Le Plan extravagant de Vita Marlowe, de Katherine Rundell
Le grand-père de Vita ne décolère pas : on vient de le déposséder de son précieux château. Un domaine familial du nom de Hudson Castle qui tombait peut-être en ruine mais qui renfermait des trésors de souvenirs. L'homme est vieillissant et désabusé quand Vita et sa mère débarquent d'Angleterre pour le soutenir.
En écoutant son histoire, elles réalisent alors que Grand-père Jack a été abusé par un certain Victor Sorrotore (un escroc notoire affilié à la pègre). Petite précision : l'histoire se déroule dans les années 20 durant la Prohibition. Cet homme a ainsi constitué sa richesse au gré de marchés mafieux et se présente comme un ennemi redoutable.
Pourtant, Vita décide de défier ce type et n'hésite pas à se rendre chez lui. Pour réclamer le bien de son grand-père. Mais aussi prétendre que la propriété cache un collier d'émeraudes ayant appartenu à sa grand-mère et que la famille est en droit de le récupérer.
En réponse, les prunelles de Sorrotore brûlent de colère (et de convoitise). Il houspille la gamine, non sans noter après coup qu'elle a réussi à lui chiper une bague très importante. Il lance alors ses sbires à ses trousses pour reprendre son bijou et éliminer ce parasite.
Cependant, la jeune Vita a déjà élaboré un plan... extravagant. Comme recruter des acrobates ou des prestidigitateurs afin de se faufiler dans Hudson Castle pour retrouver les pierres précieuses. La demoiselle fait alors trois rencontres déterminantes : tout d'abord Silk, une pickpocket qui œuvre en solo, puis Arkady et Samuel, qui ambitionnent de décrocher un numéro de premier ordre au cirque.
Tous trois se laisseront convaincre par cette demoiselle intelligente et intrépide (malgré son pied handicapé suite à la polio). Et ensemble ils vont se lancer dans ce projet insensé mais tellement palpitant à suivre !
Et quelle lecture ! Le ton est vif et entraînant. Le cadre new-yorkais des années 20 sonne merveilleusement bien. Les personnages donnent des frissons. Les héros sont attachants. L'action ne manque pas. Et l'émotion n'est pas si loin... En clair, c'est un fantastique roman, écrit par une conteuse hors pair qu'on ne présente plus.
Ou lisez Cœur de loup ou L'Explorateur ou Le Ciel nous appartient, si vous en doutiez encore... ♥
Gallimard Jeunesse, 2021 - Traduit par Alice Marchand
⭐⭐⭐⭐
L’explorateur, de Katherine Rundell
Quatre enfants survivent au crash de leur avion qui survolait la forêt d'Amazonie... Désormais seuls au monde, dans un milieu inconnu et hostile (avec des caïmans, des mygales, des serpents), Fred, Connie, Lila et Max vont vivre l'Aventure de leur vie !
La couverture aux couleurs chatoyantes laissait déjà entrevoir la perspective d'un voyage incroyable, avec toutes sortes de découvertes et de rencontres étonnantes. Attendez-vous à une expédition hors du commun ! Car nos mômes vont prendre leur courage à deux mains pour se sortir de cette impasse, après avoir compris que ça ne sert à rien d'attendre les secours. S'organisant d'abord pour trouver un abri et de la nourriture, ils vont ensuite avancer dans la jungle pour explorer les environs. Ils vont tomber sur un campement abandonné et imaginer qu'ils ne sont plus seuls. Après tout, il existe de nombreux explorateurs égarés qui nourrissent les légendes...
En tout cas, l'histoire est surprenante avec quatre jeunes héros qui vont tout déchirer. Loin de rester en mode fœtus, tout en geignant sur leur triste sort, ils se comportent comme des enfants qui ont certes la trouille mais qui se débrouillent. Ils observent les singes, se tartinent de fourmis écrasées pour chiper le miel des abeilles, bravent des vautours pour sauver un bébé paresseux. Ils construisent aussi un radeau, décryptent des cartes et voguent au péril de leur vie.
