Le Théorème des Katherine, de John Green
Dégoûté d'être largué par sa dix-neuvième petite copine prénommée Katherine, Colin Singleton part en vadrouille avec son meilleur pote Hassan pour soigner son spleen (et mettre au point une démonstration révolutionnaire). Direction Gutshot, Tennessee, une petite ville qui produit la ficelle en coton des tampons hygiéniques et qui abrite la sépulture du regretté François-Ferdinand d'Autriche. Sur place, ils rencontrent Lindsey Lee Wells à qui ils expliquent le théorème des Katherine (calculer mathématiquement le potentiel d'une relation amoureuse). Frappée par ces deux énergumènes, elle propose de les embaucher pour l'été dans leur usine locale.
On retrouve sans peine les rudiments de John Green dans ce roman (sa deuxième publication, en fait, après Qui es-tu Alaska ?) : un narrateur surdoué qui manque de confiance de lui, qui cherche un sens à sa vie, qui s'entoure de copains aussi excentriques que lui, qui blablate beaucoup sur le monde qui l'entoure et qui se penche aussi énormément sur son nombril. Il ne supporte plus sa situation d'échec, il a besoin de cadrer ce qui ne fonctionne pas entre les filles et lui, il en discute ouvertement avec son pote et sa nouvelle camarade, tout en observant ses comparses dans leurs propres aventures sentimentales (parfois étonnantes et souvent cocasses). On plonge alors dans une lecture subtile, brillante mais laborieuse. Un peu trop bavarde et d'un intérêt variable (sensation de ventre mou, entre le début et la fin). Je me plains, je me plains... et pourtant les dialogues sont futés, l'humour fin et les personnages (surtout Hassan) franchement décalés. Ça existe, en vrai, des ados pareils ???
Le potentiel est donc en place, façon parcours initiatique en dents de scie, sans grande action ni surprise. En fait, on ne lit pas une histoire, on assiste à un tour de force littéraire, la marque de fabrique de l'auteur. Sympa, oui... mais parfois lassant car le schéma se répète. Pour moi, de toute façon, son meilleur roman reste Tortues à l'Infini.
©2002 / " An abundance of Katherines", par John Green / 2012 : Éditions Nathan pour la traduction française. Traduit par Catherine Gibert (P)2020 Lizzie
- Lu par : Olivier Premel
- Durée : 6 h 10
Cynisme, autoflagellation, doute et interrogation... le comédien donne le ton et incarne un adolescent de 17 ans, surdoué sans génie, paumé et désabusé par ses ruptures répétées, ainsi que son meilleur ami d'un optimisme à toutes épreuves, un peu cinglé mais terriblement attachant. Mêmes les personnages féminins trouvent leur place, sans caricature ni excès, dans cette mise en scène intelligente et pleine d'esprit !
La traduction de la citation de Philip Roth qui apparaît en exergue est extraite de "La Tache", Éditions Gallimard. Traduction de José Kamoun
⭐⭐⭐
En poche ! Une fille au manteau bleu - Les valises - Les mille visages de notre histoire - Tortues à l'infini
Amsterdam, 1943. Hanneke sillonne les rues à vélo afin de dénicher au marché noir les marchandises qu'on lui commande. Un jour, l'une de ses clientes lui fait une requête particulière: retrouver une jeune fille juive disparue, avant les nazis. Elle s'appelle Mirjam et porte un manteau bleu.
Loin d'être un énième roman sur le sujet, cette lecture offre surtout la possibilité de découvrir une histoire passionnante, qui puise autant dans l'émotion que dans l'action et le suspense. Avec son héroïne de 18 ans, si juste et imparfaite, par ses choix, ses failles et ses engagements, on se lance dans un parcours bouleversant et inattendu. Il y a d'abord sa quête pour retrouver Mirjam, puis sa prise de conscience des dangers qui rôdent, l'horreur des rafles et des dénonciations, la culpabilité et la rédemption.
C'est un cheminement chaotique, mais poignant, qui emprunte de nombreuses bifurcations, qui fait aussi battre le cœur plus fort et qui noue l'estomac à l'énoncé des enchaînements tragiques et malheureux. En un mot, c'est excellent ! Et c'est à remettre entre les mains des plus jeunes sans délai.
Une fille au manteau bleu, de Monica Hesse
Pôle Fiction (2019) - trad. Anne Krief
Ce dimanche de 1982, Sarah, quinze ans, se rend en voyage scolaire en Pologne où elle visite avec sa classe le camp d'Auschwitz. Pudique et solitaire, l'adolescente ne s'explique pas le profond malaise qu'elle ressent en découvrant l'amoncellement des valises ayant appartenu aux millions de déportés juifs. Prise de vertiges, elle a des visions de scènes sur un quai de gare où des enfants sont arrachés à leurs parents. Horrifiée, Sarah se ferme comme une huître. Car tout ceci l'amène à réfléchir à ses propres origines.
