La fille de l'hiver, par Eowyn Ivey
Mabel et Jack ont tout plaqué pour s'installer en Alaska, dans une petite cabane en bois, au milieu de nulle part. Les conditions de vie sont rudes et les désillusions abondent au cours de cet hiver 1920. Le couple se demande s'il ne ferait pas mieux renoncer de cultiver la terre pour travailler à la mine. L'arrivée de leurs rares voisins, les Benson, leur conseillant de tuer un élan et de faire des pancakes au levain en attendant des jours meilleurs, leur redonne finalement de l'espoir. Auraient-ils pu aussi imaginer qu'un simple bonhomme de neige allait bouleverser leur existence ? Ou comment expliquer l'illusion d'un renard et d'une fillette rôder autour de leur maison ? Pour Mabel, fragilisée par ses fausses couches, il ne fait aucun doute que cette apparition est un don de la nature.
Il appartient ensuite au lecteur de succomber ou pas au charme de ce conte, pétri de réalisme magique, qui nous transporte dans une bulle hors du temps. Côté ambiance, on se croirait dans la petite maison dans la prairie, promis, c'est confondant. L'histoire peut sembler étrange et abstraite, alors qu'elle est pleine d'amour et d'abnégation. C'est fascinant. Entre rêve et réalité, on hésite et on se perd facilement. De plus, la nature est magnifique. On découvre une Alaska sauvage et énigmatique, véritable ouverture à voyager et méditer. Ainsi, on oublie tout. On largue les amarres. On chavire. On disparaît dans un méli-mélo onirique. On gobe son pouvoir ensorcelant et mystique. On s'imprègne de sa lumière et on savoure sa poésie. C'était bizarre, mais drôlement beau.
10-18 (2014) - traduit par Isabelle Chapman
titre VO : The Snow Child
En poche ! Emporter nos rêves, de Vanessa Diffenbaugh
Letty a toujours fui ses responsabilités de maman, laissant à ses parents le soin d'élever ses deux enfants, Alex, quinze ans, et Luna, six ans. Mais lorsqu'ils décident de rentrer au Mexique couler une retraite paisible, Letty doit soudainement renoncer à ses vieilles habitudes - adieu les soirées alcoolisées, à s'oublier dans des étreintes sans lendemain, Letty doit désormais penser à nourrir ses enfants, s'assurer qu'ils sont en sécurité quand elle part au boulot et envisager pour eux un meilleur avenir. Serveuse dans un restaurant, situé dans un aéroport, elle ressasse avec amertume son parcours chaotique, entre rendez-vous loupés et mauvaises décisions prises. Comme ne jamais avouer sa grossesse au père de son fils, Wes Riley, voulant remettre à plus tard l'annonce et reculant toujours plus loin l'échéance. Quinze ans plus tard, Letty ignore que son garçon a finalement retrouvé sa trace et rôde autour de sa maison. L'heure de la raison a donc sonné pour la jeune femme, qui décide de changer son fils de lycée pour réussir dans ses études... Mais Alex aimerait sauver sa petite copine, Yesenia, contre la violence de son école et la menace d'être expulsée - la jeune fille vit en situation illégale sur le sol américain - quitte à prendre des risques insensés. Pour Letty et sa famille, la paix des ménages n'est pas encore au coin de la rue !
J'ai été agréablement surprise par cette lecture, entamée sans attente précise, me fiant simplement au nom de l'auteur et à la promesse d'un rendez-vous de douceur et d'émotion. Le contrat a été pleinement rempli - on suit l'histoire d'une jeune femme paumée, qui va remettre sa vie sur les rails et entraîner ses proches dans ce grand élan d'espoir et d'optimisme. On lit tout ça avec beaucoup de complaisance et d'attendrissement. Les personnages sont en effet attachants, cabossés, écorchés mais vrais. Leur histoire s'écrit en toute simplicité, sans pathos, sans sentimentalisme exacerbé. C'est une belle leçon d'abnégation, riche en tendresse et pleine d'espérance. Un joli roman sur la poursuite du bonheur coûte que coûte.
