Rien qu'un jour de plus dans la vie d'un pauvre fou
Cela commence par la disparition d'une petite fille, puis plus rien.
Nous nous retrouvons près d'un lac, à Sponge, petite ville tranquille où il ne se passe jamais rien. C'est la coutume. Y vivent Alice et Jean-Alain, deux adolescents pas comme les autres, bientôt acteurs d'un drame qui risque de se retourner contre eux. En effet, Laura, treize ans, a disparu. La gendarmerie suspecte aussitôt Linlin, surnom donné à Jean-Alain parce qu'il lui manque quelques cases. Seul Nour, l'un des enquêteurs, va vouloir chercher la petite bête.
Que vous dire ? L'ambiance est pesante, le stress est palpable, et le malaise certain. Le fait de se glisser dans la peau des uns et des autres exacerbe le trouble ressenti. Impossible d'être étranger, de prendre du recul. Il y a un effet d'absorption à ce que vit la petite communauté de Sponge qui nous étourdit. Pas sûr d'en sortir indemne, même.
M. Nozière a l'air de distiller les secrets et les doutes derrière les jolies façades polies. Il a fait de Sponge le théâtre de toutes ses obsessions - et des nôtres, en conséquence. C'est fichtrement fascinant, parce que ce n'est pas lisse, parce que ça dérange et parce que c'est aussi ce que je recherche. J'ai lu ce livre en suffocant, j'avais envie de connaître le dénouement, et je me sentais liée au sort des personnages envers lesquels nos sentiments ne cessent d'évoluer.
C'est un roman policier qui colle au siège et qui provoque des sensations de gratouille. Je ne suis pas sûre de l'effet désiré, mais s'il comptait faire mal, s'il cherchait à réveiller le lecteur et s'il espérait que celui-ci ne puisse plus fermer les yeux sans songer à Elise, ou Freddy, ou Linlin, Nour, Alice... enfin bref, c'est réussi.
NB : JP Nozière a emprunté une phrase du roman de Tom Robbins, Comme la grenouille sur son nénuphar, pour le titre de son propre roman. Effet assuré !
Rien qu'un jour de plus dans la vie d'un pauvre fou - Jean Paul Nozière
Editions Thierry Magnier (2011) - 260 pages - 15,50€
Teaser Tuesday #7
"Je ne suis pas une peste", affirma Ramona Quimby à sa grande soeur Beezus.
"Alors arrête de te conduire comme une peste", riposta Beezus, dont le véritable nom était Béatrice. Plantée devant la fenêtre qui donnait sur la rue, elle attendait son amie Mary Jane pour faire avec elle le chemin jusqu'à l'école.
Ramona la peste - Beverly Cleary
En ce matin fatidique, pour me rendre à mon bureau (pardon, au bureau du Dr Ragostin, Spécialiste en recherches - Toutes disparitions, mon employeur fictif), j'avais enfilé une robe en faille de soie vert lichen, à coupe princesse, avec col d'organza et chapeau du même vert, tranchant élégamment sur le brun roux de ma nouvelle perruque.
A mon annulaire gauche, j'arborais une alliance.
Métro Baker Street (Enola Holmes #6) - Nancy Springer
Je me réveillai en sursaut et me redressai, une main serrée autour de mon pendentif et l'autre enroulée dans les draps. J'essayai avec peine de faire revenir les fragments de mon rêve qui s'estompait déjà. Une histoire de sous-sol... une petite fille... moi ? Je ne me souvenais pas d'avoir jamais eu un sous-sol ; nous avions toujours vécu dans des appartements.
Une petite fille dans un sous-sol, et quelque chose d'effrayant... mais les sous-sols n'étaient-ils pas toujours effrayants ? Je frissonnai à l'évocation de ces endroits sombres, humides, vides. Mais celui-là n'était pas vide. Il y avait... je ne parvenais pas à me rappeler quoi. Un homme derrière une chaudière... ?
