Un amour de tortue, par Roald Dahl & Lu par François Morel
Ce fabuleux conte de Roald Dahl se voit ici gratifié d'une excellente réalisation par Isabelle Aboulker et l'Orchestre de chambre de Paris. Texte lu par François Morel.
Monsieur Hoppy est secrètement amoureux de sa voisine Madame Silver, qui n'a d'yeux que pour sa tortue Alfred. Au détour d'une discussion, elle lui confie être inquiète car Alfred ne grossit pas. Monsieur Hoppy lui répond alors qu'elle a besoin d'une bonne vieille recette magique et lui fait réciter un chant incantatoire. Madame Silver trouve que cela ressemble à du charabia, mais constate assez vite son efficacité. Seulement, ce qu'elle ignore, c'est que Monsieur Hoppy a fait l'acquisition en cachette de plusieurs tortues, toutes ressemblant à Alfred. Chaque jour, il les nourrit en cachette dans son appartement, puis se faufile chez sa voisine pour les intervertir et faire croire à Madame Silver que son cher Alfred prend du poids. Quelle farce !
L'idée de mettre en musique le texte de Roald Dahl est excellente car l'écoute a été agréablement surprenante. L'histoire prend la tournure d'un opéra flamboyant, avec des instruments qui jouent et s'emballent en répondant aux voix d'Anne Baquet (Mme Silver, soprano), de Yann Toussaint (M. Hoppy, baryton) et d'Yves Coudray (ténor). Sous la direction de Pierre Dumoussaud. La composition est remarquable et impressionnante, elle transcende le plaisir de la lecture et nous fait passer un très bon moment. Un petit roman tendre et loufoque qui se révèle alléchant par sa mise en scène originale.
Une réussite.
Traduit par Henri Robillot - Gallimard Jeunesse, coll. Hors Série Musique / Octobre 2016
Illustrateur de couverture : Quentin Blake
Réunis dans ce coffret:
• Le livre de 72 pages avec ses illustrations en couleurs
• Un CD de 40 minutes avec le texte intégral mis en musique
10% de tous les droits d'auteur de Roald Dahl sont versés à nos partenaires de bienfaisance. Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.roalddahl.com.
Un tueur sous la pluie, de Raymond Chandler
Dans ce recueil de trois nouvelles, dans lesquelles la figure du détective privé joue un rôle prépondérant, ce sont aussi trois enquêtes rigoureuses et brutes de décoffrage que l'on parcourt avec un certain effarement.
Ce sont globalement des œuvres mineures de Chandler, écrites au cours d'une “période d'apprentissage” et publiées dans le magazine Black Mask dans les années 30. Leurs valeurs littéraires sonnent passablement correctes, mais affichent néanmoins la marque de fabrique de l'auteur : situations dramatiques, rebondissements et habiles ficelles, dialogues percutants, sarcasmes et propos orduriers, rythme rapide, fusillades à la pelle, accumulation de cadavres et des coups qui pleuvent en abondance. Bienvenue dans le véritable esprit du roman noir hardboiled.
Un tueur sous la pluie (Killer In The Rain - 1935) raconte une enquête peu glamour dans un milieu dépravé. Un père recrute un détective privé pour sauver sa fille de la débauche. Sa récente relation avec un libraire, qui pratique un commerce parallèle salace, met l'homme dans tous ses états. Le soir même, sous une pluie battante, le type se rend près du petit nid d'amour des deux amants, en pleine séance de photos olélé, lorsque celle-ci est soudainement interrompue par une fusillade. Hystérie collective. Le détective déboule dans la chambre, expédie la nana pompette chez elle, puis retourne sur les lieux du crime et constate l'absence de corps.
La suite des festivités n'est guère réjouissante. Dealer de morphine, chantage, flic pourri, meurtre à crédit, macchabées, Colt et whisky, en plus de détails saugrenus, comme deux paires de mules en velours émeraude, des pastilles à la violette, un grand balaise qui sort de taule et cherche “la p'tite Beulah”, avec son pantalon aubergine, son veston grisâtre, ses souliers de daim, sa cravate jaune et un énorme œillet rouge à la boutonnière... (Bay City Blues - 1938) et Déniche la fille (Try The Girl - 1937)
Cette édition présentée par Gunnar Staalesen est un condensé de l'univers de Chandler dans une version sans filtre et sans réserve, mais avec beaucoup de cynisme et d'humour acerbe. On ne nous apprend rien. Le seul détail pertinent serait que ces nouvelles ont plus tard constitué la matière première de romans plus élaborés comme Le Grand Sommeil, La Dame du lac et Adieu, ma jolie.
Trad. de l'anglais (États-Unis) par Henri Robillot et révisé par Cyril Laumonier
Nouvelle édition présentée par Gunnar Staalesen en 2016
Collection Folio policier (n° 537)
Écoutez lire : Matilda, de Roald Dahl
À cinq ans, Matilda Verdebois est une petite fille très éveillée, véritable dévoreuse de livres, douée en mathématiques et en orthographe. Elle se fait pourtant toute discrète à la maison, car ses parents ne conçoivent pas la vie sans une série télévisée et la rabrouent souvent de ne pas être à leur image.
Mlle Candy, son institutrice, détecte tout de suite son potentiel hors du commun et décide de la prendre sous son aile. Mais il faut d'abord composer avec le caractère coriace de Mlle Legourdin, la directrice de l'école, qui déteste les enfants, les nattes, les jupes plissées et les grandes oreilles. Elle prend aussi un plaisir sadique à persécuter les élèves en les humiliant publiquement.
Personne ne pipe mot. Cette femme est tellement immonde qu'elle est redoutée de tous, même les parents n'ont pas conscience de l'énormité de sa cruauté. Matilda est sidérée, tant et si bien qu'elle développe un don de télékinésie qui pourrait bien servir ses petites affaires... ^-^
L'histoire étale joyeusement l'esprit perfide et méchant des adultes, avec moult détails sur les tortures infligées aux enfants (tirer les oreilles, punir au coin sur un pied, réciter sa table de multiplication à l'envers, jouer du javelot avec les tresses, avaler un gâteau au chocolat en entier...). C'est féroce, mais cocasse. Les jeunes lecteurs l'ont d'ailleurs compris, en plébiscitant l'héroïne de ce roman délectable.
Car Matilda est une fillette extraordinaire, qui compense sa malchance d'avoir deux parents crétins par un tempérament doux et avenant (même si la demoiselle sait faire preuve de rouerie pour les tourner en bourrique). Ça et la lecture de Dickens qu'elle affectionne par-dessus tout. Témoin de tant de malice, elle va s'improviser justicière de l'ombre et déployer ses super-pouvoirs !
La lecture faite par Christian Gonon, accompagné de 7 autres comédiens (Isabelle de Botton, Anne Canovas, Laetitia Godes, Amélie Gonin, Sarah Haxaire, Sandrine Le Berre, Thierry Pietra) est pleine de vie, guillerette et entraînante (superbe orchestration musicale). On retrouve dans ce livre l'humour mordant de Roald Dahl, sa fantaisie, sa moralité, ses fanfaronnades et une vision affligeante du monde des adultes. Hop, hop, hop... Le comique se substitue au terrible. On chasse les grimaces, on range les grincements de dents et on se réjouit du tournant des événements.
Public conquis. Applaudissements dans la salle.
Gallimard Jeunesse, coll. Ecoutez Lire - Juin 2016 pour la présente édition
Titre disponible en Folio junior n° 744