L'histoire va vous toucher en plein cœur tant elle est bouleversante. Sarah va brutalement sortir de sa torpeur, remuer ciel et terre pour démêler les non-dits de sa famille, va hélas se heurter à la tragédie. Et au milieu de ce chaos sans nom, Sarah découvre aussi les fulgurances du premier amour. Une relation tendre, farouche et explosive se dessine, forcément stimulée par son besoin de savoir qui elle est, quelles sont ses racines. Un vrai cri du cœur. En somme, c'est tout emmêlé, emberlificoté dans un parcours teinté de rencontres et révélations parfois rapides et improbables, mais qu'importe.
La lecture est entraînante, animée d'une belle sincérité. On en ressort avec le cœur pulvérisé, un sourire heureux et des larmes au coin des yeux. C'est tout bon ! Je recommande fortement.
Les valises, de Sève Laurent-Fajal
Pôle Fiction (2019) - couverture illustrée par Emmanuel Polanco
PRIX CHRONOS 2018 - SÉLECTION DU PRIX DES INCORRUPTIBLES 2017-2018
Tout le monde croit connaître Libby Groby, mais personne ne s'est jamais intéressé qu'à son obésité. Elle a longtemps vécu recluse dans sa chambre, cachant son corps et ses angoisses. Cette année, Libby en est sûre, sa vie peut changer ! Tout le monde croit connaître Jack Masselin : lycéen rebelle, sexy et imprévisible. Sous son arrogance, Jack a enfoui un secret douloureux.
Ce deuxième roman de Jennifer Niven, après Tous nos jours parfaits, se veut positif et porteur d'espoir. Il pulvérise les différences, incite à croire en l'impossible, bouscule les barrières, balaye les clichés. Bon point donc pour son engagement, pour l'espoir qu'il inspire, les messages de tolérance, la dénonciation du harcèlement. Ce sont toujours de bonnes intentions.
Reste que la romance qui s'installe n'est pas à la hauteur des attentes. Beaucoup trop classique et délicate. On a en effet une histoire qui se base sur la souffrance du couple à concilier ses différences, à surpasser ses problèmes. Mais on retombe vite dans le superficiel et le scepticisme. Ne nous leurrons pas : Libby et Jack appartiennent à deux univers diamétralement opposés. J'aurais aimé croire en leur histoire, mais voilà... ça me semble surréaliste. C'est dommage car j'avais trouvé le début du roman tellement engageant : l'échange des points de vue donne du rythme à la lecture. Tant pis.
Les mille visages de notre histoire, de Jennifer Niven
Pôle fiction (2019) - trad. Vanessa Rubio-Barreau
Prise dans la spirale vertigineuse de ses pensées obsessionnelles, Aza n'avait pas l'intention d'enquêter sur la disparition du milliardaire Russell Pickett. Mais c'était compter sans sa meilleure amie Daisy et une récompense de cent mille dollars. Aza renoue alors avec le fils Pickett, Davis. L'improbable trio devient inséparable et va trouver en chemin d'autres mystères et d'autres vérités, comme celles de la résilience, de l'amour et de l'amitié indéfectible.
Voilà un roman très touchant, très fort, sans réelle action mais tellement juste et attachant. On y trouve encore et toujours des jeunes gens fragiles et délicats, des adolescents jouer les funambules sur une corde raide. On les sent fébriles et en détresse, parés du besoin de trouver leur place ou de comprendre le monde qui les entoure. Ce sont des mômes déstabilisants. Des adolescents qui essayent d'être des amis à la hauteur, des enfants obéissants, des élèves studieux, des amoureux flamboyants. Ce regard que pose John Green sur la jeunesse est égal à lui-même - lucide, tendre et sans détour - même s'il y ajoute une pointe d'excentricité et de complaisance. Toutefois, c'est drôlement bon et franchement attendrissant.
J'ai aimé vivre dans la tête d'Aza, comprendre ses raisonnements et toucher du doigt sa logique implacable. John Green a d'ailleurs avoué s'être inspiré de son propre vécu et son expérience de la maladie pour donner à Aza une note authentique et poignante. Cette sincérité est réelle. On ressent toute l'émotion de cette histoire comme si elle nous est personnellement dédiée. Gros big up aussi à la complicité entre Daisy et sa fidèle “Holminette” - je me sentais bien en leur présence !