Pocket (2018) - traduit par Isabelle Chapman
Emporter nos rêves, de Vanessa Diffenbaugh
Letty a toujours fui ses responsabilités de maman, laissant à ses parents le soin d'élever ses deux enfants, Alex, quinze ans, et Luna, six ans. Mais leur décision soudaine de rentrer au Mexique la contraint à changer ses habitudes - adieu les soirées alcoolisées, à s'oublier dans des étreintes sans lendemain, Letty doit désormais penser à nourrir ses enfants, s'assurer qu'ils sont en sécurité quand elle part au boulot et envisager pour eux un meilleur avenir. Serveuse dans un restaurant, situé dans un aéroport, elle ressasse avec amertume son parcours chaotique, les rendez-vous loupés et les mauvaises décisions. Comme pour le père de son fils, Wes Riley, à qui elle n'a jamais avoué sa grossesse, voulant remettre à plus tard l'annonce, reculant toujours plus loin l'échéance. Quinze ans plus tard, elle ignore que son garçon a retrouvé sa trace et rôde autour de sa maison en se posant de nombreuses questions. L'heure de la raison a donc sonné pour Letty, qui peu à peu tente des initiatives concrètes - changer son fils de lycée, l'envoyer hors de son quartier, lui donner la chance de s'épanouir dans ses études... Mais Alex a également ses petits secrets, outre épier son père, il aimerait sauver sa petite copine, Yesenia, contre la violence de son école et la menace d'être expulsée - la jeune fille vit en situation illégale sur le sol américain. Les idées grouillent dans sa tête et le poussent à commettre quelques prises de risque insensées. Pour Letty et sa famille, la paix des ménages n'est pas encore au coin de la rue !
J'ai été agréablement surprise par cette lecture, entamée sans attente précise, me fiant simplement au nom de l'auteur et à la promesse d'un rendez-vous de douceur et d'émotion. Le contrat a été pleinement rempli - on suit l'histoire d'une jeune femme paumée, mais qui va remettre sa vie sur les rails et qui va entraîner ses proches dans ce grand élan d'espoir et d'optimisme. On lit tout ça avec beaucoup de complaisance et d'attendrissement. Les personnages sont en effet attachants, cabossés, écorchés mais vrais. Leur histoire s'écrit en toute simplicité, sans pathos, sans sentimentalisme exacerbé. C'est une belle leçon d'abnégation, riche en tendresse et pleine d'espérance. Un joli roman sur la poursuite du bonheur coûte que coûte.
Presses de la Cité, 2017 - Trad. Isabelle Chapman [We Never Asked for Wings]
Le Temps des métamorphoses, de Poppy Adams
Après des années de silence, Vivien rentre à la maison, dans le domaine familial de Bulburrow Court, un manoir victorien délabré, basé dans le Dorset. Sa sœur Virginia l'attend avec une certaine fébrilité. Que diable cherche-t-elle ? pourquoi ce retour ? Mais il ne sert à rien de tergiverser que les retrouvailles ont déjà lieu, des retrouvailles empruntées et maladroites, couvertes de faux-semblants et de bavardages inutiles. Dès son arrivée, Vivien ne cache pas son choc en explorant les lieux dépouillés et s'étonne de l'hygiène de vie de sa sœur, qui vit recluse dans cette grande demeure glaciale. Contrairement à elle, Virginia n'a en effet jamais quitté les murs de Bulburrow Court, emprisonnée dans les vestiges d'une enfance idyllique, auprès d'une mère élégante et fantasque et d'un père passionné d'entomologie, que Ginny suivra aveuglément en reprenant le flambeau. Les sœurs sont censées avoir tant de choses à se raconter, et pourtant le malaise entre elles est palpable. Pour le comprendre, il faut accepter le va-et-vient des souvenirs, entre présent et passé, à nous livrer une histoire de famille lourde de secrets, de drames et de mensonges. Le roman ainsi surprend, par son charme éthéré et ses manières dépassées, mais en impose aussi, par son atmosphère pesante et énigmatique d'une vieille demeure poussiéreuse. Et puis la relation entre Vivien et Virginia laisse également planer le doute sur des faits trop longtemps enfouis et que leurs retrouvailles vont déterrer involontairement. Par contre le rythme est nonchalant, il faut s'adapter à la lenteur, enclencher le rétroprojecteur de la mémoire et ne pas prendre toute confession prodiguée pour argent comptant... Pour qui aime les lectures d'ambiance, et pourquoi pas les longues théories sur les insectes, ce livre n'attend plus que vous ! Je garderai le souvenir du raffinement, de son refus de lâcher prise, ainsi que la belle galerie de personnages, qui continuent de hanter les couloirs de Bulburrow Court.
Traduit par Isabelle Chapman (The Sister) pour les éditions Belfond, repris chez 10-18, déc. 2011
# Mois Anglais 2016 : (Vieilles) dames indignes ou indignées