Pouvoirs Obscurs : L'invocation - Kelley Armstrong
- Tu surveilles Elise une petite heure, mon grand ? Le temps d'une ou deux courses dans le quartier.
Je déteste que maman m'appelle "mon grand". J'ai dix-sept ans. C'est ridicule. Surtout quand elle parle aussi fort, ameutant les autres personnes assises sur les bancs du parc Emile-Zola. Une façon de clamer : "C'est mon fils ! Il est beau, n'est-ce pas ? Et gentil à un point, si vous saviez !" Si je suis dans les parages, maman ne peut pas s'empêcher de débiter ces niaiseries à quiconque discute avec elle plus de trois minutes.
Mais là, nous sommes au parc alors que j'aimerais être sur la plage. Et je déteste surveiller mon soeur. Je ne suis pas si gentil que maman le dit. Obéissant, plutôt. Elise a trois ans. Un bébé. J'aurai l'air de quoi à pinailler autour des bacs à sable et des toboggans, pendant que ma soeur se fera tirer les cheveux par des têtes à claques ou tirera ceux des têtes à claques ?
De magnifiques cheveux blonds de poupée Barbie.
J'aurai l'air d'un crétin. Ou alors d'un père précoce ? L'horreur. J'imagine le ricanement d'un connard croisant au ras du banc sur lequel je suis assis. "Un môme à son âge ? Sa copine ne connaît pas la pilule ?"
J'ai déjà entendu cette fine plaisanterie dans ce même parc, alors que je surveillais ma soeur.
Rien qu'un jour de plus dans la vie d'un pauvre fou - Jean Paul Nozière
Et enfin...
C'est un livre - Lane Smith (L'album paraîtra début mars !)
Mortelle mémoire ~ Jean-Paul Nozière
Scripto de Gallimard, 2009 - 165 pages - 8,50€
A Vron, petit village français, l'arrivée de l'allemand Tobias Grüber suscite murmures et ragots quant à la motivation de son installation dans une ferme isolée, avec ses chevaux et sa solitude sauvage. Ariane, quinze ans, découvre un cow-boy au regard triste, vingt-sept ans dans les bottes, un silence de plomb qui l'enferme car Tobias est rentré au pays pour solder un crime commis dix ans auparavant. Sa jeune soeur Lotte, qui travaillait l'été à Vron, a été violée et assassinée. Jamais le coupable n'a été inquiété.
Tobias ne vient pas fouiller le passé pour déranger et régler ses comptes, ses intentions sont plus personnelles, il les explique à Ariane qui reçoit également une place de lad dans sa ferme, avant de comprendre qu'elle devra assister l'allemand dans son pèlerinage.
C'est un été particulier et morbide qui s'annonce, deux mois durant lesquels les sentiments d'Ariane seront à vif et serrés dans un étau. « Vous vous tromperiez davantage encore en pensant que je m'apprête à raconter une histoire d'amour entre une fille de quinze ans et un homme de vingt-sept. Jamais il n'y eut d'amour entre Tobias et moi. Du moins, c'est ce qui me semblait, à l'époque. Et, évidemment, pas de sexe non plus. Pourtant, au cours de l'été, beaucoup d'habitants de Vron furent persuadés que nous couchions ensemble. »
J'ai trouvé ce texte particulièrement âpre et sec. La sensation accablante de la chaleur estivale ne m'a pas frappée, j'ai davantage ressenti le poids lourd des deux personnages - entre l'allemand, fermé et mutique, et la jeune française, qui lui rappelle sa soeur morte, paralysée par sa fascination pour l'histoire, le jeune homme, le passé et le fantôme de Lotte.
C'est un roman très étrange, prenant du début à la fin, et qui se lit d'une traite. Un roman où il est question de mémoire, au sens très large. J'avoue que cette lecture laisse un arrière-goût amer, pas désagréable, mais l'illusion par la couverture guillerette d'un instant rafraîchissant serait honnêtement trompeur. (Après tout, il est question de mortelle mémoire !)