Parfois je me demandais si ce n'était pas un conte que je lisais, et puis non. C'est un vrai roman d'aventures. Pur et dur. Avec une forêt tropicale comme terrain de jeux, des espèces sauvages et une nature pleine de mystères. C'est exaltant. Nos jeunes baroudeurs n'étaient sans doute pas préparés à vivre une telle galère mais vont surmonter les obstacles avec brio. Grâce à leur sens de l'entraide et leur instinct de survie, ils vont ainsi se tirer de situations dangereuses.
Quel roman ! C'est prodigieusement bluffant. On croit rêver tout du long. Bravo Katherine Rundell !
Gallimard Jeunesse (2019) - Traduit par Alice Marchand
Couverture et illustrations par Hannah Horn
En poche ! Cœur de loup, de Katherine Rundell
C'est d'abord l'histoire d'une couverture aux couleurs chatoyantes autour d'une petite maison en bois. Là, vivent Féodora et sa mère Marina, qui ont pour vocation de rendre aux loups leur état sauvage.
Dans cette Russie de Pierre le Grand, il était coutume d'en posséder pour épater la galerie. Mais à trop lui donner l'illusion d'être un membre familier, capable d'être domestiqué, le loup a perdu tous ses repères. Et lorsque ses bas instincts se réveillent, le carnage s'ensuit. Les bêtes condamnées étaient alors expédiées chez des maîtres-loups chargés de leur réapprendre à être sauvages (à l'époque, tuer un loup porte malheur). Seulement, des détracteurs ont rapidement sonné le tocsin et commencé à pourchasser les possesseurs de loups accusés, par exemple, de massacrer le gibier du Tsar.
Par une froide soirée d'hiver, l'armée impériale débarque chez Marina pour l'arrêter sans ménagement, avant de mettre le feu à la maison. Féo parvient à s'enfuir avec leurs trois loups, Nox, Blanche et Patte-Grise. Se sentant humilié par cette fillette trop fougueuse qui a réussi à l'éborgner, le général Rakov lance ses troupes à sa recherche. Féo tombe ainsi sur Ilya, un apprenti soldat terrorisé aussi bien par les loups que par les réprimandes à venir s'il faillit à sa mission. Toutefois, Féo parvient à le convaincre de se rendre avec elle jusqu'à Saint-Pétersbourg pour sauver sa mère.
Esthétiquement, le roman est une vraie réussite, pour le charme qu'il dégage, pour la promesse d'une épopée lointaine et folklorique, pour le cadre de la sublime Russie et ses hivers rigoureux. L'histoire, ensuite, raconte une aventure fascinante avec une héroïne audacieuse, toujours escortée de ses loups. Une pasionaria exaltée par sa soif de justice, qui mobilise les foules et se lance dans des défis qui surpassent la simple action de délivrer sa mère. En effet, la littérature vient à la rescousse des opérations - on gratte les enluminures en or avant de mettre ses chaussons de danse pour entamer une ballet trompeur et faire entendre la vox populi. Instant magique, inoubliable. Cette histoire d'un grand classicisme ne peut que subjuguer son lecteur, par son univers très élaboré et néanmoins fantaisiste, par ses légendes et ses messages de tolérance. On est pas loin du conte, entre rêve et réalité, fable et vérité. En tout cas, c'est envoûtant.
Folio Junior (2019) - Trad. par Emmanuelle Ghez [The Wolf Wilder]
Couverture & Illustrations de Gelrev Ongbico
Du même auteure, vient de paraître : L’explorateur
Cœur de loup, de Katherine Rundell
Alléchée par cette magnifique couverture et les illustrations de Gelrev Ongbico, j'ai pris une longue inspiration avant de me plonger dans ce petit bouquin de 330 pages. En vrai, la couverture est encore plus belle, avec un titre en gris argenté et des couleurs chatoyantes autour de la petite maison en bois.