Tortues à l'infini, de John Green
pôle fiction (2019) - trad. Catherine Gibert
Tortues à l'infini, de John Green
Aza Holmes, 16 ans, est une adolescente ordinaire, en apparence heureuse, si ce n'est qu'elle souffre de troubles obsessionnels compulsifs. En vrai, elle a des spirales de pensées obsédantes, une voix entêtante lui serine dans la tête, la rendant phobique des bactéries. Cette pathologie est épuisante et l'entraîne toujours plus loin dans ses névroses, créant aussi un profond mal-être.
Il n'est donc pas rare qu'elle se ferme comme une huître, en train de ressasser ses angoisses et invoquer des spectres de contamination et de mort imminente, tandis que sa Meilleure et Plus Intrépide Amie, Daisy Ramirez, babille joyeusement à ses côtés, évoquant sa passion pour Star Wars et ses fanfictions. Après tout, la maladie d'Aza est désormais une vieille ritournelle, envers laquelle son intérêt est devenu volage.
Bref. Sans cesse à l'affût de projets farfelus, Daisy tombe sur la disparition d'un milliardaire du nom de Russell Picket et la promesse d'une récompense donnée à quiconque serait en mesure de fournir des renseignements. Or, le fils de celui-ci est aussi un ancien copain de colo de son amie. Davis Pickett. Daisy commande Aza de le recontacter, et pourquoi pas grappiller des indices pour retracer le fugitif. Les filles ont bien besoin d'argent pour se payer des études et enjoliver leur quotidien.
L'opération d'infiltration peut commencer. Et miraculeusement, tout se déroule comme dans un rêve, Davis se rappelle d'Aza, accepte de la revoir etc. Le petit groupe devient inséparable, mais voilà...
Aza et ses pensées infernales. Ses bouffées de stress. Ses idées folles et ses délires vertigineux.
Aza sombre de plus en plus dans l'excès et dans la psychose.
Et bim, la jeune fille perd les pédales.
Comme beaucoup d'autres lecteurs, j'étais curieuse de lire le nouveau roman de John Green, mais pas impatiente non plus. Je reconnais à l'auteur de grandes qualités, sans m'avouer une fan hystérique ou acharnée. C'est donc avec une certaine désinvolture que j'ai écouté ce roman pour, finalement, l'apprécier grandement. Oui, voilà un roman très touchant, très fort, sans réelle action mais tellement juste et attachant.
On y trouve encore et toujours des jeunes gens fragiles et délicats, des adolescents jouer les funambules sur une corde raide. On les sent fébriles et en détresse, parés du besoin de trouver leur place ou de comprendre le monde qui les entoure. Ce sont des mômes déstabilisants et qui se rappellent à nous. Des adolescents qui essayent d'être des amis à la hauteur, des enfants obéissants, des élèves studieux, des amoureux flamboyants. Dur, dur.
Ce regard que pose John Green sur la jeunesse est égal à lui-même - lucide, tendre et sans détour - même s'il y ajoute une pointe d'excentricité et de complaisance. Toutefois, c'est drôlement bon et franchement attendrissant. J'ai aimé vivre dans la tête d'Aza, comprendre ses raisonnements et toucher du doigt sa logique implacable. John Green a d'ailleurs avoué s'être inspiré de son propre vécu et son expérience de la maladie pour attribuer à l'histoire d'Aza une note authentique et poignante. C'est difficile à expliquer, mais j'ai été personnellement émue et concernée. Je me suis surprise à écouter d'une traite le roman, regrettant presque le point final. Gros big up à la complicité entre Daisy et sa fidèle “Holminette” - je me sentais bien en leur présence !
À découvrir seulement si vous vous moquez bien de la réputation de Nos étoiles contraires...
Lu avec tendresse et sans fausse note par Élodie Huber.
Collection Écoutez lire, Gallimard (2018). Durée : env. 6h 30
Trad. de l'anglais (États-Unis) par Catherine Gibert [Turtles All the Way Down]
Qui es-tu, Alaska ? de John Green, lu par Julien Allouf
Redécouverte du roman de John Green avec la version audio.
Lu par Julien Allouf, le texte nous transporte efficacement dans cet univers confiné d'un pensionnat privé et élitiste, où des jeunes gens désabusés se rencontrent, lient des amitiés fusionnelles et multiplient les expériences, parfois jusqu'au-boutistes, d'où une issue qui laisse aussi un goût amer.