C'est du très bon Jean-Paul Nozière, bien sûr !
> l'avis de Jean de la Soupe de l'Espace et d'autres infos sur le site de l'auteur
Un swing parfait ~ Jean Paul Nozière
Le Village est un projet implanté par Antoine Jeunet, un redoutable homme d'affaires, qui a imaginé un lotissement de résidences pour riches, cerclé par une rempart, protégé par un gardien à l'entrée, avec barrière pour entrer et sortir. C'est un modèle copié sur un mode de vie américain, mais à Sponge, près de Dijon, l'idée chatouille.
Dans la famille Jeunet, il y a la mère, Manon, femme passive et transparente, très lasse de sa vie de couple. Antoine est un homme tyrannique, exigeant et mysogyne. Et puis il y a Elena, une belle plante de seize ans, solitaire et discrète, qui est folle amoureuse du fils de gardien, Lucas Porato. Un jour, un individu se présente en poussant le cri de la chouette. Le sang d'Elena se glace aussitôt, c'est un signe : son frère Ugo est de retour.
Depuis six ans, le garçon a fugué. Il n'en pouvait plus d'être une marionnette entre les mains de son père, qui attendait de lui d'être un champion de golf. Ugo revient au bercail, il a vingt-deux ans, ses traits ont changé, mais pas seulement. Il est devenu plus agressif, plus violent, plus aigri. Six années à zoner vont rendent différent. N'attendez pas d'autre explication.
Qui est ce garçon qui ressemble à son frère, mais qui pourtant est si différent de lui ? Peut-on se fier au jugement de ses souvenirs, s'accrocher à une quelconque espérance pour satisfaire les apparences ? Elena observe, elle n'est pas la seule. Marc Porato, le gardien, qui était un ancien flic, se pose aussi de plus en plus de questions.
L'histoire est racontée en multipliant les points de vue, en alternant le présent et le passé. La mise en scène sait instaurer d'office un climat de suspicion, le cadre du Village est en lui-même un vase clos, les sentiments étouffent, les passions sont exacerbées. Normal que le lecteur se sente aussitôt interpellé, et qu'il croit deviner d'avance, et pourtant il ne sera pas au bout de ses surprises ! J'ai beaucoup aimé l'ambiance du roman, très tendue, en plus d'être langoureuse (c'est l'été, il fait très chaud). La fin est peut-être un peu trop précipitée, les passions amoureuses trop vite amorcées, malgré tout j'ai été séduite par cette histoire renversante. Et puis j'ai lu ce roman d'une traite, parce qu'il vous impose ce besoin de ne pas décrocher avant la fin.
Syros, coll. Rat Noir, 2009 - 192 pages - 12€
le site de l'auteur : http://jpnoziere.com/index2.htm
Vite fait, bien fait ... pour tous les goûts !
Un jeune détective indiscret + Une famille de malfrats renommés + Une très jolie fille = Une foule de ... Problèmes. Avec un P majuscule et un S après le E !
Fletcher Moon, 12 ans, est détective privé. Pour cela, il a suivi pendant deux ans les cours de la célèbre Bob Bernstein Academy, reçu un badge et une carte au nom de son père ... qui est semblable au sien. Heureuse coincidence. Jusqu'alors le garçon résolvait les petites embrouilles de ses camarades du collège, genre à la recherche de fraises Tagada égarées, et recevait les fonds de poche, entre bonbons ou chocolats, pour le récompenser de ses efforts. Et pour une fois, les choses vont changer quand la très ravissante Avril vient lui confier sa première Grande Enquête : remettre la main sur une mèche de cheveux appartenant à une star de la pop. Ce qui tombe bien, aussi, pour Fletcher Moon c'est que le principal suspect est aussi celui qui vient de lui chiper son précieux insigne de détective !
