L'Innocent de Palerme, de Silvana Gandolfi
Santino a 6 ans et vit à Palerme avec ses parents et ses grand-parents. La vie à la maison serait plus facile si l'argent ne venait pas à manquer autant, surtout pour organiser le repas de la première communion du garçon. Alors le père, en homme d'affaires pas toujours avisé, va accorder sa confiance aux mauvaises personnes, et puis paf, ses associés le rappellent à l'ordre. Sauf qu'en Sicile, ça vire forcément en bain de sang...
Le garçon, témoin du massacre, finira cloué sur un lit d'hôpital. Traumatisé, il refuse de parler. Son oncle lui parle d'honneur et d'infamie, jusqu'au jour où Santino rencontre un type, Francesco, qui est aussi magistrat et qui va lui donner toutes les clefs pour se sortir de ce dilemme. Pour briser l'omerta.
En parallèle nous suivons l'histoire de Lucio, 11 ans. Il vit à Livourne, en Italie. Son père est parti trouver du travail au Venezuela, c'est donc lui le nouvel homme de la maison, lui qui doit s'occuper de sa petite sœur et secouer sa mère qui se prétend malade et refuse de sortir. Un jour, sur la plage, il rencontre la jolie Monica et se prête à rêver d'une vie insouciante et légère.
La connexion entre les deux histoires demeure longtemps invisible, elle est cachée mais prête à pointer son museau au moment où on ne l'attend pas. Et c'est ce qui est très appréciable, aussi, dans cette lecture, car on prend le temps d'avancer dans le roman en se posant des questions, mais en savourant ce qu'on découvre. C'est touchant, tendre et révoltant. Il y a aussi beaucoup de suspense et d'émotion, et même si la fin est facile et peu crédible, c'est tout de même un roman poignant sur l'innocence brisée, qui se reconstruit sur le fil du rasoir.
éditions (Les Grandes Personnes), septembre 2011, traduit par Faustina Fiore, illustration de couv. : Jean-François Martin
Prix Sorcières du Roman Ados 2012
☼ Mon été mortel, par Jack Gantos ☼
Jack a douze ans et vit dans la petite ville de Norvelt, en Pennsylvanie. Nous sommes en 1962, c'est l'été mais le garçon doit rester confiné dans sa chambre. Un, il a joué avec une arme japonaise interdite. Deux, il a fauché tout le champ de maïs de sa mère (son père veut construire un abri antiatomique, ou plutôt une piste d'aviation, mais le projet est top secret !). Seule consolation, Jack a droit de se rendre chez la vieille Mlle Volker, qui ne peut plus se servir de ses doigts (elle plonge ses mains dans de la paraffine brûlante pour les assouplir !), et a besoin de lui pour rédiger ses nécrologies.
Par un fait étrange, la ville de Norvelt est frappée d'une vague de disparitions soudaines. Les unes après les autres, toutes les petites vieilles tombent comme des mouches. Jack commence à trouver ça douteux, mais Mlle Volker est persuadée qu'il s'agit d'une malédiction. Quelques jours plutôt tôt, un motard a été aplati par un camion. Une bande de Hells Angels a fait irruption pour réclamer le corps, avant de repartir en maudissant la ville et ses habitants.
Ce n'est pas tout ça, car il se passe une multitude de petites intrigues au cœur de l'histoire, qui nous régale sur toute la ligne (pour mémoire, la visite en tenue de Faucheuse, pour vérifier si une petite dame est bien morte, suivie d'un dialogue surréaliste, mais à mourir de rire !). C'est tendrement saugrenu, riche en mésaventures hilarantes, avec une bonne brochette de personnages excentriques et attachants (l'insupportable Spizz, amoureux transi éconduit, qui circule en tricycle !).
C'est un roman très drôle, avec un sens de la dérision absolument divin. J'ai beaucoup aimé !
