Le Palais des Mirages - Hervé Jubert
Cette sublime couverture de Shelly Wan met en scène une petite fée qu'on n'hésite pas à associer à l'héroïne du roman, Clara Charpentier. Clara a quinze ans, c'est une reine de la voltige, qui manque un jour se rompre le cou au Palais des Mirages mais doit la vie sauve grâce à l'intervention d'un charmant ténor de la chorale d'Upsal, monsieur Lukas Sandström. Nous sommes en l'an de grâce 1900, la grande Exposition universelle vient d'ouvrir ses portes à Paris. Des milliers de visiteurs sont attendus, des stands tous plus excentriques et beaux les uns que les autres rivalisent de grandeur et d'ambition. Pourtant, la menace gronde et les risques d'attentats sont bien réels, puisque dans l'ombre des individus ourdissent un plan diabolique. Victime de sabotage, Clara prend les devants pour retrouver le suspect russe au crâne chauve et à la voix de castrat. Chemin faisant, elle recroise son chevalier servant, le suédois Lukas S., toujours galant mais un tantinet mystérieux, et hélas fuyant. Qu'importe. En dépit des règles de bienséance, Clara le poursuit sans relâche, elle l'invite même à rejoindre le Grenier des Poètes, qui n'est autre que l'appartement du grand-père carillonneur, Mérowak.
Véritable hymne aux rêves et aux mirages, aux spectacles de danse et de lumière, à la naissance du nouveau siècle, ce roman d'Hervé Jubert est une féerie, une fantasmagorie, une épopée rythmée dans un Paris qui revêt un costume splendide. Les descriptions de l'Expo font illusion et se parent de lumières étincelantes. Le spectacle est époustouflant ! De plus, l'aventure que va vivre Clara Charpentier, qui n'est pas sans rappeler une certaine Blanche Paichain, combine le policier au fantastique avec une symbiose parfaite. De toute façon, l'avancée dans ce monde est tour à tour étrange, unique et déroutante. Mais le charme opère, fatalement. La plume d'Hervé Jubert fait encore montre de virtuosité et touche en plein cœur la lectrice éblouie que je suis. Un vrai numéro de saltimbanque, qui tourbillonne et donne des étoiles dans les yeux. Magique ! Tout comme ce regard tendre et attachant avec lequel l'auteur croque ses personnages... comment ne pas succomber ? Un vrai régal !
Lecture brillante. A conseiller aux grands lecteurs.
Albin Michel, coll. Wiz, 2009 - 360 pages - 13,50€
le site de l'auteur : www.blanche-paichain.net
lire, relire, découvrir Blanche
un extrait pour s'en convaincre : « Ce que Clara avait été pour l'air, Loïe Fuller l'était pour le feu. Toutes deux étaient fées. Clara le comprit enfin.
On ne voyait le visage de Loïe qu'entre deux vagues ondulantes. Le corps était une flamme, une fleur, un papillon avant de redevenir cette boulotte souriante au nez fripon et à la fossette mutine. La danseuse avait inventé un mode d'expression qui transcendait l'âme humaine. Et pourtant, dans le civil, elle était si passe-partout... Pour la première fois, Clara sentit des picotements la saisir à la nuque lorsque le dernier mouvement, le plus étrange, celui qui se jouait dans la pénombre, s'acheva dans un silence stupéfait. »
Blanche ou la triple contrainte de l'Enfer - Hervé Jubert
1870. Engagée contre l'armée prussienne, la France vit des heures sombres qui font trembler de peur les Parisiens et les poussent à quitter la capitale pour se réfugier à la campagne. Dans une gare bondée, la famille Paichain entend regagner la Sarthe en poussant du coude. C'est alors que, dans la cohue générale, la plus jeune fille, Blanche, 17 ans, est séparée des siens et voit le train partir sans elle. Seule dans Paris, Blanche est aussitôt prise en charge par son oncle Gaston Loiseau, commissaire de police, et sa meilleure amie Emilienne, la fille de la concierge. Et comme notre demoiselle ne tient jamais en place et aime fourrer son nez partout, elle va se mouiller dans une enquête criminelle pour le moins étrange, car les cadavres ont la particularité d'être marqués d'un singulier tatouage au bras avant de disparaître. Pour disculper un innocent, Blanche intervient dans les affaires de son oncle et tente de le mettre sur la piste d'un individu polymorphe, amateur de sorcellerie et de magie noire.
Blanche Painchain est une héroïne épatante, qui sous des dehors ordinaires, jeune fille de bonne famille, aimant la lecture et les activités intellectuelles, se passionne aussi d'anthropologie, d'anatomie et de théâtre, d'où son impassabilité face aux blessures des soldats sur leur lit d'hôpital ou face aux scènes de dissection qui ne la font pas flancher. Ce petit bout de femme a tout pour plaire ! Elle nous entraîne à sa suite dans un Paris du 19ème décrit de manière authentique, c'est bruyant, c'est violent, c'est le chaos général, et au milieu de tout ça, des crimes barbares font leur nid à la barbe de la police dont l'enquête piétine. L'intervention de Blanche n'est pas anodine, pas incongrue non plus, sa relation avec son oncle Gaston étant riche en complicité, et plus encore... De son côté, l'auteur s'éclate à nous planter son décor, à peaufiner les détails, à truffer ses dialogues de l'argot de l'époque et à insuffler une verve étourdissante à son récit. L'intrigue est également rondement menée et tient le lecteur en haleine. Pour une première approche du personnage de Blanche, cette lecture contient un souffle romanesque flamboyant, lequel ne manquera pas de se déployer dans les deux autres tomes de la série (L'œil du Grand Khan & Le Vampire de Paris). Pour l'heure, la séduction a déjà pleinement opéré. Je. Suis. Conquise.
Albin Michel jeunesse, coll. Wiz / Mai 2005 ***
Relooking de la couverture en mai 2014 :