Pax, le chemin du retour ; de Sara Pennypacker
Attention, ils sont de retour ! Et votre petit cœur sensible va encore souffrir.
On retrouve donc Peter plus déprimé que jamais. Brisé par la disparition de ses proches. Désormais, Peter vit seul et s'isole du reste du monde. Il refuse qu'on s'attache à lui, qu'on cherche à lui tendre la main. Il ne veut plus. Il préfère ne plus risquer de s'attacher, ne plus aimer, pour ne plus souffrir.
Toutes ses pensées volent vers son ami Pax, son renard qui a pris son envol. Lui aussi a tracé son chemin, avec sa compagne, leurs enfants etc. Or, la nature est en péril car les animaux, surtout les plus jeunes, décèdent sans raison particulière. Pax doit donc trouver une solution, chercher un nouveau foyer.
Sauf qu'au moment de partir, il n'a pas remarqué qu'il était suivi pour la petite femelle de sa portée. La plus intrépide, et la plus chétive. D'ailleurs, ça ne manque pas, elle aussi va tomber malade. S'affaiblir au fil des jours. Pour Pax, pour le bien de son enfant, il prend alors la décision de retrouver son humain.
Peter a finalement rejoint des Soldats de l'eau, plus particulièrement un couple, Jade et Samuel, qui vont lui expliquer les ravages de la guerre, la pollution des sols, le plomb dans la terre et dans l'eau. La faune et la flore sont menacés. Peter tient peut-être un début de piste et se lance dans cette aventure, envisageant presque d'extraire l'écharde dans son cœur.
Ce roman ne se destine pas à la jeunesse - enfin, pas seulement. Ce roman est trop bouleversant pour laisser seul un enfant se dépatouiller avec ce trop-plein d'émotions fortes. Le désespoir, le chagrin, le désœuvrement, la solitude... tout vous coule dessus. C'est franchement poignant, mais oui c'est magnifique quand cette plume poétique vous raconte tout ça.
On plonge également dans l'histoire de Pax en s'imprégnant des ressources et des dangers de la nature. On baigne dedans. On ressent la sensibilité des animaux, leur dévouement et leur entraide. Comme des humains, quoi. La cohabitation n'est jamais simple, mais à force d'écoute et d'observation, elle s'apprend.
Une fois encore, je ressors de cette lecture en éprouvant de la gratitude et du bonheur. Certes, c'est un roman émouvant, mais il laisse une empreinte attendrissante et qui fait un bien fou.
Gallimard jeunesse, 2022 - Traduit par Faustina Fiore & Illustré par Jon Klassen
⭐⭐⭐⭐
Pêle-mêle Pastel : Milo à la neige - Pablo - C'est qui chat ? - Carré
Au cours de la nuit, il a neigé à gros flocons. C'est l'occasion pour Milo et Boris de courir s'amuser : d'abord sur la luge, mais gare à la chute, puis en se lançant des boules sur la tête. Chemin faisant, les deux amis vont s'égarer dans la forêt. Et lorsque la nuit tombe, le moindre petit bruit devient soudainement terrifiant ! Chut... deux silhouettes s'approchent. Mais le froid les gagne et les premiers atchoum résonnent dans le silence.
Charmant et attendrissant, cet album raconte les folles épopées de deux copains par une journée d'hiver tout à fait ordinaire. De nombreuses possibilités s'offrent ainsi à eux pour exploiter les richesses de la saison glaciale et enneigée... sauf que rien ne vaut un bon vieux bonhomme de neige, avec sa carotte en guise de nez ! Superbe ambiance, délicate et frissonnante, avec une belle complicité autour d'un duo qui s'entraîne aisément dans de bonnes parties de rigolade. Une lecture rafraîchissante !
Milo à la neige, d'Anne Pym & Francesco Pittau
Pastel de l'école des loisirs, 2019
============================
Coucou, voici Pablo ! Enfin, il est encore dans son œuf mais le temps est venu de briser sa coquille. D'abord craintif, il procède tout doucement : un petit trou par ci, par là. Pablo apprend ainsi à découvrir le monde à travers les cinq sens. Et finalement, il se sent assez en confiance pour débouler dans la vraie vie. Conquérant mais prévenant : mieux vaut se garder un bout de coquille pour les mauvais jours (de pluie) !
