rumeurs et l'imagination des enfants. C'est fondamentalement un roman sur l'enfance et l'innocence, sur le regard naïf mais non moins acéré que porte Scout sur le monde qui l'entoure et qui ne tourne pas toujours rond.
Loin d'être simpliste, la lecture est surprenante par sa trame subtile et ficelée avec brio. Scout, par sa jeunesse et son idéalisme radical, s'exprime tout de go et rend, à son corps défendant , son récit drôle et caustique. C'est très, très bon. Et la voix de Cachou Kirsch est toujours aussi agréable à écouter. Elle nous transporte dans cette ambiance du sud si caractéristique, et pourtant si ensorcelante et captivante. J'ai été sous le charme, conquise durant les 11 h 35 du livre audio, époustouflée par ce fabuleux canevas œuvré avec intelligence et doigté.
Ce grand classique de la littérature américaine, couronné par le prix Pulitzer en 1961, est également devenu un livre culte dans la lutte pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis mais doit aussi son succès pour son incomparable justesse et pour sa tendresse dans les événements qu'il rapporte. Je recommande fortement. ♥
Audiolib / Octobre 2015 ♦ Texte lu par Cachou Kirsch (durée : 11h 35) ♦ Traduit par Isabelle Stoïanov pour les éditions de Fallois (2005) relue et actualisée par Isabelle Hausser pour les éditions Grasset & Fasquelle
À paraître en FÉVRIER 2016 (Audiolib) « Va et poste une sentinelle » la suite des aventures de Scout.