L'École des saveurs, par Erica Bauermeister
Un jour, la petite Lilian se lance un défi fou : si elle parvient à guérir sa mère de son chagrin en cuisinant, elle consacrera son existence à la gastronomie. La magie d'un chocolat chaud aux épices opère et, une vingtaine d'années plus tard, Lilian anime tous les premiers lundis du mois un atelier de cuisine dans son restaurant.
Ce roman est formidable, il se lit vite, procure une sensation grisante et apaisante, on s'y sent comme dans un cocon douillet et c'est très appréciable. L'histoire est aussi naturelle et chaleureuse que son héroïne, Lilian. Une jeune femme secrète, mais totalement dévouée à sa cuisine. Dotée d'un sixième sens, elle est capable de déceler le manque ou le besoin chez ses clients (qui deviennent rapidement des amis) et parvient à les soulager sans avoir l'air d'y toucher. Un don unique et précieux.
On pénètre ainsi dans cette intimité, d'abord par curiosité, puis on s'installe et on prend plaisir à découvrir le petit groupe de personnages, à travers leurs secrets, parfois leur chagrin mais surtout leurs espoirs. C'est doux, réconfortant et bouleversant. Une belle palette d'émotions. Et les scènes de cuisine sont aussi ensorcelantes, elles embaument les pages du livre, on se sent enivré, possédé par la magie des épices, du chocolat, du fromage, du champagne... Autant d'expériences culinaires qui vont éveiller des ardeurs inconnues !
C'est un roman au pouvoir de séduction insoupçonné, et qui fait un bien fou. Une lecture fabuleuse, gourmande, savoureuse, légère et grave à la fois.
Le Livre de Poche, mai 2011 ♦ traduit par Mona de Pracontal pour les éditions Presses de la Cité (The school of essential ingredients)
Si les lectures à notes gourmandes et savoureuses vous attirent, découvrez aussi :
Chocolat amer, de Laura Esquivel & Mangez-moi d'Agnès Desarthe
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Les demoiselles de Spindle Cove, Tome 2 : Une semaine de folie, par Tessa Dare
Minerva Highwood, déjà croisée dans le précédent épisode, avait su se démarquer par sa passion pour la géologie. Sa mère en lève les yeux au ciel, mais qu'importe, la demoiselle préfère courir la campagne, fouiller les sols et lire des ouvrages scientifiques plutôt que danser, écrire de la poésie, boire son thé à petites gorgées ou pavaner dans les bals pour trouver un prétendant.
De toute façon, avec son physique quelconque, Minerva a conscience qu'elle ne trouvera jamais la perle rare. Même sa propre mère lui serine qu'elle est une cause désespérée ! Toute l'attention de la famille est d'ailleurs focalisée sur la sœur aînée, la ravissante et vaporeuse Diana. Celle-ci aurait conquis le jeune vicomte de Spindle Cove, lord Payne, dont la réputation de débauché n'est hélas plus à peindre...
Aussi, pour soustraire sa sœur de cet intérêt dégradant, Minerva décide de s'immiscer dans leur romance et propose à Colin une fugue amoureuse, jusqu'en Écosse. Notre séducteur s'esclaffe, avant de se raviser. Et impose ses conditions.
Bien évidemment, l'aventure qui va suivre est proprement hallucinante.
Jamais couple n'a été aussi dépareillé, ce qui occasionne de belles séquences cocasses et sexy.
Car, au nom de la sacro-sainte recherche scientifique, Minerva se livre à des expériences d'un genre nouveau, guidée par les conseils d'un expert en l'art de séduction, pas mécontent d'avoir trouvé une partenaire aussi voluptueuse et hardie !!
Oui, oui, c'est proprement scandaleux mais pas totalement dépravé non plus.
