02/03/11

Les yeux aux ciel

IMG_2623C'est l'histoire d'une famille qui se retrouve pour l'anniversaire du patriarche. Quelques jours dans la grande demeure près d'une plage bretonne. Un par un, les enfants, devenus à leur tour des parents, arrivent avec leurs valises trop lourdes. Des valises qu'ils videront au compte-goutte, mais pas pour plomber l'ambiance. C'est incroyable ce que quelques jours passés ensemble vont finalement déclencher chez les uns et les autres.
Achille, l'aîné issu d'un premier mariage, reproche à son père d'avoir été délaissé et confié à l'éducation rigide de sa mère. Il n'aurait pourtant suffi d'un seul geste pour qu'il plaque tout et se réfugie dans le cocon créé par Marianne, la nouvelle épouse de Noé.
Et pourtant, Marianne est une femme sèche et peu maternelle. Excentrique à ses heures. Elle a lancé de gros travaux pour restaurer la maison. Petit à petit, tous les souvenirs s'effacent. C'est un bien pour un mal, car trente ans plus tôt, un drame a eu lieu. Et cette absence pèse encore.
Merlin, l'éternel vagabond, en est encore fortement marqué. Il cherche continuellement à se racheter. Sa conduite passée lui vaut toujours la méfiance et les sarcasmes de ses proches. Il a par exemple confié sa fille, Scarlett, à ses parents. Aujourd'hui il aimerait la "reprendre", mais cette déchirure est mal vécue.
Lena, la soeur aînée, s'estime malheureuse et au bout du rouleau. Sa vie d'épouse et de mère ne l'enchante plus. Elle se sent éteinte. Stella, la cadette, est spectatrice de son vague à l'âme, mais n'ose pas l'aborder pour l'encourager à davantage de confidences. Elle-même n'est pas venue le coeur léger, elle aussi a peur de grandir et ne se retrouve plus dans sa relation actuelle.
Et ainsi, mis bout à bout, les histoires de cette famille nous touchent et nous prennent par la main. Il règne une belle et délicate ambiance, sous ce climat breton, ensoleillé et ronronnant. C'est doux, réconfortant. Un nid douillet, même si les fantômes font leur sieste. Il n'y a pas de portes qui claquent, pas de révélations qui font mal, pas de gifles qui sifflent dans l'air. C'est davantage dans l'introspection que les membres de cette famille vont se bousculer, et personnellement cela m'a vraiment plu.
J'ai beaucoup aimé cette ambiance que j'ai trouvée chaleureuse et tendre, même derrière le dépit et l'amertume. C'est un roman sur les secrets de famille qui ne revendique aucune prétention, et je l'aime pour ça.

Les yeux au ciel - Karine Reysset
Editions de l'Olivier (2011) - 190 pages - 17€
EN LIBRAIRIE LE 3 MARS.

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13/05/10

Un automne à Kyoto (Karine Reysset) & Le tueur à la cravate (Marie-Aude Murail)

A suivre, deux romans récemment publiés par l'école des loisirs.

Je commence par mon préféré : Un automne à Kyoto de Karine Reysset.

Un_automne_a_Kyoto_de_Karine_ReyssetC'est un petit roman très attachant, qui raconte le voyage de Margaux au Japon (son père a obtenu une bourse pour résider à la Villa Kujoyama de Kyoto). En plus d'être dépaysante et poétique, l'histoire nous invite à explorer les états d'âme de l'adolescente dont le petit monde est en train de se fissurer de partout. D'abord, il y a la distance qui s'installe avec son petit copain, resté à Saint-Malo, puis l'humeur morose de son père, accaparé par son travail, et l'absence de leur mère, qui ne les a pas accompagnés à cause de son travail, et enfin Eric, leur voisin photographe, qu'on nous présente avec un sourire carnassier et qui, à force de croiser Margaux, va affoler les battements de son coeur. 

C'est une histoire touchante, avec quelques pointes d'amertume, sur ce qui fait et défait un lien, sur ce qui fait grandir aussi, sur les petites choses belles, touchantes, émouvantes, celles qu'on regrette, celles qu'on ne supporte plus. Ce beau voyage au Japon va faire exploser le coeur et la tête de Margaux, mille sensations sont attendues, avec cette petite phrase qui dit peu et tout à la fois : " Kyoto, il est temps que je parte, tu m'as ensorcelée, divine, tu m'as presque rendue folle, tu nous as tous rendus fous. Tu vas me manquer. "

Vraiment un joli roman qu'offre Karine Reysset, qui s'inscrit entre le carnet de voyage et le roman d'apprentissage, enrichi d'haïkus et d'illustrations sur les paysages de Kyoto.

Coll. Médium, EdL (2010) - 176 pages - 10,00€
illustration de couverture :  Hélène Millot

Le deuxième livre est celui de Marie-Aude Murail, Le tueur à la cravate.