éditions (Les Grandes Personnes), août 2013, traduit par Valérie Le Plouhinec, illustration de couv. : Jean-François Martin
« Parce que tout commence pour finir »
Dans une petite ville danoise, sans histoire, une classe de 4ème assiste sans broncher à la sortie théâtrale de leur camarade, Pierre Anton, qui clame que « tout commence pour finir » et que ça ne vaut pas le coup de se donner la peine du moindre effort. Sur ce, il se réfugie sur une branche de son prunier et n'en bouge plus. Y aurait-il du vrai dans ses propos ? Les adolescents en doutent car ils trouvent le garçon insupportable. Toujours est-il que la petite graine a fait son chemin, et sous prétexte de réfléchir sur le sens de la vie, toute la classe décide d'édifier un Mont de la Signification dans une scierie abandonnée.
Au départ, les intentions sont honnêtes et animées d'un investissement sincère et cohérent. Mais petit à petit, le cercle va déraper et exiger des uns et des autres des preuves toujours plus exigeantes et qui ne souffrent aucun refus. Sous nos yeux ébahis, ces adolescents se transforment alors en monstres intransigeants, aux esprits échauffés et incontrôlables. C'est effrayant, extrêmement dérangeant mais fichtrement impressionnant. J'ai tout de suite été effrayée par leur logique, car même s'ils prétendent agir au nom de leur quête philosophique, ils s'en sont véritablement éloignés et ont sombré dans la démence.
Bien évidemment cette lecture est dure et effroyable, pourtant je ne regrette pas un seul instant d'avoir ouvert ce livre ! Qu'importe mon sentiment de malaise et d'écoeurement, j'ai été scotchée par ce visage d'une adolescence faussement naïve, attirée par le morbide et flattée d'exister à travers la provocation. Ce livre est perturbant, mais ça m'a plu d'être bousculée de la sorte. A ne pas prendre à la légère, toutefois !
Rien, par Janne Teller
(Les Grandes Personnes, rééd. 2012) - traduit du danois par Laurence W.O. Larsen
illustration de couverture : Jean-François Martin
Humour, poésie et cirque ambulant !
Passage en format poche du roman de Jean-Claude Mourlevat, précédemment publié sous le titre : La prodigieuse aventure de Tillmann Ostergrimm.
Suite à une dispute avec son père, Tillmann Ostergrimm se rend sur la place du village où a lieu la traditionnelle fête du Carnaval. Et là, miracle, le garçon se soulève de terre, sans raison apparente, il peut voler ! Un dénicheur de talents croise son chemin et le pousse à accepter de le suivre : le Cirque de Globus n'attend plus que lui. C'est leur fortune assurée.
Face à ses protestations, Tillmann sera emmené de force. Un long périple l'attend, au cours duquel il fait la rencontre de Lucia, la plus petite femme au monde. Leur arrivée à Globus n'est pas sans heurt non plus, puisque le directeur est un type revêche et tyrannique. Le cirque, lui, ne ressemble à rien du tout. Plus malheureux que jamais, Tillmann comprend qu'il doit s'en échapper.
S'enchaîne alors une autre aventure complètement folle, où l'on appréciera la générosité de Tillmann. Avec ses compagnons d'infortune, il va fonder une troupe de théâtre ambulant et parcourir du pays. Il fera l'expérience de l'amitié, de l'amour, mais aussi de la trahison. Sa maison lui manque de plus en plus. Lui qui refusait d'être tonnelier de père en fils va pleurer de joie sur le chemin du retour, il était trop bête, il a cru que la belle vie était ailleurs.
Ce petit roman, signé J-C Mourlevat, se veut une lecture cocasse et émouvante sur la destinée d'un garçon qui possède soudainement le don de voler (on n'explique pas pourquoi, ni comment, ce n'est pas ce qui compte finalement !). C'est une lecture légère et rigolote, surtout destinée pour les plus jeunes, car ce texte n'a pas la force romanesque du Combat d'hiver ou du Chagrin du roi mort.
Le garçon qui volait, par Jean-Claude Mourlevat
Folio junior, éd. 2012 - couverture : Jean-François Martin
illustrations : Marcelino Truong