La tête de l'emploi d'Antoine Sahler et Aki
J'ai adoré !
“ Chic, j’ai reçu un appareil photo pour mon anniversaire… Et si je faisais un reportage sur les gens du quartier ? Voici donc Marcel Croûte, le gros fromager, Anne et Philippe Cresson, un couple de maraîchers qui crient autant sur le marché qu’à la maison, Annabelle Seringue, la jolie infirmière remplaçante, Augustin Delco, un garagiste timide, caché sous les capots… Sans oublier ceux qui n’ont pas de travail, comme Paolo Empoli (ou Paul Emploi), le papa de Leonardo. Et après je ferai une expo dans l’école, ça va faire un tabac ! ”
Un portrait, une chanson, de l’humour, de la bonne humeur… La vie des gens, quoi ! Avec les illustrations espiègles d'Aki, la plume d'Antoine Sahler, la bonne humeur de François Morel, la prestance de Juliette... et puis tout ça, en quelques pages, c'est jubilatoire, à écouter en cd aussi.
Actes Sud junior, novembre 2013
Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit (Audiolib) lu par Daniel Nicodème
Daniel Nicodème se glisse dans la peau de l'écrivain Jean d'Ormesson pour nous livrer une lecture tout à fait étonnante, à la fois classieuse, nostalgique, enjouée et compatissante. Il nous rend compte du perpétuel ébahissement de l'homme face à son époque, au temps qui passe, à son enfance heureuse et aux doux souvenirs s'y rapportant.
J'ai infiniment aimé toutes ses savoureuses anecdotes concernant sa famille, son existence douillette, protégée et insouciante à Plessis-lez-Vaudreuil, le domaine de son grand-père, lui-même un homme à la personnalité truculente. D'autres figures fantasques, grotesques et aimables, comme le fermier bouddhiste communiste ou la ravissante Marie, passent dans le décor, s'installent, taillent la causette.
C'est absolument charmant, évadé d'un autre temps, poudré et délicieusement guindé, oui, vraiment c'est charmant !
Par contre, l'esprit de l'auteur s'égare aussi dans des considérations existentielles, sur la science, la création du monde, la religion ou les étoiles, mais également sur son œuvre littéraire, sur l'importance d'écrire, de se réaliser dans l'écriture, de parfaire son éternel roman en espérant laisser une trace dans ce vaste monde...
J'avoue, ma curiosité aura toutefois accusé quelques soubresauts d'intérêt, oscillant du haut vers le bas. C'est clair, je préfère de loin les souvenirs personnels, plus concrets, aux foisonnantes idées sur l'univers qui nous entoure. Serait-ce ainsi un roman testamentaire que nous propose Jean d'Ormesson, un récit empreint de souvenirs frétillants et de réflexions toutes personnelles sur la vie en général ?
Chacun y saisira ce qu'il veut. Pour ma part, j'ai été follement séduite par l'homme qui se livre sans retenue, qui évoque ses souvenirs d'enfance et de famille avec générosité, un soupçon de facétie et une grande admiration bien entendu.
Par contre, je suis persuadée que l'auteur lui-même aurait pu s'adonner à l'exercice de la lecture à haute voix, notamment sur ce petit ton badin qui lui est propre. Le résultat aurait été tout aussi entraînant et agréable !
Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit, par Jean d'Ormesson (Audiolib, octobre 2013 - lu par Daniel Nicodème, durée : 5h)
“Quelle naïveté ! Le Diable a juste joué avec lui... La terreur ne manquera jamais de valets.”
Ne nous attardons pas sur cette couverture peu engageante, et misons sur l'effet de surprise pour découvrir ce que cache le roman ! A priori, c'est une histoire plutôt banale au sujet d'un couple, Raphaël et Laura, qui s'aime mais se détache, depuis l'arrivée au lycée d'un nouvel élève, Melvil, qui cristallise les fantasmes les plus secrets de la jeune fille. Ce qu'elle ignore, c'est qu'elle est sous la coupe d'une possession maléfique, générée par une bague qu'elle vient de trouver dans une petite bijouterie vieillotte.