Cette nouvelle série du « papa » d'Artemis Fowl est engageante, plutôt destinée à un plus jeune lectorat (dès 8-10 ans, à mon avis). Beaucoup d'humour pour ce qu'on présente comme étant un pastiche du polar des années 50.
Les amateurs vont apprécier !
Fletcher mène l'enquête - Eoin Colfer ** Gallimard jeunesse - 333 pages - 12 € **
Un petit garçon se promène avec son père et rêve de grimper jusqu'à la cime des arbres pour voir au-delà du paysage, ce qui s'y cache, ce qui se promet... Mais le père freine son ardeur et l'emmène au moulin et à la ferme recueillir du miel. C'est bien beau tout ça, mais le soir dans son lit, le petit garçon rêve toujours qu'il grimpe dans les arbres, atteint le sommet et alors là ... son envie d'espace va être largement récompensée !
Ce livre doit s'offrir sans hésitation. C'est un beau texte, écrit par Jean Giono, une façon ainsi de renouer avec ses Classiques. A le lire, on y goûte le bien-être procuré par la nature, la bienveillance familiale, les rêves d'un petit garçon et l'envie des choses toutes simples. Cette promenade champêtre et littéraire est illustrée par François Place, autrement connu pour avoir immortalisé les traits de Tobie Lolness !
Un parfum de rêve et de liberté, un délice !
Le petit garçon qui avait envie d'espace - Jean Giono (illustré par François Place) ** Gallimard jeunesse, coll. Folio cadet - 37 pages. A lire dès 8 ans.
Peau noire, chevelure rousse et yeux violets sont les signes distinctifs des enfants Gaja, Myrième et Songo, deux soeurs et un frère qui vivent sur l'île aux chiens avec leur père Bob.
Depuis sept ans, ils mènent une existence recluse sur cette île, voulue par leur père qui souhaite les protéger contre la menace d'un enlèvement par les terribles Dalahos. Pourquoi ? Bob a promis de leur révéler toute la vérité le jour du quinzième anniversaire de Gaja. La date approchant, d'étranges événements se précipitent, dont l'arrivée soudaine de la nouvelle petite amie de Bob, la jeune Taruma, qui est le sosie de leur défunte mère !
Le récit est un chassé-croisé entre le présent et le passé et permet ainsi au lecteur de découvrir une étonnante histoire avec secrets familiaux, ombres menaçantes et quête initiatique doublé d'un roman d'aventures tout à fait époustouflant ! Lecture passionnante, dépaysante et totalement intriguante, une sacrée réussite par un auteur très prolixe, doué d'une écriture bien jolie et poétique.
A lire dès 12 ans.
L'île aux chiens - Jean Paul Nozière (illustrations de Sébastien Mourrain) ** Gallimard jeunesse, coll. Hors Piste - 155 pages. 8.50 € **
Connaissez-vous la série Lili Graffiti de Paula Danziger ? Pas encore ? N'hésitez plus à faire connaissance avec cette adorable petite fille, un peu pipelette, surtout très facétieuse et observatrice de son petit monde qui l'entoure.
Dans cet ouvrage qui concerne la fête de Halloween, Lili a décidé de ne pas parler de son costume à son meilleur ami Justin. Au coeur de ce livre, on y découvre aussi une journée d'école plutôt originale, des blagues entre copains, une petite brouille entre les parents (qui mine notre héroïne) et des missions fantômes à accomplir en catimini.
Une lecture réjouissante, très agréable à parcourir (seul ou avec votre enfant). Les aventures de Lili Graffiti remportent un gros succès, et puis les illustrations de Tony Ross illuminent ces petites histoires fort séduisantes !
Pour en savoir + sur Lili Graffiti : http://www.gallimard-jeunesse.fr/3nav/contenu.php?page=personnage&id_perso=40
Lili Graffiti se déguise - Paula Danziger (illustré par Tony Ross) ** Gallimard jeunesse, coll. Folio cadet - 50 pages **