Cet apprentissage du monde explore plusieurs pistes : découverte des formes, des sons, des sens, des émotions aussi. Pablo avance progressivement mais gagne ainsi en assurance. Chaque petit lecteur pourra se reconnaître dans notre jeune ami, prendre exemple et s'appuyer sur ses conseils. C'est adorable et assez drôle aussi. La fin apporte une touche lumineuse à cet ensemble essentiellement basé sur du noir & blanc : un graphisme sobre et élégant, un texte qui s'amuse à distiller un peu de suspense. Un album très convaincant.
Pablo, de Rascal
Pastel de l'école des loisirs, 2019
============================
Quel amour d'album ! Dans cette histoire, un chat et un bébé se rencontrent et s'apprivoisent avec un peu de méfiance mais non sans intérêt. La couverture en est la parfaite illustration ! Cela va de cache-cache en câlins, de chatouille en sauve-qui-peu. Bref, ces deux-là n'ont pas fini de se tourner autour pour mieux s'apprécier.
Et quelle lecture efficace et attendrissante ! Michel van Zeveren va à l'essentiel : sobriété, tendresse, humour. La séduction opère instantanément. On adore cette formidable connivence qui s'installe entre un enfant et un animal.
C'est qui chat ? de Michel Van Zeveren
pastel de l'école des loisirs, 2019
============================
Chaque jour, Carré descend dans sa grotte, prend une pierre et la pousse jusqu’au sommet de la montagne. C’est son travail. Jusqu'au jour où il découvre qu'il serait un sculpteur ! C'est Cercle qui vient de crier au génie en s'extasiant sur son tas de pierres. Ce faisant, Cercle réclame une statue à son effigie. Carré y passe donc toute la nuit avant de déclarer forfait. Il doit rétablir la vérité. Mais au petit matin, Cercle arrive et découvre sa création.
La pirouette finale ne manquera de susciter quelques sourires cocasses aux lecteurs ! Cet album montre également les mystères de la création artistique, ses libres interprétations et son inspiration qui peut survenir sans crier gare, au hasard d'une longue nuit harassante, par temps de pluie ou sous l'effet du désespoir. En tout cas, on exploite avec plaisir le fond et la forme, en tournant les pages d'un esthétisme a priori austère et néanmoins fascinant.
Carré, de Mac Barnett & Jon Klassen
Pastel de l'école des loisirs (2019) Traduit de l'anglais par Alain Gnaedig
============================
Pêle-mêle : Une histoire à grosse voix - Le loup, le canard & la souris - Minusculette en automne - Ouiii - Cache-cache surprise
Trois petites grenouilles réclament à leur papa une histoire à grosse voix, à l'heure du coucher. Mais à peine celui-ci s'échauffe la voix et commence à proclamer “il était une fois”, les petites grenouilles tentent de se débiner. Un doudou par ci, un pipi par là, un verre d'eau encore, une petite veilleuse en plus... Bref. L'histoire à grosse voix, finalement, ce n'est pas une si bonne idée.
L'album est, par contre, extra dans la relation qui se développe entre le père et les enfants. Il y a de la complicité, de la tendresse, des câlins et des clins d'œil. C'est adorable. Et Émile Jadoul ne manque pas d'humour pour boucler son histoire, sur une bonne GROSSE voix. On imagine déjà l'interprétation à donner chaque soir, avant d'éteindre les lumières. Franchement TOP !
Une histoire à grosse voix, d'Émile Jadoul
pastel de l'école des loisirs, 2018
=========================
Une souris croise un loup dans la forêt. Et couic, elle est avalée !
Heureusement, l'histoire ne s'arrête pas là. Car la souris se retrouve dans le ventre du loup, où elle rencontre un canard qui fait sa popote depuis belle lurette. Elle explique qu'elle aussi a été avalée, mais pas mangée. Tout est dans la nuance. Depuis, le canard vit à son rythme, dodo, petit déjeuner, soupe, festin de temps à autre. Jamais il n'aurait pu envisager une vie plus excitante (et tranquille) en restant dans la forêt ! Eh oui, les prédateurs sont partout. Le loup, lui-même, est la cible du chasseur. Sentant le danger proche, la souris et le canard deviennent des alliés redoutables... et vont sauver la mise de la bête féroce !