Là, vivent Féodora et sa mère Marina, qui ont pour vocation de rendre aux loups leur état sauvage. Dans cette Russie de Pierre le Grand, il était coutume de posséder cet animal pour épater la galerie. Mais à trop lui donner l'illusion d'être un membre familier, capable d'être domestiqué, le loup a perdu tous ses repères. Et lorsque ses bas instincts se réveillent, le carnage s'ensuit. Les bêtes condamnées étaient expédiées chez des maîtres-loups chargés de leur réapprendre à être des loups (à l'époque, tuer un loup porte malheur). Seulement, des détracteurs ont rapidement sonné le tocsin et commencé à pourchasser les possesseurs de loups accusés, par exemple, de massacrer le gibier du Tsar.
Par une froide soirée d'hiver, l'armée impériale débarque chez Marina pour l'arrêter sans ménagement, avant de mettre le feu à la maison. Féo parvient à s'enfuir avec leurs trois loups, Nox, Blanche et Patte-Grise. Mais le général Rakov, humilié par cette fillette trop fougueuse qui a réussi à l'éborgner, lance toutes ses troupes à sa recherche. Au cours de son escapade, l'enfant rencontre Ilya, un apprenti soldat terrorisé aussi bien par les loups que par les réprimandes à venir s'il faillit à sa mission. Aussi farouche que convaincante, Féo choisit pour lui son destin et l'embarque avec elle jusqu'à Saint-Pétersbourg pour sauver sa mère.
Esthétiquement, le roman est une vraie réussite, pour le charme qu'il dégage, pour la promesse d'une épopée lointaine et folklorique, pour le cadre de la sublime Russie et ses hivers rigoureux. L'histoire, ensuite, raconte une aventure fascinante et riche en émotions avec une héroïne audacieuse toujours escortée de ses loups. Une pasionaria exaltée par sa soif de justice, qui mobilise les foules et se lance dans des défis qui surpassent la simple action de délivrer sa mère. En effet, la littérature vient à la rescousse des opérations, on gratte ainsi les enluminures en or avant de mettre ses chaussons de danse pour entamer une ballet trompeur et faire entendre la vox populi. Instant magique, inoubliable. Cette histoire d'un grand classicisme nous subjugue, par son univers très élaboré et néanmoins fantaisiste, par ses légendes et malgré tout ses messages de tolérance. On est aussi pas loin du conte, entre rêve et réalité, fable et vérité. Toujours est-il que ce roman s'inscrit à merveille lors des veillées au coin du feu pour partager un bout d'imaginaire captivant.
Gallimard Jeunesse, septembre 2016 - Trad. par Emmanuelle Ghez [The Wolf Wilder]
Couverture & Illustrations de Gelrev Ongbico
Le Ciel nous appartient, de Katherine Rundell
Bénéficiant d'une reprise en format poche, ce roman est une petite pépite littéraire à découvrir sans hésiter !
Sophie a survécu au naufrage d'un paquebot, après avoir été découverte dans un étui à violoncelle flottant au beau milieu de la Manche. Charles Maxim, un doux rêveur, a pris l'enfant sous son aile, lui promettant une existence harmonieuse et libre de toute contrainte. Ce ne sera pas du goût des services sociaux, qui vont établir que la demoiselle, à l'âge de 12 ans, ne peut plus partager le même toit qu'un célibataire du sexe opposé.
Charles et Sophie plient bagage pour la France où ils espèrent retrouver la trace de la mère de la jeune fille. Depuis toujours, elle est convaincue que celle-ci existe et l'attend quelque part. Charles n'a jamais prétendu le contraire, sans totalement l'encourager dans ses fantasmes. Après tout, « you should never ignore a possible » ! La suite de l'aventure est tout aussi stupéfiante, fantasque et exubérante.
Car cette lecture fait du pied à votre âme d'enfant, elle lui redonne du souffle et un formidable élan qui vous fait gravir des sommets (ceux des toits de Paris !). L'ambiance est magique, pleine de tendresse, de poésie, de fougue et d'espoir. Sophie et Charles sont deux personnages enchanteurs, elle amoureuse des livres et maladroite, lui “parlant anglais aux personnes, français aux chats et latin aux oiseaux”. Quel beau duo !
Leur cavale, menée sous le signe de l'espoir, ponctuée de jolies rencontres (Matteo et sa bande de danseurs du ciel), offre un plaisir rare d'évasion et de fraîcheur. À déguster avec un sourire béat aux lèvres.