Miles Halter est en quête d'un “Grand Peut-être” (dernières paroles prononcées par Rabelais sur son lit de mort). Après avoir quitté une vie morne et sans panache, il débarque à Culver Creek en nourrissant de grandes ambitions. Avec ses nouveaux camarades, il se laisse vite entraîné dans le tourbillon des premières fois : premières cuites, premières amours, premiers baisers volés et premiers désirs sexuels... Ô sombre insouciance d'une jeunesse exubérante mais fracassée. Car on comprend qu'au-delà des excès, l'histoire est aussi à fleur de peau. Ces jeunes gens ivres de plaisir et de malheur se donnent une posture, ils jouent un rôle, adoptent des noms de code, se moquent des interdits, veulent tout et tout de suite. Parmi eux, il y a Alaska Young. Fascinante et mystérieuse, Alaska cristallise toutes les passions. Elle est belle, brillante, mais aussi lunatique, boudeuse, cachotière, menteuse et manipulatrice. Une jeune fille caractérielle, mais blessée et insaisissable. Ce sont aussi toutes ses failles qui guident l'intrigue du livre, pour venir éclabousser la vie de Miles, dont on suit le parcours sans grande empathie, en déplorant son caractère passif et obsessionnel.
La lecture n'est pas tendre, elle ne nous cajole pas dans le sens du poil. Elle irrite exprès, agace profondément et nous enchaîne dans son “labyrinthe des malheurs” avec une pointe de sidération. Entre révélations bouleversantes et sentiments d'oppression, voilà un roman singulier qui raconte la difficulté de grandir, d'aimer et de s'accepter avec son lot de regrets et de déceptions. Chose inattendue, ma relecture me semble plus critique car je porte sur le livre un autre regard, un regard plus amer, même si je me souviens avoir ressenti un étrange malaise la première fois. Et puis il y a eu le “phénomène” Nos étoile contraires, qui a consacré l'auteur et renvoyé ce titre comme étant le roman générationnel par excellence. Je ne lui conteste pas ce fait, mais je préfère garder une certaine distance et émettre quelques réserves sur le contenu du livre (détails crus, personnages désœuvrés, attitudes navrantes & ambiance déconnectée de toute réalité). À manipuler avec précaution.
Texte lu par Julien Allouf pour les éditions Gallimard / coll. Écoutez Lire
Novembre 2016 - durée : 7h 30
Traduit par Catherine Gibert
Qui es-tu Alaska ? de John Green (édition collector)
Superbe édition spéciale du 1er roman de John Green (couverture cartonnée, jaquette noire moirée) comprenant une introduction de l'auteur, des questions-réponses et des scènes supprimées du manuscrit original !
Culver Creek est un pensionnat destiné aux enfants dotés d'une intelligence supérieure. Miles Halter, le narrateur, y fait son entrée et se lie d'amitié avec un groupe de jeunes gens : le (prétendu) Colonel, Takumi et la délicieuse et sexy Alaska Young. Celle-ci cristallise tous ses désirs, le garçon est subjugué et pourrait se plier à tous ses caprices sans jamais protester. Et puis, la belle disparaît. Devenue une énigme, elle continue d'alimenter les fantasmes et est au cœur des spéculations les plus folles. Miles, lui, va chercher à percer le mystère.
Très beau roman, très fort, baignant dans une atmosphère érudite et délicieusement excentrique (qui n'est pas sans rappeler le roman de Donna Tartt, Le Maître des illusions). Les personnages sont brillants et renvoient une image positive et galvanisante. Le principe de vivre en vase clos exacerbe les passions : les amitiés sont fusionnelles, le moindre pépin devient alors une épreuve intolérable et douloureuse. Mais ce qu'il se trame à Culver Creek est et demeure secret. Même entre eux, les adolescents jouent un rôle, adoptent des noms de code, sont insaisissables.
Un superbe roman, singulier et passionnant, flamboyant par ses excès (l'adolescence est un luxe), on passe facilement du rire aux larmes, sans rien y comprendre !
Gallimard / juin 2015 pour la présente édition ♦ Traduit par Catherine Gibert (Looking for Alaska)
« Je pars en quête d'un Grand Peut-Être »
♦♦♦♦
Au cinéma ! le 22 Juillet : La Face Cachée de Margo
Nos étoiles contraires, de John Green
Deux ans que je lutte contre ce roman, refusant de le lire. Pour ne pas faire comme tout le monde. Pour éviter la déception. Pour fuir un sujet qui me touche trop personnellement. Même son adaptation au cinéma n'a fait que renforcer mes doutes et mes craintes. Non, non, non. Je ne céderai pas aux appels des sirènes. La tentation a finalement pris la forme d'un livre audio. Texte lu par Jessica Monceau qui double l'actrice Shailene Woodley (Hazel, dans le film). J'ignore tout de l'histoire, je sais juste qu'elle a fait pleurer des milliers de lecteurs. Sur ce, je me blinde de mon armure impénétrable. Et je plonge.
