Double jeu, par Judy Blundell
New York, 1950. Kit Corrigan, 17 ans, a tout plaqué pour saisir sa chance de brûler les planches mais ne collectionne que des déboires ! Sans nouvelles de son petit copain Billy, avec lequel elle aurait rompu lors de leur dernière entrevue, Kit a la surprise de recevoir la visite de son père, Nate Benedict, qui lui propose de l'héberger dans son appartement et d'écrire à son fils pour tenter de le retenir (il vient de s'enrôler dans l'armée et doit partir en Corée). Coincée, mais faible, Kit accepte la proposition. Peu de temps après, elle décroche aussi un job de danseuse au Lido, reçoit une valise entière de vêtements neufs, la situation est plus que désespérante ! La jeune fille n'est pas idiote et se sent prise au piège, elle agit comme une automate, un peu malgré elle, car elle n'est plus sûre de vouloir renouer avec Billy (qui est d'une jalousie maladive et lui faisait constamment des scènes, parfois violentes).
Ce qui m'a beaucoup, beaucoup plu dans ce roman, c'est donc cette sublime et envoûtante atmosphère, digne d'un roman noir suranné, baignant dans un décor d'après-guerre, où l'on croise naturellement des cocotes, des avocats véreux, des gangsters, avec aussi en arrière-plan la chasse aux sorcières (le Maccarthysme) qui frappe notamment les voisins de Kit. Pendant longtemps, l'histoire se veut langoureuse, mystérieuse et follement élégante avant de déraper vers une issue capillotractée et bidouillée à la va-comme-je-te-pousse. Mais cela ne m'a pas chagrinée non plus, puisque je suis sortie de cette lecture en poussant un soupir d'extase tellement j'ai pu savourer l'ambiance générale du roman.
Albin Michel, coll. Wiz, février 2013 - traduit par Cécile Dutheil de la Rochère
Pêle-Mêle Clarabel #21
L'histoire est simple et gentille, mais elle s'est révélée super émouvante, en fait. Ninon apprend que sa mère, âgée de 38 ans, attend son 2ème enfant. La jeune ado n'est pas franchement emballée, elle se braque dès que son beau-père tente de s'immiscer dans leur quotidien, elle fait de la résistance passive pour attirer l'attention car elle se sent de plus en plus délaissée. Il n'en a que pour le bébé dans le ventre ! C'est d'un ridicule, pense Ninon, qui ne s'interroge pas sur ce qu'elle ressent. Serait-elle jalouse ou ennuyée par les changements à venir ? Elle verra ça plus tard. Pour l'instant, elle soupire fort, très fort et regrette de devoir partager sa mère. Puis, arrive la naissance prématurée. Longtemps le bébé sera entre la vie et la mort, toute la famille est bouleversée, Ninon est toujours tenue à l'écart, sa mère n'est plus qu'un zombie, Stéphane, lui, avance ses billes avec précaution mais efficacité. Je ne sais pas l'expliquer, mais j'ai été vraiment émue par le stress et la détresse qui gagnent la jeune fille concernant le sort de sa soeur, entre la découvrir totalement indifférente puis fondre pour ce gnome qu'elle trouvait inutile et affreux. A croire que son statut d'aînée la conduit à se montrer moins exclusive dans sa relation avec sa mère - et là encore, c'est un sujet qui me touche beaucoup ! Enfin bref, cela a été une lecture surprise fort agréable.
- Tu vois tous ces petits bébés ? Ils se battent pour vivre. Ils se battent jour et nuit. On ne peut pas les fragiliser avec des microbes.
J'ai pensé que mes microbes n'étaient pas pires que ceux de maman ou de Stéphane, mais je n'ai rien dit. Quand quelqu'un vous fait une faveur exceptionnelle, ce n'est pas le moment de chipoter.
La petite fille dans une boîte en verre - Marie Leymarie
Gallimard jeunesse, coll. Hors-piste (2010) - 154 pages - 8€
illustrations de Pierre Bailly
A signaler en sortie(s) poche :
Ce que j'ai vu et pourquoi j'ai menti, roman de Judy Blundell : New York, 1947. Evie vit dans le Queens avec sa mère et Joe. Lorsque ce dernier reçoit un coup de fil insistant, il décide de partir en vacances en Floride. A Palm Beach, ville fantôme où seul un petit hôtel minable est ouvert, les Spooner vont lier connaissance avec un autre couple, les Grayson, et un ancien soldat qui a connu Joe en Europe, Peter Coleridge. Evie tombe immédiatement amoureuse de lui, elle a quinze ans, elle est naïve et a toujours vécu dans un cocon, elle voue une vraie fascination pour sa mère, Bev, qui est belle comme Lana Turner. A côté, Evie se sent comme le vilain petit canard, quelconque, transparent jusqu'à ce que Peter l'aborde, l'invite à danser, lui sourit, propose de la balader dans sa voiture et l'embrasse.