Ha, ha ! Quelle fable ! Tel est pris qui croyait prendre. Ou comment croquer avec humour une histoire de piège tendu par plus petit que soi... Mac Barnett et Jon Klassen sont sacrément tordus et concoctent un album plein de dérision, qui remporte un succès fou auprès d'un public en délire. Nous applaudissons haut et fort la prouesse.
Le loup, le canard & la souris, par Mac Barnett & Jon Klassen
pastel de l'école des loisirs, 2018
=========================
C'est l'automne. Alors que Minusculette virevolte parmi les feuilles qui tombent, elle rencontre un muscardin aux abois. Maurice a égaré sa famille ! Tous se préparaient à bichonner leur nid pour l'hiver, et bim, ils ont disparu du radar. Minusculette n'est pas inquiète, elle lui propose de partir à leur recherche. Son ami Gustave, l'écureuil, apporte aussi sa contribution et - malgré lui - sa cachette pour hiberner.
Cette série, qui égrène les saisons, nous raconte de jolies histoires, simples et charmantes, avec une héroïne dynamique, toujours prête à rendre service et soulager les petits tracas du quotidien. Des couleurs aux illustrations, la combinaison est harmonieuse. C'est mignon comme tout.
Minusculette en automne, de Kimiko & Christine Davenier
loulou & cie, chez l'école des loisirs, 2018
=========================
Dans cet album, l'imagination carbure à fond les ballons : ce qu'on suppose être le lever du soleil est, en fait, un œuf sur le plat. Non, ce n'est pas une chenille rose, mais des pieds dans l'herbe. L'escargot de la laitue remplace le monstre de l'espace, et la purée toute chaude, un volcan qui fume. Même le gros bisou est confondu avec le papillon rouge. Et la couette toute douce avec le nuage tout blanc !
Au fil des pages, on voyage, on rêve, on redécouvre le monde qui nous entoure. Autant de suggestions fantaisistes pour combler cet imagier ludique, tantôt fou, tantôt surprenant. En tout cas, sa lecture suscite des exclamations de joie et d'étonnement. Très chouette ! On dit OUIII.
Ouiii ! d'Arnaud Denis
loulou & cie, de l'école des loisirs, 2018
=========================
Viens jouer à cache-cache avec le livre ! 7 cochons, 6 moutons, 4 chèvres, 10 lapins, 2 cerfs, une biche et 2 faons s'y planquent joyeusement. Au lecteur de faire le compte, de déjouer la roublardise du loup, de faire la fête, de pousser des cris d'orfraie, de repartir en vadrouille et de tromper l'animal aux dents longues...
Une lecture rigolote pour un album tout-cartonné aux illustrations pimpantes et savoureuses. On le tourne dans tous les sens pour déjouer les pièges du loup. Et l'attention de l'enfant est occupée pendant de précieuses minutes. Que demander de plus ? :)
Cache-cache surprise ! de Ramadier & Bourgeau
loulou & cie chez l'école des loisirs, 2018
=========================
Pax et le petit soldat, de Sara Pennypacker
Peter vit seul avec son père, depuis l'accident mortel de sa mère. Enfermé dans sa douleur et sa colère, le garçon a trouvé du réconfort auprès d'un jeune renard, qui grelottait de froid et de faim dans son terrier. L'enfant et l'animal ont aussitôt développé une connivence rare et sont devenus inséparables. Le père de Peter a consenti à cette amitié hors norme, précisant cependant qu'un jour viendrait où il faudrait rendre sa liberté au renard.
À l'annonce d'une guerre imminente, le père de Peter prévient qu'il doit partir chez son grand-père, et donc abandonner son renard. La séparation dans les bois est déchirante. Peter est inconsolable et décide de fuguer pour retrouver son animal.