Hazel a 16 ans et est atteinte d'un cancer. C'est une jeune fille brillante, mais solitaire, privée des petits riens d'une adolescence normale. Un jour, elle rencontre Augustus Waters, beau gosse au sourire éclatant, et devient sa meilleure amie avec qui échanger des idées, des films, des lectures, des lubies. Hazel a pour obsession le livre de Peter Van Houten, dont la fin ouverte est, pour elle, une immense frustration. Elle souhaite plus que tout rencontrer l'auteur ou discuter à bâtons rompus de son chef d'œuvre. Et là, Augustus lui offre son rêve sur un plateau...
J'ai beaucoup apprécié que l'histoire ne se résume pas à un amour tragique (ou revoyez Love Story), même si la symbiose entre Hazel et Augustus est rayonnante et éclabousse le lecteur de tendresse. Leur relation prend forme avec douceur, entre pudeur, intelligence et humour. Franchement, ça fait du bien. Et c'est tout sauf fleur bleue. On a ici un roman qui parle avant tout de maladie, de vie et de mort. Au milieu de tout ça, deux jeunes gens vivent leur éducation sentimentale... la plus normalement possible. Rien que pour ça, le roman est réussi, sensible et poignant, sans tomber dans le mélo.
La lecture faite par Jessica Monceau est d'une délicatesse appréciable et ne cherche pas à vous arracher toutes les larmes de votre corps. Je la remercie pour son tact et sa finesse. (En comparaison, le roman de Gwendoline Hamon, Les dieux sont vaches, m'avait carrément mis la tête à l'envers !)
Audiolib / juin 2015 ♦ Texte lu par Jessica Monceau (durée : 7h 53) ♦
Traduit de l'anglais par Catherine Gibert (The Fault in Our Stars) pour les éditions Nathan
♦♦♦♦
Rencontre avec John Green : à la Librairie de Paris
le mercredi 17 juin de 18h30 à 19h30
Nouveau look (pour une nouvelle vie) : John Green
« Je pars en quête d'un Grand Peut-Être »
Culver Creek est un pensionnat destiné aux enfants dotés d'une intelligence supérieure. Miles Halter, le narrateur, y fait son entrée et se lie d'amitié avec un groupe de jeunes gens : le (prétendu) Colonel, Takumi et la délicieuse et sexy Alaska Young. Celle-ci cristallise tous ses désirs, le garçon est subjugué et pourrait se plier à tous ses caprices sans jamais protester. Et puis, la belle disparaît. Devenue une énigme, elle continue d'alimenter les fantasmes et est au cœur des spéculations les plus folles. Miles, lui, va chercher à percer le mystère.
Très beau roman, très fort, baignant dans une atmosphère érudite et délicieusement excentrique (qui n'est pas sans rappeler le roman de Donna Tartt, Le Maître des illusions). Les personnages sont brillants et renvoient une image positive et galvanisante. Le principe de vivre en vase clos exacerbe les passions : les amitiés sont fusionnelles, le moindre pépin devient alors une épreuve intolérable et douloureuse. Mais ce qu'il se trame à Culver Creek est et demeure secret. Même entre eux, les adolescents jouent un rôle, adoptent des noms de code, sont insaisissables.
Un superbe roman, singulier et passionnant, flamboyant par ses excès (l'adolescence est un luxe), on passe facilement du rire aux larmes, sans rien y comprendre !
« Margo a toujours adoré les mystères. Et la suite des événements n'a cessé de me prouver qu'elle les aimait tellement qu'elle en est devenue un. »
« Margo était le seul mythe vivant habitant à côté de chez moi. Margo Roth Spiegelman, dont le nom aux six syllabes était souvent prononcé avec une sorte d'admiration muette. Margo Roth Spiegelman, dont le récit des aventures épiques traversait le lycée, tel un orage d'été : un vieil homme de Hot Coffee dans le Mississippi lui avait appris à jouer de la guitare dans sa masure. Margo Roth Spiegelman avait passé trois jours dans un cirque qui lui avait trouvé un don pour le trapèze. Margo Roth Spiegelman avait bu une tisane en coulisse avec les Mallionaires à l'issue d'un concert à Saint-Louis, quand tout le monde était au whisky. Margo Roth Spiegelman avait réussi à assister au concert en racontant aux videurs qu'elle était la copine du bassiste. Mais enfin comment se faisait-il qu'ils ne la reconnaissaient pas, franchement les mecs, je m'appelle Margo Roth Spiegelman, si vous pouviez retourner en coulisse demander au bassiste de venir voir à quoi je ressemble, il vous dirait que si je ne suis pas sa copine, il rêverait que je le devienne. Alors les videurs y étaient allés et le bassiste avait dit : Oui, c'est ma copine, laissez-la entrer. Et plus tard, il avait essayé de la brancher et elle avait repoussé le bassiste des Mallionaires ?