Traduit par Emmanuelle Ghez - Illus. de couverture : Antigone Konstantinidou
Folio Junior N°1767 - Septembre 2016
Le ciel nous appartient, de Katherine Rundell
« Sophie eut du mal à tenir en place. Elle mordilla le bout de sa natte. Elle remua les orteils en tous sens. Elle s'interdit de se ronger l'ongle du pouce, puis se désobéit. Finalement, elle avait presque rejoint le pays des songes quand trois violons, un violoncelle et un alto entrèrent en scène, escortés par leurs musiciens.
Ils se mirent à jouer, et ce fut une musique différente. Plus douce, et plus sauvage aussi. Sophie se redressa convenablement, puis s'avança tellement sur son siège qu'à peine un centimètre de son postérieur le touchait encore. C'était si beau qu'elle en avait le souffle coupé. Si la musique avait émis une lumière, pensa Sophie, alors cette musique-là aurait été éblouissante. C'était comme si toutes les voix de tous les chœurs de la ville résonnaient ensemble dans une seule et unique mélodie. Elle eut l'étrange sensation que son cœur se gonflait dans sa poitrine.
- C'est comme huit mille oiseaux, Charles ! Charles ! Tu ne trouves pas que c'est comme huit mille oiseaux ?
- Oui ! Mais chut, Sophie.
La mélodie s'accéléra, et le cœur de Sophie battit la mesure. C'était famillier et nouveau à la fois. Ça lui chatouillait les doigts et les orteils.
La fillette n'arrivait plus à tenir ses jambes tranquilles. Elle s'agenouilla sur son siège. Puis, au bout d'un moment, elle se risqua à un murmure : Charles ? Écoute ! Le violoncelle ! Il chante, Charles !
Quand le morceau prit fin, elle applaudit jusqu'à ce que tous les autres spectateurs aient cessé d'applaudir et jusqu'à ce que ses mains brûlent et se couvrent de taches rouges. Elle applaudit jusqu'à ce que tous les regards soient tournés vers elle, la petite fille aux cheveux de la couleur des éclairs, et dont les yeux et les souliers illuminaient toute la deuxième rangée.
Il y avait un je-ne-sais-quoi dans cette musique qui parlait à Sophie.
- J'ai l'impression, expliqua-t-elle à Charles, d'être chez moi. Tu vois ce que je veux dire ? C'est comme une bouffée d'air pur. »
Sophie a survécu au naufrage d'un paquebot, après avoir été découverte dans un étui à violoncelle flottant au beau milieu de la Manche. Charles Maxim, un doux rêveur, a pris l'enfant sous son aile, lui promettant une existence harmonieuse et libre de toute contrainte. Ce ne sera pas du goût des services sociaux, qui vont établir que la demoiselle, à l'âge de 12 ans, ne peut plus partager le même toit qu'un célibataire du sexe opposé.
Charles et Sophie plient bagage pour la France où ils espèrent retrouver la trace de la mère de la jeune fille. Depuis toujours, elle est convaincue que celle-ci existe et l'attend quelque part. Charles n'a jamais prétendu le contraire, sans totalement l'encourager dans ses fantasmes. Après tout, « you should never ignore a possible » ! La suite de l'aventure est tout aussi stupéfiante, fantasque et exubérante.
Car cette lecture fait du pied à votre âme d'enfant, elle lui redonne du souffle et un formidable élan qui vous fait gravir des sommets (ceux des toits de Paris !). L'ambiance est magique, pleine de tendresse, de poésie, de fougue et d'espoir. Sophie et Charles sont deux personnages enchanteurs, elle amoureuse des livres et maladroite, lui “parlant anglais aux personnes, français aux chats et latin aux oiseaux”. Quel beau duo !
Leur cavale, menée sous le signe de l'espoir, ponctuée de jolies rencontres (Matteo et sa bande de danseurs du ciel), offre un plaisir rare d'évasion et de fraîcheur. À déguster avec un sourire béat aux lèvres.
éditions des Grandes Personnes, août 2014 ♦ traduit par Emmanuelle Ghez (Rooftoppers) ♦
Prix Sorcières Romans Juniors 2015