Tessa Dare joue toujours sur la corde raide du désir, sans franchement basculer dans la décadence. Et pour bien faire, elle y met les formes ET l'humour. La complicité qui va naître entre Minerva et Colin est franchement savoureuse. Soudés dans l'adversité et développant au fil de leur parcours une connivence coquine et espiègle, tous deux vont beaucoup apprendre de l'autre, elle pour son épanouissement personnel, lui pour se libérer de ses démons... « Vous avez le goût des prunes mûres. - Allons, c'est absurde. - Pourquoi ? - Parce que ce n'est pas la saison des prunes. »
C'était encore un vrai régal de lecture, une romance placée sous le signe de l'aventure et de la passion, pour de vrai. Seul regret, l'histoire s'est écartée du cocon douillet de Spindle Cove...
J'ai Lu, coll. Aventures & Passions, février 2014 ♦ traduit par Laurence Murphy
“Ce qui nous touche peut surgir de n'importe où. Pas besoin de génie. C'est la magie de la vie.”

Eh oui, encore !... Cette fois, nous sommes loin des délires clownesques de Demain j'arrête !, toutefois le bonheur de lecture n'aura nullement été amoindri. J'ai follement, énormément apprécié ce que Gilles Legardinier cherchait à nous raconter, à travers une histoire où tendresse et émotion sont solidement ancrées au coeur du récit. Nous suivons donc Camille et sa bande de potes, en dernière année de lycée, quelques mois avant l'épreuve terrible du baccalauréat. Ils sont jeunes, insouciants, ils vivent au jour le jour, ils taquinent leurs profs, ils bûchent à leurs heures perdues, ils ne pensent pas à l'avenir, ils pensent à l'amour, à l'amitié, à la vie en général.
Je pense qu'on devrait tous se retrouver dans ce roman, surtout pour se rappeler ce que c'est que d'avoir 17 ans. Une époque heureuse et insouciante, où on s'imagine être entouré de remparts solides (les amis, la famille, l'amour...). Et puis, un jour, vos certitudes fichent le camp et c'est le drame. Comment réagir quand on vous arrache vos ailes ? En hurlant, en prenant la fuite, en faisant l'autruche, en pétant tout, en vivant encore plus follement, plus intensément ?
C'est un peu tout ça ce qu'on cherche à nous raconter dans ce roman. Tour à tour, il est drôle, il vous donne envie de rire, il vous fait aimer les personnages, et puis la fois d'après il vous noue l'estomac, il vous colle une boule dans la gorge, il vous fait monter les larmes aux yeux. C'est fou comme ce roman possède mille pouvoirs ! Il est sensible, émouvant, poignant, attendrissant, généreux, pétillant, loufoque, insensé, nostalgique... il est tout ça à la fois, et ça fait du bien de s'y plonger. J'ai beaucoup, BEAUCOUP aimé ce roman. J'ai aimé toutes les sensations qu'il m'a procuré. J'ai ri et pleuré tout du long. J'en suis sortie bouleversée, mais dans le bon sens du terme.
Et soudain tout change, par Gilles Legardinier (Fleuve Noir, octobre 2013)
Pars vite et reviens tard (Audiolib) lu par Thierry Janssen

Retour aux sources avec cet épisode, où Adamsberg vient d'être fraîchement promu commissaire et rencontre sa nouvelle brigade (même qu'il s'emmêle les pinceaux avec le nom de tous ses lieutenants !). C'est l'occasion pour lui de faire la démonstration de ses talents, lorsqu'il rencontre une petite dame craintive qui vient éveiller son attention sur des peintures de 4 à l'envers sur les portes des immeubles, puis lorsqu'une vieille connaissance le met en garde contre la menace d'une épidémie de peste dans les rues de Paris !
C'est certain que d'autres policiers vous enverraient balader ces hurluberlus sans mettre les formes, mais Adamsberg, lui, possède un instinct redoutable. Il ne traite aucun dossier à la légère, certains diront de lui que c'est un excentrique, mais le commissaire a du flair et conclue toujours royalement ses enquêtes. Cette nouvelle intrigue vaut notamment le détour pour son climat d'angoisse latente. Sans mentir, on gobe facilement l'idée qu'un malade tue ses victimes en propageant la peste dans les rues de Paris !!! Alors, vrai ou pas vrai ?