Ces histoires, quand elles étaient racontées à d'autres, se terminaient invariablement par des Tu le crois, ça ?
Ce qui était effectivement difficile, bien qu'elles se soient toutes révélées vraies. »
L'intrigue est très ressemblante au titre précédent : le narrateur, Quentin, est fasciné par sa voisine, Margo Roth Spiegelman. Mais la jeune fille cultive ses secrets et disparaît de la circulation, sans explication. Une fois encore, le garçon part en quête de vérité, pas toujours bonne à entendre. On ne rechigne pas à lire un roman de John Green, jamais. C'est l'assurance d'une écriture impeccable et de bon goût, mais les rouages ici sont tout de même trop proches du premier livre de l'auteur. Donc, mieux vaut ne pas les enchaîner l'un après l'autre... c'est trop perturbant ! On confond les personnages et on mélange les histoires, la frontière est floue.
Mais c'est un bon roman, drôle, brillant, avec des personnages attachants et une vision de l'adolescence qui me touche personnellement.
Gallimard jeunesse, coll. Scripto, rééd. août 2014 ♦ traduit par Catherine Gibert
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à suivre, prochainement...
« Quand j'étais petit, mon père me disait toujours : "Dans la vie, Will, on peut choisir ses amis, on peut se moucher devant ses amis, mais on ne peut jamais moucher ses amis." Observation qui me semblait fort pertinente du haut de mes huit ans, mais qui s'est révélée fausse par bien des aspects. Pour commencer, personne ne choisit vraiment ses amis, sans quoi je n'aurais jamais atterri avec Tiny Cooper. »
Sur le chemin des vacances #5
Cinq ans après, Clémentine, reporter photographe, revient dans le quartier de Monsieur Madone. C'était l'homme de sa vie, son grand amour. Il s'est tué et la jeune femme n'a jamais pu surmonter son chagrin. Elle retrouve aujourd'hui la famille de son amant, fait une promenade dans le parc de Versailles en compagnie du jeune frère et tous les deux, sous leur parapluie, parlent du deuil, de la douleur, du spleen et du vide.
Ce n'est pas un roman triste ni mélancolique, c'est au contraire une histoire attendrissante autour d'une femme inconsolable, dont le corps trahit les émotions et les blessures mal cicatrisées. C"est aussi l'histoire d'une famille incroyablement belle, au sein de laquelle on se sent à l'aise, à tel point qu'on aimerait y être définitivement adopté. Et puis ça parle d'amour, qu'on perd, qu'on trouve, qu'on gagne et qu'on reconquiert. Je ne voudrais pas en dévoiler davantage, ne cherchez pas non plus à trop apprendre sur ce livre, allez plutôt vers lui et laissez-vous porter. La plume de Maïté Bernard, qui m'avait été révélée avec Et toujours en été, possède une sensiblité et une justesse qui me touchent à juste titre.
Monsieur Madone - Maïté Bernard (Pocket, 2011)
Rien ne prédestinait ces quatre femmes à se rencontrer et à unir leurs ambitions, si ce n'est cette commune soif de vengeance envers le même individu. Olympe d'Avremont est une baronne kidnappée qui ruse de mille roueries pour échapper aux convoitises du Commodore. Sylvine La Violette, la cuisinière, a choisi d'entrer au service du pirate pour lui faire payer les vies volées de son époux et de ses enfants. Agathe La Boissière, fière et redoutable fine lame, a juré de venger l'honneur de son père, quitte à perdre un peu plus de sa réputation en se comportant comme un garçon manqué. Nagîna, princesse du désert, porte un voile pour cacher son visage défiguré et compte bien remettre la main sur le diamant que lui a volé son ennemi. Le Commodore, donc, est l'homme à abattre. C'est un pirate rustre et violent, qui vit actuellement caché dans des grottes au pied des falaises de la Gironde, avec sa bande de malfrats stupides.
C'est un revigorant roman d'aventures que nous propose Florence Thinard, un roman où se mêle le souffle de la piraterie dans un décor soigné, finement travaillé à force de recherches scrupuleuses pour mieux dépeindre l'époque et les lieux qui dépayseront le lecteur. Ambition hautement réussie ! C'est un roman historique luxuriant de détails, l'auteur nous renvoie à une adresse internet pour découvrir l'Hermione par exemple. A noter également que les personnages endossent ici des personnalités atypiques, qui se distinguent bien les unes des autres. En tête, le quatuor des femmes. Et même l'horrible Commodore montre un visage de pirate bien plus réaliste qu'un Jack Sparrow séduisant et sympathique.
