Un peu de respect, j'suis ta mère ! - Hernàn Casciari
« Ce livre recueille une à une les confessions de Mirta Bertotti, mère de famille de cinquante-deux ans qui habite avec son mari, ses trois enfants et son beau-père dans la ville argentine de Mercedes. Mirta écrit sur sa famille et sur sa vie, elle évoque également sa peur de vieillir et son ennui conjugal. Ne s'agissant pas d'une oeuvre majeure, il n'y a pas grand-chose à en dire, en réalité. L'ouvrage est composé d'environ deux cents chapitres qu'elle a publiés sur un blog entre septembre 2003 et juillet 2004. Elle les a rédigés elle-même avec l'assistance technique de Nacho, son fils aîné, et les a postés jour après jour, sans autre objectif que de lutter contre la dépression, persuadée que nul n'aurait envie de lire les scribouillages d'une « grosse dame » de province. »
Attention, trop sérieux s'abstenir ! Ce roman est complètement idiot (dans le sens burlesque), mais pas mauvais. Il met en scène une famille barrée dans une comédie déjantée, comme si les Simpsons et South Park s'étaient mélangés entre eux. Imaginez le désastre !
Mirta Bertotti, mère de famille de cinquante-deux ans, nous raconte sans pudeur ni miel trop sucré les aventures rocambolesques des siens : son fils aîné, la prunelle de ses yeux, aime les garçons, le deuxième fils est un crétin fini, la fille en sait plus que sa mère sur les choses du sexe... Son mari traîne devant la télé, il a la main légère et des humeurs d'ours, en plus le beau-père, vieux cochon, fume des pétards et trafique du hasch. Bienvenue chez les Bertotti ! La famille ne roule pas sur l'or, elle joint les deux bouts avec les moyens du bord, lorsque Nacho, le fils prodigue, propose d'ouvrir une pizzeria.
« Parfois j'aimerais avoir une famille comme celle de La Petite Maison dans la prairie. La question la plus impertinente que Laura ait jamais posée à sa mère portait sur la manière d'enfourner les petits pains. Mais il est clair que je n'ai jamais eu de chance, dans la vie ! »
Je me suis régalée en lisant ce livre, ne me retenant pas de rire aux éclats en découvrant le portrait de cette famille, en plus de leurs facéties. Le ton est parfois osé, les noms d'oiseaux volent. La mère est cash, elle écrit comme elle pense, c'est spontané, frais et délirant. J'avoue avoir zappé quelques passages, parce qu'il ne faut pas abuser des bonnes choses. Mais globalement j'ai picoré avec délice cette comédie farfelue d'une desperate housewife qui échappe à la crise grâce à l'écriture de son blog !
N'en attendez pas trop, juste un bon antidote contre la déprime ! Succès garanti.
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Cette histoire publiée quotidiennement sur internet a connu un succès public sans précédent. Mais en fait, Mirta Bertotti n'est qu'un personnage fictif tout droit sorti de l'imagination d'un journaliste argentin, Hernàn Casciari, qui admet s'être librement inspiré d'un personnage réel : sa mère. Reste que jusqu'à cet aveu, Mirta reçut beaucoup de courrier, des messages d'encouragement et même des cadeaux. Hernàn Casciari est devenu le fondateur d'un nouveau genre littéraire : la blogonovella (le blog-roman).
Calmann-lévy, 2009 - 345 pages - 18€
traduit de l'espagnol (Argentine) par Alexandra Carrasco
il y a toutes en nous une Mirta Bertotti...
« Hier soir, ils ont encore passé Sur la route de Madison. Chaque fois que je tombe dessus en zappant, je me dis : « Mirta, ne regarde pas ce film, change de chaîne, Mirta. » Je ne sais pas ce qui m'arrive, avec cette histoire, c'est comme si elle m'hypnotisait et qu'elle m'empêchait d'appuyer sur les boutons. Et après l'avoir vue, j'ai de ces bouffées de chaleur dans le bas-ventre ! Envie de réveiller Zacarias...
En plus, il y a Meryl Streep qui joue dans ce film, c'est mon sosie quand j'étais plus jeune, alors je m'identifie encore plus au personnage, une femme au foyer de Madison (un patelin comme Mercedes) mariée depuis des années à un Zacarias quelconque, ils ont un Caio et une Sofi comme n'importe qui. Jusqu'au jour où... patatras ! arrive dans le village un photographe de Buenos Aires pour photographier le pont du parc municipal.
Pour ne rien arranger, Zacarias est parti pêcher à San Andres de Giles et il a emmené les enfants. Meryl Streep est donc seule à la maison, à balayer derrière les meubles, à écouter la radio, à préparer des flans pour quand la famille reviendra et des choses de ce genre... Mais Dieu a voulu que la Studebaker du photographe (joué par Clint Eastwood, un tombeur irrésistible) tombe en panne devant la porte de cette dame.
Et c'est là que je commence à avoir des bouffées de chaleur. Parce qu'il est clair que Meryl a envie qu'on lui débouche la tuyauterie, parce qu'il est clair aussi que Zacarias est un bon paysan de Madison, mais c'est un catholique très pratiquant qui n'utilise le lit que comme lieu de prière. Tandis que Clint Eastwood, lui, est un homme du monde, de ceux qui portent tout naturellement un chapeau, qui s'habillent en beige, qui racontent des histoires de safaris...
A un moment, ils sont presque devenus amis, Clint vient dîner et lui apporte un petit cadeau (jamais Zacarias n'a eu un geste aussi délicat envers Meryl Streep!)... Clint ne claque pas les portes en entrant, lui, alors elle fait une moue, l'air de dire « Quel homme charmant, je le boufferais tout cru ».
On atteint le paroxysme quand elle lui dit « Attends-moi une seconde », qu'elle va dans la salle de bains et qu'elle se débarbouille à l'eau froide pour faire baisser la température... Ensuite il l'aide à faire la cuisine, ils se frôlent du coude, ils pressent des citrons sur la table de la cuisine... Ah, Seigneur ! Dans ce passage-là, je retiens mon souffle : je serre les cuisses très fort parce que quand ils coupent les citrons je mouille mes collants.
Et alors là, plaf ! Le photographe lui dit tout à coup : « Allez, Meryl, tu ne crois pas qu'on est un peu âgés pour ces conneries ? » Et elle lui répond : « T'as raison, Clint. » Elle se donne à lui, la garce, et ils se mettent à copuler comme si la fin du monde approchait, à même le carrelage. Quel soulagement quand ils se mélangent les poils ! Et alors tout me tombe dessus en même temps : chaleurs, culpabilité, tout à la fois.
Le film finit très mal pour tout le monde, sauf pour Zacarias, qui revient avec plein de poissons et ne se doute de rien. Il y a une scène où on voit Clint sous la pluie, pleurant d'amour parce qu'il voit Meryl Streep et Zacarias avec les enfants à la sortie du supermarché. Il sait qu'il doit rentrer à Buenos Aires parce qu'il n'y a plus rien à faire. ça se termine là. Et c'est là que, au bord des larmes, les sens en feu, je donne des coups de coude à Zacarias pour le réveiller et je lui dis tout bas :
- Chéri, tu trouves pas que je ressemble à Meryl Streep ? (...) »
extrait de : Un peu de respect, j'suis ta mère (roman de Hernàn Casciari)
La suite, demain (lundi!) ...