Le_tueur_a_la_cravateJe crois avoir été plus emballée par le journal de bord que par l'histoire policière elle-même. En effet, sur quelques 70 pages, l'auteur nous raconte son métier d'écrivain et la lente élaboration de son dernier roman (pour tous ceux qui se posent la question, d'où vous vient l'inspiration, comment naît un roman, vous serez servis !). Donc, Marie-Aude Murail vient de terminer Malo de Lange et songe déjà à son prochain projet - un livre sur la mythologie grecque ou les réseaux sociaux du net. (Finalement, MAM optera pour la deuxième option.) Et c'est tout simplement cocasse de la suivre sur les pistes des blogs, de sites des copains d'avant, de facemachin, une sorte de pélerinage dans un pays inconnu qui la déconcerte et la met mal à l'aise. (Bon, il faut noter que l'auteur est absolument farouche au principe d'exhibition, mais elle ne juge pas, elle s'interroge et elle pose un regard innocent et sévère à la fois.)

Bien sûr, il y a d'abord le roman à lire pour frissonner de plaisir. Le Tueur à la cravate se veut un très bon thriller, où tout commence quand deux adolescentes postent la photo de classe des parents de Ruth sur un site du genre perdu-de-vue. A partir de là, les vieux démons vont se réveiller car nos demoiselles ignorent qu'un macabre fait divers a secoué la classe de TC3 qui appartenait au père de Ruth, à sa mère et la soeur jumelle de celle-ci. Vingt ans plus tôt, donc, cette dernière a été sauvagement étrangée, le corps jeté dans la Charente, le meurtrier mis sous les verroux, même si pendant un temps c'était le père de Ruth, lui-même, qui avait été suspecté. Aujourd'hui chirurgien estimé, Vincent Cassel élève seul ses deux filles, depuis la mort soudaine de son épouse. C'est beaucoup pour un seul homme, pense-t-on.

L'histoire nous en montrera d'autres, des vertes et des pas mûres, et durant une lente et haletante montée en pression, l'intrigue ressert son étau de façon inexorable (même si j'avais facilement deviné la fin). Malgré tout, cette histoire policière ne prend pas ses lecteurs pour des idiots, il y a des morts, des suspects, des psychopathes et des beaufs. Au milieu, on suit une jeune fille qui, en perte de repères, ne va plus savoir à qui accorder sa confiance (et on la comprend tout à fait !). C'est un roman noir, à l'ambiance oppressante. Et je crois que, pour un lecteur qui n'est pas encore trop usé par les ficelles du genre, ce livre conviendra parfaitement.

coll. Médium, EdL (2010) - 362 pages - 11,50€
illustration de couverture :  Franck Juery

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29/07/08

Comme une mère - Karine Reysset

Deux femmes se croisent dans une maternité. Emilie est une jeune paumée de dix-huit ans qui va accoucher sous X. Judith est une femme mariée mais meurtrie par les nombreuses fausses couches. Toutes deux vont vivre une expérience bouleversante, à jamais traumatisante.

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Donnant tour à tour la voix aux deux protagonistes, le roman permet ainsi de mettre en parallèle leur désespoir, leur détresse et leur part sombre qui ne demande qu'à être enfouie. Ce sont deux portraits de femmes, deux écorchées vives qui se ressemblent au-delà de leurs différences. Elles manifestent, toutes deux, et à leur façon, le même besoin de materner, de cajôler, de s'affranchir des fantômes planqués dans les placards. Emilie a un lourd passé derrière elle, Judith a le corps blessé et vieilli par tant d'espoirs déçus. Le désoeuvrement peut s'expliquer, mais pas se pardonner. Jusqu'où peut-on prétendre agir par amour ? Le sacro saint instinct maternel, ici, est passé à la moulinette de manière à détrousser les idées reçues. Quel est-il ? Enfanter vous donne-t-il un droit ? Et que devient-on lorsqu'on vous refuse cet enfant ?

Un sujet douloureux court à travers les lignes de ce roman, c'est vrai que tout n'est pas drôle et qu'on y lit un puissant désarroi chez ces deux femmes. Comme à son habitude, Karine Reysset écrit une histoire à fleur de peau et d'émotion. Elle nous sert sur plateau toute l'empathie à ressentir pour Emilie et Judith et franchement ça marche. Lecture rapide, touchante mais pas larmoyante, cet ouvrage parle des démons qui vous engloutissent et des étincelles de bonheur pour reprendre du poil de la bête. J'ai trouvé que c'était tout à fait honnête et recommandable !

Comme une mère - Karine Reysset

Editions de l'Olivier, mars 2008 - 180 pages - 18€

D'autres avis : Amanda & Cathulu ; Laure ... toutes trois éblouies et marquées par cette histoire.

Posté par clarabel76 à 09:00:00 - - Commentaires [14] - Permalien [#]
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