Ce roman captivera les lecteurs dès 14 ans qui apprécient les récits historiques truffés d'action, avec une pincée de mer et d'amitié pour pimenter le tout.
Les illustrations sont l'oeuvre de François Place.
Mesdemoiselles de la Vengeance - Florence Thinard (Folio junior, 2011)
Miles Halter, 16 ans, est un lycéen studieux qui décide de quitter sa Floride natale pour rejoindre Culver Creek en Alabama. Il s'agit d'une pension dirigée par l'Aigle, directeur pointilleux qui proteste contre le tabac, l'alcool et la transgression du couvre-feu. L'école est un établissement pour petits génies qui comprend deux groupes : les pensionnaires normaux et les weekendeurs, des gosses de riches qui rentrent chez eux en fin de semaine.
Miles se lie d'amitié avec son camarade de chambre, le Colonel, puis rencontre Takumi et la délicieuse et sexy Alaska Young. Ensemble, ils vont vivre une amitié très forte, bien qu'elle sera aussi éphémère. Alaska, brillante jeune fille auréolée de mystères, fascine notre jeune narrateur. Pourtant celle-ci est lunatique, "cafteuse" et insaisissable.
Un drame va frapper le petit groupe, qui sera également une remise en question personnelle et délicate, les uns se sentant coupables, les autres rancuniers. Miles et son copain le Colonel vont alors mener leur enquête, mais très vite ils seront persuadés de courir après un fantôme qui fuit, tout le temps.
Difficile de faire bref avec ce roman, tant il m'a semblé très dense et intelligent sur les rapports de l'adolescence concernant l'amitié, l'amour, le désir sexuel et l'enfance. Dès le début, on a déjà le goût de l'originalité et de la subtilité, ce n'est pas qu'un banal roman pour la jeunesse parmi d'autres, celui-ci me semble sortir du lot. Pourquoi ? D'abord l'histoire est bien écrite, l'auteur est un jeune homme qui signe là son premier roman, prometteur et encourageant. Il a su créer dans l'univers de Culver Creek un milieu érudit et confiné où l'on partage les farces, les leçons et les petites bravades contre l'interdit. (Cela m'a fait penser au roman "Le Maître des illusions" de Donna Tartt.) Ce lieu clos exacerbe les désirs et les passions : les amitiés sont fusionnelles, la perte devient ainsi une épreuve intolérable et douloureuse. Ce qu'il se trame à Culver Creek est secret. Les adolescents entre eux adoptent des noms de code, ils dégagent aussi une image plutôt positive avec leurs réussites scolaires et leur érudition exemplaire. Miles, par exemple, cultive la passion des dernières paroles de morts célèbres, et a débarqué en Alabama guidé par le précepte de Rabelais « Je pars en quête d'un Grand Peut-Être ». Enfin bref, c'est un roman singulier et passionnant, assez flamboyant par ses excès, on passe facilement du rire aux larmes, sans rien y comprendre !
Qui es-tu Alaska ? - John Green (Gallimard jeunesse, coll. Pôle Fiction, 2011)
Teaser Tuesday #13
Chasseur d'énigmes ! C'est Catherine qui m'a décerné ce titre. Ce qu'elle ignore et ignorera tant que la lettre que je lui destine sera close, c'est que je ne serais jamais devenu ce chasseur si je n'avais été pour moi-même une énigme.
Dinky rouge sang - Marie Aude Murail
Après la vague de panique due à l'épidémie qui avait conduit les gens à se cloîtrer chez eux pendant plusieurs semaines, la vie reprenait timidement. Depuis quelques jours, la population se risquait petit à petit à mener de nouveau une vie normale, feignant d'ignorer qu'elle avait elle-même instauré une sorte de couvre-feu ainsi que toute une liste de règles draconiennes pour se protéger. La météo exceptionnellement clémente y était sans doute pour quelque chose. On sentait dans l'air comme un frisson printanier qui invitait à délaisser le confinement protecteur des maisons pour aller respirer l'air marin à pleins poumons.
Le temps des Tsahdiks - Claire Gratias
Il se réveilla difficilement car ses rêves avaient été trop beaux pour qu'il les quitte déjà. Ils lui avaient tous parlé d'évasion et de liberté, et lui murmuraient encore, à l'aube, de bien agréables projets.
Quand son esprit s'éclaircit enfin, il prit donc rendez-vous avec eux pour les nuits prochaines.