Son petit copain se débat comme un beau diable pour sauver leur relation amoureuse, mais sa jalousie complique tout et précipite l'inévitable. Leur amie Apolline tente aussi de leur venir en aide, elle-même se débattant au sein d'un flot de rêves brumeux qui cherchent à lui communiquer un message, au sujet d'une Fille des Brumes et d'un Démon, etc. L'intrigue n'a aucun secret pour nous, puisqu'on a connaissance des projets machiavéliques qui animent Melvil et celui qui se fait appeler l'Orfèvre. Au départ, je trouvais ces deux-là assez risibles à vouloir se fondre dans la masse, en adoptant le langage des jeunes de l'époque et en se mettant à la page sur le plan technologique.
Puis, j'ai été prise dans le feu de l'action, avec l'enchaînement des événements, la montée en puissance des forces démoniaques, la manipulation mentale basée sur les peurs les plus vives et l'élimination des éléments dérangeants. Sans mentir, toute la première partie est assez effrayante et sait nous tenir en haleine. La suite me voit plus réservée, avec l'entrée en scène d'une enquête policière plutôt bien menée, mais assez classique. C'est un autre rythme, une nouvelle façon d'aborder cette lecture, qui heureusement va reprendre sa cadence infernale dans les derniers chapitres. Au final, malgré de microscopiques réserves, je trouve que le roman a su parfaitement nous entraîner dans son univers (de possession, de forces maléfiques et de vieilles légendes démoniaques) et nous fait passer un bon moment de lecture.
Le Démon des Brumes, par Luc Blanvillain (Seuil jeunesse, septembre 2013)
“Nom d'une micropipette ! J'étais libre ! Quel talent !”
Flavia de Luce, âgée de seulement onze ans (sa maturité m'épate !), nous revient dans une nouvelle enquête criminelle, qui aura le don de faire lambiner le lecteur, puisque celle-ci ne survient qu'à la moitié du roman. Alors oui, c'est usant pour les nerfs de se demander quand le coup va enfin tomber mais toute bonne chose mérite sa peine !
En attendant, nous suivons cette chère Flavia qui sillonne la campagne anglaise avec sa bicyclette Gladys et fomente des plans pour empoisonner ses sœurs aînées. C'est ainsi qu'elle croise au bord de la route le célèbre marionnettiste, Rupert Porson, et son assistante Nialla, en panne de véhicule. Ils sont diligemment pris en charge par le pasteur, qui va les loger chez un couple de fermiers, les Ingleby. En échange, ils acceptent de donner une représentation pour remercier la communauté de Bishop's Lacey de sa chaleureuse hospitalité.
Flavia est dans ses petits souliers, ravie de prêter main forte. Mais voilà, un drame survient... De nouveau, notre jeune enquêtrice, qui affiche un goût prononcé pour les détails macabres et les expériences chimiques, fait preuve d'une intelligence redoutable pour démasquer la vérité. Sa connaissance des lieux et des habitants lui permet de se faufiler partout, d'écouter et d'analyser, oui, oui, à la façon d'une Miss Marple en culottes courtes, bardée d'un humour froid et cinglant.
C'est savoureux en diable, un petit bonbon anglais à déguster. Ce que j'apprécie dans cette série, plus que tout, c'est son ambiance raffinée et sa galerie de personnages tous très attachants. So british dans l'art et la manière - je suis conquise, définitivement.
La mort n'est pas un jeu d'enfant, par Alan Bradley (éditions 10/18, coll. Grands Détectives, octobre 2013 - traduit par Hélène Hiessler)
Attention, pépite ! ❤
« Tous les souvenirs, toutes les sensations, toute la connaissance, toutes les émotions que je garde de mes grands-parents sont liés aux fleurs. Toutes mes pensées... »
J'ai adoré ce petit bouquin, j'y ai trouvé de la poésie, de l'humour, de la dérision, de la tendresse, et même de l'émotion... C'était beau, et doux, et merveilleux. J'y ai relevé de nombreux passages, j'ai souri, de nombreuses fois, j'ai cru me rappeler mes propres souvenirs, car c'est un livre qui parle de l'enfance, à travers les yeux d'un petit-fils, désormais adulte, mais c'est aussi le portrait d'un couple de grands-parents qui se dessine à nous.