La vie sentimentale d'Adamsberg traverse également une belle tempête, ou gageons que notre commissaire va s'engager dans une belle traversée du désert ! A ce stade, ce serait une juste punition à son comportement trop volage. Non, non, Jean-Baptiste, ce n'est pas la faute de Camille !!! Tu peux toujours supplier ton téléphone de sonner, j'espère qu'il restera muet ! Lecture impeccable de Thierry Janssen, la voix officielle de tous les romans de Fred Vargas chez Audiolib, et franchement ce choix est parfait, indiscutable, ne changez rien !
Pars vite et reviens tard, par Fred Vargas (Audiolib, mars 2012 - texte intégral lu par Thierry Janssen, durée d'écoute : 10 h 12 / J'ai Lu, octobre 2005)
Teaser Tuesday #35
Il déchira le paquet d'un geste théâtral, et demeura un instant perplexe en découvrant quelque chose qui ressemblait vaguement au pire cadeau qu'on puisse offrir à un enfant normal, c'est-à-dire... un livre ! C'était presque déraisonnable, car il y en avait trois piles, trois piles de livres épais comme des dictionnaires, garnis d'une reliure de cuir.
Mathieu peste contre sa vie, il a dix ans, seulement, et c'est tellement nul. Il est coincé chez lui, n'a jamais le droit de fêter son anniversaire au palais du roi, sous prétexte qu'il collectionne les bêtises depuis sa naissance, à tel point qu'on pourrait en faire un collier de perles !
Mais Mathieu n'a pas dit son dernier mot, il est rusé et va prouver à son père que son autorité est abusive, que ses contrats sont erronés, qu'il y a toujours matière à contourner les interdictions. Pour lui, réaliser des bêtises, c'est tout un art dont il se déclare maître et fier de l'être. Sa réputation n'a plus de limites. Il est souvent attendu comme le messie au palais, même le roi retient son souffle, craintif et curieux de connaître la dernière invention du garnement.
Tout l'intérêt du roman repose donc sur LA promesse de rouerie du jeune garçon. En attendant, nous savourons sa logique implacable, ses défis constants avec son père, leurs joutes verbales et les contrats vicieux pour piéger l'autre.
Dans le même temps, on découvre l'univers de Mathieu, l'existence de l'école des Elitiens (l'élite des héros), où il faut passer des tests assommants pour y entrer, à l'âge de douze ans, ou onze si l'on demande une dérogation. D'ailleurs, Mathieu élabore déjà des plans retors pour réussir en trichant !
A ce stade, il est clair que notre jeune héros n'est pas animé des intentions les plus nobles et c'est ce qui le rend si attachant. En digne rebelle et pourfendeur des bêtises, il apparaît comme un héros moins lisse et donc plus sympathique. Plusieurs fois il m'a fait penser aux frères Weasley, spécialistes en assistance aux Maniganceurs de Mauvais Coups. ;o)
Le Premier Défi de Mathieu Hidalf est donc un roman original, enlevé, drôle et dénué de bonnes intentions. Toute l'histoire est centrée sur la personnalité du héros, on aime ou pas Mathieu Hidalf (j'adore son père, en tout cas !), quoi qu'il en soit son génie est mis en scène, c'est malicieux dans l'âme, impertinent et tourbillonnant, sûr que ça a son charme, parce que c'est généreux et que l'auteur possède l'enthousiasme du débutant. Comment ne pas y être sensible ?
Le premier défi de Mathieu Hidalf, par Christophe Mauri
Gallimard jeunesse, 2011. Illustration de couverture : Benjamin Bachelier
Le tome 2 va paraître en janvier 2012.