Le Tropique du Kangourou - Aurélien Loncke
Quand j'étais petit, mon père me disait toujours : "Dans la vie, Will, on peut choisir ses amis, on peut se moucher devant ses amis, mais on ne peut jamais moucher ses amis." Observation qui me semblait fort pertinente du haut de mes huit ans, mais qui s'est révélée fausse par bien des aspects. Pour commencer, personne ne choisit vraiment ses amis, sans quoi je n'aurais jamais atterri avec Tiny Cooper.
Will & Will - John Green et David Levithan
La face cachée de Margo ~ John Green
Gallimard Scripto, 2009 - 390 pages - 14,00€
traduit de l'anglais (USA) par Catherine Gibert
« Margo était le seul mythe vivant habitant à côté de chez moi. Margo Roth Spiegelman, dont le nom aux six syllabes était souvent prononcé avec une sorte d'admiration muette. Margo Roth Spiegelman, dont le récit des aventures épiques traversait le lycée, tel un orage d'été : un vieil homme de Hot Coffee dans le Mississippi lui avait appris à jouer de la guitare dans sa masure. Margo Roth Spiegelman avait passé trois jours dans un cirque qui lui avait trouvé un don pour le trapèze. Margo Roth Spiegelman avait bu une tisane en coulisse avec les Mallionaires à l'issue d'un concert à Saint-Louis, quand tout le monde était au whisky. Margo Roth Spiegelman avait réussi à assister au concert en racontant aux videurs qu'elle était la copine du bassiste. Mais enfin comment se faisait-il qu'ils ne la reconnaissaient pas, franchement les mecs, je m'appelle Margo Roth Spiegelman, si vous pouviez retourner en coulisse demander au bassiste de venir voir à quoi je ressemble, il vous dirait que si je ne suis pas sa copine, il rêverait que je le devienne. Alors les videurs y étaient allés et le bassiste avait dit : Oui, c'est ma copine, laissez-la entrer. Et plus tard, il avait essayé de la brancher et elle avait repoussé le bassiste des Mallionaires ?
Ces histoires, quand elles étaient racontées à d'autres, se terminaient invariablement par des Tu le crois, ça ?
Ce qui était effectivement difficile, bien qu'elles se soient toutes révélées vraies. »
A l'approche du bal de fin d'année, Quentin et ses camarades se cherchent des petites copines pour les accompagner au grand raout. Q. a pourtant dans le coeur et la tête une seule fille qu'il aime depuis toujours : Margo, sa voisine et son amie d'enfance. A neuf ans, ils avaient découvert un macchabée dans une mare de sang, de quoi les chambouler l'un et l'autre, même la nuit, nourrir leurs cauchemars et faire dire à la jeune fille, un truc du style, « Si ça se trouve, toutes ses cordes intérieures ont cassé. ». Le temps a passé et les deux amis se sont éloignés, sans plus jamais évoquer cette histoire. Jusqu'à ce dernier événement : Margo débarque en pleine nuit chez Q. et l'entraîne dans une virée de règlements de compte. Trompée par son petit ami, la demoiselle a établi un plan de vengeance qui concerne tout son joli monde hypocrite. Quentin demeure son seul complice, ce qui le comble de joie, malgré son tempérament petit garçon modèle et consciencieux. Le lendemain, le coeur battant la chamade, Q. s'attend à retrouver son amie Margo... qui est portée disparue. Plus de nouvelles de la belle, elle s'est volatilisée, on parle même de suicide et de drame, bref c'est un monde pour Q. qui refuse de croire à cette théorie.
« Margo a toujours adoré les mystères. Et la suite des événements n'a cessé de me prouver qu'elle les aimait tellement qu'elle en est devenue un. »
Ce roman m'est apparu tellement proche de Qui es-tu Alaska ? (le premier livre de John Green) qu'il m'a semblé étrange de le dissocier et de le considérer à part. On y trouve les mêmes thèmes : le narrateur érudit, intelligent, posé et fasciné par une jeune fille, d'où Margo, personnage quasiment fantasmé, à la personnalité tourbillonnante, stellaire, envoûtante, et pourtant qui cache des failles, des blessures, etc. Sa disparition entraîne le narrateur dans une quête, plusieurs masques vont tomber, la vérité apparaître, mais de bien étrange façon, et pour une conclusion pas forcément attendue. Le style y est, impeccable, bien écrit, drôle, brillant. C'est un très bon roman, aucun doute. Pourtant, j'ai ce sentiment d'avoir relu une histoire que je connaissais déjà. J'avais aimé Alaska, alors j'ai aimé Margo... mais j'espère que l'auteur ne va pas répéter sans cesse le même schéma mais nous proposer une prochaine fiction totalement différente, si ce n'est ce ton excentrique, singulier, riche en humour et suspense que j'affectionne particulièrement.
A tenter.
> lu aussi par l'accro des livres