Hyacinthe et Rose forment un couple détonnant : tout les oppose, lui est communiste, elle est bigote, il aime la bicyclette, la pêche à la ligne, le vin rouge, la belote et les chants révolutionnaires, elle préfère les mots croisés, le tricot, l'eau de mélisse, les dominos et les cantiques. Une passion commune, pourtant, les réunit : l'amour des fleurs.
Et ça embaume, ça papote, ça fleurit, ça estourbit, ça tourbillonne, ça frisotte, ça tournicote... C'est du bonheur à l'état pur. Cette version audio est aussi un enchantement, François Morel est accompagné du musicien Antoine Sahler pour un numéro de haute voltige qui vous met la tête et le cœur à l'envers. J'ai aimé, vraiment adoré cette lecture musicale.
On ne retrouve pas dans ce petit ouvrage les illustrations (magnifiques) de Martin Jarrie, toutefois c'est une autre invitation que celle-ci, dans l'univers de l'enfance et des souvenirs heureux. François Morel est un conteur talentueux, avec son histoire il parvient à toucher notre petite corde sensible, et c'est avec notre plein assentiment qu'on retourne se perdre dans le fabuleux jardin de Hyacinthe et Rose. Car, après tout : « On n'est pas bien, là... ? Où c'est que tu veux aller pour être mieux ? ».
François Morel raconte Hyacinthe et Rose, mis en musique par Antoine Sahler (éditions Thierry Magnier, février 2013)
La pâtisserie Bliss ♥☺
La réputation des pâtisseries de la famille Bliss n'est plus à faire ! D'ailleurs, le maire de la ville voisine vient réquisitionner leurs services pour guérir l'épidémie de grippe qui sévit au sein de la communauté. Les parents confient alors la boutique à leurs quatre enfants et remettent une clé précieuse à Rosemary. Cette clé ferme la porte d'une bibliothèque secrète, où est rangé un livre de recettes magiques. Mais chut !
Peu de temps après, une moto se gare à proximité de la pâtisserie. Une belle femme, aux cheveux noirs, coupés courts, et aux lèvres peintes en rouge, se présente : il s'agit de leur tante Lily. Elle est venue à leur rescousse, amadouant les plus grands, cajolant les plus petits, papillonnant avec les uns et babillant avec les autres. C'est une jolie tornade, parfumée à la lavande. Tout le monde succombe, même si Rose est piquée de curiosité et s'impose d'être méfiante.
Les enfants Bliss font front commun : pas un mot sur le livre de recettes magiques. Par contre, ils veulent impressionner leur tante et concocte des Muffins de l'amour à l'intention de deux clients fidèles qui n'osent pas se déclarer leurs sentiments. Et sans le vouloir, ils vont semer une épouvantable zizanie.
Ce roman jeunesse est absolument fabuleux, à la fois gourmand, léger et pétillant. L'histoire est d'une simplicité enfantine, toutefois on y prend un plaisir immense à la découvrir. Les enfants Bliss sont adorables, ils cuisinent, ils s'entraident, ils font des bêtises, mais ils assument leurs responsabilités. Cela m'a fait un bien fou de me plonger dans une lecture aussi guillerette que celle-ci !
La pâtisserie Bliss, par Kathryn Littlewood (PKJ., avril 2013 - traduit par Juliette Lê)
“J'ai bien peur que notre Jean-A. ne soit entré dans l'adolescence...”
Ce nouvel épisode des Jean-Quelque-Chose est encore une fois un rendez-vous incontournable : les enfants deviennent des adolescents, Jean-A est chamboulé d'être le seul garçon dans sa classe de latin, même son séjour linguistique lui a mis la tête à l'envers, désormais il porte des pantalons à pattes d'eph', joue de la guitare et a pour but de devenir l'idole des jeunes. Quel beau métier, se dit Jean-B, notre narrateur.