Un long chemin semé d'embûches va attendre le garçon, qui va se blesser et être obligé de se réfugier dans une ferme en rongeant son frein. De son côté, Pax est lui aussi livré à lui-même. Seul, dans un environnement sauvage qu'il découvre avec brutalité, il fait face à d'autres renards qui le rejettent car “il sent l'humain”.
Dès lors, Peter et Pax n'auront de cesse de s'accrocher à cet espoir insensé de leurs retrouvailles. Leur ténacité force l'admiration, car tous deux vont être mis à l'épreuve et endurer leur bravoure et leur loyauté au gré de leurs périples. C'est en parallèle qu'on suit leurs parcours et leurs tentatives de survie, dans un monde secoué par la guerre, la violence et la destruction. Les ravages sont énormes, mais c'est avec intelligence et pudeur que l'auteur en fait étalage.
En effet, le roman dénonce avec tact et subtilité les dommages qu'entraînent les conflits armés et leur impact sur les plus vulnérables. C'est une histoire à la fois poignante, pleine de fureur, et en même temps d'une grande beauté dans sa description du lien unique qui rattache Peter et Pax.
Une jolie lecture, qui ravit aussi les yeux avec les illustrations raffinées de Jon Klassen.
Un roman triste, doux, sensible et bouleversant.
Une petite bulle hors du temps.
Gallimard Jeunesse, 2017 - Illustré par JON KLASSEN - Traduit par Faustina Fiore
On a trouvé un chapeau, de Jon Klassen
Deux tortues trouvent un chapeau mais réalisent que ce ne serait pas juste que l'une arbore un chapeau, et pas l'autre. Alors elles décident d'un commun accord de passer leur chemin. Autant se priver toutes deux du chapeau !
Seulement voilà, l'une d'elles soupire de regret. Elle se lamente in petto d'avoir abandonné le couvre-chef, elle y pense le soir au moment de se coucher, elle y pense fort, fort, fort, mais n'ose pas l'avouer à son amie. Lorsque celle-ci tombe de sommeil, la tortue nouée de frustration s'éclipse en douceur, et alors... ?
Il arrive, parfois, que le désir est si fort qu'il vous obsède, que la convoitise est imprimée en vous et qu'elle vous ensorcelle... Si c'est le cas, alors cette lecture ne peut que vous parler. Son histoire de partage et de sacrifice qui rend amer est forcément cocasse, mais tellement subtile aussi. Car l'humour de Jon Klassen est extraordinaire.
Il y a un tel décalage entre l'image, au graphisme simple et épuré, et le texte, qui laisse filtrer ce que l'on ne voit pas et place ainsi le lecteur dans la confidence, que le résultat sonne juste. L'humour est sarcastique, mais la morale est sauve. Au final, les deux tortues ont éprouvé leur amitié et résisté à la tentation. Un album comique et sans chichis.
Milan - Octobre 2016 (Adaptation française de Jacqueline Odin)
Extra doux de Mac Barnett et Jon Klassen
Par un après-midi glacial, dans une petite ville glaciale, toute blanchie par la neige et noircie par la suie des cheminées, Annabelle trouva une boîte remplie de fil multicolore. Elle se mit à tricoter un pull pour elle, pour son chien, pour un copain jaloux, pour son animal aussi... et jamais elle ne manqua de laine ! Elle continua de faire plaisir et se mit à tricoter pour toute sa classe, pour son instituteur, pour les villageois, tous les villageois, sauf un... qui se contenta d'un bonnet ! Et même la ville revêtit une parure de laine.
Tant et si bien que la rumeur enfla et les curieux accoururent du monde entier pour rencontrer cette fillette qui tricotait à l'infini. Mais un archiduc aussi se pointa, fine bouche... Il lui proposa une fortune contre sa boîte magique, mais la fillette refusa. Mais l'homme ne se contenta pas d'un refus !
Charmante histoire sur la générosité (et le plaisir de tricoter !), qui ne s’épuise pas tant qu’on cultive cette qualité avec naïveté et détermination. Les illustrations sont délicates, le moelleux de la laine ressort impeccablement dans le paysage hivernal. C'est sobre, mais poétique. Très beau !
Milan, janvier 2014