Sous ce climat lourd et pesant, la tension monte, donne du suspense au récit, lequel va très mal se terminer, mais le lecteur s'en rend compte tout seul, au fur et à mesure que l'histoire avance, l'amertume gagne du terrain, les masques tombent, certaines révélations apparaissent, les confiances se perdent, et au milieu Evie se prend la plus grande claque de sa vie. Son passage à l'âge adulte résonnera comme une lente tombée du haut d'un ravin, tant elle comprendra qu'autour d'elle il n'y a que duperie, mensonge et trahison. C'est ahurissant, et le décor de l'après-guerre apporte aussi son lot en dramaturgie et autres horreurs à dévoiler, c'est franchement flippant et hallucinant. La voix d'Evie devient encore plus poignante et magnifique, on partage longtemps cette dualité qui naît en elle, en même temps que la tragédie va fragiliser son petit monde.
C'est un roman à lire d'une traite, écrit dans un style proche des films noirs d'après-guerre, classique et envoûtant, aussi amer qu'un chocolat. Une atmosphère à laquelle j'ai été très sensible.
Coll. Pôle Fiction chez Gallimard jeunesse - 6,60€
A venir : Les confidences de Calypso - Romance royale.
Ce que j'ai vu et pourquoi j'ai menti ~ Judy Blundell
Gallimard jeunesse, 2010 - 288 pages - 12,00€
traduit par Cécile Dutheil de la Rochère
Être adulte, était-ce ça ? S'obliger à faire ce qu'on n'avait aucune envie de faire, avec un simple haussement d'épaules ?
New York, 1947. Evie vit dans le Queens avec sa mère et Joe. Lorsque ce dernier reçoit un coup de fil insistant, il décide de partir en vacances en Floride. A Palm Beach, ville fantôme où seul un petit hôtel minable est ouvert, les Spooner vont lier connaissance avec un autre couple, les Grayson, et un ancien soldat qui a connu Joe en Europe, Peter Coleridge. Evie tombe immédiatement amoureuse de lui, elle a quinze ans, elle est naïve et a toujours vécu dans un cocon, elle voue une vraie fascination pour sa mère, Bev, qui est belle comme Lana Turner. A côté, Evie se sent comme le vilain petit canard, quelconque, transparent jusqu'à ce que Peter l'aborde, l'invite à danser, lui sourit, propose de la balader dans sa voiture et l'embrasse.
Les semaines passent sous un soleil accablant. Les Spooner n'en peuvent plus mais sont comme électrisés par l'ambiance. Ils repoussent leur départ, Evie s'en moque car elle ne veut pas se séparer de Peter. Et pourtant, le tableau des vacances cache aussi des zones de turbulence - les Grayson joueraient un double jeu, Joe est de plus en plus nerveux, Bev s'embellit sous le soleil et s'absente chaque jour pour apprendre le golf, Peter est terriblement beau, séduisant, charmeur mais c'est une bombe à retardement.
Sous ce climat lourd et pesant, la tension monte, donne du suspense au récit, lequel va très mal se terminer, mais le lecteur s'en rend compte tout seul, au fur et à mesure que l'histoire avance, l'amertume gagne du terrain, les masques tombent, certaines révélations apparaissent, les confiances se perdent, et au milieu Evie se prend la plus grande claque de sa vie. Son passage à l'âge adulte résonnera comme une lente tombée du haut d'un ravin, tant elle comprendra qu'autour d'elle il n'y a que duperie, mensonge et trahison. C'est ahurissant, et le décor de l'après-guerre apporte aussi son lot en dramaturgie et autres horreurs à dévoiler, c'est franchement flippant et hallucinant. La voix d'Evie devient encore plus poignante et magnifique, on partage longtemps cette dualité qui naît en elle, en même temps que la tragédie va fragiliser son petit monde.
C'est un roman à lire d'une traite, écrit dans un style proche des films noirs d'après-guerre, classique et envoûtant, aussi amer qu'un chocolat. Une atmosphère à laquelle j'ai été très sensible.