Celui-ci n'a pas changé d'un iota : agent secret il sera, comme James Bond, dont les aventures cinématographiques lui font raconter des histoires à ses parents. “Le mensonge est le prix à payer pour devenir agent secret. Il faut faire croire aux autres qu'on a une vie absolument normale. Personne ne doit savoir qui vous êtes réellement, pas même vos frères ni vos parents, sinon on risque de les torturer avec un luxe de raffinement incroyable pour leur faire avouer vos véritables activités.”
Il y a tant d'autres petites anecdotes, savoureuses, délicieuses, tendres, facétieuses et captivantes. J'adore cette série, j'aime le ton, les personnages, l'époque qui fleure bon la douce nostalgie des années 60-70, la complicité entre frères, les rêves et les délires qui fourmillent dans leurs jeunes têtes. C'est une lecture indémodable, qui peut plaire à tous les âges. Bonheur assuré.
La cerise sur le gâteau (Histoires des Jean-Quelque-Chose), par Jean-Philippe Arrou-Vignod
Gallimard jeunesse, mars 2013 - illustrations : Dominique Corbasson
L'histoire du soir #10 : Ogre, cacatoès et chocolat, par Cécile Roumiguière & Barroux
Manon est une collectionneuse de mots. Elle en choisit un dans le dictionnaire, elle l'apprend, le tourne, le retourne dans sa tête. Puis elle le recopie sur un bout de papier. Elle écrit des mots porte-bonheur pour se protéger, et d'autres mots très longs, des mots pour rêver.
Manon est une petite fille qui aime collectionner les mots. Elle les recopie sur des bouts de papier et les range dans son sac. C'est son arme secrète. D'ailleurs, ça lui sera précieux lorsqu'elle tombera nez à nez avec l'ogre de la forêt. Ce dernier est énorme, redoutable, grognon et impatient. Il s'ennuie, donc il a faim. Il avalerait bien la petite demoiselle, mais celle-ci rouspète. A sa façon, elle lui dégaine sa science et utilise ses mots si précieux pour lui clouer le bec.
Euh ... un cacatoès ? la mer ? du chocolat ? Mais ce gros monstre est un ignorant ! Comme ce serait méchant de se moquer, aussi Manon préfère le prendre par la main. Un mot en amenant un autre, c'est tout un chemin auréolé de mystère et sujet à la fascination qui se présente à lui. D'ailleurs l'ogre n'a plus envie de tout croquer sans réfléchir. Il est rassasié de nourritures spirituelles !
Toutefois, quand la fillette est coincée dans les rochers, c'est sa force physique qui sera bien utile. On peut dire que ces deux-là ont su se trouver. Elle avec son intelligence et son amour des mots, lui avec son charme rustique et son envie d'apprendre, la connivence est parfaite.
C'est une très jolie histoire, qui se récite à voix haute. Vous en apprécierez les tournures et la petite mélodie. Cécile Roumiguière est une poétesse, une magicienne, vous le savez. Son histoire est un vibrant hommage à toute cette poésie qui se balade autour de nous, parce que les mots sont beaux, les mots sont précieux, les mots sont une arme dont il faut se servir dans un but particulier (pour le bien, quoi). Très belle leçon de tolérance, empreinte de délicatesse et de facétie.
Ogre, cacatoès et chocolat, par Cécile Roumiguière et Barroux (Belin jeunesse, 2012)
et puis les mots, tout aussi magiques, poétiques et envoûtants, de Juliette,
Je pourrais dire ton enfance
Elle est dans l'essence des choses
Je sais le parfum des vacances
Dans les jardins couverts de roses
Une grand-mère aux confitures
Un bon goûter dans la besace
Piquantes ronces, douces mûres
L'enfance est un parfum tenace
Tout ce sucre c'est vous
Tout ce sucre et ce miel
Le doux du roudoudou
L'amande au caramel
Les filles à la vanille
Les garçons au citron
L'été sous la charmille
Et l'hiver aux marrons
Je reprendrais bien volontiers
Des mignardises que tu recèles
Et retrouverais dans mon soulier
Ma mandarine de Noël